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Comment la blockchain veut changer le monde

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Jeudi, 24 Novembre, 2016 - 05:55

Mathilde Farine

Décodage. Sorte de registre numérique infalsifiable, la blockchain a servi de support au bitcoin, la monnaie virtuelle. Mais ses applications pourraient être sans limites, selon ses adeptes. Et un nombre croissant d’entreprises industrielles s’y intéressent, portant son influence bien au-delà de la finance. Tour d’horizon.

On lui attribue la paternité du bitcoin. Mais Satoshi Nakamoto – dont la véritable identité reste mystérieuse – est surtout le mathématicien qui a donné sa visibilité au système ayant servi de base pour le fonctionnement de cette monnaie virtuelle, la blockchain. Cette dernière aurait été développée par des militaires. Et, alors que l’intérêt pour le bitcoin s’est tassé, c’est elle, au­jour­d’hui, qui attire toutes les convoitises.

Le principe? Une sorte d’immense registre comptable, numérisé, accessible à tous, sécurisé, décentralisé et où les utilisateurs valident les transactions des autres. «Un système de stockage de la vérité», comme le décrit Soren Fog, CEO de l’entreprise Iprotus à Zoug, qui fournit des services faisant appel à la blockchain.

Tout est transparent, rien ne peut être effacé ou falsifié et, lorsque l’on veut réaliser des transactions et les stocker dans ce registre, il faut un nombre minimum de validations des acteurs du système – n’importe qui dans le cas du bitcoin, des acteurs accrédités dans le cas d’une blockchain privée – pour que l’échange, mis dans un «bloc» avec d’autres transactions, soit accepté et ajouté à la «chaîne de blocs» (voir l’infographie ci-dessous).

Durée du mécanisme de validation? De 15 secondes pour l’ethereum – une autre monnaie virtuelle – à quelques minutes pour le bitcoin, selon la start-up Blockchain France, spécialisée dans le conseil dans ce domaine et qui a écrit un guide détaillé sur cette technologie.

Ainsi, si la blockchain peut servir de registre des transactions en bitcoin, le même système peut être utilisé pour d’autres monnaies ou d’autres services financiers.

«C’est le futur de ce système, estime Adrien Treccani, fondateur de Metaco, une start-up vaudoise spécialisée dans la blockchain, notamment dans le conseil. Les banques ont commencé à travailler sur des monnaies virtuelles pour les paiements interbancaires. Mais elles n’ont encore rien effectué dans le domaine des monnaies traditionnelles. Or, on peut tout à fait imaginer qu’il existe un franc ou un dollar électroniques dans le futur.»

Même en dehors du secteur bancaire, les experts voient des applications à des domaines variés. Selon le Wall Street Journal, il y aurait des dizaines d’institutions financières, parmi les plus grandes, et un nombre croissant d’entreprises dans l’industrie qui travailleraient sur une technologie de ce genre, de façon à trouver un moyen numérique, sécurisé et transparent de tracer la propriété des actifs. Une évolution qui permettrait d’accélérer les transactions et de réduire leurs coûts, tout en diminuant le risque de fraude.

Par exemple, UBS dispose d’une équipe qui travaille uniquement sur les applications de la blockchain, mais ce n’est pas le seul établissement à le faire. Sans compter la multitude de start-up qui se développent à partir des promesses de cette technologie, dont un grand nombre en Suisse.

La «Crypto Valley» zougoise

Les pionniers suisses de la blockchain se trouvent en grande partie à Zoug dans la «Crypto Valley», comme Iprotus. Au total une petite vingtaine d’entreprises s’y sont implantées. Parmi les plus citées: Monetas, une plateforme informatique, Shapeshift, une plateforme d’échange de monnaies numériques, et Blockchain Source, des consultants.

Xapo, qui a mis au point un portefeuille virtuel pour le bitcoin, a déjà levé 40 millions de dollars. Fondée à Palo Alto dans la Silicon Valley, la société s’est déplacée en Suisse en mai 2015, citant sa longue histoire de neutralité et de stabilité.

Le canton de Zurich compte également quelques start-up actives dans ce domaine et, surtout, un incubateur qui ne s’occupe que de jeunes sociétés intéressées par la blockchain: nexussquared. Du côté romand, Metaco est l’un des principaux acteurs, avec sa dizaine de collaborateurs et son antenne aux Etats-Unis, mais l’incubateur Fusion a aussi permis de faire émerger quelques projets.

Des contrats intelligents

Si elle intéresse autant, c’est que la blockchain pourrait aussi servir de base pour ce qu’on appelle les smart contracts, des contrats intelligents, qui contiennent un petit logiciel programmé pour en exécuter les termes sans l’intervention d’une personne. «On peut imaginer qu’un smart contract soit créé pour la loterie. Cela permettrait d’éviter tout risque de fraude ou de tricherie», explique encore Adrien Treccani.

Tour d’horizon – non exhaustif – des perspectives que laisse entrevoir cette technologie.

Finance

Même dans la finance, le bitcoin et les autres monnaies virtuelles ne sont que la partie émergée de l’iceberg. La semaine dernière, les autorités singapouriennes ont annoncé le lancement d’un projet pilote pour utiliser la blockchain dans les paiements entre les banques.

Credit Suisse et sept autres institutions financières y participent, aux côtés des régulateurs et de la Bourse. D’autres projets, comme R3, un consortium impliquant 70 institutions financières, travaillent sur le développement de la blockchain à l’usage du secteur financier, l’enjeu étant, notamment, de trouver un standard commun pour tous.

Assurance

C’est l’un des domaines où les smart contracts pourraient se répandre, selon Adrien Treccani. «Il existe un besoin de transparence dans l’assurance, où les compagnies veulent à la fois automatiser certains processus et démontrer qu’elles ne trichent pas. Avec un petit logiciel, programmé pour débloquer des primes si un certain nombre de conditions sont remplies, elles résolvent ce problème.»

Une preuve de l’intérêt grandissant? L’assureur français Axa a investi 55 millions de dollars dans Blockstream, une société canadienne, en février dernier. Cette dernière a développé le protocole Sidechains, qui met en place des réseaux publics et privés pouvant interagir les uns avec les autres.

Santé

Dans la mesure où cette technologie peut servir de registre, elle peut être utilisée dans des domaines variés. Blockchain France prend l’exemple de la santé: «La blockchain pourrait notamment servir à la traçabilité des médicaments pour lutter contre les faux, à la sécurisation des données de santé, et à la gestion des données des patients», explique la start-up. Dans ce domaine, Guardtime, une start-up spécialisée, a conclu un partenariat avec le gouvernement estonien afin de sécuriser le million de dossiers médicaux du pays sur une blockchain.

Immobilier

La blockchain peut également servir de support pour le registre du cadastre d’un pays. Des expériences sont notamment conduites au Ghana, via une ONG, Bitland, et en Géorgie, par le gouvernement lui-même en collaboration avec la start-up BitFury. Dans le premier cas, «près de 90% des terres rurales ghanéennes ne sont pas enregistrées dans une base de données officielle, et de nombreux citadins n’ont pas encore d’adresse officielle», explique Blockchain France.

Transports

Et si Uber se faisait «ubériser»? Arcade City et La’Zooz sont des start-up qui utilisent la blockchain pour éliminer le rôle d’intermédiaire joué par Uber (ou d’autres entreprises similaires). Le chauffeur est libre d’appliquer ses tarifs, le passager est libre de choisir son chauffeur. Le système fonctionne dans quelques villes américaines. A terme, il est supposé appartenir complètement aux chauffeurs et aux utilisateurs, comme un service public géré par la communauté qui l’utilise.

Et le reste

Vote en ligne, énergie, industrie musicale ou cinématographique, les experts citent maints autres projets et possibilités, dès lors qu’il y a des actifs à protéger ou à certifier, par exemple. Des universités planchent aussi sur les applications de cette technologie dans le stockage des données en général. C’est le cas du projet Enigma du MIT, qui cherche à mettre au point un réseau P2P («peer to peer», de particulier à particulier) qui permette à toutes les parties de stocker et d’utiliser des données, tout en assurant qu’elles restent confidentielles.

Le secteur public, de manière générale, est «une machine complexe – centralisée pour sa gouvernance et pour fournir les services, mais fragmentée et souvent déconnectée dans son organisation et sa capacité à partager les données», souligne le cabinet d’audit Deloitte, dans une étude sur le potentiel de la blockchain. Il explique que cette dernière peut améliorer l’efficacité de l’Etat, à un moment où les gouvernements doivent limiter les dépenses publiques.

Et la confidentialité, dans tout cela?

Avec le bitcoin, toutes les transactions sont visibles. Mais ce n’est pas le cas de tous les systèmes. «Certains nécessitent de la confidentialité et sont gérés par un certain nombre d’acteurs accrédités. Cela pourrait être le cas lorsqu’une entreprise, des données de clients ou de personnes qui doivent rester privées sont concernées. Là, il est possible de crypter le système pour en limiter l’accès. Il faut choisir entre la transparence et la confidentialité, on ne peut pas avoir les deux», indique Adrien Treccani.

Et tous les systèmes ne sont pas non plus décentralisés. Si l’on prend le cas d’un registre des diamants, par exemple, mis au point pour s’assurer de la traçabilité et de l’authenticité des pierres précieuses, «il faut un organisme qui les certifie au préalable», admet le fondateur de Metaco. Beaucoup de variantes, qui laissent augurer beaucoup d’applications pas encore forcément imaginées aujourd’hui.

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