Zoom. La composition des protections hygiéniques pour femmes est un secret très bien gardé. Pourtant, celles-ci contiennent des produits désinfectants dont l’innocuité n’est pas prouvée. Les consommatrices s’alarment et réclament plus de transparence.
Marie Maurisse
C’est l’une des pétitions les plus populaires du moment. Sur le site www.change.org, près de 64 000 personnes réclament aux fabricants de protections hygiéniques de dévoiler la composition des serviettes et tampons sur leurs paquets. La jeune Française Mélanie Doerflinger, 19 ans à peine, en est à l’origine. Un beau jour, elle s’est demandé quelles substances exactement elle se mettait dans le corps à chaque cycle menstruel. «J’ai cherché sur la boîte et sur Internet, je n’ai rien trouvé, explique-t-elle. C’est scandaleux! Même les médecins ne sont pas au courant.»
Ce qui inquiète surtout Mélanie Doerflinger, ce sont les procédés utilisés par les fabricants pour blanchir la matière première et la nettoyer. La plupart du temps, il s’agit de dérivés du chlore qui, en contact avec le tampon, peuvent former des résidus de dioxine, dont l’Organisation mondiale de la santé dit qu’elle est «très toxique» et cancérigène. A raison de cinq jours par mois, une femme utilisera, dans sa vie, entre 11 000 et 15 000 protections hygiéniques portées au plus près de son intimité.
Si les fabricants ne prennent pas la peine de renseigner les consommatrices sur leurs produits, c’est qu’ils n’en ont pas l’obligation. Y compris en Suisse, où les serviettes et tampons sont considérés comme des «objets usuels». «La législation n’impose pas de norme pour la composition de ces tampons, elle interdit seulement l’utilisation de certaines substances chimiques, souligne l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires. C’est au fabricant, importateur et distributeur de s’assurer qu’il met sur le marché des articles sans danger.»
Interrogée par l’émission On en parle, sur la RTS, la firme Procter & Gamble, qui produit notamment les Tampax, a fini par préciser que ses tampons étaient composés de coton ou de rayonne (autre nom de la viscose). Contrairement à la multinationale américaine, les marques helvétiques affichent sur les emballages la composition de leurs tampons – viscose pour les Feelfree vendus par Coop, cellulose et coton pour les Molfina de Migros.
Projet de loi aux États-Unis
En ce qui concerne les résidus de produits désinfectants, l’émission A bon entendeur a réalisé des tests en juin dernier et a trouvé des traces de formaldéhyde dans la plupart des tampons. Quant à la dioxine, c’est la Food and Drug Administration, aux Etats-Unis, qui s’est chargée des examens et en a trouvé, mais à des quantités infinitésimales. Difficile de savoir quels en sont les effets, pour une raison simple: les études sérieuses sur le sujet sont inexistantes. La science serait-elle misogyne? C’est ce qu’affirment les féministes de l’association Women’s Voices for the Earth (Les voix des femmes pour la terre) qui mène une campagne humoristique contre les «tampons toxiques» à coups de clips YouTube sous le slogan «detox the box» (désintoxique la boîte).
Du coup, aux Etats-Unis, la sénatrice Carolyn Maloney, surnommée Mrs. Tampax, a lancé un projet de loi qui obligerait les fabricants à faire la lumière sur la composition précise de leurs produits hygiéniques. En France, le Ministère de la santé dit étudier le sujet. Rien de tel en Suisse.
Alain Schreyer, gynécologue à Payerne, se veut rassurant: «Si les tampons présentaient un risque, nous l’aurions déjà remarqué.» Il n’y a pas de crainte à avoir avec des résidus de dioxine, estime-t-il. Par contre, les tampons peuvent provoquer un syndrome du choc toxique, une grave infection par staphylocoques qui peut tuer. «Ne gardez le tampon que douze heures au maximum», insiste-t-il. Cet été, l’histoire de Lauren Wasser avait ému nombre de femmes. Cette jeune Américaine poursuit Kotex en justice: un choc toxique lié à son tampon lui a fait perdre sa jambe.