Stéphanie de Roguin
Décodage. Plus de la moitié des jeunes Suisses de 6 à 13 ans possèdent un smartphone et passent une bonne partie de leur temps à l’utiliser. Pour les parents, le contrôle des accès numériques est devenu un enjeu central. Conseils et témoignages.
«On ne peut pas être toujours derrière eux: les jeunes doivent apprendre à se servir du numérique, surtout pour la gestion du temps.» C’est en constatant, impuissant, que ses filles passaient des heures à jouer sur leurs écrans que l’informaticien français Yann Mareschal a développé une solution.
Baptisée Parentsdanslesparages, cette application permet de définir un temps d’utilisation de l’appareil et d’analyser les sites pour voir s’ils sont adaptés (lire ci-dessous). Elle fonctionne sur iOS (iPhone/iPad) ainsi que sur Android et compte aujourd’hui près de 12 000 usagers dans le monde.
Un service que Tess Sigrist utilise depuis un mois. Cette pharmacienne lausannoise, mère de Timothée, 11 ans et demi, et de Zoé, 13 ans, a cherché longtemps avant de trouver le bon système, suffisamment modulable, notamment pour pouvoir laisser l’accès à des applications dites «de secours», qui doivent toujours rester disponibles.
«Mes enfants ont des activités dans tout Lausanne, je leur ai laissé les transports publics, les CFF, Google Maps. Ils peuvent téléphoner et utiliser WhatsApp, indispensable moyen de communication actuel. Par contre, je bloque le reste, dont l’accès aux jeux, à YouTube, Instagram ou à la navigation sur le web.»
Le système permet par ailleurs d’établir un créneau d’utilisation du smartphone dans la journée, cumulé à un crédit en temps. «Ils ont une heure par jour en semaine, seulement trente minutes s’ils ont des tests importants pour l’école, et une heure et demie le week-end, mais jamais avant 13 heures.» Ce qui instaure un cadre. «Je travaille beaucoup et je suis donc peu à la maison, ce serait impossible à surveiller autrement.»
Les Jeunes ciblés par les opérateurs
Selon l’étude zurichoise JAMES*, 52% des Suisses âgés de 6 à 13 ans possèdent un smartphone, et cette proportion ne cesse d’augmenter (elle est passée, en deux ans, de 79 à 97% chez les jeunes de 12 à 19 ans). Cette évolution entraîne une inquiétude croissante des parents, qui veulent d’une part éviter que leurs enfants soient exposés à des contenus violents ou pornographiques, et d’autre part simplement les empêcher de passer des heures devant leur écran au détriment d’activités scolaires, sportives ou sociales.
Les opérateurs, qui se réjouissent de l’évolution des pratiques, commencent à cibler directement la jeune clientèle, notamment Swisscom avec son Natel Easy Start destiné aux 7-18 ans. «Nous trouvons important de leur proposer des offres sur mesure, explique Christian Neuhaus, porte-parole. En parallèle, nous nous engageons pour une utilisation responsable et sûre.»
Ce qui consiste à lier l’offre à un «sponsor», un membre de la famille âgé d’au moins 18 ans, qui charge chaque mois un crédit défini. Avec son offre Young, Salt propose une formule semblable. Aux parents de faire le reste.
* Etude basée sur les réponses de plus de 1000 jeunes de 12 à 19 ans, menée en partenariat avec Swisscom. Les résultats ont été présentés le 30 octobre 2016.
Quatre outils de contrôle parental
Les systèmes de contrôle parental fonctionnent au moyen d’une application à installer sur l’appareil de l’enfant, et par l’intermédiaire d’une application de pilotage
(ou d’un site web) pour le parent. Ils proposent la géolocalisation, la sélection des applications et des sites autorisés, le blocage de sites jugés nuisibles et la délimitation du temps passé sur le Net ou sur les jeux. Quelques exemples:
Parentsdanslesparages. Les paramètres du téléphone peuvent être gérés à distance depuis n’importe quel appareil et plusieurs smartphones ou tablettes peuvent être ainsi configurés. L’application permet la délimitation d’un créneau, d’un crédit d’utilisation ainsi qu’une déconnexion immédiate et à distance d’une session enfant. Période d’essai d’un mois gratuite. Ensuite, deux possibilités d’abonnement: 2,99 euros par mois, résiliable à tout moment, ou 29 euros par an.
Qustodio. En plus des fonctions décrites plus haut, cet outil dispose d’un tableau de bord simple qui donne la possibilité à l’adulte d’accéder à des statistiques sur la consommation de l’enfant (sites visités, fréquence et durée d’utilisation). Version gratuite: protection d’un appareil et fonctionnalités de base. Version premium: forfait petit (jusqu’à 5 appareils): 49,95 dollars par an; forfait moyen (jusqu’à 10 appareils): 87,95 dollars par an; forfait grand (jusqu’à 15 appareils): 125,95 dollars par an.
IChaper. Cette plateforme ajoute des fonctions de géolocalisation allant jusqu’à définir des zones sûres ainsi que des zones interdites à l’enfant. Bouton alarme en cas de danger, qui appelle les urgences ou un contact défini en amont. Quinze jours d’essai gratuits puis 19,90 euros par an.
Xooloo. Propose une solution pour enfants, Xooloo AppKids, avec une interface très ludique et sécurisée, et une pour adolescents, Xooloo Digital Coach, qui responsabilise l’ado sur l’utilisation de son appareil. Le parent doit télécharger sa propre application, Xooloo Parents, qui est mise en relation avec celle de l’enfant. Pour un appareil, 2,99 euros par mois, ou 29,99 euros par an.
«S’intéresser à ce qu’ils font avec leurs appareils»
Trois recommandations de Monique Ryf, responsable du bureau romand de Pro Juventute.
1.«Adoptez une attitude positive lors de l’éducation des enfants à l’usage des médias sociaux. Internet est avant tout une source d’information et de contenus positifs. Il s’agit d’accompagner les enfants vers une utilisation responsable de ces nouvelles possibilités. A chacun d’établir un lien de confiance, de discuter régulièrement avec les jeunes et de s’intéresser à ce qu’ils font avec leur smartphone.»
2. «Osez poser des limites… en montrant l’exemple! Vous êtes les parents et, dans ce rôle, vous posez des règles en ce qui concerne le smartphone: ne pas l’utiliser à table, le laisser à un endroit précis le soir avant d’aller se coucher et ne pas l’emporter dans la chambre, limiter les heures passées sur des écrans d’une manière générale et sur le smartphone en particulier. Vous pouvez passer des accords avec les enfants et les réadapter au fur et à mesure.»
3. «Restez attentif. Les dangers qui peuvent guetter les enfants via l’utilisation des nouveaux médias sont connus (cyberharcèlement, sexting, protection des données, etc.). Il est bon que les parents s’informent de manière générale. Mais ils doivent surtout rester attentifs aux changements qui pourraient se produire chez l’enfant: repli sur soi, perte de sommeil, isolement, agressivité peuvent être des signes que l’enfant subit des attaques via les médias sociaux. Il s’agit à ce moment d’établir rapidement un dialogue pour déceler les causes du changement et y mettre fin si possible.»
