Reportage. Le photographe suisse Zalmaï, lui-même ancien réfugié afghan, vient de passer trois semaines à Idomeni, ancien point de passage entre la Grèce et la Macédoine pour les migrants qui tentent d’emprunter la route des Balkans. Désormais fermée.
«Le plus choquant, pour moi, est que cette situation catastrophique ait lieu en Europe. Nous sommes capables de réunir 60 000 personnes pour un concert, mais pas de gérer 12 000 malheureux échoués dans le froid, sous la pluie, sans presque rien à manger. C’est inhumain de traiter ces gens, surtout les enfants, de cette manière-là.» Le photographe suisse Zalmaï est secoué par ce qu’il a vu à Idomeni, ville frontière entre la Grèce et la Macédoine. Il vient de passer trois semaines sur ce point qui était un passage mais ne l’est plus à la suite de la fermeture de la route des Balkans. Celle-ci menait les migrants de la Grèce au nord de l’Europe.
Sur place, Zalmaï a assisté au verrouillage progressif de la frontière, d’abord aux «migrants économiques», puis aux Afghans, avant que les portes ne soient condamnées. Il a pu juger de la violence des forces de l’ordre macédoniennes face aux manifestations ou aux tentatives de passage de la frontière. Il a constaté l’absence de l’armée grecque sur place, occupée à construire de nouveaux hot spots d’accueil dans la région. Il a en revanche admiré le travail de volontaires venant de toute l’Europe, Suisse comprise, pour soutenir les migrants syriens, irakiens ou afghans avec de la nourriture, des médicaments, des vêtements.
Il a vu aussi les conflits sur place entre les exilés d’Aghanistan et ceux du Moyen-Orient. Lui-même originaire de Kaboul, contraint de quitter à 15 ans son pays à cause de la guerre avant de trouver refuge à Lausanne, Zalmaï a fait ce qu’il a pu pour aider les familles afghanes sur place, parlant leur langue. Il a surtout fait son travail de témoin, attentif aux regards, aux enfants si nombreux, aux corps perdus au milieu d’une zone ferrée et barbelée.
Voilà plusieurs mois que le photographe se concentre sur les réfugiés de guerre qui tentent leur chance en Europe. Il s’est déjà rendu en Turquie, en Grèce, en Hongrie, en Serbie ou en Croatie. Il a également tourné un film documentaire, Desperate Journey, avec l’ONG Human Rights Watch (présenté le 17 mars à Londres).
Lundi dernier, des centaines de migrants ont tenté de traverser une rivière pour gagner la Macédoine. Trois d’entre eux se sont noyés. La plupart de ces personnes ont été renvoyées en Grèce la nuit suivante.
Pas de doute, cette fois, les portes de l’Europe sont bien fermées.