Eclairage.Le ministre des Affaires étrangères propose une votation sur l’avenir de la voie bilatérale. Entre sincérité et audace.
Didier Burkhalter envisage en 2016 une nouvelle votation historique, de l’importance de celle du 6 décembre 1992 sur l’Espace économique européen (EEE). A cette occasion, le peuple devrait se prononcer sur le sort qu’il entend réserver à une voie bilatérale qu’il a déjà plébiscitée à sept reprises. Mais d’ici là, le Conseil fédéral devra avoir ficelé avec l’Union européenne (UE) un troisième paquet d’accords, incluant notamment une solution institutionnelle à sa relation avec Bruxelles et un probable accord sur l’énergie.
Déjà, le stratège en chef de l’UDC Christoph Blocher crie à la trahison. Selon lui, le Conseil fédéral prouverait par cette manœuvre qu’il veut éviter de mettre en application l’initiative «Contre l’immigration de masse» approuvée par le peuple le 9 février dernier.
Aucune décision
C’est Didier Burkhalter, avec une sincérité désarmante, qui a esquissé lui-même ce calendrier ambitieux dans deux interviews dont il a rédigé les réponses par écrit. Jusqu’ici, le Conseil fédéral n’a rien décidé quant à un nouveau vote: il a juste confirmé qu’il appliquerait de manière autonome l’extension de l’accord sur la libre circulation des personnes à la Croatie.
La Suisse et l’UE doivent donc reconstruire leur maison bilatérale sur du sable après le succès de l’initiative UDC. Les négociateurs en chef Yves Rossier et David O’Sullivan – qui s’en va prochainement représenter l’UE à Washington – ont certes rédigé un document commun prévoyant la reprise dynamique du droit communautaire par la Suisse, avec la possibilité d’en référer au peuple. Mais tout cela reste flou, à commencer par le rôle que jouerait la Cour de justice de l’UE dans cet édifice.
Fait piquant: le jour même de la parution des deux interviews, le ministre de la Défense Ueli Maurer se montre collégial avec Didier Burkhalter, alors qu’il l’avait encore sévèrement taclé à propos du rôle de la Suisse présidant l’OSCE. Une collégialité intéressée, murmure-t-on dans les coulisses du Palais fédéral: s’il veut gagner la votation sur l’achat de l’avion de chasse Gripen le 18 mai prochain, Ueli Maurer doit commencer par rassurer l’électorat de centre droit de l’actuel président de la Confédération.