Puériculture.Editeur et chroniqueur humoristique, l’ancien journaliste économique Cyril Jost publie un ouvrage qui fait la synthèse des théories sur les 0-3 ans.
Les bébés suisses ont désormais leur expert en puériculture. Il est moustachu, a le cheveu fourni et un accent indien à couper au couteau lorsqu’il expose ses abracadabrantes théories économiques, tous les vendredis, sur Couleur 3, dans la chronique 120 secondes. Dans la vraie vie, Rajiv Patel, hilarant attaché économique à l’ambassade d’Inde à Berne, s’appelle Cyril Jost. Cet ancien journaliste économique et humoriste de talent – qui se consacre actuellement à l’édition – vient de publier L’essentiel sur les bébés, un ouvrage de 160 pages consacré aux 0-3 ans.
Le Vaudois de 37 ans, père de fillettes de 2 et 4 ans, a fait un travail admirable de digestion et de synthèse d’une matière traitée par d’innombrables livres, magazines et sites spécialisés. Grand et décontracté, Cyril Jost a un sourire aussi franc que juvénile. Pas de trace de moustache et encore moins d’accent indien. Assis dans la salle de conférence d’un bureau-appartement au centre de Lausanne, il explique son ouvrage: «Dans le domaine de la puériculture, on peut vite se trouver face à une overdose d’informations. Pour un non-spécialiste, il y a de quoi en perdre son latin. Je me suis donné pour mission de séparer ce qui relève du fait et de l’opinion, en me gardant de donner des conseils. Le seul valable, selon moi: faire confiance à son bon sens en étant préalablement bien informé.»
Oust les partis pris! Dans l’introduction, il explique d’ailleurs que «les différentes écoles, modes et autres théories ont été analysées scrupuleusement, pour mieux relativiser les guerres de clocher et les avis personnels, et ne présenter qu’une information purement factuelle.» L’exercice est réussi. En sept chapitres, qui concernent notamment l’alimentation, le sommeil ou le développement de l’enfant et la vie pratique, l’auteur fait le tour des principales questions que se posent les nouveaux parents. Un exemple? L’épineux choix entre le pouce ou la tétine. Son constat: «Certains parents affichent une préférence pour l’une ou l’autre méthode, mettant en avant leurs avantages et inconvénients respectifs. D’un point de vue médical, les deux options sont équivalentes.»
En plus des données rigoureusement vérifiées, l’ouvrage comprend également des tableaux dont un, par exemple, sur l’ordre d’apparition des dents. Pas moins de 40 personnes en Suisse, en France et en Belgique ont relu le texte, dont neuf professeurs et docteurs, spécialistes en pédiatrie. Un guide de père pour ses pairs? «Non, c’est un livre tous publics, mais je n’exclus pas le fait que mon approche soit celle d’un papa. La mère a porté son enfant, le père endosse différemment son rôle. Pour moi, la recherche d’informations et la lecture ont clairement fait partie de ce processus.»
Nouveaux pères. Dans sa préface, l’auteur explique qu’avant d’écrire son livre, il a changé 3147 couches, donné 1842 biberons et raconté 469 fois l’histoire des Trois petits cochons. Papa poule, Cyril Jost? «Complètement! Comme beaucoup d’autres hommes de ma génération, je vois ça comme une chance que nous offre notre époque. Je passe un jour par semaine, les week-ends et beaucoup de vacances avec mes filles.» Elles ont de la chance, leur papa adore cuisiner.
Ce dernier constate qu’autour de lui de plus en plus de pères travaillent à temps partiel ou deviennent indépendants pour ainsi mieux gérer le temps qu’ils consacrent à leur famille. «Ma compagne, elle, travaille à 80%. Il m’arrive de partir en voyage d’affaires avec elle et les enfants. Je me retrouve alors avec d’autres pères sur les places de jeux.» Avocat de l’instinct paternel, Cyril Jost? «Je n’aime pas beaucoup le terme, il est tellement connoté. Avant de devenir père, on se construit en fonction de sa propre histoire, des autres pères qui nous entourent, du temps dont on dispose ou que l’on va se donner pour sa famille. L’instinct me semble loin de la réalité qui, elle, est très construite.»
Génial Rajiv. L’histoire de Cyril Jost, elle, a débuté à Vevey. Il a ensuite vécu au Japon de 2 à 14 ans. Son père, un Alémanique, est alors directeur de Nestlé Japon, sa mère, ex-secrétaire de direction, est femme au foyer. C’est ensuite le retour au pays, un master en sciences politiques et un postgrade en relations internationales à Paris pour ce parfait trilingue. «Durant mes études, j’étais très actif au Montreux Jazz et à Cully.» Il passe ensuite deux ans à l’Expo.02, dans l’équipe de Daniel Rossellat, suivis par cinq ans à Film Location Switzerland pour attirer les tournages de productions étrangères en Suisse. «Les Indiens, eux, venaient tout seuls.» D’où l’accent de Rajiv Patel? «Non, il m’a été inspiré par les nombreux élèves indiens que j’ai côtoyés à l’école internationale au Japon.» Suivront encore trois ans au magazine Bilan et deux ans à L’Hebdo, comme chef de la rubrique économique. Deux de ses collègues se souviennent. «C’est un homme respectueux des gens, enthousiaste, très précis et ne cherchant jamais à dominer les autres. Il avait une manière d’être très paternelle et un humour très fin et élégant.»
Il prend ensuite un virage, direction les Editions Loisirs et Pédagogie (LEP), dont il est le responsable éditorial. Le point commun entre l’auteur Cyril Jost et l’attaché économique Rajiv Patel? «Dans le domaine de l’économie comme dans celui des bébés, beaucoup de gens disent beaucoup de choses, alors que l’essentiel peut être expliqué en peu de mots. Le défi, c’est de trouver les mots justes.»
L’essentiel sur les bébés.
De Cyril Jost et Pierre Wazem (illustrations).
Ed. Loisirs et pédagogie.
Vernissage et dédicace, mercredi 23 avril dès 17 h 30, librairie Payot Lausanne.
Cyril Jost sera au Salon du livre de Genève dimanche 4 mai à 13 h sur la scène de «L’Hebdo» avec Fred Valet et Frank Cézilly et samedi 3 à 12 h sur la Place du moi avec Pierre Wazem et Frank Cézilly.
Expérience
Sur le chemin de la paternité
L’essentiel sur les bébés est illustré par l’auteur genevois de bandes dessinées Pierre Wazem, qui a publié près de 20 albums et collabore régulièrement avec la presse écrite. Drôles et pertinents, ses dessins parlent à tous ceux qui sont passés par la case «nourrisson». Il est lui-même père de deux enfants – bientôt d’un troisième – et ça se voit.
Autre père de famille qui s’intéresse aux questions liées à la parentalité, Frank Cézilly vient de publier De mâle en père - A la recherche de l’instinct paternel. Ce professeur et chercheur en écologie comportementale à l’Université de Bourgogne observe que si, dans la nature, les femelles sont en moyenne plus impliquées que les mâles dans les soins parentaux, cette règle souffre de très nombreuses exceptions. Il se demande pourquoi et comment, au cours de l’évolution, les mâles ont dépassé dans plusieurs espèces le simple rôle de géniteurs pour devenir de bons pères de famille. Pourquoi tant de mâles et si peu de pères? De quoi est faite la fibre paternelle? Les femmes préfèrent-elles les bons pères? Voilà quelques-unes des questions auxquelles il tente de répondre.