Zoom. A Shanghai, la valeur des actions a plongé de 30,3% en trois semaines. La Grèce n’y est pour rien.
Madame Xu, 76 ans, aimait la Bourse. Aujourd’hui, sa foi dans les marchés financiers est mise à rude épreuve. «Même moi, un vieux membre du Parti qui a commencé à jouer dans les années 90, je n’ai plus confiance dans les régulateurs financiers», a-t-elle confessé au correspondant du Financial Times à Shanghai.
Et pourtant, les marchés d’actions chinois avaient tout pour séduire. En un peu plus d’un an, les cours ont bondi, en moyenne, de plus de 150%, enrichissant, avec les encouragements des autorités, les myriades de petits investisseurs de la classe moyenne qui ont joué à la Bourse comme on le ferait au casino. Au point que le volume des transactions de la Bourse de Shanghai a été, en mai, de cinq fois supérieur à celui de Wall Street, pourtant la référence absolue en la matière!
Crédit à gogo
Cet univers enchanté était bâti sur du sable. Il a donc suffi de peu de chose pour qu’il s’écroule. En trois semaines, il s’est effondré de 30,3%. Un tiers de la valeur a ainsi été détruit. Les inquiétudes internationales concernant le sort de la Grèce n’ont évidemment pas aidé mais, pour une fois, Athènes n’y est pour quasiment rien. Les Chinois se sont fait mal pratiquement tout seuls.
Pour acheter des actions, les petits investisseurs chinois se sont massivement endettés. Leurs courtiers, tout heureux de gagner de nouveaux clients et d’accroître les transactions, leur ont généreusement avancé des fonds sur la base des titres qu’ils allaient acheter, un système nommé prêts avec appels de marges. A tel point que certains de ces investisseurs ont pu emprunter jusqu’à vingt fois leur mise initiale! En Europe ou aux Etats-Unis, ce système est très sévèrement limité depuis la crise. En Chine, c’est le contraire qui s’est produit. La plupart des prêts ont même été accordés sans être inscrits sur les comptes des courtiers, ce qui les a rendus indétectables par les autorités de surveillance financière.
Les préoccupations de ces dernières étaient du reste ailleurs: pour pousser encore les marchés vers le haut, elles ont autorisé tout un chacun à détenir jusqu’à 20 comptes de trading. Rien qu’en mai, il s’en est ouvert 12 millions, faisant exploser le nombre de transactions, les prix et l’endettement des investisseurs.
«Si ce n’est pas une bulle, alors les bulles n’existent pas!» s’est exclamé un analyste de Credit Suisse à Hong Kong au journal Le Temps. Et, un beau jour, elle a explosé. Le lundi 15 juin, la baisse s’est amorcée: les perspectives de croissance de l’économie chinoise restant moroses, les investisseurs ont commencé à se demander si le jeu en valait toujours la chandelle. Puis la baisse s’est accélérée, alimentée par tous ces petits actionnaires surendettés et contraints de vendre des titres pour rembourser leurs emprunts, lesquels n’étaient plus couverts. Et la spirale infernale s’est emballée, au point que, le dernier vendredi de juin, on a assisté à un plongeon de 7%!
Les autorités ont bien sûr tenté de reprendre le contrôle de la situation. Baisse des taux d’intérêt, assouplissement des règles, les mesures se sont précipitées sans produire le moindre effet. Même l’engagement des grands courtiers de ne plus vendre d’actions n’a en rien arrêté la chute ni calmé les angoisses. A commencer par celles de Madame Xu.