Essai. Un ouvrage récemment paru livre une explication gentillette. Ce qui anime les «serial groupies» est bien plus vertigineux, estime notre chroniqueuse Marcela Iacub.
Si étrange que cela puisse paraître, des milliers de femmes tombent amoureuses d’assassins. Ces hommes sont parfois des tueurs en série comme Charles Manson ou Ted Bundy, auteur de 36 meurtres suivis de viols. Ou des pédophiles comme Marc Dutroux, qui reçoit des centaines de lettres d’amour d’adolescentes qui ont l’âge de ses victimes.
Et cette attirance ne porte pas seulement sur les criminels emprisonnés. Beaucoup de femmes s’associent activement à la folie meurtrière de leur compagnon. Comment oublier Monique Fourniret, rabatteuse de vierges pour son époux?
Et que penser de celles qui ont vécu plusieurs décennies avec des tueurs en série comme Dennis Rader et prétendent avoir tout ignoré de leurs crimes abominables?
En revanche, les hommes ne sont pas attirés par les femmes criminelles. Et, loin de relever du détail sans importance, cette dissymétrie semble fondamentale pour comprendre certains aspects des inégalités entre les hommes et les femmes.
Certes, les essais consacrés aux passions suscitées par les grands criminels ne s’attardent pas trop sur cet aspect du problème, car le but de ces livres n’est pas de chercher à comprendre quoi que ce soit, mais d’amuser les lecteurs en empilant des anecdotes croustillantes sur les tueurs et leurs groupies.
C’est le cas, hélas, de l’essai fraîchement paru L’amour (fou) pour un criminel*. L’auteure, Isabelle Horlans, nous explique que, si les hommes ne sont pas attirés par les femmes criminelles, c’est parce que ces dernières sont emprisonnées alors qu’eux, ils aiment les relations charnelles.
Tandis que les femmes, elles, sont assez romantiques pour supporter cette absence de contact physique. Elles préfèrent l’amour au sexe, c’est bien connu.
Attirance érotique
Il n’est pourtant pas difficile de voir que l’intérêt des femmes pour les grands criminels est surtout sexuel. Il est lié à l’attirance érotique qu’elles éprouvent pour les hommes dotés des attributs du pouvoir. En effet, ces monstres défient l’ordre existant, refusent de s’y assujettir. Ils peuvent dès lors apparaître comme l’incarnation de la figure du justicier, du héros, de celui qui cherche à construire un nouvel ordre auquel les autres se soumettront.
L’attirance qu’éprouvent ces femmes n’est pas étrangère à celles des masses pour ces mêmes criminels. Ces dernières, toutes désireuses qu’elles soient d’ordre et de répression, ressentent de la haine envers ceux qui incarnent la loi et briment ce qu’elles tiennent pour leur liberté originelle.
C’est pourquoi, elles hissent les plus grands criminels, et en particulier les tueurs en série, au rang de superstars. Ces derniers incarnent à leurs yeux une sorte d’antipouvoir, ils représentent leur liberté originelle et défient les institutions qui la briment.
En bref, l’attirance qu’éprouvent certaines femmes pour les plus odieux des criminels rend compte de la manière dont la majorité d’entre elles érotise les hommes placés dans des positions de pouvoir.
Cette érotisation explique qu’elles soient elles-mêmes si peu présentes dans les sphères politiques et dans les postes de direction des entreprises: dans ces lieux où les individus incarnent d’une manière réelle ou symbolique la virilité de la loi.
Comme si les pires ennemis de l’émancipation des femmes étaient leurs désirs et leurs fantasmes, ces forces contre lesquelles les Etats semblent impuissants. Et celles qui attribuent les inégalités à la discrimination sexiste devraient se demander sincèrement si elles n’épouseraient pas un Ted Bundy ou un Charles Manson.