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Le Mali n’est pas l’Ukraine

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Jeudi, 20 Mars, 2014 - 05:55

Armées.Les Européens, Français et Allemands en tête, rodent leur coopération militaire en Afrique. Que vaudrait-elle face à la Russie?

François Hollande et Angela Merkel en avaient convenu lors d’un conseil des ministres conjoint à leurs deux pays, le 19 février à Paris: un détachement de la Brigade franco-allemande (BFA) serait envoyé au Mali. Un mois plus tard, nous y sommes. S’ajoutant à d’autres militaires allemands et français déjà sur place mais relevant d’unités distinctes, 100 soldats de cette formation binationale devaient être déployés à partir de cette semaine à Bamako et alentour. Ils seront intégrés à l’European Union Training Mission (EUTM) au Mali, une mission de l’Union européenne à laquelle participent plus de 20 pays et qui consiste à former, tant au commandement qu’au combat, une armée locale où tout ou presque est à reconstruire.

Cent: le nombre est peu élevé, rapporté aux 4800 hommes et femmes constituant l’effectif total de la BFA, dont l’état-major se trouve à Müllheim, dans le Bade-Wurtemberg. Ce déploiement, le premier en Afrique s’agissant de la brigade, revêt un caractère symbolique l’année de ses 25 ans d’existence, sa création ayant été décidée quelques mois avant la chute du mur de Berlin par François Mitterrand et Helmut Kohl, deux des piliers de la réconciliation franco-allemande, qui s’inscrivait là jusque dans le marbre militaire. Caractère symbolique? Pas seulement.

Acteur de la paix. Politiquement et financièrement, la France est soucieuse d’impliquer davantage l’Allemagne dans la «défense sud» de l’Europe, dont on sait, au moins depuis l’opération Serval contre des milices islamistes et indépendantistes, qu’elle commence très bas sur la carte, en l’occurrence au Sahel. En ce sens, Berlin donne un début de satisfaction à Paris, quand bien même l’engagement de la BFA au sein l’EUTM ne s’apparente pas à une mission de combat. Le partenaire allemand a pris conscience que sa participation à ce type d’opération, menée loin de son sol et requérant en pareil cas l’aval d’un Bundestag extrêmement pointilleux, contribuait à sa sécurité.

L’Allemagne se voit désormais comme un acteur de la paix dans le monde, dût-elle ouvrir le feu, ce qu’elle fit au Kosovo, rompant avec sa tradition de non-intervention armée à l’extérieur de ses frontières, en vigueur depuis 1945, puis après le 11 septembre 2001 en Afghanistan, à chaque fois sous l’égide de l’OTAN. «La réforme de l’armée allemande, entamée en 2010, instaurant la professionnalisation des troupes, vise à transformer la Bundeswehr en une force de projection sur des théâtres lointains», explique Michel Drain, chercheur associé au Comité d’études des relations franco-allemandes (CERFA), rattaché à l’Institut français des relations internationales (IFRI). «Cette nouvelle approche porte un nom en Allemagne, précise le chercheur: Armee im Einsatz.»

Maître incontestable. L’opération de peacebuilding auprès de l’armée malienne – nonobstant les actions sporadiques de guerre menées par la France contre des poches rebelles subsistant au nord du pays – se déroule dans le cadre de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC) de l´UE, l’OTAN demeurant le maître incontestable, et très peu contesté, de la défense de l’Occident.

«Les Accords de Lancaster House, signés par la France et la Grande-Bretagne en 2010, les deux véritables puissances du continent en dehors de la Russie, doivent aboutir à une coopération militaire d’une ampleur jamais atteinte jusqu’ici entre Européens, mais des considérations politiques, liées au devenir institutionnel de l’Union, freinent leur mise en œuvre», observe Michel Drain.

Configuration nouvelle.«Si la refondation militaire du lointain Mali semble faire l’unanimité parmi les états-majors européens, qu’en sera-t-il avec la proche Ukraine?», questionne, dubitatif, le chercheur du CERFA. Comprendre et compléter: en cas de dangereuse escalade. «Nous nous retrouverions dans une configuration complètement nouvelle, comparable, si l’on cherche un point de repère, à celle qui prévalait au début du XXe siècle en Europe, note-t-il. Nous avons d’une part la France et l’Allemagne, relativement prudentes face à la Russie, et d’autre part la Pologne, les pays baltes et scandinaves pour qui les Russes représentent l’ennemi héréditaire.»

Les logiques de solidarité européenne sont ici mises à l’épreuve. Il reste, le cas échéant, l’OTAN et l’article 5 de sa charte, qui oblige à l’assistance mutuelle. En matière de «défense européenne», on n’a toujours pas trouvé mieux.

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Caro Bastian, Keystone
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