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La conversion des Romands

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Jeudi, 30 Janvier, 2014 - 05:58

Transports publics.Comme les Alémaniques, les Suisses romands ont fini par plébisciter les transports publics lorsque l’offre répond à leurs attentes. Le point avant la votation.

Les Romands méritent-ils leur réputation d’inconditionnels partisans de la sacro-sainte bagnole? Non! C’est en tout cas de moins en moins le cas, ainsi que le révèle l’enquête de L’Hebdo sur l’évolution des parts modales de trafic en 1970 et 2010, cela en marge de la votation du 9 février sur l’avenir du rail en Suisse (voir encadré). Tous les cantons romands affichent une progression des transports publics. Mieux: les résidents genevois se révèlent désormais plus écolos que les Zurichois!

C’est incontestablement un point de bascule. La dernière décennie a marqué une inversion de tendance en matière de transports en Suisse romande. Tous les cantons – à l’exception de Fribourg – notent un effritement de la part modale des véhicules privés au profit des transports publics. Le phénomène est particulièrement marqué dans l’arc lémanique, qui connaît un impressionnant boom économique et démographique. «Le bassin lémanique est le champion du transfert modal», résume Pierre Dessemontet, géographe et patron de MicroGIS, une entreprise spécialisée dans la cartographie politique.

Mais Vaud et Genève ne sont pas seuls à observer ce phénomène. D’autres cantons, dont les réseaux RER sont encore parfois embryonnaires, notent le même changement d’habitudes. Le dernier en date à s’en féliciter est le délégué à la mobilité de l’Etat du Valais, Pascal Bovey: la ligne Brigue-Monthey, sur laquelle les trains circulent pour l’instant à la cadence demi-heure aux seules heures de pointe, affiche une hausse de passagers de 25%. «C’est un succès. En un an, nous avons déjà atteint les objectifs fixés pour fin 2015.»

Culte de la voiture. Ce renversement de tendance marque aussi la fin d’une «légende urbaine», selon le terme employé par le conseiller aux Etats genevois Robert Cramer. Celle qui veut que les Romands vouent un culte irrationnel à leur voiture, contrairement aux Alémaniques qui la laissent depuis longtemps au garage. Comme si c’était une question quasi génétique.

Ce n’est plus le cas. Dès qu’ils disposent d’infrastructures performantes en matière de transports publics, les Romands aussi les plébiscitent. L’analyse de l’évolution des transferts modaux révèle même une grosse surprise: malgré tous les remous qui ont secoué la République sur la question des transports, Genève est désormais aussi bon élève que Zurich, selon les chiffres de l’Office fédéral de la statistique (OFS), qui ne tiennent pas compte du trafic transfrontalier.

Fruits du volontarisme.«Mais ce n’est pas un miracle, tient à préciser David Favre, secrétaire général adjoint au Département de l’environnement, des transports et de l’agriculture (DETA). En fait, Genève ne fait que récolter les fruits d’une politique très volontariste depuis l’arrivée au Conseil d’Etat du Vert Robert Cramer en 1997. Enterré – ou presque – trente ans plus tôt,
le réseau de trams renaît de ses cendres. Ces douze dernières années, les TPG ont doublé leur offre, ce qui a engendré une hausse des passagers de 86%.»

Effet m2. Dans le canton de Vaud également, la progression des transports publics est spectaculaire, même si leur part modale est encore loin d’atteindre la part des véhicules privés. Ici aussi, «c’est l’amélioration de l’offre qui a entraîné le changement de comportement des gens», relève la conseillère d’Etat Nuria Gorrite, cheffe du Département des infrastructures.

La mise en service du premier métro de Suisse – le m2 – à Lausanne et l’amélioration du RER vaudois font un tabac. De 2000 à 2010, la part des détenteurs d’un abonnement de transports publics a grimpé de 31 à 46% dans la population des plus de 16 ans, ce qui a permis de soulager le trafic, notamment à Lausanne. «Nous avons noté une baisse du trafic de 13% dans toute la ville, et même de 30% dans certains quartiers proches de la ligne du m2», se réjouit le conseiller municipal et directeur des travaux Olivier Français.

Mais l’amélioration de l’offre n’explique pas tout. «Les deux tiers de la hausse de la part modale des transports publics sont dus au changement des générations», souligne encore Pierre Dessemontet. Un autre bouleversement se dessine: les jeunes qui arrivent sur le marché du travail ne glorifient plus la voiture. Ce sont eux qui prennent un abonnement de transports publics, alors que ceux qui quittent la vie active, les retraités, n’en avaient pas.

Qu’il paraît loin, le temps où un jeune citoyen n’ayant pas son permis de conduire dans les mois suivant sa majorité était raillé par ses copains, comme si ce statut de «jeune adulte non conducteur» tenait du handicap. Les mentalités ont bien évolué. Dans le canton de Vaud, seuls 57% des jeunes de 18 à 25 ans sont titulaires du permis, contre 89% dans la génération des 45 à 64 ans.

«Dès l’école, la jeune génération d’aujourd’hui est biberonnée aux transports publics. Son système de valeurs englobe l’écologie, le développement durable et la lutte contre le réchauffement climatique», explique Pierre Dessemontet.

Cela dit, le spectaculaire changement d’image des divers modes de transport ne touche pas que les jeunes générations, ainsi que l’a montré une étude de l’EPFL et de l’Université de Genève. Dans les années 90, les gens jugeaient les transports publics «vieillots et lents», alors que la voiture était encore synonyme de rapidité, de flexibilité et de liberté. Aujourd’hui, c’est presque le contraire: ils perçoivent les transports publics de manière beaucoup plus positive, tandis que l’image de la voiture – devenue polluante et chère – n’a cessé de se dégrader dans les esprits.

Vingt ans de retard. Si les Romands se convertissent lentement aux transports publics, il n’empêche qu’ils sont loin d’atteindre la qualité de l’offre des grandes agglomérations alémaniques. Selon les spécialistes interrogés, les Romands accusent vingt, voire trente ans de retard dans la planification de l’offre régionale. Une question de rapport du citoyen à l’Etat selon les uns, un manque de vision selon les autres. En Suisse alémanique, Zurich a pris son destin en main en préfinançant son réseau RER dès 1982, alors que les Romands se sont contentés d’attendre que des crédits soient débloqués à Berne.

Aujourd’hui, les cantons romands ont donc de gros besoins à combler. D’où l’importance de la votation du 9 février prochain sur le financement et l’aménagement de l’infrastructure ferroviaire (FAIF, voir encadré). Un enjeu capital pour l’arc lémanique, mais aussi pour toute la Suisse à l’heure où elle doit s’imaginer compter 10 millions d’habitants à l’horizon 2030.


FINANCEMENT
Vote historique pour le rail

C’est une étape cruciale pour le développement du rail que la votation du 9 février prochain sur le financement et l’aménagement de l’infrastructure ferroviaire (FAIF). Il est prévu de créer un fonds spécifique au rail et la réalisation de projets pour 6,4 milliards de francs, dont la Suisse romande profitera largement à raison d’environ 3 milliards: notamment 790 millions pour la rénovation de la gare de Genève, 330 millions pour l’extension des capacités sur le tronçon Genève-Lausanne, 300 millions pour la ligne Lausanne-Berne et 390 millions pour le doublement de la ligne du pied du Jura à Gléresse, au bord du lac de Bienne.

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Laurent Gillieron /Keystone
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