Alexei Bayer
Analyse. Et si le meilleurs moyen pour lutter contre le trumpisme était d’envoyer Trump à la Maison Blanche?
L’Amérique doit se réveiller. L’ascension triomphante de Donald Trump aux primaires républicaines, les millions d’Américains qui l’acclament et votent pour lui montrent à quel point ce pays est devenu malade et sous-estime l’urgence d’une douche froide dégrisante. Longtemps leader du monde libre, première économie de la planète, plus grande puissance militaire, les Etats-Unis se préparent un enfer.
Si Hillary Clinton est élue en novembre, elle ne fera qu’attiser les flammes du ressentiment et de la haine au sein de la base républicaine qui soutient actuellement Trump. Pour les prochaines quatre ou huit années, Washington vivrait la même impasse que nous avons connue, en plus méchant, plus sordide, plus agressif et plus clairement xénophobe, homophobe, raciste et misogyne. Une présidente Hillary Clinton ne pourrait rien faire pour apaiser le petit peuple surexcité et les crapules envoyées au Congrès pour les représenter.
Voyez Obama. L’économie américaine s’est fortement reprise depuis la débâcle de 2008, provoquée par un président républicain. L’emploi a augmenté, le déficit du budget a été réduit, la Bourse s’est affichée florissante, Oussama Ben Laden a été tué. Tout cela a été réalisé envers et contre l’opposition résolue des républicains, jamais las de répéter que les sept dernières années ont été un «désastre» et que le président a «détruit» l’Amérique.
Quelques intellectuels du Parti républicain ont déclaré que Donald Trump était un monstre et supplié de voter Hillary Clinton s’il devait être désigné. Ils semblent sincèrement surpris que, après avoir colporté des années durant leur propagande militariste crypto-fasciste, un véritable Duce au style mussolinien émerge. Trump ne fait que récolter les fruits de ce qu’ils ont semé.
Le fait est que Trump promet publiquement de violer la Constitution, assurant, s’il est élu, de poursuivre les journalistes dont il n’aime pas la prose, de fermer les mosquées, de discriminer sur la base de la foi et de l’origine nationale. Les républicains ne l’ont pas éjecté de leurs rangs, ils l’ont invité depuis août 2015 à leurs débats. Paul Ryan, président de la Chambre des représentants et, à ce titre, No 3 du pays, a juré de soutenir Trump s’il devait être le candidat du parti.
L’Amérique a un urgent besoin d’un président Trump pour la galvaniser dans l’action. Contre toute attente, le président Trump sera le meilleur vaccin à inoculer aux Américains contre le leurre du trumpisme. Le trumpisme est cette sorte de mouvement politique né du mécontentement qui prospère dans l’opposition. Il n’a pas d’idées et, s’il se trouve à devoir gouverner, il se plante misérablement.
Nouvelle coalition
Pour restaurer le bon sens, ce dont les Américains ont besoin, c’est que leurs militaires se mettent à refuser les ordres aux relents de crimes de guerre, que les agents de la CIA renoncent à pratiquer la torture et que le Département de la sécurité intérieure dise à l’administration Trump qu’elle ne va pas arrêter les immigrants clandestins et détruire des familles.
Plus généralement, l’Amérique a besoin de millions de manifestants marchant sur Washington et d’une nouvelle coalition pour protéger sa démocratie et sa décence, qui évoqueraient le mouvement des droits civiques (ndlr : lutte des Afro-Américains pour obtenir le droit de vote) et qui transcenderaient les divisions régionales, de classe et de race du pays. Les dictatures sont protégées par les baïonnettes tandis que les démocraties ont parfois besoin que l’on sorte les fourches.
Autrement dit, le moyen d’avoir finalement la peau du trumpisme n’est pas de voir les républicains sortir de leur chapeau un has been impopulaire et fatigué du genre Mitt Romney ou de proposer une version light de Trump comme Ted Cruz ou Marco Rubio. Le moyen, paradoxalement, c’est d’envoyer Trump à la Maison Blanche.
© The Globalist
Traduction et adaptation Gian Pozzy