Il en est presque tombé de sa chaise, Jacques Neirynck. Une lecture attentive du budget 2014 de la Confédération lui a permis de découvrir une perle: l’an prochain, la Suisse louera une douzaine d’avions de combat Gripen, pour un montant de 245 millions de francs. Des modèles dont les performances s’étaient révélées insuffisantes lors des tests opérés par l’armée en 2008. Depuis lors, la firme Saab a promis de développer un nouveau modèle, pour lequel la Suisse s’est portée acquéreur. Mais une question taraude le conseiller national PDC: à quoi sert la location d’appareils existants inaptes à remplir leur mission? «Certainement pas à faire la police du ciel puisqu’ils en sont incapables et que celle-ci est inutile. Dès lors, tout s’éclaire: un appareil inutilisable est l’idéal pour une mission inutile. Pourvu que cela ne coûte pas trop cher. Si on veut! Car 245 millions pour ce décor en trompe-l’œil, c’est un peu démesuré. Et cela s’ajoute aux 300 millions par an versés dans une cagnotte pour acheter les Gripen définitifs vers 2023. Vraiment beaucoup d’argent. Mais il ne sera pas perdu car les Suédois, bons garçons, vont faire des commandes à l’industrie suisse de l’armement. (...) Cela vient à point nommé pour la Ruag, dont le chiffre d’affaires baisse.»
De l’argent, l’accord de libre-échange avec la Chine pourrait en rapporter beaucoup à certaines entreprises helvétiques. Les exportations vers la deuxième puissance économique de la planète devraient augmenter jusqu’à 67%. Pour Johan Rochel, la signature de cet accord demeure toutefois un sujet ingrat pour les parlementaires fédéraux. «Personne dans le débat – y compris dans les ONG – ne remet frontalement en question l’idée que les échanges internationaux signifient, à long terme, une amélioration du niveau de vie des partenaires. Mais les conditions de ces échanges internationaux posent de nombreux défis. Sous l’angle de l’engagement suisse pour les droits de l’homme, la ratification de l’accord avec la Chine pose un double défi de cohérence. En acceptant de baisser les standards que nous avions nous-mêmes fixés pour l’accord avec la Chine, serons-nous encore crédibles dans une nouvelle négociation? Au sein de la communauté internationale et plus spécialement avec nos partenaires naturels, serons-nous crédibles en défendant les droits de l’homme ici, puis en acceptant des standards affaiblis là?»
Accablé par ses alliés autant que par ses adversaires pour le flou de sa politique économique et une certaine incapacité à décider, François Hollande souffre, sans l’ombre d’un doute, lui, d’un déficit de crédibilité. La semaine dernière, le président français a quand même reçu un soutien de taille, en la personne de l’ancien Prix Nobel d’économie Paul Krugman. Editorialiste, grand amateur de polémique, l’Américain a attaqué publiquement l’agence de notation Standard & Poor’s, à la suite de la rétrogradation de la note de la France. Pour Guy Sorman, cette attaque «s’inscrit en fait dans une longue campagne de Krugman contre les politiques dites d’austérité et pour les politiques dites de relance. (…) Aucun gouvernement ne le suit, sauf en France, mais c’est, dans le cas français, par inadvertance plus que par volonté, et sans résultats probants. On donnera tout de même raison à Krugman sur quelques arguments: les agences de notation n’ont pas fait preuve de grande clairvoyance ces années récentes. Elles n’ont pas vu venir la crise de 2008, et dégrader la note d’un pays ne fait qu’accroître ses taux d’intérêt (…).»
Reste qu’en prenant position pour François Hollande, l’économiste américain suit à la lettre les conseils de savoir-vivre prodigués par Sylviane Roche sur son blog: «Quels que soient le sujet, l’objet, la circonstance, le maître mot est là: ne jamais faire perdre la face à autrui. C’est cela la vraie politesse, et le point d’intersection entre les conventions sociales et le savoir-vivre. Et peut-être la seule règle qu’on puisse se permettre d’appliquer sans réfléchir.»