Zoom. Les principaux pays latino-américains contributeurs d’argent non déclaré vont échanger leurs informations avec la Suisse.
Une signature à Buenos Aires. Une autre à Brasília. En un voyage transatlantique effectué la semaine dernière, Jörg Gasser, responsable depuis juillet du Secrétariat d’Etat aux questions financières internationales (SIF), a étendu le réseau des pays prêts à échanger les informations bancaires sur une base automatique avec la Suisse à deux poids lourds latino-américains, l’Argentine et le Brésil. Simultanément, des textes similaires étaient signés avec deux autres Etats importants de cette région du monde, le Mexique et l’Uruguay.
Et, mardi 22 novembre, avec l’Inde, autre partenaire incontournable.
Autrefois grande pourvoyeuse de fonds non déclarés dans les banques suisses, l’Amérique latine rejoint le club des pays avec lesquels la Confédération a le plus ardemment souhaité faire la paix fiscale. Les Argentins et les Brésiliens se précipitaient dans les banques hors de leur territoire pour échapper aux dévaluations et à la fiscalité, en passant parfois par l’Uruguay où huit banques suisses ont pignon sur rue. Bientôt – dès 2019 en ce qui concerne les banques suisses – les fonds qu’ils y déposeront seront annoncés à leurs autorités fiscales.
Ce système se base sur un accord international conclu en 2014 au sein de l’OCDE, le Multilateral Competent Authority Agreement (MCAA), auquel la Suisse a activement participé. Cette dernière, même si elle n’était pas en position de force lors des négociations, a obtenu l’inscription de deux dispositions qui lui tenaient à cœur: que les données transmises ne soient utilisées que pour combattre l’évasion fiscale et que la confidentialité soit garantie.
Le premier accord a été conclu avec l’Australie, en mars 2015. Puis sont venus les 28 membres de l’Union européenne en mai suivant, les îles Jersey, Guernesey et de Man, dépendant de la Couronne britannique, en janvier de cette année, en même temps que la Norvège et l’Islande, vieux partenaires de la Suisse au sein de l’AELE. Peu après, ce club était rejoint par le Japon, la Corée du Sud ainsi que le Canada. L’objectif de Berne est d’élargir rapidement ce cercle.
Longtemps combattue par les milieux bancaires, la transparence «est désormais perçue comme un avantage pour l’industrie financière suisse», explique le professeur Luc Thévenoz, de l’Université de Genève. «Pour les banques, le fait de savoir que le client vient d’un pays avec lequel les informations sont échangées automatiquement élimine le soupçon d’une relation fondée sur l’évasion fiscale. C’est donc un risque de moins pour le banquier», poursuit le spécialiste de droit bancaire.
Le cas difficile de la Russie
C’est donc avec la bénédiction de l’Association suisse des banquiers et surtout des principales institutions (UBS, Credit Suisse, etc.) que Jörg Gasser parcourt la planète afin de gagner de nouveaux partenaires. Avec, parmi les Etats prioritaires, la Russie, un grand fournisseur de clients très fortunés pour les banques suisses.
Un marché difficile, car chaque relation bancaire reste soupçonnée de servir en premier lieu à échapper au fisc. «Un accord ne devrait toutefois pas être rapidement conclu, poursuit Luc Thévenoz, en raison du risque que les autorités dans ce pays utilisent les données transmises par la Suisse à d’autres fins que combattre l’évasion fiscale.»
Cette mise en conformité accélérée fait néanmoins deux victimes: les accords Rubik que Berne avait conclus en 2012 avec l’Autriche et le Royaume-Uni, lorsqu’elle croyait encore possible d’échapper à l’échange automatique d’informations et de sauver le secret bancaire. Le but de ce système était que les clients des banques paient un impôt forfaitaire sans que leur nom soit dévoilé. L’entrée en vigueur dès le 1er janvier prochain de l’échange automatique va définitivement mettre fin à cette chimère.