Interview. Alexander Hug, directeur adjoint de la Mission spéciale d’observation de l’OSCE en Ukraine depuis avril 2014, déplore l’accès limité aux zones tenues par les rebelles.
Peut-on dire qu’une partie viole le cessez-le-feu davantage qu’une autre?
C’est très difficile à dire, car il faut mesurer ce qu’est une violation. Nous avons vu des endroits où les tirs démarrent avec une personne ivre, auxquels on riposte même si elle n’avait pas l’intention d’attaquer. Il y a des cas d’attaque au petit mortier, auxquelles on répond par de plus gros mortiers jusqu’à un échange de feu plus large. C’est très difficile alors de démêler les faits et d’assigner les responsabilités.
Quand Kiev indique ne faire que riposter à un tir ennemi, ce n’est donc pas toujours le cas.
Le fait est que des armes lourdes sont utilisées par les deux côtés. Ce n’est pas qu’un côté qui utilise les armes lourdes et l’autre qui ne ferait que se défendre avec de plus petites armes. Il y a une violation égale des points 1 et 2 des Accords de Minsk par les deux parties. Ce serait spéculer que de vouloir tenter de quantifier d’où la majeure partie des violations vient.
Qu’en est-il du contrôle de la frontière avec la Russie d’où continuent de se déverser des armes pour les rebelles?
Il est vrai que nous avons des difficultés d’accès à la frontière, en particulier du côté de Lougansk. C’est un fait, il y a un blocage de la part de la prétendue République populaire de Lougansk (LNR). Ce n’est pas parce que c’est trop risqué que nous n’y allons pas, mais parce qu’on ne nous laisse pas aller plus loin. Ce n’est pas à nous d’en tirer des conclusions. Les leaders de la prétendue République populaire de Donetsk (DNR) et de la LNR ont signé les Accords de Minsk. Ils ont un engagement ferme dans ce processus. Ils avancent des problèmes techniques ou de sécurité pour justifier le blocage de l’accès aux frontières.
La mission comprend des observateurs russes. Les combattants ukrainiens pensent que ce sont des espions. Que leur répondez-vous?
La Russie est membre de l’OSCE et contribue à cette mission financièrement, ainsi qu’avec des observateurs. Mais la participation de la Russie n’est pas aussi élevée qu’on le dit parfois, elle n’excède pas 10% des effectifs. Deux tiers des effectifs viennent des pays membres de l’UE. Nous avons entendu les accusations selon lesquelles certains membres ne respecteraient pas les règles du jeu. Mais personne n’a jamais apporté de preuve à notre mission d’un manque de respect à notre code de conduite. Quiconque rompt la confidentialité sera sujet d’une enquête interne et peut être renvoyé. Les membres de la mission ne travaillent pas pour leur capitale, ils travaillent pour l’OSCE. Je comprends cette inquiétude. Si une personne ne respecte pas nos règles, cela peut ruiner notre mission.
Alexander Hug
Juriste de formation, officier de l’armée suisse, il a participé à plusieurs missions de l’OSCE, notam-ment en Bosnie-Herzégovine, avant de rejoindre l’Ukraine au printemps 2014.