Zoom. Fermeture de magasins, défaillances techniques: le fameux fabricant de vélos électriques suisses n’a toujours pas atteint le seuil de rentabilité. Son fondateur reste optimiste et vise les Etats-Unis.
Robert Gloy
Avec des ventes annuelles qui ont été multipliées par 20 depuis 2006, pour atteindre 58 000 unités en 2014 selon les chiffres de Vélosuisse, le marché du vélo électrique en Suisse connaît un essor remarquable. Et, pourtant, l’un de ses principaux acteurs, la marque Stromer, montre des signes d’essoufflement.
Non seulement deux de ses magasins ont fermé leurs portes fin 2014, à Lausanne et à Binningen (BL), mais ses modèles ont aussi été retirés en janvier de la filiale M-Way de Migros, leader du secteur (l’enseigne lausannoise Tandem continue de représenter la marque). Autres signes révélateurs: la marque bernoise est à la recherche d’investisseurs et Erwin Steinmann, CEO du groupe BMC Switzerland, auquel Stromer appartient depuis 2013, est même allé jusqu’à évoquer la possibilité d’une vente.
Fondée en 2009 par Thomas Binggeli, Stromer a su se distinguer par la fabrication de vélos électriques high-tech dotés d’une grande autonomie, de connectivité numérique et d’une batterie intégrée dans le cadre. Des caractéristiques qui ont séduit une clientèle sportive à la recherche de design et de vitesse. Et entraîné des taux de croissance annuels de 23%. Rien n’y fait, les bénéfices ne sont toujours pas là.
Ce qui n’inquiète guère le fabricant. Et de préciser qu’il est encore en phase de développement, surtout vers l’étranger. Cette analyse n’est pas vraiment partagée par les observateurs du marché, tels qu’Urs Rosenbaum, rédacteur en chef de la revue spécialisée Cyclinfo: «Stromer mise sur des modèles qui nécessitent des pièces confectionnées sur mesure, dont la production est très chère. Un mode de fabrication qui se reflète d’ailleurs dans le prix élevé, de 4000 francs en moyenne. D’où la difficulté pour la marque de trouver un modèle rentable. Elle a en plus été frappée par un taux de retour assez élevé lié à des défaillances techniques, ce qui représente également un coût considérable.» Urs Rosenbaum fait encore remarquer que l’entreprise bernoise «ne propose pas de VTT électriques, la grande tendance du moment. Et il y a de plus en plus de fabricants qui sortent des modèles high-tech moins chers que les vélos Stromer.»
Un suivi assuré
La fermeture des magasins de Lausanne et de Binningen aini que la décision de M-Way de retirer les vélos de la marque ne doivent pas être surinterprétées, assure Thomas Binggeli. La fin de ces deux Stromer Stores – il en existe d’autres à Genève, Bâle, Zurich et Berne – serait plutôt liée à des problèmes de communication interne: «Nos vendeurs doivent maîtriser des connaissances techniques exceptionnelles, démontrer de réelles capacités commerciales pour vendre des modèles plutôt haut de gamme. Il semble que nous n’ayons pas réussi à transmettre l’esprit de Stromer dans ces deux magasins.»
Autre raison de ces fermetures: les surfaces de vente. «Il aurait fallu davantage d’espace afin de mettre les modèles en avant. A Genève, où la superficie est beaucoup plus grande, nous en avons vendu cinq fois plus qu’à Lausanne.» Quant à la fin de Stromer dans les magasins M-Way, les deux parties soulignent que seules les stratégies de distribution et de commercialisation sont en train d’être réexaminées et qu’une nouvelle collaboration à l’avenir est tout à fait possible.
La marque confirme par ailleurs que le réseau des détaillants assure le service après-vente des vélos achetés dans les points de vente qui ont fermé.
Le futur, Thomas Binggeli le voit sur le marché américain: «Nous considérons les Etats-Unis comme notre marché d’avenir le plus important, tout en laissant la porte ouverte à un renforcement de la présence sur le marché suisse. Si l’occasion se présente, nous pourrions même envisager de nouvelles collaborations à Lausanne.»