Portrait. Star d’Instagram, Josh Ostrovsky, alias le Gros Juif, a su capitaliser ses gags stupides et complètement hilarants pour bâtir sa carrière dans le showbiz. Un modèle d’entreprise qui ne fait pas rire tout le monde.
Ses blagues les plus populaires mettent toujours en scène un animal ou une célébrité. Une photo d’un chat recouvert de biscuits d’apéritif en forme de poisson ou l’image «photoshopée» du rappeur Kanye West en train d’embrasser son double. C’est grâce à cet humour à la fois bête, familier et, il faut bien l’avouer, hilarant que Josh Ostrovsky a conquis Instagram. Sur le compte de son alter ego comique, The Fat Jewish, ce New-Yorkais de 33 ans détourne quotidiennement les manies et les codes des médias sociaux à l’aide de sous-titres ironiques du genre: «Fermer sa gueule est sans gluten. Ajoute ça à ton régime.» Apparu en 2012 sur la plateforme de partage d’images et de vidéos, TFJ est aujourd’hui un véritable phénomène virtuel suivi par 5,8 millions de fans. C’est plus que Barack Obama (4,4 mio), mais moins que Kim Kardashian (44,8 mio). Dans l’écosystème Instagram, le Gros Juif se situe donc quelque part entre le leader charismatique et la bimbo postmoderne.
Loin de se cantonner aux écrans de smartphone, The Fat Jewish est parvenu à convertir son immense cyberpopularité en carrière dans le showbiz. Son humour ravageur et son look truculent – 120 kilos, une barbe de hipster et une queue de cheval verticale qu’il appelle sa «licorne juive» – lui ont permis de signer un contrat avec l’agent de George Clooney et une grande agence de mannequins. A cela s’ajoutent une ligne de vêtements pour jeunes pères, une marque de vin rosé, des apparitions sur Bloomberg TV et même une autobiographie, Money Pizza Respect, à paraître le 27 octobre aux Etats-Unis. Il y a aussi beaucoup, beaucoup de contrats publicitaires. Toujours à l’affût de nouveaux consommateurs, les marques comme Stella Artois, Virgin Mobile ou Burger King ont vite compris qu’un pitre aussi populaire que le Gros Juif offrait un accès privilégié à une armée d’adolescents boutonneux. Lors du dernier Super Bowl, l’événement sportif le plus regardé aux Etats-Unis, The Fat Jewish a ainsi publié une photo de lui se baignant nu dans un immense bol de sauce chili construit par une célèbre marque d’outillage. On ignore si les ventes de tournevis ont augmenté mais, selon le Financial Times, ce genre d’opération rapporterait environ 6000 dollars (5760 fr.) au comique.
Artiste ou voleur?
Quand il ne barbote pas dans des bols remplis de sauce, Josh Ostrovsky est à son bureau, l’arrière-boutique d’un salon de manucure situé dans le quartier du Queens. C’est de là qu’il gère ses marques et écrit ses mémoires. Chargés de son compte Instagram, ses nombreux stagiaires s’occupent de fouiller les entrailles de l’internet à la recherche de la petite pépite qui fera sensation sur le réseau social. Problème: @thefatjewish n’a jamais cité ses sources. Tant que le Gros Juif restait un rigolo de seconde zone, ça ne posait pas de problème. Mais depuis qu’il aligne les contrats juteux, un mouvement anti-TFJ a vu le jour. Sur Facebook et Twitter, un internaute a ouvertement accusé la star de plagiat: «[The Fat Jewish] gagne sa vie sur le dos du travail d’autres gens, qui sont des écrivains ou comédiens qui galèrent. (…) Si vous le suivez sur Instagram, arrêtez. (…) Si vous aimez le contenu de ce qu’il poste parce que «c’est drôle», dites-le-moi et je vous donnerai le contact de ceux qui en sont à l’origine, qui sont drôles tout le temps et avec leurs propres mots.» Depuis cette attaque, Josh Ostrovsky a promis de citer ses sources, «souvent très difficiles à identifier».
Mais, fondamentalement, les accusations pour vol d’idées laissent le Gros Juif de marbre. Et pour cause: il ne se considère pas comme un comique et ne répond donc pas aux mêmes règles déontologiques. Récemment interviewé par le site américain Vulture, TFJ déclarait: «Je suis un curateur. Je suis à l’avant-garde de ce qui est cool et drôle. (…) Je suis une sorte d’homme de la Renaissance de la pop culture. Il y a des éléments de comédie dans ce que je fais, mais ce n’est pas la genèse de qui je suis. Je suis un satiriste. Je suis un commentateur. Je suis un artiste performatif. Je suis un idiot.»