Dictature estivale
Le régime est à l’été ce que la pensée unique est à la démocratie: une dictature. Chaque année, à la même période, des paquets de chips sont brûlés, des cacahouètes écrasées, des hamburgers recrachés. Les bras armés du régime s’appellent Dukan, Atkins, Montignac. Des médecins ou ex-obèses convoquant la science pour nous faire avaler (et acheter) des gélules de protéines, d’oméga 3 et de konjac. Au ministère de la propagande, on est sur le pied de guerre: Elle, Cosmopolitan ou Vogue nous rabâchent comment «s’alléger tout de suite», nous promettant «deux jours de détox et cinq de plaisir». Un corps «féminin», à défaut d’être féministe.
De leur côté, les amateurs de gras et de sucre sont traqués, conspués. Autrefois sociale, la punition réservée aux déviants est désormais aussi financière. Michael Wyler nous apprend ainsi qu’Air Samoa a décidé de faire payer ses passagers en fonction de leur poids. Un système plus «équitable» pour les maigrichons qui paient (cher) leur excédent de bagage. Une combine qui permet aussi à la compagnie d’aviation de réduire son bilan carbone. «Ryanair a même demandé à son personnel volant un peu trop rond de perdre du poids. Pour en revenir à Air Samoa, son patron estime qu’au-delà de 130 kg, un second siège est indispensable et il pense déjà équiper ses avions d’un certain nombre de sièges XXL et de les faire payer en conséquence. Un projet suivi par ses collègues du monde entier.», ajoute notre contributeur.
Au cœur de la dictature estivale, les discussions deviennent monothématiques. On ne parle que de calories, de bourrelets et de cellulite. La beauté n’a qu’un seul idéal: la minceur. Dans le milieu de la culture, on prétend souvent échapper à ce genre de considérations superficielles. Pour autant, on ne parvient pas toujours à se soustraire au terrorisme intellectuel. C’est ce que nous explique Marc Atallah, qui déplore que la science-fiction, son domaine de prédilection, ne soit pas reconnue comme un art «sérieux». «La culture possède une tendance à devenir stérile. (…) Que faire? Dois-je m’insurger contre les avis stéréotypés qui me pleuvent dessus? Eh bien, non. Je vais continuer à prendre soin de mon terrain, à y cultiver de magnifiques denrées et à proposer, radieux, des pousses à ceux qui ont compris que la beauté provient de la diversité.»
Lorsque notre conduite nous est dictée, seul notre esprit peut être sauvé. Il suffit de changer de point de vue. D’imaginer, de refaire le monde. Vous partez en vacances et vous avez fait votre valise? Regardez ce que vous y avez rangé. Un parasol pour cacher vos rondeurs à la plage, des palmes pour tonifier vos cuisses, une casquette pour fuir les radicaux libres. Regardez encore. Voyez-vous que ces objets dont vous faites un usage rébarbatif sont le fruit d’un processus créatif? «Les designers industriels imaginent et réalisent des outils et des objets qui s’insèrent dans vos habitudes au quotidien. Comme des passagers clandestins, ils se glissent dans vos bagages. Ils vous sont tellement familiers que le mot design n’effleure même pas votre esprit. Vous avez la tête ailleurs, cela va de soi.», explique le sémiologue André Vladimir Heiz.
Bon, je vois bien que vous n’y arrivez pas. Vous n’arrivez pas à oublier que vous devrez tôt ou tard exhiber votre corps sur les plages ou les terrasses des cafés. Eh bien, au lieu de vous priver de crème glacée, je vous suggère de consulter le site Terrafemina, qui a établi une liste des pratiques sexuelles avec les calories qu’elles font perdre. «Le plus performant en la matière serait le sexe debout, qui ferait dépenser 600 calories, nous rapporte Patrick Morier-Genoud. (…) Les préliminaires ne font dépenser que 90 calories en vingt minutes. Voilà un bon prétexte pour passer tout de suite aux cochonneries.» A bas le régime, citoyens!
Blogs» Politique» Le futur, c’est tout de suite
Mon affaire Tapie
Dans les années 80, Guy Sorman a joué les entremetteurs entre Bernard Tapie et François Mitterrand. Il nous raconte comment.
Guy Sorman
En 1983, un certain Bernard Tapie se lance dans le métier de repreneur qui est le contraire d’entrepreneur. Un repreneur détruit des emplois tandis qu’un entrepreneur en crée. Un repreneur a besoin d’appuis bancaires, voire de complicité qui, à l’époque, passe par le Crédit Lyonnais aux ordres de François Mitterrand. Tapie doit donc accéder à Mitterrand. Il se trouve que je connaissais les deux: Tapie parce que nous faisions du vélo ensemble dans la banlieue parisienne et le président parce qu’il aimait bavarder avec les intellectuels de tout bord. Tapie insiste tellement que je le mentionne à Mitterrand. L’œil du président s’alluma et il me dit – cela ne s’oublie pas: «Amenez-le-moi à l’Elysée, j’adore les canailles.» Ce qui fut fait à l’occasion d’un petit-déjeuner qui, du temps de Mitterrand, durait jusqu’à deux heures. Les compères s’entendront à merveille: on connaît la suite. Ma femme ne m’a jamais pardonné d’avoir ainsi joué les entremetteurs; mais il était difficile de résister aux pressions de l’un et de l’autre.
Blogs» Politique» Politique internationale
Un peu moins de naïveté, un peu plus de Pro-fessionnalisme, svp!
Les Etats-Unis écoutent et espionnent l’ensemble de la planète. Et alors?
Martine Brunschwig Graf
Grande nouvelle: les Américains écoutent et espionnent l’ensemble de la planète, à commencer par les autorités politiques et administratives de l’Union européenne. Grande nouvelle? Pas vraiment. Une simple recherche à la lecture de cette information nous indique qu’avant PRISM, il y avait ECHELON, comme nous l’apprenait Le Monde diplomatique de juillet 1999 (Philippe Rivière). Ceux qui s’étonnent aujourd’hui sont-ils de grands naïfs ou de tristes amateurs? (…)
La seule question que je me pose aujourd’hui: les services de renseignement suisses et européens sont-ils incapables, depuis 1967, de trouver une parade à cette activité d’espionnage civil? Si nous en sommes incapables, dans l’ensemble de l’Europe, il est grand temps de se poser les bonnes questions en matière de sécurisation des échanges et des transferts de données. Si nous en sommes capables, l’indignation actuelle n’a pas de sens. Si nous en sommes incapables, il est grand temps de faire le ménage au sein du renseignement helvétique et européen!
Blogs» Culture» Têtes créatives dans la ville
A prendre en s’amusant, sans en laisser
Artiste, notamment diplômée de la HEAD-Genève, Fabienne Radi a publié «Ça prend, art contemporain, cinéma et pop culture», aux Editions Mamco.
Claude-Hubert Tatot (HEAD-Genève)
Quand artistes ou commentateurs d’art célèbrent le mariage entre culture savante et populaire, ses hauts et ses bas, et convoquent à tout propos l’inquiétante étrangeté de Freud ou l’association d’images façon Warburg, Fabienne Radi met en œuvre ces notions pour, comme elle le dit, «parler de choses et d’autres ayant trait à l’art mais pas seulement et répondre par la bande à quelques questions légitimes». (…)
La critique a unanimement salué son ouvrage et sacré l’auteure: digne fille de Roland Barthes.
Faut dire que «Ça prend…» a la promptitude du ciment à sceller, la brillance de l’étoile et la légèreté de la chantilly. C’est crêpé comme une choucroute à la Bardot, monté comme Rocco et sans épingle ni prise de chignon.
Ces bonnes feuilles, assemblées comme le Dom Pérignon, pétillantes comme le Champomy, ont du bouquet et de la saveur en bouche. Troussées façon Choderlos de Laclos, les liaisons qu’elle fait entre les arts et les cultures sont risquées, réjouissantes et jamais mal à propos.
L'EXPERT*
François Cherix
François Cherix a de multiples cordes à son arc. Analyste et acteur politique, capteur d’idées et rédacteur de concepts, essayiste, ce Lausannois de 59 ans s’est spécialisé dans les domaines de la stratégie, de la communication et des relations publiques.
Licencié en droit, François Cherix a effectué divers mandats auprès d’organisations non gouvernementales. En 2000, il ouvre le bureau de conseil Paradoxes. Par ailleurs, ce père de 3 enfants travaille sur des thèmes impliquant à la fois les institutions et les citoyens, notamment la question européenne, la réforme du modèle suisse ou l’organisation de l’espace romand.
Joignant l’action à l’analyse, il a participé à la création de nombreuses associations, en particulier le Nouveau mouvement européen suisse (Nomes), dont il est l’actuel vice-président. Il fut aussi l’un des initiateurs d’une rénovation du fédéralisme par le développement d’une Suisse des régions. Elu à l’Assemblée constituante vaudoise en 1999, il est membre du Parti socialiste et, de 2008 à 2012, député au Grand Conseil vaudois. Dans son blog Ombres et lumières sur Palais fédéral, François Cherix nous apporte un éclairage sur les aspects peu visibles de la politique suisse.
* Chaque semaine L’Hebdo vous présente un de ses blogueurs.