Zoom. A Londres, l’exposition sur l’aventure spatiale de l’URSS ajoute aux reliques jamais vues une belle part d’esthétique et d’«optimisme cosmique».
C’est une exposition qui a nécessité des années de préparation, de diplomatie et de déclassification, tant ses objets ont longtemps été protégés par le secret-défense. Le résultat est d’autant plus enthousiasmant que le programme spatial soviétique a été sous-estimé par les Occidentaux, voire dénigré, surtout pendant la guerre froide. A la fois technique, humaine, esthétique et philosophique, Cosmonauts, au Science Museum de Londres, est à coup sûr l’une des expositions à voir cet hiver en Europe. Ne serait-ce que pour mesurer à quel point la Russie a toujours su sécréter un mélange unique d’intelligence, d’idéologie aveuglante, de courage et de dinguerie azimutée.
Voici donc l’histoire de la conquête de l’espace par les Soviétiques, les premiers à envoyer en orbite un satellite artificiel, un chien, un homme puis une femme, à découvrir la face cachée de la Lune, à sortir dans l’espace, à poser un engin sur Mars. Le tout à la grande humiliation des Américains, qui se vengeront en 1969 en posant pied sur notre satellite naturel. La course à l’espace était une affaire politique. En raison de la rivalité entre deux grandes puissances, mais aussi de l’idéologie de l’URSS totalitaire.
A preuve, dans l’exposition londonienne, la tasse en fer-blanc de Sergueï Korolev, le seul objet que l’ingénieur a ramené du goulag où Staline l’avait envoyé. Et où il faillit mourir, avant d’être gracié puis de concevoir le Spoutnik, la capsule Vostok 1 de Gagarine et tant d’autres machines à s’arracher de la gravité terrestre.
Cosmonauts présente des reliques carbonisées par leur entrée dans l’atmo-sphère terrestre, comme la Vostok 6 de Valentina Terechkova. C’était en 1963. Cette ouvrière mais aussi parachutiste, avait été choisie par le général Kamanine, chef du programme d’entraînement des cosmonautes. Le général avait décrété: «En aucune circonstance une Américaine ne doit devenir la première femme dans l’espace: ce serait une insulte au sentiment patriotique de la femme soviétique.»
Marmite pressurisée
Kamanine n’avait pas prévu l’erreur de l’un des ingénieurs de la mission, qui avait donné une fausse trajectoire orbitale à Vostok 6. Si la cosmonaute ne s’en était pas aperçue et ne s’était pas débrouillée toute seule dans sa marmite pressurisée pour corriger l’erreur de programmation, elle serait partie vers les tréfonds du système solaire. Mais l’ex-pionnière du ciel, 78 ans aujourd’hui, était à l’inauguration de Cosmonauts en septembre dernier au Science Museum.
L’énorme module lunaire conçu par les Soviétiques, jamais utilisé, figure aussi dans l’exposition, ainsi qu’un prototype du robot lunaire Lunokhod 1 ou les combinaisons des différents pionniers du ciel profond, jusqu’à ceux de l’actuelle station spatiale internationale.
Cosmonauts est aussi une leçon d’esthétique, tant par sa scénographie soignée que par ce que le programme soviétique a su produire comme art. Un art réaliste socialiste, certes, mais aussi le premier dessin réalisé dans l’espace (par Alexeï Leonov en 1965). Ou les croquis de Konstantin Tsiolkovski, premier théoricien de l’astronautique, écrivain de science-fiction, partisan de «l’optimisme cosmique». L’exposition se termine avec lui. Dans une pièce bleutée repose un mannequin de forme humaine, celui qui servit de test en 1969 à la tentative lunaire des Soviétiques. Le mannequin est enchâssé dans une structure de métal. Au plafond, une ouverture diffuse une lumière rouge, comme une fenêtre donnant sur un autre monde. Aux murs, une citation de Tsiolkovski: «La Terre est le berceau de l’humanité, mais on ne pas peut vivre indéfiniment dans un berceau.»
«Cosmonauts». Londres, Science Museum. Jusqu’au 13 mars.