Analyse. Inconsciente, peut-être. Mais plus ouverte, bien formée et prête à relever les défis futurs. C’est ainsi que la plupart des alumni du Forum des 100 qualifient la génération actuelle.
Les jeunes sont-ils bien préparés pour faire face à ce qui les attend? Telle était la troisième question posée aux alumni du Forum des 100. Leurs cadets sont prêts à affronter l’avenir. Motivés à découvrir le monde. Dignes de confiance. Et réalistes. Les réponses positives sont quasi unanimes. Un optimisme qui repose notamment sur deux éléments: l’environnement technologique ambiant et le système de formation propre à la Suisse.
Enjeux et atouts de la génération Y
«Grâce aux réseaux virtuels, ces générations considèrent le monde – et donc leur avenir – bien au-delà des frontières», relève Frédéric Maire, directeur de la Cinémathèque suisse. Michel R. Walther, directeur de la Clinique de La Source, le confirme: «Les jeunes sont plus dynamiques et ouverts que nous qui avions davantage d’idées préconçues. Internet oblige, cela s’applique même à ceux qui ne sont guère sortis de Suisse ou du continent européen – et ils sont rares.»
Cette hyperconnexion n’aurait-elle vraiment que des avantages? «Non, les technologies entraînent un zapping mental continu, répond François Gabella, CEO de LEM International. Se forger une opinion sensée sur des sujets complexes ne peut se faire sur la base de deux tweets. Nos jeunes doivent investir du temps pour fonder leur opinion.» Benoît Gaillard, président du Parti socialiste lausannois, interroge: «Il reste à inventer les formes sociales, les institutions qui correspondent à ce mélange d’hyperconnexion et d’hyperindividualisme qui caractérise les jeunes contemporains. En sortira-t-il une hypersolidarité ou un hyperlibéralisme? Les deux sont possibles, mais le poids du capitalisme pèse en faveur de la deuxième option.»
Trop individualiste, la génération Y? Sans doute. Mais bien formée, ça, c’est certain. «Notre système de formation est excellent et largement envié», confirme Isabelle Chevalley, conseillère nationale (PVL/VD). Ses avantages? Sa dualité formation pratique-école. Mais aussi sa diversité, selon Benoît Dubuis, directeur du Campus Biotech de Genève: «Leurs cursus, sans cesse revus, leur réservent de nombreuses passerelles et possibilités de spécialisations et de post-formations.» Camille Vial, associée auprès de la banque privée Mirabaud & Cie, estime que «la réputation et la qualité de notre système de formation résident dans sa grande diversité. Les cantons étant souverains en la matière, il n’existe pas un ministre national de l’Education, mais vingt-six. Or, c’est grâce à cette pluralité que le système de formation suisse arrive continuellement à se renouveler.»
Une formation trop fragmentée
Un avis que Jacques Neirynck, conseiller national (PDC/VD), ne partage absolument pas: «La taille du pays, en comparaison internationale, ne justifie pas cette disparité. Il faut un Ministère de l’éducation nationale qui fixe les programmes sans se reposer sur le gouvernement d’assemblée de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) qui n’aboutit à rien qu’un compromis minimaliste.»
Uniformiser le système et veiller à ce que le fossé ne se creuse pas entre les différents secteurs professionnels. Ce sont là deux objectifs sur lesquels la majorité des alumni s’accorde. «Les générations montantes se distinguent de celles qui les ont précédées en ceci que la distance qui sépare les individus les mieux préparés des moins bien préparés (de par leur formation, leur engagement, leur mobilité) n’a sans doute jamais été aussi grande», relève Michel Dérobert, directeur de l’Association de banques privées suisses.
Le risque? Obtenir «une société à deux vitesses qui laisserait sur le carreau des jeunes peu qualifiés et peu mobiles, géographiquement comme socialement», répond Rebecca Ruiz, députée PS au Grand Conseil vaudois. Selon Jacques Cordonier, chef du Service de la culture de l’Etat du Valais, le défi sera alors, «dans une société parcellisée et dotée de formations marquées par des cursus éclatés, de réussir à tisser des liens et à élaborer des visions globales et collectives». Ce défi, les jeunes sauront le relever, à en croire les alumni. Mais à condition que leurs aînés leur en donnent les moyens.
Les relations intergénérationnelles
«C’est à nous de maintenir les conditions-cadres nécessaires à leur épanouissement, admet Charles Juillard, ministre du Département jurassien des finances, de la justice et de la police. En cela, le dialogue intergénérationnel doit être mieux cultivé et encouragé, de sorte qu’il devienne un atout pour les générations montantes, mais aussi pour la cohésion sociale et nationale.»
S’ils sont prêts à les soutenir et reconnaissent qu’ils sont bien formés, certains alumni osent se montrer plus critiques.
«Les jeunes générations sont frappées de plein fouet par un individualisme que leurs parents ou grands-parents ont laissé venir petit à petit. Elles ne votent plus, ne voient plus l’intérêt d’un projet collectif, d’une cause à défendre», déplore Raphaël Mahaim, député au Grand Conseil vaudois. Christophe Gallaz, journaliste et écrivain, surenchérit: «Au conformisme sidérant qui marque d’innombrables jeunes dans tout ce qui touche à leur sphère privée correspondent notoirement leur absentéisme politique et leur indifférence au sort commun.» Mathias Reynard, conseiller national (PS/VS) de 26 ans, est quant à lui plus nuancé: «si nous sommes nombreux à militer pour une Suisse de l’ouverture et aux liens forts avec l’Union européenne, nous le faisons généralement par une approche très pragmatique et sans espoirs démesurés.»
Continuant sur cette voie, Darius Rochebin, présentateur du 19:30 sur la RTS, lance une pique: «Je ne suis pas de ceux qui disent: «C’était mieux avant». Mais une grande partie des jeunes est mal préparée aux duretés du marché. Trop d’années sabbatiques sans but, trop de formations prolongées de manière vague. «Le secret de l’action, c’est de s’y mettre!» Je vois trop d’étudiants qui tardent avant d’acquérir des expériences réelles.»
Penser que les générations suivantes sont moins bien préparées est quelque chose de récurrent. Pourtant, à l’image de Jean-Marc Probst, président de Probst Group Holding, la plupart des alumni ne partage pas cet avis. «J’ai observé ces dernières années de nombreux jeunes qui sont entrés dans la vie professionnelle, dont mes trois fils. Leur niveau de formation, la rapidité avec laquelle ils étaient opérationnels et la qualité de leur travail me permettent de répondre positivement. Oui, les jeunes sont bien armés pour relever les défis de la Suisse de demain.»
«Notre génération avait beaucoup de rêves, celle d’aujourd’hui est peut-être plus réaliste», complète Maria Bernasconi, conseillère nationale (PS/GE). Je salue son pragmatisme, tout en lui souhaitant des idéaux et le courage d’essayer de les réaliser.»