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Le futur, c’est tout de suite
Pour en finir avec les inégalités
Le revenu minimum universel devrait être utilisé. Seul le courage politique manque.
Guy Sorman
(...) Que pourrait-on proposer, comme discours électoral ou pratique politique, qui rendrait les écarts de revenus plus acceptables, sans briser le dynamisme du marché, seul garant de la croissance? A gauche, de tradition, l’égalitarisme passe par le salaire minimum en bas et, en haut, par la confiscation des revenus. Mais cette mécanique égalitaire produit en réalité plus d’effets pervers que de justice sociale (...). A droite, la réponse à la question lancinante de l’inégalité est, d’ordinaire, une amélioration des qualifications scolaires. Mais celle-ci est plus facile à invoquer qu’à organiser et, de toute manière, les effets en sont lents. Les plus classiques s’en tiennent au laisser-faire: le marché crée de la richesse et la redistribue, mais voici qui est devenu relativement inexact. On souhaitera donc que la gauche renonce à l’égalitarisme mécanique et la droite à l’égalitarisme béat pour que les uns et les autres proposent une réponse neuve à une situation inédite. C’est possible. Dans la panoplie des économistes, un instrument au moins n’a jamais été utilisé, peut-être parce qu’il n’est ni de droite ni de gauche: l’impôt négatif sur le revenu, aussi appelé revenu minimum universel. Selon le modèle initial tel qu’il fut proposé par Milton Friedman, il y a 50 ans, tout citoyen ou résident légal devrait payer un impôt sur le revenu à partir d’un certain seuil correspondant à une vie décente, et en dessous du seuil, il serait payé de manière à remonter jusqu’à ce seuil. Ce revenu minimum par l’Etat remplacerait toutes les aides et subventions, chacun étant considéré comme capable d’utiliser de manière responsable ce qui lui est garanti. Le revenu minimum universel est un choix éthique et économique. Le revenu minimum universel est une solution de rechange aux Etats providence essoufflés et une réponse à la question de l’inégalité. Seule manque l’audace politique (...).
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Les non-dits de l’économie
Le mythe du partenariat social en Suisse
Invoquer le partenariat social pour refuser l’introduction d’un salaire minimum est un leurre.
Sergio Rossi
Le refus populaire de l’initiative 1:12 a enflammé le débat politique concernant l’initiative sur les salaires minimums, qui sera soumise au vote populaire l’année prochaine. Le message du Conseil fédéral à ce sujet propose de rejeter l’initiative car elle porte atteinte au partenariat social. Ainsi, «les salaires les plus bas dépendent largement du bon fonctionnement du partenariat social et des CCT». Or, même en ignorant le fait qu’une bonne moitié des travailleurs dans l’économie suisse ne sont pas coiffés en l’état par une CCT, l’argument qui fait appel au partenariat social pour refuser l’introduction d’un salaire minimum légal sur le plan national est fondamentalement invalidé par l’évidence empirique. Les parties contractantes sur le marché du travail ne sont pas sur un pied d’égalité (...) étant donné que les travailleurs n’ont visiblement pas la même force de négociation des conditions de travail qu’ont les patrons (...). Les facteurs de ce «déséquilibre» des forces opposées sont évidents. D’une part, l’existence d’une «armée de travailleurs de réserve» (pour paraphraser K. Marx) menace les travailleurs les moins qualifiés: il y aura toujours des chômeurs qui ne rechigneront pas à travailler aux conditions imposées par le patronat (...). D’autre part, les travailleurs ne sont pas représentés au sein du conseil d’administration des entreprises en Suisse (...). Le «partenariat social» est donc un leurre, voire une expression creuse qui est utilisée comme alibi politiquement correct (...).
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Le blog de Jacques Neirynck
Il y a toujours à la fois trop et trop peu d’immigrants
Le peuple veut et ne veut pas la croissance, il souhaite ses avantages et refuse ses inconvénients.
Jacques Neirynck
L’initiative contre l’immigration de masse de l’UDC commence à faire beaucoup de bruit. Elle est, comme toutes les autres démarches de l’UDC, affligée d’une contradiction interne. Si elle réussissait, les relations bilatérales avec l’UE deviendraient caduques et des problèmes paradoxaux et contradictoires de chômage et (ou) de pénurie de personnel qualifié apparaîtraient selon le secteur considéré. Une des rares issues possibles serait l’adhésion pure et simple à l’UE, tant il est vrai que les relations bilatérales n’ont été négociées que pour pallier les inconvénients d’une non-adhésion. Or l’UDC se caractérise par sa capacité historique à élaborer une stratégie à long terme. Comment cet effet paradoxal de l’initiative n’a-t-il pas été prévu? Pourquoi l’UDC court-elle ce risque d’atteindre un effet contraire à sa raison d’être? (...) Dans le débat à venir, chaque partie se fera un malin plaisir de souligner la contradiction fondamentale de l’autre partie. Mais il n’y a au fond qu’une seule et même contradiction: le peuple veut et ne veut pas de la croissance, il souhaite ses avantages et refuse ses inconvénients. Il redoute autant la stagnation que la croissance. Or, notre système économique s’est révélé à l’usage incapable de gérer une marche des affaires à la fois stable et durable. Il risque à tout moment de tomber de l’inflation dans la déflation et réciproquement, comme l’alpiniste suivant une ligne de crête entre deux abîmes. Telle est la contradiction fondamentale de l’économie libérale et toute tentative pour en sortir s’est révélée désastreuse. C’est le pire des systèmes si l’on exclut tous les autres. Il faut faire avec. C’est comme la vie: il n’est pas possible de la donner sans infliger la mort.
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Touche pas à ma com!
Justice populaire et réseaux sociaux
L’indignation populaire est exacerbée par l’utilisation croissante des réseaux sociaux.
Daniel Herrera
Il a 61 ans et travaille depuis douze ans comme chauffeur de bus pour une compagnie de Seattle. Et l’autre jour, arrivé au bout de sa course, il tente désespérément de faire sortir un jeune de 23 ans de son véhicule. Celui-ci s’obstine à rester assis puis lui crache au visage. Alors c’est l’explosion de colère, la déferlante de coups sur le jeune homme. Le tout est filmé par la caméra de surveillance du véhicule puis diffusé sur le web par différents canaux, créant le buzz sur les médias en ligne. Le chauffeur est viré. (...) Dans ce cas comme dans d’autres, c’est le rôle de l’image et des médias en ligne qui m’interpelle. L’employeur avait-il le choix de ne pas licencier son collaborateur, alors que la vidéo de son pétage de plombs faisait le tour de la planète? Aurait-il pu envisager une sanction interne sans se préoccuper des réactions prévisibles de la communauté en ligne? Autrement dit, combien pèsent la fidélité et l’irréprochabilité potentielles d’un chauffeur face au risque d’image d’une entreprise? En l’occurrence, l’irrespect des règles sociales les plus élémentaires (...) ne saurait justifier les coups de poing et de pied. On peut dès lors comprendre que le Mike Tyson de notre histoire perde son travail, car il a clairement dépassé les limites de sa fonction. D’autres cas de mises à l’écart successives à l’indignation populaire (en ligne) paraissent moins évidents. En cas de crise, la notion de fusible n’est pas nouvelle, mais elle semble exacerbée à l’ère numérique. Il faut agir vite, crever l’abcès en sacrifiant des têtes pour éviter la propagation des commentaires négatifs sur les réseaux sociaux, relayés par les médias de référence. Les cas de sanctions spectaculaires autant que précipitées sont multiples et touchent tous les secteurs: politique, économie, sécurité, enseignement, etc. Il y a parfois lieu de se demander si la justice populaire ne serait pas en train de faire son retour, se servant désormais de l’arme des réseaux sociaux pour éliminer ses cibles.
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Et vous, comment ça va?
«J’étais marxiste, je suis devenu pasteur»
Notre journaliste donne la parole aux gens qu’elle croise. Carmelo Catalfamo est devenu pasteur à l’âge de 54 ans.
Sabine Pirolt
«Putain, j’ai réussi! C’est tellement surréaliste.» Voilà ce que je me suis dit fin juin, lorsque j’ai reçu mon master en théologie. J’ai étudié durant huit ans, tout en restant enseignant à Bienne et en ne sacrifiant pas ma vie de famille. (...) Un jour, en 2005, en rentrant d’une journée à raquettes à neige, je me suis dit: «C’est maintenant ou jamais. A 45 ans, c’est le dernier moment.» J’ai commencé la théologie pour clarifier des questions spirituelles, pour aller au cœur du réacteur nucléaire de la croyance. Je voulais vérifier ce que dit le texte biblique, dans le texte en grec et hébreu ancien. Cela permet de donner un sens à certaines choses. Mon but n’était pas de devenir pasteur. Ceux qui veulent le devenir au début des études cherchent une sorte de recette Betty Bossi; ils aimeraient obtenir rapidement des réponses. Le problème c’est qu’en théologie ce n’est jamais comme cela. Il s’agit d’une démarche de questionnement. (...) Aujourd’hui, je vais bien et je me sens bien dans ma peau. Je fais mon stage pastoral d’une année à Tramelan depuis le mois d’août, aux côtés de Philippe Kneubühler. Et je me réjouis d’être pasteur. Il y a une année, je n’arrivais pas encore à dire cela. Les paroissiens m’acceptent bien. Dans ce métier, l’âge est un plus. Ce qui me plaît? Le lien que je peux établir avec toutes sortes de personnes, de tout âge, dans des circonstances capitales de leur existence. Le soir du 24 décembre, c’est la première fois que je ferai la prédication de Noël (...). Je me réjouis beaucoup. Mariages, baptêmes, méditations, enterrements: pour moi, ces derniers temps, c’est souvent la première fois.»