Genève. On construit, mais le rythme des chantiers ne suffit pas à atténuer la pénurie chronique de logements. Toutefois, les objets qui seront prochainement mis en vente sont destinés d’abord à la classe moyenne, grâce à des prix un peu plus accessibles.
Patricia Meunier
Est-il toujours impossible de trouver un logement abordable à Genève? Etienne Nagy, directeur général du groupe Naef, répond de façon nuancée: «Le marché est plutôt équilibré, il n’y a pas une suroffre comme on l’entend souvent. Les réalisations se font au même rythme que la croissance de la population.» Une légère détente semble se faire jour. Il y a plus d’appartements en vente, même si l’on est loin d’une surabondance de l’offre.
«Le marché atterrit en douceur», complète Philippe Moeschinger, président de la direction générale du Comptoir Immobilier. «On conserve une demande forte qui répond à une offre importante. Les clients ont plus de possibilités de choisir que ces dernières années. Aujourd’hui, avant de conclure une affaire, les discussions sont plus longues que par le passé. En outre, la réforme de la fiscalité des entreprises aura un impact sur les multinationales ainsi que sur le tissu des PME.» L’emploi dans la région s’en trouvera impacté.
Tous types d’objets confondus, le taux de vacance des logements au 1er juin 2015 s’affiche à 0,41% (0,39% en 2014) dans le canton de Genève, qui recense 921 objets disponibles (792 appartements et 129 maisons individuelles). Parmi les appartements, 643 sont à louer et 149 à vendre. Ce chiffre atteste de la persistance de la difficulté de se loger, que ce soit dans un appartement ou dans une maison.
Nouveaux complexes à l’horizon
Parmi les points faibles de Genève, la lenteur du processus de construction empêche de résorber rapidement le manque toujours présent de biens immobiliers neufs. Les déficits du passé affectent donc toujours la région. Même si la construction a repris à un bon rythme, le niveau reste encore insuffisant pour assurer une adéquation entre offre et demande de logements. Côté positif, la volonté de l’Etat reste affirmée. Le plan directeur cantonal prévu à l’horizon 2030 indique les terrains qui pourront être dézonés et mentionne également les zones réservées pour le bâtiment. Il englobe un potentiel de 50 000 futurs logements. «A l’avenir, il y aura plus de logements accessibles à une frange de la population moins aisée, grâce aux nouveaux projets qui se dessinent en zone de dévelop-pement à Genève», explique Philippe Moeschinger.
Du coup, la tendance à la baisse des prix amorcée en 2012 se poursuit. «On voit que les prix se réduisent de 3 à 10% selon les segments, car ils étaient surfaits dans un marché libre très étroit. Une série de nouvelles constructions en zone de développement, à prix contrôlés nettement en dessous des prix du marché, vient gonfler l’offre d’appartements», confie Hervé Froidevaux du cabinet de conseil Wüest & Partner.
Sans surprise, cet apport important de nouvelles habitations à vendre ou à louer pour la classe moyenne modifie le paysage immobilier genevois. Sur la rive droite, il s’agit de l’écoquartier des Vergers, à Meyrin, et ses 1250 unités prévues d’ici à 2018. Sur une superficie de 150 000 m2, une trentaine de bâtiments proposeront quelque 300 appartements en PPE, 200 en loyer libre et le solde sera destiné à des coopératives. Ou encore, le quartier de l’Etang, à Vernier, avec ses quelque 1000 logements construits pour 2018. A Lancy et à Plan-les-Ouates, près du Bachet, La Chapelle-Les Sciers offrira au final 1300 unités, ainsi que de nouveaux commerces, une école, des jardins et espaces de détente. A proximité de Carouge, Les Grands Esserts se dresseront sur des terrains de douze hectares. La construction des 1200 logements planifiés pourrait démarrer entre 2017 et 2018. De son côté, le prolongement du tram sur la route de Chancy incite au développement de Bernex, où un concept prévoit de créer de nouveaux quartiers mixtes en extension de la zone agricole. Cinq mille sept cents habitations pourraient voir le jour d’ici à 2030. Sur la rive gauche, les Communaux d’Ambilly constituent le seul projet d’envergure. En effet, la première étape prévoit 670 appartements d’ici à 2018, la seconde 700 pour 2022 et la dernière 1200 pour 2030. Sur une surface de 36 hectares, six immeubles d’architecture contemporaine sont prévus. Cette arrivée de biens neufs concurrence de plus en plus le secteur des propriétés en revente, jusqu’ici caractérisé par des prix parfois surfaits. Le projet Chêne-Bourg - Chêne-Bougeries se profile autour de la gare du CEVA. Un nouveau pôle sera constitué de 1000 logements, de commerces et d’espaces publics.
Dans ces futurs quartiers, les prix contrôlés par l’Etat sont nettement plus accessibles que sur le marché libre. Ils s’affichent entre 5500 et 7000 francs le mètre carré habitable. «Ce type de segment attire donc de nombreuses personnes qui espèrent depuis plusieurs années devenir propriétaires. Par exemple, nous avons construit des PPE dans quatre immeubles de six étages au chemin de Pinchat, à Carouge. Les prix sont fixés à 7000 francs le mètre carré», explique Etienne Nagy.
En revanche, sur le marché libre, un appartement neuf de 4 pièces, de bonne construction et bien situé, dépasse facilement le million de francs et une villa coûte aisément de 1,5 à 2 millions de francs. L’écart de prix avec les logements destinés à une classe moyenne s’est réduit. «Sur le marché libre, le prix du mètre carré habitable se situe facilement entre 9000 et 10 000 francs», confirme encore Philippe Moeschinger.
Plus précisément, pour les logements situés sur la rive gauche et dans le centre-ville, les prix du mètre carré habitable atteignent 10 000 francs, voire plus. Sur la rive droite, ils sont en dessous de cette barre. C’est le cas notamment des quartiers comme Meyrin, Vernier et Satigny. On retrouve des PPE avec un prix situé entre 8500 et 9000 francs le mètre carré.
Le prestige en berne
Et les objets de prestige? «On se situe dans des tranches de 13 000 à 15 000 francs le mètre carré, voire plus, il n’y a pas de plafond dans cette catégorie de biens», explique le PDG du Comptoir Immobilier. Seuls les objets vraiment exceptionnels avec une situation privilégiée conservent leur prix élevé. Sinon, les prix du marché du haut de gamme affichent une baisse. La demande de biens de standing se réduit, notamment de la part de la clientèle étrangère.
En ce qui concerne la location, ce même marché souffre des conséquences des restructurations d’entreprises. «Cela prend plus de temps pour louer des biens de standing supérieur avec des loyers qui dépassent les 4000 ou 5000 francs par mois», relève Etienne Nagy. Les multinationales abaissent leurs coûts, notamment en réduisant les aides au logement de leur personnel expatrié, ce qui réduit la demande locative d’appartements luxueux. En se normalisant petit à petit, le marché genevois redevient progressivement accessible au grand public.
Sommaire:
Vaud: les années de croissance soutenue des prix sont terminées
Genève: le marché atterrit en douceur, mais il reste cher et compliqué
Fribourg: la détente du marché vaudois menace les promoteurs fribourgeois
Valais: en plaine, les prix progressent. En montagne, ils sont sous pression
Neuchâtel: le haut du canton retrouve son rythme de croisière
Jura & Berne: un marché stable et empli de quiétude