Philippe Chassepot
Zoom. L’Evian Championship aligne les meilleures joueuses du monde. Parmi elles, de très jeunes pointures. Explication d’un mouvement de fond.«Le plus dur en golf? Les vingt premières années. Tout devient beaucoup plus simple après.» Le pertinent adage écossais ne vaut pourtant pas pour le golf féminin puisque son sommet est occupé par une génération de teenagers absolument bluffantes. Une génération qui, en partie, manifestera son talent à l’Evian Championship où s’aligneront, du 10 au 13 septembre prochain, les meilleures joueuses du globe.
Parmi cette très jeune élite, il y a bien sûr le phénomène, unique dans l’histoire du jeu, Lydia Ko, une Néo-Zélandaise de 18 ans, numéro un mondiale jusqu’à fin juillet, qui a déjà battu tout ce que le golf compte de records de précocité.
Mais aussi Lexi Thompson, victorieuse de son premier tournoi à 16 ans, et de son premier Majeur à 19. On peut également citer Kim Hyo-joo, 20 ans, vainqueur l’an passé de l’Evian Championship. Ou la Canadienne Brooke Henderson, 10e de l’US Open 2014 à seulement 16 ans.
Les raisons d’un phénomène
Parfois, ça vire à la blague. Au printemps 2014, une gamine de 11 ans a réussi à se qualifier pour l’US Open. Lucy Li y a certes manqué le cut, mais elle a marqué les esprits. Notamment celui de la Sud-Coréenne Na Yeon Choi (26 ans, 18e mondiale), sans doute le plus beau swing du circuit, qui n’a pas cru ce qu’elle a vu: «Elle pouvait sortir d’un trou avec le par ou un double bogey, elle s’en fichait complètement. Elle jouait son jeu, simplement. Moi, pour mes débuts, je me souviens que j’avais vraiment peur de perdre.»
On peut trouver des tas de raisons rationnelles pour expliquer ce mouvement de fond. Physiques, d’abord, puisque la plupart des jeunes filles peuvent s’appuyer sur un corps «définitif» dès leurs 16 ans. Jim McLean, une référence de l’enseignement américain en charge de Lexi Thompson et de la petite Li, affirme également que les demoiselles sont bien plus matures que les garçons: «Du coup, elles sont incroyablement disciplinées. Non seulement elles suivent parfaitement les leçons, mais elles sont aussi capables de faire des choses de leur côté avec une rigueur incroyable.»
L’Américaine Cristie Kerr, 36 ans et deux Majeurs, les observe et se souvient: «Moi, j’avais juste mon père pour m’accompagner. Elles, elles ont déjà toute une équipe autour d’elles: sponsors, entraîneur, coach physique, diététicien… C’est un autre monde.»
Ce déferlement n’est pas une surprise quand on se rappelle l’Américaine Michelle Wie, au début du siècle. Capable de top 10 en Majeurs à moins de 14 ans, on l’attendait telle une lame de fond. Ce ne fut pas exactement le cas, puisqu’elle a mis dix ans avant de remporter son premier tournoi du Grand Chelem, et que la domination du monde n’est plus au programme malgré sa onzième place mondiale. Mais elle annonçait déjà ce qui arrive aujourd’hui, et rien ne laisse imaginer que le processus puisse un jour s’inverser.
Personne ne s’en plaindra, ces gamines représentent la meilleure des promotions pour le golf. Leur stratégie de jeu, leur sagesse, leur comportement impeccable: elles donnent une leçon de vie à tous les niveaux. Leçons reçues par leurs aînées, telle la Taïwanaise Yani Tseng. Numéro un mondiale très tôt, vainqueur de cinq Majeurs à 22 ans, elle en a aujourd’hui 26 et regrette de s’être un peu perdue (elle est redescendue 71e mondiale). Du coup, elle a envie de les imiter: «Elles ont l’air de tellement s’amuser. J’aimerais bien retrouver cet état d’esprit-là.»