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Bagarre judiciaire autour de la fiabilité d’un test de grossesse

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Jeudi, 7 Janvier, 2016 - 05:49

Zoom. Une Américaine accuse l’entreprise genevoise Swiss Precision Diagnostics, qui produit les tests Clearblue, de publicité mensongère. Le procès pourrait coûter très cher à la marque.

Elle est la première à croiser le fer avec les tests de grossesse Clearblue. Amanda Olvera a porté plainte le 7 décembre dernier contre la société suisse Swiss Precision Diagnostics (SPD), qui fabrique ces tests. Cette Californienne qui vit près du Pacifique, à Seal Beach, accuse tout simplement la firme de mentir.

La jeune femme s’inspire de sa propre expérience: quelques mois auparavant, elle a acheté un test Clearblue Advanced Digital avec indicateur de semaines. En plus de confirmer une éventuelle grossesse, ce test urinaire est censé spécifier depuis quand une femme est enceinte. Le résultat, qui apparaît en toutes lettres sur un petit écran, indique si la grossesse remonte à une ou deux semaines, à deux ou trois semaines, ou à plus de trois semaines.

Le problème, c’est que le test n’est absolument pas en mesure de dater correctement le début d’une grossesse. Amanda Olvera l’affirme noir sur blanc dans sa plainte: «Je n’aurais jamais acheté ce test si j’avais su qu’il n’était pas capable de me dire de combien de semaines j’étais enceinte.» Ce que ce test peut faire, et ce pourquoi il a été fabriqué, en revanche, c’est donner l’estimation de l’ovulation de la femme, c’est-à-dire le moment où l’ovaire a libéré son ovocyte.

Pour dater une grossesse, la convention veut que le médecin se base sur la date des dernières règles d’une femme et non sur sa date d’ovulation, et calcule le terme 40 semaines plus tard. Or, la différence entre les règles et l’ovulation peut être de plusieurs jours, voire d’une ou deux semaines. Quand Clearblue affirme que la femme est enceinte depuis deux semaines, le médecin peut lui dire, lui, que c’est depuis un mois. La différence n’a rien d’anodin: si le test indique qu’une grossesse date d’une semaine, au lieu de trois, la femme ira voir son médecin peut-être plus tard, pourrait penser que le père du bébé n’est pas le bon, ou même décider d’ajourner une interruption de grossesse alors qu’il lui reste moins de temps que prévu pour le faire.

Un marché lucratif

Aux Etats-Unis, l’antenne de CBS à Los Angeles a rapporté les témoignages de plusieurs femmes qui ont paniqué en découvrant que l’estimation de leur gynécologue était très différente de celle du test. L’une d’entre elles, Andrea Fujii, s’est même demandé «si le bébé ne se développait pas correctement». Chez des consommatrices déjà stressées par une éventuelle grossesse, la confusion est bien grande.

L’affaire embarrasse Swiss Precision Diagnostics, qui produit ce test depuis 2013. Basée à Genève, elle est le fruit d’une joint-venture ayant eu lieu en 2007 entre Procter & Gamble et Alere. Sur son site internet, l’entreprise se vante de produire le seul test capable de dire quand «une femme a conçu» son bébé. Mais si elle a investi ce marché, c’est aussi qu’il est particulièrement lucratif.

Car pour savoir de combien de semaines elles sont enceintes, les consommatrices paient le prix fort. Aux Etats-Unis, le test Clearblue Advanced en question coûte 8,23 dollars, soit le double du prix d’un test classique de la même marque. En Suisse, la pharmacie en ligne Zur Rose le propose à 29,60 francs, tandis que chez Sun Store, un test simple Viola coûte 12,70 francs de moins.

Dans sa plainte, Amanda Olvera accuse carrément SPD de publicité mensongère: selon elle, l’entreprise promeut son test de la mauvaise manière. L’agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux, la Food and Drug Administration (FDA), avait pourtant interdit à la firme suisse de faire du marketing «dans un but incorrect». Et pourtant, depuis des mois, SPD présente son produit comme permettant de dater une grossesse – à tort – et non pas une ovulation. Ce message est écrit en gros sur les boîtes des tests, diffusé dans un spot publicitaire à la télévision et répandu sur l’internet. L’entreprise genevoise a même acheté les services de l’actrice américaine Tamera Mowry-Housley, héroïne de la série Sister, sister, qui fait désormais la promotion du test Clearblue Advanced sur les plateaux de télévision américains.

De son côté, «SPD conteste les allégations contenues dans cette plainte, affirme Fadel Zaidan, responsable de la communication de l’entreprise. Le produit avec indication de semaines a été approuvé et autorisé à la vente par la FDA. Il est sûr et efficace, conformément à la notice d’emploi.» En Californie, la plainte d’Amanda Olvera est considérée comme une class action, un recours collectif: la jeune femme représente toutes les consommatrices s’estimant lésées par le test Clearblue Advanced. Si la société genevoise perd en justice, les dommages et intérêts pourraient être élevés…

Par Marie Maurisse

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