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Politique migratoire
La saison des soldes
L’immigration augmente- t-elle ou diminue-t-elle en Suisse? Voilà la plus basique des questions à traiter avant tout débat sur le thème.
Étienne Piguet
(...) En consultant l’infographie du site de la Radio télévision suisse (RTS), on croit comprendre que le solde migratoire annuel (…) a diminué de 26% entre 2010 et 2012! Mais, en consultant le site de l’initiative UDC «Contre l’immigration de masse», le solde migratoire (appelé bilan) (…) a pour la même période augmenté de 13%! (…) La RTS, chaîne d’Etat, fait-elle de la propagande? L’UDC, en pleine campagne, manipule-t-elle les chiffres? Remontons d’un cran: la RTS donne comme source l’Office fédéral de la statistique (OFS), l’UDC l’Office fédéral des migrations (ODM). (…) Dans le calcul de son solde migratoire, l’ODM considère comme des immigrants les étrangers qui entrent en Suisse physiquement avec un permis durable (≥ 1 an), mais aussi les étrangers déjà en Suisse avec un permis non permanent (< 1 an) (…). Depuis 2011, l’OFS procède différemment de l’ODM et ne considère (…) que les personnes qui entrent effectivement en Suisse au bénéfice d’un permis de longue durée (> 1 an). (…) En conclusion, il n’y a pas de solde plus juste ou plus faux que l’autre, disons que celui de l’OFS est techniquement plus exact, mais que celui de l’ODM reflète mieux l’impact effectif de l’immigration surla population. A titre personnel, c’est une troisième démarche que je privilégie. Elle consiste à calculer (…) un solde migratoire total par différence entre l’accroissement de la population et les soldes naturels (naissance, décès), sans distinction entre immigrants/émigrants, Suisses et étrangers. (…) Mes chiffres sont inférieurs à ceux du solde de l’ODM (…), ils sont par contre supérieurs à ceux du solde migratoire de la population résidante permanente de l’OFS (…). Conclusion de l’enquête: pas de scoop! Après une croissance marquée en 2007/8 qui coïncide avec la levée des contingents pour les quinze anciens Etats membres de l’UE et avec une vigoureuse croissance économique, l’immigration en Suisse est d’une remarquable stabilité. (…)
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Une Suisse en mouvement
Une Suisse entreprenante à Bruxelles: vers un «Swissnex» politique?
La Suisse devrait faire connaître les recettes de son succès économique, social et politique.
Johan Rochel
(...) A Bruxelles, au cœur du pouvoir politique de l’UE, la Suisse lancera fin janvier un cycle de conférences intitulé «Une Suisse entreprenante pour l’Europe du futur». En collaboration avec l’Université libre de Bruxelles (ULB) et la Mission suisse auprès de l’Union, cette série de conférences vise à «mieux appréhender et comprendre» la relation entre la Suisse et l’UE. (…) La manœuvre mérite d’être complimentée. La Suisse est un modèle de réussite économique, sociale et politique. Si elle ne confond pas fierté et vantardise, compétences et prétentions, elle a raison de faire la promotion de ses succès. (…) Le cycle de conférences vise toutefois à aller plus loin que la simple promotion du modèle suisse sur un mode publicitaire (…) et cherche à mettre en place une véritable stratégie de diplomatie «second track». (…) L’académie peut jouer pleinement son rôle de transmetteur de savoir et faciliter, politiquement, la «reprise» de ce savoir auprès des différents partenaires. (…) Si la direction choisie est la bonne, elle mériterait d’être poussée plus avant. Les «Swissnex» ont permis à la Suisse scientifique de se faire connaître aux points névralgiques de la production du savoir. Pourquoi ne pas chercher à faire de même avec le «modèle suisse», à savoir les recettes qui font le succès économique, social et politique de notre pays? (…) A quand un «Swissnex» des compétences économiques et politiques, installé à Bruxelles, et réunissant centres de recherches et think-tanks de Suisse et d’Europe?
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La Suisse à 10 millions d’habitants
Immigration: l’UDC ou le retour des statisticiens du dimanche
Il y aura 16 millions d’habitants, dont une majorité d’étrangers, en 2060, clame l’UDC. Du grand n’importe quoi.
Pierre Dessemontet
Ce samedi 18 janvier, les Vaudoises et les Vaudois ont pu découvrir en page 5 de leur quotidien cantonal une grande annonce signée de l’UDC, intitulée «Bientôt plus d’étrangers que de Suisses», et qui claironne que «faute d’un contrôle de l’immigration, il y aura dans moins de cinquante ans en Suisse plus de 16 millions d’habitants» et «plus d’étrangers que de Suisses». A l’appui, un graphique et des chiffres fantaisistes, inventés de toutes pièces (…). Non contente de raconter n’importe quoi, l’UDC a même le culot de citer comme source l’Office fédéral de la statistique (OFS) (…). Nul doute que, pris à partie de telle manière, l’OFS réagira. Soyons clairs: (…) personne n’a jamais parlé d’une Suisse à 16 millions d’habitants, ni pour 2060, ni pour aucune autre année, et pour cause: elle fait partie du domaine de la légende, de la fantaisie héroïque, de la dystopie ou de la science-fiction – mais certainement pas de la panoplie des futurs possibles. De cela, bien sûr, les dirigeants et les experts de ce parti sont parfaitement au courant. Honte à eux, dès lors, soit pour s’être livrés eux-mêmes à ce fieffé mensonge, soit pour l’avoir cautionné ou laissé publier en pleine campagne de votation: c’est un comportement indigne de notre démocratie. (…)
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L’économie pour tout le monde
FAIF: Une question de temps!
Les opposants prétendent que les coûts de ce fonds d’infrastructures ferroviaires sont faramineux. Comparons-les donc à ce que l’on gagne.
Samuel Bendahan
(...) Il y a trois sources de financement supplémentaires pour FAIF, qui vont nous coûter quelque chose. D’abord, les cantons vont devoir mettre la main à la poche pour 200 millions
de francs. Pour estimer le coût pour une personne, je suis parti du principe que les cantons allaient utiliser leurs recettes fiscales pour payer cette somme. Pour une personne avec un revenu médian (c’est-à-dire qui gagne 6000 francs brut par mois), la part d’impôt que cela lui coûtera est d’environ 2 francs par mois. (…) Si la personne qui gagne 6000 francs de revenu dépense pour 4000 francs dans des biens imposables en TVA, cela lui coûterait 4 francs par mois. (…) Donc au total, 6 francs par mois de coût. Si l’on convertit cela au salaire horaire que touche une personne avec un revenu médian, c’est l’équivalent de 9 minutes et 40 secondes de travail (ou environ 30 secondes par jour). Ce que rapporte FAIF, par contre, est incommensurable. (…) Au total, on parle de milliers de places de travail (…). Ces projets visent à augmenter massivement les cadences, c’est-à-dire le nombre de trains par heure, mais aussi la capacité (nombre de passagers qu’il est possible de transporter sans trains bondés). De plus, cela réduira les retards et accélérera plusieurs temps de parcours. Enfin, il ne faut pas oublier que plus un réseau de transports publics est efficace, plus les gens l’utilisent au détriment de la voiture. (…) Un trajet en voiture qui est une minute plus rapide par trajet, c’est 40 minutes économisées par mois. Un train qui passe tous les quarts d’heure au lieu de 30 minutes, c’est en moyenne 5 heures par mois de gagnées. Un train qui gagne 2 minutes par trajet, c’est 1 heure 20 de gagnée par mois. Bref, les gains concernent tout le monde et sont bien plus élevés que les 9 petites minutes de travail calculées ci-dessus. (…)
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Les miroirs de l’ailleurs
«Elysium» ou Comment «lire» la science-fiction
La fiction est un dispositif dont la fin principale est de générer émotions humaines et scénarios humains.
Marc Atallah
Deux événements m’ont décidé à écrire ce billet de blog: la vision, récente, du film Elysium (Neill Blomkamp, 2013) et l’acquisition du tout aussi récent essai du philosophe des sciences Gilbert Hottois (Généalogies philosophique, politique et imaginaire de la techno science, Vrin, 2013). Ce dernier cherche par tous les moyens à comprendre, avec rigueur, comment la science-fiction pourrait nous être utile, aujourd’hui, dans ce monde saturé de technoscience. (…) Il est évident qu’une fiction intéressante est une fiction qui provoque des émotions: on vibre, on rit, on pleure, on angoisse, on espère, on désire, on attend, on… Bref, on éprouve un récit – on ne le subit pas. (…) Mais la fiction produit aussi des scénarios grâce auxquels (…) nous arrivons mieux à cerner ce que nous sommes en train de vivre. Elysium est à cet égard un film intéressant. Rappelez-vous: une élite minoritaire vit dans une station spatiale et exploite une humanité restée sur Terre, qui, évidemment, n’a pour unique souhait que de pouvoir rejoindre la colonie de riches à l’aide de navettes de fortune. Comment fonctionne la science-fiction? Facile. L’élite, ce sont les riches; les terriens, ce sont les pauvres; entre deux, c’est le vide sidéral. Or, qu’y a-t-il entre les riches et les pauvres? La classe moyenne. Le film semble donc nous dire que la direction prise par l’humanité démocratique est de supprimer, petit à petit, la classe moyenne (le vide spatial) mais que, si cette suppression passe inaperçue, c’est parce qu’il reste l’espoir, pour les pauvres, de devenir, un jour, membres de l’élite. (…) Nous acceptons les disparités sociales car nous rêvons à la possibilité d’être de l’autre côté de la barrière. (…) La science-fiction de Blomkamp est donc une «machine» à décrypter ce qui fait l’humanité actuelle – c’est-à-dire ses fonctionnements intimes – et non (…) la technoscience: celle-ci est en effet une excuse pour imaginer un scénario humain intéressant.