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Poutine à la première personne

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Jeudi, 23 Juin, 2016 - 05:53

Trajectoire. On connaît mal la vie du président de la Fédération de Russie, sa famille, les origines de sa vocation d’espion. Un livre d’entretiens, qui vient de paraître, lève le voile.

Avant de se porter candidat à la Maison Blanche, Barack Obama a écrit deux livres racontant sa vie et celle de ses parents. Une manière de baliser le récit de sa trajectoire. Rien de tel chez Vladimir Vladimirovitch Poutine, qui entretient un savant mystère sur ses proches et se montre évasif sur les étapes qui l’ont conduit au Kremlin.

Une seule fois, alors qu’il était président par intérim de la Fédération de Russie, en 2000, il a longuement rencontré trois journalistes et accepté de répondre à des questions très personnelles. Une série d’articles a été publiée dans le journal Kommersant, ces vingt-quatre heures de confessions ont été traduites aux Etats-Unis, mais le résultat de cet exercice de transparence n’avait jamais été diffusé en français. C’est chose faite grâce aux Editions So Lonely. Malgré le temps écoulé, malgré quelques petits arrangements avec la vérité que relèvent les éditeurs sur les années passées au service de la mairie de Saint-Pétersbourg, ces 203 pages constituent une lecture passionnante.

Discerne-t-on la vérité profonde d’un homme dans l’histoire de sa famille? Il n’est pas anodin d’en apprendre plus sur les parents de Volodia, comme l’appelle son ancienne maîtresse d’école qui, à l’instar de sa première femme, de ses filles et de quelques amis, témoigne aussi dans le livre.

Parents miraculés

Vladimir Poutine a failli ne jamais naître. Pendant le siège de Leningrad par les Allemands, qui dura neuf cents jours, sa mère affamée est donnée pour morte, des passants allongent son corps au milieu d’autres cadavres, mais elle reprend soudain ses esprits. Même dans ces conditions extrêmes, Maria Ivanovna Poutina n’a jamais voulu quitter la ville.

Vladimir Spiridonovitch, son mari, a, lui, manqué de périr au front. Cerné par les troupes de la Wehrmacht, il s’immerge tout entier dans un marécage, respire à l’aide d’une paille et échappe au feu ennemi qui fauche 24 de ses camarades.

Nouveau miracle quelque temps plus tard; grièvement blessé par une grenade, il sait qu’il ne pourra être évacué lorsqu’un ancien voisin l’aperçoit et le traîne sur l’autre rive de la Neva, malgré les balles qui sifflent de partout. Les deux hommes s’en sortent. Commentaire de Poutine: «Comme quoi, la vie est une petite chose fragile.»

Il le sait d’autant plus que ses parents ont eu deux enfants, morts avant sa naissance en 1952. Il y a des anecdotes moins tragiques, même si le récit restitue de façon souvent saisissante la dureté des existences sous l’ère communiste: son grand-père paternel a travaillé pour Lénine et Staline comme cuisinier. On apprend également que Vovka, un autre de ses diminutifs, était un enfant turbulent qui aurait pu mal tourner, tant il était attiré par les mauvais garçons de son quartier.

C’est la pratique du sport, notamment du judo, qui lui offrira mentor et discipline. Sa vocation d’espion? Il l’explique par sa fascination pour des livres et des films comme Le glaive et le bouclier mettant en scène un espion soviétique, Aleksandr Belov, infiltré au cœur du IIIe Reich. «Ce qui m’impressionnait, avoue-t-il, c’est le fait qu’avec si peu de moyens, un seul homme pouvait atteindre des résultats que des armées entières n’arrivaient pas à obtenir.»

Poutine raconte comment il a tenté d’approcher le KGB pour s’y faire admettre. Problème, on ne postulait pas, il fallait être choisi. Ce qu’il finit par être. Il se confie sur ses années d’espion en RDA sans toutefois détailler le secret de sa mission. Entre les lignes, il exprime le regret que les rapports des services de sécurité alertant sur les failles du glacis soviétique n’aient pas été mieux pris en compte par le Kremlin. On connaît la suite: Poutine considère que la «désintégration de l’URSS a été la plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle». Et il s’emploie à restaurer la grandeur de son pays et à faire respecter son poids international.

Loin du sphinx menaçant qu’il est devenu, ce long entretien donne à voir un homme au seuil d’un destin exceptionnel, qui fait preuve d’humilité, d’humour et de distance. Il offre en prime le regard de ses proches avec de belles étincelles de sincérité. Quant à la vérité d’une personnalité si complexe, les auteurs ne prétendent pas l’avoir établie, ils espèrent juste avoir aidé à mieux la cerner. 

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