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Michelle Obama descend dans l’arène politique

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Jeudi, 6 Octobre, 2016 - 05:46

Stéphane Bussard 

Décodage. A de rares exceptions près, la First Lady a toujours gardé ses distances avec la politique. Face au danger de voir Donald Trump accéder à la Maison Blanche et saboter le bilan de Barack Obama, elle estime qu’il est de son devoir de se battre aux côtés de Hillary Clinton.

En 2008, dans la course à la Maison Blanche, l’équipe de campagne de Barack Obama l’appelait «the Closer». C’est elle, diplômée de Princeton et de Harvard, qui avait l’argument intellectuel et émotionnel décisif pour convaincre les derniers récalcitrants à aller voter pour celui qui allait devenir le premier président noir des Etats-Unis.

Huit ans plus tard, Michelle Obama s’évertue à expliquer avec passion à un électorat américain sceptique qu’il faut aller voter pour Hillary Clinton lors de la présidentielle du 8 novembre. Dans ses plaidoyers musclés en faveur de la candidate démocrate, aucune mention du nom de son rival républicain, Donald Trump. Mais des critiques au vitriol qui ne trompent pas et qui visent à montrer que le milliardaire new-yorkais n’a ni le tempérament, ni le discernement pour devenir le commandant en chef de la plus puissante armée du monde.

Une nécessité

A un mois d’une élection présidentielle que le monde entier attend avec appréhension, la First Lady considère comme sa mission de s’engager en faveur de Hillary Clinton: «Nous avons besoin d’un adulte à la Maison Blanche. L’expérience, l’état de préparation et le tempérament importent. La présidence n’est pas un apprentissage.» Une allusion manifeste à Donald Trump, qui anima de 2004 à 2014 l’émission de téléréalité The Apprentice (l’apprenti) sur NBC.

Discours après discours, Michelle Obama dénonce la misogynie, la prétention et la vulgarité de l’homme d’affaires new-yorkais qui incarne tout ce qu’elle n’est pas: un Blanc privilégié né avec une cuillère d’argent dans la bouche. Le salut de l’Amérique, pour Michelle Obama, passe par le travail. Pour elle, mener un combat de tous les instants contre l’establishment, à l’image du républicain, serait se renier un peu.

Celle qui s’appelait encore Michelle Robinson avait dû se battre pour se faire reconnaître d’une Amérique qui sortait à peine de l’ère Jim Crow. Elle le répète: «La présidence ne change pas une personne, elle la révèle.» Aussi met-elle en garde: le candidat qui met sens dessus dessous tout le système politico-médiatique par ses outrances ne serait pas différent une fois à la Maison Blanche.

Première First Lady afro-américaine, elle a très mal pris le mouvement des «birthers», dont le candidat républicain s’est fait le héraut cinq ans durant pour mettre en doute l’américanité de son époux président. Même le récent retournement de veste de Donald Trump, qui a finalement reconnu que Barack Obama était bien Américain, n’efface pas cette humiliation.

Faire campagne pour Hillary Clinton devient donc une nécessité. Lors de la convention démocrate de Philadelphie en juillet, la première dame avait déjà annoncé la couleur. Face à un parti menacé par une miniguerre civile après des primaires très disputées entre le sénateur du Vermont, Bernie Sanders, et Hillary Clinton, elle a joué les rassembleuses tout en apportant un soutien crucial à l’ex-secrétaire d’Etat.

Figure appréciée et respectée des Américains, Michelle Obama peut quasiment dire et faire ce qu’elle veut. Elle paraît inattaquable. Prudent pour une fois, le camp Trump ne s’aventure pas à la prendre pour cible.

L’alliée de rêve

La First Lady l’admet: «Aucun candidat n’est parfait.» Mais elle n’hésite pas à mettre en relief les forces de Hillary Clinton: «Quand elle a perdu l’élection (lors des primaires face à Barack Obama) il y a huit ans, elle n’a pas cultivé sa colère ou perdu ses illusions. Elle n’a pas tout abandonné, car en tant que personne dédiée au service public, Hillary sait que tout cela dépasse ses propres désirs et déceptions. C’est la raison pour laquelle elle a remis le pied à l’étrier en acceptant de servir en qualité de secrétaire d’Etat.»

Et Michelle Obama d’ajouter: «C’est grâce à Hillary Clinton que mes filles et tous nos fils et filles jugent évident qu’une femme puisse devenir présidente des Etats-Unis.»

Michelle Obama est une alliée de rêve. Ne visant aucun mandat politique, l’épouse de l’actuel président ne menace personne. Authentique, elle apparaît comme la personnalité idéale pour tenter de motiver les jeunes électeurs qui continuent de ne pas faire confiance à Hillary Clinton.

«Soyons clairs, explique la First Lady pour dramatiser les enjeux du 8 novembre: lors d’élections, il ne s’agit pas seulement de savoir qui vote, mais avant tout qui ne vote pas.» Devant un parterre d’étudiants à l’Université La Salle, à Philadelphie, elle le rappelle: en 2012, le vote des moins de 30 ans a permis à Barack Obama de remporter la Floride, l’Ohio, la Virginie et la Pennsylvanie. Sans eux, «Barack aurait perdu ces Etats et l’élection [présidentielle]. Point final.»

L’occasion pour Michelle Obama de livrer une petite leçon de maths: son époux ne remporta la Pennsylvanie qu’avec 300 000 votes d’avance sur Mitt Romney. Ce qui sépare la victoire de la défaite, «ce ne furent que 17 voix par bureau de vote». Le camp Clinton nourrit un espoir: que la First Lady aide à restaurer ce que les commentateurs politiques appellent la «coalition Obama» composée de femmes, de jeunes, des minorités hispanique, noire et asiatique.

Pour l’heure, Hillary Clinton obtient des scores encore trop volatils dans ces catégories de l’électorat pour s’assurer une victoire en novembre.

Depuis qu’elle est arrivée à la Maison Blanche en janvier 2009, où elle s’est installée presque à corps défendant – elle envisageait un instant de continuer à vivre à Chicago –, Michelle Obama multiplie les initiatives citoyennes: lutte contre l’obésité des enfants par son programme Let’s Move, aide aux anciens combattants grâce à l’initiative Joining Forces, incitation des jeunes à entreprendre des études universitaires.

Il y a pourtant une activité avec laquelle elle a gardé ses distances: la politique. A l’exception notoire des discours passionnés qu’elle a tenus en 2008 et en 2012 pour promouvoir la campagne électorale de Barack Obama.

Un engagement de raison

Aujourd’hui, les enjeux justifient, à ses yeux, de prendre le risque politique de s’associer à une candidate très impopulaire. Hillary Clinton est la seule capable de poursuivre la politique de Barack Obama.

Une élection de Donald Trump à la Maison Blanche pourrait gravement ternir le bilan du démocrate, le milliardaire new-yorkais ayant déjà promis de «déchirer» l’accord de Paris sur le climat et celui sur le nucléaire iranien, ainsi que d’abroger la loi instituant l’emblématique réforme du système de santé, Obamacare. Elle en a conscience: la présidentielle du 8 novembre déterminera en partie la place de Barack Obama dans l’histoire américaine.

L’engagement de Michelle Obama en faveur de Hillary Clinton n’était pourtant pas une évidence. Les primaires de 2008 ont laissé des traces. L’actuelle First Lady avait mal pris la manière dont la rivale de son mari avait critiqué le message d’espoir et de changement formulé par Barack Obama. Les deux camps se sont réconciliés quand le président démocrate nomma Hillary Clinton à la tête de la diplomatie.

Auteure de First Women: The Grace and Power of America’s Modern First Ladies, Kate Andersen Brower en est pourtant convaincue: Michelle Obama ne tient pas en haute estime les Clinton, notamment en raison de leur éthique douteuse. Elle ne les a jamais invités à dîner à la Maison Blanche et peu nombreux sont ceux qui y voient un hasard.

Responsable de «cabinet» de la première dame, Tina Tchen prend néanmoins le contrepied dans le Washington Post. Les relations entre l’ancienne et l’actuelle First Lady sont «très chaleureuses» et Michelle Obama «voue un énorme respect au leadership et aux services rendus au pays» par Hillary Clinton, qui fut dans l’ordre First Lady, sénatrice, puis patronne du Département d’Etat. 

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Zach Gibson / AFP
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