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Viens dîner à la maison (pour 25 francs)

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Jeudi, 10 Mars, 2016 - 05:48

William Türler

Zoom. S’inviter à manger chez de parfaits inconnus, c’est le concept de VizEat, plateforme qui connaît un succès grandissant, y compris en Suisse romande.

«Lorsque les gens visitent une ville, le problème, pour eux, n’est pas de trouver des restaurants, mais de quitter leur bulle et d’avoir des contacts avec les locaux. Or, la table est l’un des moyens les plus simples pour créer cet échange.» C’est forts de ce constat que les entrepreneurs français Jean-Michel Petit et Camille Rumani ont lancé, il y a deux ans, VizEat, avec l’objectif de combiner gastronomie et rencontres insolites. Une plateforme sur laquelle on choisit chez qui l’on veut aller, pour manger quoi, à quel prix et quel jour, sur la base des commentaires des autres VizEaters.

Le site compte à l’heure actuelle plus de 70 000 membres et 15 000 hôtes dans une soixantaine de pays, et enregistre une croissance de 20 à 25% par mois. «En Suisse, nous dénombrons déjà 136 hôtes et pensons dépasser le millier d’ici à la fin de 2016», annonce Jean-Michel Petit, qui dirige aujourd’hui quatorze collaborateurs répartis entre Paris, Londres et Madrid.

Une fois inscrits, les membres commencent par échanger. Pas uniquement sur leurs préférences culinaires, mais plus généralement sur ce qu’ils aiment ou font dans la vie. «Ils vont passer plusieurs heures à la même table, il vaut mieux qu’ils aient quelque chose à se dire», sourit Jean-Michel Petit. Au final, c’est l’hôte qui décide s’il souhaite recevoir ou non quelqu’un. La start-up prélève une commission de 15% sur chaque trans­action, qui inclut notamment une assurance responsabilité civile pour l’hôte et le visiteur. Le paiement s’effectue directement depuis le site et l’hôte reçoit la somme convenue le lendemain du repas. En moyenne, celui-ci coûte moins d’une trentaine de francs par personne.

Une nouvelle concurrence

Au-delà des dîners gastronomiques, il est également possible d’organiser des petits-déjeuners, des brunchs, des apéros, des visites de marché, des cours de cuisine, des pique-niques ou des promenades culinaires. Dans les années à venir, la plateforme compte focaliser son expansion sur l’Europe, continent où l’on enregistre plus de la moitié des arrivées de touristes internationaux, selon les données recueillies par les deux cofondateurs.

A Genève, Olivier Hui Bon Hoa, business analyst de 28 ans, reçoit chez lui au moyen de VizEat depuis l’été dernier. Passionné de gastronomie et grand voyageur, il fait de nouvelles rencontres par ce biais et obtient ainsi des avis extérieurs sur sa cuisine. «Certains hôtes sont très précis et proposent des menus fixes. Pour ma part, je préfère me montrer flexible et m’adapter aux demandes des visiteurs. Cela me permet également d’apprendre de nouvelles recettes.» Il a ainsi concocté dernièrement un menu asiatique pour un couple qui souhaitait «quelque chose d’exotique». En l’occurrence, une salade de bœuf thaïlandaise, des crêpes vietnamiennes au riz et une mousse mangue et citron vert, le tout accompagné d’une bière, pour le prix de 25 francs par convive.

Si elle se généralise, cette nouvelle manière d’aborder la gastronomie ne manquera pas de représenter une nouvelle concurrence pour le secteur de la restauration. C’est pourquoi Philippe Ligron, maître d’enseignement culinaire et président de l’association Lausanne à table, pointe la nécessité d’encadrer ces démarches, notamment pour des raisons d’hygiène. Il dresse par ailleurs un parallèle entre l’essor des plateformes de social dining et le succès des food trucks: «Ces idées nous montrent que les gens ont besoin d’humaniser leur relation à la nourriture. Dans les années à venir, les restaurateurs devront en tenir compte et adapter leurs offres en conséquence.»

Pour sa part, le directeur de GastroSuisse Remo Fehlmann souligne que la restauration traditionnelle répond aux évolutions des modes de vie et des habitudes de consommation des gens, liées notamment à une plus grande mobilité et à des horaires de travail plus flexibles. Il ne redoute pas la concurrence de l’économie du partage, mais exige que des prestations comparables «soient soumises à des conditions-cadres identiques, afin d’éviter toute distorsion de la concurrence». 

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