Guillaume Klossa.Le fondateur d’EuropaNova a écrit une œuvre littéraire non identifiée qui appelle aux responsabilités une nouvelle génération de jeunes leaders européens. A lire impérativement avant les élections de mai.
Il a d’abord cru à un canular.
A Thessalonique, Guillaume Klossa était le chef d’une délégation française à l’une des premières sessions du Parlement européen des jeunes. On venait de lui passer un billet lui enjoignant d’annoncer à l’Assemblée que, ce 9 novembre 1989, le mur de Berlin venait de tomber. Le lycéen prit son courage à deux mains – c’était la première fois qu’il prenait la parole dans un hémicycle – et annonça l’incroyable nouvelle «à ses collègues européens et à ses amis allemands».
Près d’un quart de siècle plus tard, tout juste quadra, Guillaume Klossa raconte cette anecdote dans Une jeunesse européenne. Son petit ouvrage, qu’il présente comme une «œuvre littéraire non identifiée», mi-essai, mi-récit, retrace l’histoire d’une génération, celle née dans les années 70, post-baby-boomer mais tôt biberonnée aux crises économiques, celle surtout qui devint adulte avec la chute du mur mais aussi l’émergence de l’internet.
Dans ses veines, écrit-il, coule la mémoire de l’Alsace, du Limousin, du Quercy, mais aussi de la Silésie et de l’Aragon, façon de signaler que, outre l’épisode grec de novembre 1989, il est né Européen, enraciné dans plusieurs cultures. Il eût pu ajouter la Suisse, où sa grand-mère maternelle est née à Bâle le 31 décembre 1914.
A la terrasse d’un café genevois, il nous raconte qu’il a beaucoup hésité sur le titre du livre: «Ton histoire est mon histoire» fut sa première idée pour suggérer l’aventure collective, ou alors «Notre jeunesse», mais déjà pris par Charles Péguy, ou encore «Une éducation européenne», utilisé naguère par Romain Gary.
C’est que ses presque 200 pages parues dans la Petite Collection blanche de Grasset sont aussi un appel à la mobilisation et à l’action. Elles s’ouvrent sur quelques citations du Monde d’hier de Stefan Zweig, ces souvenirs d’un Européen qui chercha à comprendre comment une époque optimiste qui croyait au progrès sombra dans le chaos de la guerre. Guillaume Klossa écrit de «manière préventive», contre «le repli sur soi et le fatalisme», lui qui redoute que les dérives populistes et nationalistes ne mènent à un nouveau 1914.
Erasmus+. Malgré les sarcasmes et l’euroscepticisme, il fait donc profession de foi européenne. Mais cet homme-là ne se contente pas de parler d’Europe comme tant de politiciens sur le mode incantatoire, il la fabrique comme d’autres mettent au point des antivirus.
En 2003 déjà, il fonde avec Enrico Letta le think tank Europa Nova et le réseau de jeunes leaders européens 40under40, parrainé par Daniel Cohn-Bendit, et dans lequel il rêve d’intégrer des Suisses. Conseiller de Jean-Pierre Jouyet, alors que la France préside l’UE en 2008, il porte le projet d’étendre Erasmus à tous les jeunes en formation, idée qui aboutira au fameux programme Erasmus+ (et dont les Suisses viennent d’être écartés, mesure qu’il juge hautement regrettable).
Aujourd’hui, Guillaume Klossa lance un appel à la mobilisation de toutes les générations et invite plus particulièrement la sienne à prendre ses responsabilités et à agir: «Nous sommes la génération de la chute du mur, qui a encore dans ses gènes le souvenir du monde d’hier bâti sur la peur de l’explosion atomique et la mémoire des atrocités de la guerre que nous ont transmises nos grands-parents. Nous sommes la première génération de l’internet, à l’aise avec les nouvelles technologies mais capable de garder une distance critique par rapport à celles-ci.» Car il incombe à cette génération qui «garde en héritage la conscience de la fragilité des démocraties» d’écrire «la suite de l’histoire».
Guillaume Klossa
1972 Naissance à Paris le 21 juin
1990-1997 HEC, Sciences- po, LSE à Londres
2003 Fonde EuropaNova avec Enrico Letta
2007-2008 Conseiller de Jean-Pierre Jouyet, ministre des Affaires européennes
2011 Publie un essai, «Europe, la dernière chance?»
2013 Directeur de l’Union européenne de radiotélévision
2014 Publie «Une jeunesse européenne» (Grasset)