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La Suisse bientôt à la pointe de la vente d’insectes comestibles?

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Jeudi, 26 Janvier, 2017 - 05:54

Anaelle Vallat

Zoom. Le Conseil fédéral autorise, dès le 1er  mai prochain, l’élevage et la vente en tant que nourriture de trois sortes d’insectes. La Suisse est le premier pays européen à légiférer sur ces denrées, ce qui lui donne un avantage compétitif face au reste du continent.

En 2014, un engouement soudain pour les insectes comestibles s’est manifesté en Europe. Grillons à croquer à l’apéro, boulettes de vers de farine ou encore tapenade de criquets ont envahi les marchés et provoqué un pic médiatique. Ce business, soumis à aucune réglementation, a rapidement pris de l’ampleur. Mais en 2015, Bruxelles marquait un coup d’arrêt en plaçant ces denrées dans la catégorie «novel food», afin d’encadrer leur commercialisation.

Les entreprises ont désormais l’obligation de demander à l’Autorité européenne de sécurité des aliments une évaluation préalable avant d’obtenir une autorisation de vente. En France et aux Pays-Bas, certains produits ont déjà été interdits.

Pour normaliser leurs produits, les sociétés européennes doivent entreprendre des tests coûteux, que peu de start-up sont prêtes à financer. Et si personne ne se lance d’ici à 2018, les insectes ne pourront plus être commercialisés en Europe.

La Suisse pionnière

Alors que l’Europe resserre ses normes, la Suisse, qui jusque-là interdisait toute commercialisation, assouplit ses lois. Le ver de farine, le grillon et le criquet migrateur sont considérés comme des denrées selon le nouveau droit alimentaire, qui entrera en vigueur le 1er mai prochain. La Suisse devient ainsi le premier pays du continent à légiférer sur la question des insectes.

Un atout de taille. «La Suisse peut devenir un pays compétitif dans ce marché en expansion, maintenant restreint dans d’autres pays, explique Jürgen Vogel, président de l’association Grimiam, qui milite depuis 2013 pour sensibiliser la population à la consommation d’insectes. Une réglementation claire donne aussi à la Suisse un cadre sûr et pérenne pour les investisseurs.»

Michaël Berdat, cofondateur de la start-up valaisanne Groozig, a fait des insectes comestibles sa spécialité. Depuis sa création en 2014, sa start-up est pourtant en stand-by: «Vu qu’on ne peut rien commercialiser, l’entreprise n’a pas de revenu.» Ces deux dernières années, elle s’est consacrée à son site internet pour faire connaître l’entomophagie. Elle a aussi développé des recettes avec des chefs de cuisine pour tenter de rendre ces petites bêtes appétissantes.

«On a organisé des dégustations d’insectes pour sensibiliser les gens à ce nouveau produit», explique Michaël Berdat. Aujourd’hui, Groozig voit enfin la lumière au bout du tunnel. «Avec l’entrée en vigueur de cette loi, notre start-up va pouvoir décoller. On pense ouvrir un concept store et vendre des produits dérivés.» Essento, Entomeal, Entomos sont autant d’entreprises suisses dont les activités vont pouvoir concrètement démarrer.

Une question de culture

Les Suisses vont-ils devenir des adeptes de vers rampants et autres criquets sauteurs? Jürgen Vogel se montre sceptique. «Même si les lois tombent, il faudra du temps. C’est encore une niche, et ces denrées vont mettre dix à vingt ans avant de s’imposer.» Le spécialiste évoque une barrière culturelle.

«Promenez-vous dans les rues de Mexico, de Kinshasa ou de Phnom Penh, les insectes grillés se trouvent partout au bord des routes, comme les amandes caramélisées dans nos fêtes foraines. Mais pour les populations occidentales, les insectes sont synonymes de maladies, de décomposition, de pourriture et de saleté.»

Il y a quelques années, les crustacés faisaient l’objet d’une méfiance comparable. Manger une crevette ou une pince de crabe? Hors de question. Avec l’arrivée d’immigrants, venus avec leurs habitudes alimentaires, ces mets sont pourtant entrés dans nos mœurs et sont devenus appréciés, voire synonymes de raffinement. «Au fond, les crustacés sont les éboueurs des mers. Alors qu’un insecte se nourrit de choses végétales. C’est bien mieux», sourit Michaël Berdat. 

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