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Les mécaniques de Lord March

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Jeudi, 24 Mars, 2016 - 05:47

Reportage. L’aristocrate britannique a créé sur ses propres terres un culte de la voiture ancienne, organisant des courses et nouant au passage des liens avec l’horlogerie suisse.

Charles Gordon-Lennox, comte de March et Kinrara, a tout, en apparence, de l’aristocrate britannique tourné vers le passé. Il aime le tweed fait main, les voitures et montres anciennes, les disques vinyles, la photographie argentique. Il a même bâti une solide entreprise autour de l’élan nostalgique qui agit comme un antidote à l’ère numérique. Lord March, 61 ans, a transformé sa vaste propriété (5000 hectares) dans le sud de l’Angleterre en temple de la vitesse d’hier.

Du printemps à l’automne, des réunions et compétitions de vieilles voitures attirent les foules à Goodwood, près de Chichester. Les 18 et 19 mars derniers, le Members Meeting battait son plein autour du circuit de 3,8 km tracé dans la campagne du Sussex de l’Ouest. Trente-trois mille membres du club de Goodwood ont pu assister à une douzaine de courses de bolides d’un autre âge, datant aussi bien de l’époque edwardienne que des années 1980.

Le vacarme, l’odeur de ricin, les tenues sport-chic, l’accès facile aux paddocks pour discuter avec les coureurs, les animations, les ventes aux enchères et autres concours sportifs pour gentlemen formaient le contenu chic d’une capsule temporelle, hors d’atteinte des vicissitudes de 2016.

Une capsule qui rapporte. Lorsqu’il a repris le domaine familial de Goodwood il y a une vingtaine d’années, Charles Gordon-Lennox a dû inventer un modèle d’affaires pour sauver une propriété à l’abandon. Il y avait sur place des installations sportives, héritage de son aïeul Charles Lennox, duc de Richmond, fils du roi Charles II. Un circuit décati, aménagé autour d’une piste utilisée par la RAF pendant la Seconde Guerre mondiale, était la seule trace des réunions que tenait là le British Automobile Racing Club.

Capitalisant sur ce passé, Lord March a mis en place des festivals de vitesse et des rencontres autour de l’automobile vintage qui attirent aujourd’hui des centaines de milliers de personnes par année. L’entreprise Goodwood emploie désormais 800 personnes. Le domaine comprend également un hippodrome, une piste d’aviation, un hôtel de 91 chambres et le siège de Rolls-Royce. La demeure de Lord March, qui vit avec sa famille sur place, regorge de vestiges, comme la chaise de camp que Napoléon a utilisée à Waterloo ou des peintures qui témoignent que la chasse au renard a été inventée sur place.

Goodwood-Schaffhouse

En janvier dernier, l’aristocrate et son épouse ont été victimes d’un violent cambriolage nocturne. Un voleur leur a subtilisé pour 700 000 livres de bijoux et montres de collection, assommant au passage Lord March. Lorsque nous l’avons rencontré le dimanche 19 mars, alors que des Bugatti ou des Isotta Fraschini vrombissaient sur le circuit, l’aristocrate semblait bien remis de l’attaque. Il était là pour parler d’horlogerie, ayant noué un partenariat avec la marque IWC de Schaff­house.

Celle-ci avait amené au Members Meeting des Flèches d’argent de Mercedes-Benz, puissantes voitures de course de l’entre-deux-guerres (IWC est le partenaire de Mercedes en F1, d’AMG et de la section Classic du constructeur allemand). Avec au volant des anciens pilotes comme Mika Häkkinen, Jochen Mass ou Karl Wendlinger. IWC présentait à Goodwood trois éditions spéciales de ses montres Ingenieur, des chronographes conçus en hommage au Members Meeting, au légendaire pilote Rudolf Caracciola et à la Flèche d’argent W125 des années 1930.

L’occasion de dépasser, avec Lord March, les habituels parallèles entre l’automobile sportive et l’horlogerie suisse haut de gamme pour parler de la mécanique du vintage. Féru d’automobile, Charles Gordon-Lennox ne peut que remarquer que l’évolution du moyen de transport, de plus en plus un smartphone sur quatre roues, fait le jeu de ces événements analogues. Plus l’un se renforce, plus l’autre gagne en pouvoir d’attraction. D’un côté, un univers compréhensible où il suffit d’ouvrir le capot (ou d’ouvrir un boîtier de montre) pour voir ce qui met en mouvement des objets autrement inertes. De l’autre, des lignes de code intangibles. Ce n’est pas qu’une simple nostalgie, ou une mode passagère, affirme Lord March, mais bien un puissant désir de l’univers analogique qui est aujourd’hui à l’œuvre. Un élan de sensations riches, épaisses et amusantes.

L’appel du numérique

Ce qui n’empêche pas l’aristocrate d’être un entrepreneur du XXIe siècle, investissant massivement l’internet. Le récent Members Meeting était relayé en streaming sur le site web de Goodwood et suivi jusqu’en Nouvelle-Zélande. L’entreprise a investi 20 millions de livres dans la numérisation de ses archives et le développement de ses activités numériques, créant du contenu pour conquérir les marchés moyen-orientaux ou chinois, également amateurs de belles mécaniques anciennes.

Ancien photographe professionnel, Charles Gordon-Lennox tire aujourd’hui profit d’appareils numériques. Mais sa montre est tout ce qu’il y a de plus analogique. Il la regarde à intervalles réguliers pour s’apercevoir qu’il a trop de choses à faire en trop peu de temps. Essayant de garder en permanence la politesse de la ponctualité, qualité qui relie Britanniques et Suisses, conclut-il d’un sourire diplomatique. 

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Drew Gibson
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