Décodage. Les départs en congé ne signifient pas seulement promesses de détente, de découvertes et de paysages fabuleux. Mais aussi sources de tensions sur des budgets domestiques parfois bien serrés. Un Suisse sur sept ne part tout simplement pas en vacances.
Pour plus d’un couple, plus d’une famille, les promesses de détente, d’aventure, de liberté retrouvée lors des vacances se transforment en cauchemar financier: des budgets familiaux déséquilibrés par des dépenses excessives, des enthousiasmes mal maîtrisés, des imprévus. Le tourment commence même parfois bien avant les vacances, lorsque l’on se rend compte que l’on n’a tout simplement pas les moyens de partir et que la grande pause estivale se déroulera à la maison. Un Suisse sur sept n’a pas quitté son chez-soi au moins une nuit, selon les chiffres de l’Office fédéral de la statistique (OFS), et un sur cinq ne s’est pas offert au moins une semaine loin de chez lui, selon un sondage de Comparis.
Les dépenses de ceux qui peuvent cependant s’offrir au moins quelques jours hors de chez eux évoluent dans une grande stabilité depuis de nombreuses années. Elles progressent très lentement, en parallèle avec la légère hausse des revenus constatée par l’OFS. Bien sûr, elles connaissent quelques (petits) hauts et quelques bas (peu marqués) en fonction de la conjoncture. Rapportée au budget global d’un ménage, l’enveloppe des vacances reste pratiquement inchangée d’une année à l’autre.
Bien qu’il ne calcule pas spécifiquement les dépenses des vacances des Suisses, l’OFS livre des chiffres qui permettent de se faire une idée assez précise. Pour un voyage de huit jours à deux semaines, chaque résident a dépensé en moyenne 1289 francs, soit une centaine de francs par jour, selon les données pour 2014, les dernières disponibles. Mais ce chiffre recouvre des situations extrêmement diverses.
Lorsqu’il reste au pays, le Suisse dépense en moyenne la moitié – 726 francs pour un séjour de deux semaines – de ce qu’il dépense lorsqu’il se déplace à l’étranger, où la facture monte à 1526 francs. En dépit de ce surcoût, les Suisses ont accru leurs voyages hors des frontières nationales ces dernières années, mouvement qui s’est accéléré depuis que le franc fort confère un sentiment de richesse généralisé.
La proportion des budgets vacances varie assez peu selon les catégories sociales. Une personne ou une famille consacre environ 6% de son revenu aux loisirs et à la culture, dont ses vacances. Soit 3550 francs par an en moyenne auprès des catégories à faible salaire, et plus de 13 000 francs pour les privilégiés. Les dépenses spécifiquement consacrées aux vacances, comme l’hébergement, les déplacements en avion et les voyages à forfait, représentent approximativement la moitié de ces frais, donc quelque 1700 à 1800 francs par an pour un ménage modeste et plus de 6500 francs pour les mieux lotis.
Des Suisses privilégiés
Pour arriver à ces chiffres, l’OFS se livre à des enquêtes auprès d’échantillons de plusieurs milliers de personnes. Ce qui laisse une marge d’erreur appréciable de 10% environ. «Nous demandons aux gens le montant de dépenses survenues parfois plusieurs mois en arrière. Des erreurs, des oublis peuvent survenir», expose Ueli Oetliker, spécialiste des questions de revenus, de consommation et de conditions de vie à l’OFS. Qui se souvient exactement de ce qu’il a dépensé pendant ses vacances?
Les ménages se font toutefois une idée plus précise de ce qu’ils veulent pour quelques jours d’évasion. Un couple disposant de 2000 francs pour deux semaines de vacances ou une famille ayant 3000 francs (ou moins!) seront peut-être tentés de camper à la mer ou à la montagne, de louer un bungalow ou un petit appartement dans une région pas trop coûteuse, voire d’emprunter une maison de vacances appartenant à la famille ou à des amis. Des possibilités, pléthoriques en régions touristiques, existent aussi en Suisse: des auberges de jeunesse aux chèques Reka en passant par le logement chez l’habitant.
A l’autre extrémité, le couple ou le ménage disposant de moyens supérieurs ou décidés à s’offrir un voyage d’exception peuvent rêver large: du traditionnel séjour de luxe sur une île paradisiaque (les Maldives sont en faveur) à l’aventure plus engagée comme un tour dans un pays exotique (Inde, Sri Lanka, Indonésie, etc.), éloigné (Etats-Unis, Canada) ou un trek dans une région reculée comme l’Himalaya ou la cordillère des Andes.
Mais quel que soit le choix de leurs vacances et leur budget, les Suisses font figure de privilégiés. En Europe, la part de la population qui ne peut pas s’offrir une semaine de vacances est plus élevée: un Allemand sur cinq, un Britannique sur trois, deux Français et deux Espagnols sur cinq, et même deux Italiens sur trois… Seuls les Norvégiens sont mieux lotis que les Suisses: un sur dix seulement ne voyage pas. Une manière tellement simple de montrer quels pays sont prospères, et lesquels ne le sont pas.
Quelques chiffres
13,6%
Part de la population totale suisse qui ne voyage pas. Soit une personne sur sept. Et à l’étranger Italie: 66% Espagne: 40,6% France: 40% Royaume-Uni: 29,7% Allemagne: 21,9% Moyenne UE: 39,6%
155,4
En francs, les dépenses totales par personne et par jour pour les vacances des résidents en Suisse, en 2014. Alors qu’elles étaient de 163,7 francs en 2013 148,2 francs en 2008; 117,2 francs en 2003; 125,4 francs en 1998
Sources
Chiffres: OFS, Statistisches Bundesamt, Credoc, Osservatorio Nazionale Federconsumatori, Instituto Nacional de Estadistica, Office of National Statistics
Voyages: Hotelplan, Neos Voyages, Coopérative Reka