Quantcast
Channel: L'Hebdo - Cadrages
Viewing all articles
Browse latest Browse all 2205

«Moscou a besoin de notre argent»

$
0
0
Jeudi, 13 Mars, 2014 - 05:55

Radoslaw Sikorski.Le ministre polonais des Affaires étrangères s’étonne de la timidité de l’attitude de l’Union européenne face à la Russie.

Propos recueillis par Jan Puhl

Vous passez pour un avocat de la ligne dure face à Moscou. Que demandez-vous?
J’ai toujours été partisan de collaborer avec les Russes quand c’était possible et dans l’intérêt des deux parties. Mais actuellement nous sommes confrontés à une tentative de modifier les frontières par la force. Une telle attitude exige une réponse claire.

Jeudi dernier, l’UE a décrété des sanctions extrêmement clémentes. Avec ses exportations de gaz, Poutine n’a-t-il pas en main un moyen beaucoup plus efficace pour exercer des pressions?
Seulement 30% environ du gaz importé dans l’UE provient de Russie. La Norvège en livre davantage. Je ne pense pas que la Russie puisse nous mettre sous pression par ce moyen. Moscou a besoin de notre argent.

Est-ce que dans cette crise l’Europe ne donne pas une impression faiblarde? Alors que les chefs d’Etat et de gouvernement européens discutaient encore à Bruxelles, Washington prenait déjà des mesures plus sévères.
Les Américains ont même fait plus puisque, par exemple, ils ont déplacé en Europe de l’Est des avions de combat F-15 et F-16. A la différence de l’Europe, justement, les Etats-Unis ont un gouvernement central. Nous devrions apprendre de cette crise que l’intégration européenne doit se poursuivre également en matière de politique de sécurité.

Etes-vous déçu de l’Union européenne?
Il en va de l’UE comme du Vatican: les moulins du bon Dieu tournent lentement. Nous avons fait des erreurs. En décembre 2011, notamment, quand les négociations sur un accord d’association étaient bouclées entre l’UE et l’Ukraine, les juristes et les traducteurs de Bruxelles se sont donné une année pour peaufiner le texte. Si, à l’époque, les deux parties avaient signé plus rapidement, l’Ukraine serait depuis longtemps plus étroitement associée à l’Europe. Nous n’avons pas non plus anticipé le moins du monde combien le président Ianoukovitch s’avérerait un homme irresponsable et que, place Maïdan, on risquait d’assister à un massacre bien pire. Seule notre initiative d’intermédiation commune – par l’Allemagne, la France et la Pologne – l’a empêché.

La Crimée est-elle déjà perdue pour l’Ukraine?
Le fait que le pseudo-Parlement de Crimée ait déjà proclamé la presqu’île partie intégrante de la Russie est une infraction claire à la Constitution de l’Ukraine, Etat souverain. Mais il existe encore là-bas des unités militaires et des institutions ukrainiennes. Par ailleurs, la majorité russe n’y est pas écrasante: près de 40% de la population de Crimée sont des Ukrainiens et des Tatars. Dans l’Union européenne, il existe aussi des minorités russophones, par exemple dans les Etats baltes. Ce serait un désastre si Poutine prétendait y appliquer aussi les fondements de sa politique ukrainienne.

Ces dernières années, la Pologne a endossé le rôle de porte-parole de l’Europe de l’Est. L’UE s’intéresse-t-elle trop peu à l’Est?
Chacun apporte ses propres perspectives. Les Italiens et les Espagnols s’intéressent à l’espace méditerranéen, les Britanniques au monde anglo-saxon. Mais nous ne devons pas oublier qu’à l’est, en Biélorussie et en Ukraine, vivent des gens qui se sentent Européens et aspirent à l’Union. Ce qui n’est pas le cas au sud, par exemple en Afrique du Nord.

Pourquoi les Polonais sont-ils pareillement engagés dans ce conflit?
Les Ukrainiens sont nos voisins, ils combattent pour le même objectif que nous en 1989: pour un pays qui soit plus démocratique, moins corrompu et européen.

© Der Spiegel
Traduction et adaptation Gian Pozzy


Radoslaw Tomasz Sikorski
51 ans, ministre polonais des Affaires étrangères, il a été journaliste avant de devenir en tant qu’indépendant vice-ministre de la Défense dans le gouvernement de Jan Olszewski en 1992, appelant à une intégration rapide de la Pologne à l’OTAN. Il sera ensuite ministre  de la Défense dans le gouvernement très droitier de Jaroslaw Kaczynski. En 2007, il s’inscrit au parti de centre-droit libéral et proeuropéen Plateforme civique (PO). Il est nommé à la tête des Affaires étrangères peu après.

Edition: 
Rubrique Print: 
Image: 
Jakub Kaminski Poland Out / EPA
Rubrique Une: 
Pagination: 
Pagination visible
Gratuit: 

Viewing all articles
Browse latest Browse all 2205

Trending Articles