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Une Suisse fière qui ne croit pas à un clash avec l’UE

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Jeudi, 15 Mai, 2014 - 05:52

Analyse. Démographie, prospérité et gouvernance, l’enquête Sophia 2014, publiée à l’occasion du Forum des 100, scanne un pays qui ne redoute guère les conséquences du vote du 9 février.

Ne demandez pas aux Suisses s’ils vont bien, ils bombent tellement le torse qu’ils risquent de paraître arrogants. Ils sont très fiers de leurs performances économiques, basées sur un système de formation qu’ils encensent (voir en page 57). Paix du travail, présence des multinationales, sagesse des dirigeants, la fresque est si idyllique que l’on pourrait se mettre à douter que ces formidables conditions-cadres ont été remises en cause par le vote du 9 février dernier contre l’immigration de masse.

En fait, c’est exactement cela qu’ils expriment, population et leaders confondus, dans l’enquête Sophia réalisée par l’institut M.I.S Trend pour le Forum des 100: ils ne croient pas vraiment que ce vote historique aura des conséquences ou pourrait à terme remettre en cause la prospérité économique dont ils jouissent. Certes, 52% des leaders se disent inquiets quand on leur pose précisément la question, mais quand on leur demande si la bonne santé de la Suisse va perdurer dans les dix prochaines années, la confiance sereine s’affirme à 65%, dans une harmonie totale avec la population.

Confiance ou arrogance? Les Suisses s’assument: mesurée régulièrement par Sophia depuis 1999, l’envie de changements à apporter dans le système politique régresse, les réformes, comme un Conseil fédéral à neuf membres ou une présidence de la Confédération pour quatre ans, n’emballent guère, même si les leaders corsèteraient bien la démocratie directe. La solidité du lien confédéral, mise à mal par un vote qui a coupé le pays en deux, ne préoccupe pas non plus (voir en page 59). Une affaire d’expérience, sans doute. Les Suisses se savent résilients.

S’ils sont si sûrs d’eux, c’est peut-être parce qu’ils se comparent aux autres pays, e t ont le sentiment de faire tout mieux.

«Même pas mal, même pas peur», leurs réponses prises collectivement frisent une heureuse insolence. Alors tout va-t-il pour le mieux dans la meilleure des Suisse? L’angoisse pointe quand on soulève les perspectives démographiques, une planète à 10 milliards d’habitants, une Confédération à 9 millions: voilà qui mine un moral apparemment au beau fixe.

Thèses d’Ecopop validées

Il faudra changer nos modes de vie pour les rendre plus écologiques: la proposition enchante la population comme les élites (voir en page 56). Cette prise de position raisonnable, corrélée avec les inquiétudes sur la surpopulation, pointe une des révélations de cette enquête d’opinion: les thèses de l’initiative Ecopop, le texte qui veut limiter à 0,2% par an la croissance de la population suisse due aux migrations, sont largement validées par deux tiers des Suisses. Allez encore vous étonner après cela que le texte de l’UDC demandant un frein à l’immigration via des quotas ait été accepté, si l’on suit les résultats du sondage. Le miracle désormais serait que l’initiative d’Ecopop soit refusée, le vote du 9 février ayant servi d’exutoire.

L’hypothèse n’est pas qu’une manière de prendre ses désirs pour des réalités. Le vote des Romands contre le texte de l’UDC indique que des considérations supérieures peuvent retourner une envie tripale.

Comme observé lors des débats, l’envie de voter oui était là, mais la volonté de maintenir des conditions-cadres favorables, plaidée avec insistance par les milieux économiques et les élus cantonaux, a fini par s’imposer. Les Romands ont voté avec leur tête, habités par le souvenir des années 90, marquées par un taux de chômage élevé et la stagnation économique.

Le désir de prospérité plus fort que la crainte de la surpopulation? On a confirmation de cette tendance au détour d’une question sur la Chine: le poids économique de la république rouge effraie pas loin d’un sondé sur deux, alors que les perspectives économiques ouvertes par l’accord de libre-échange font saliver une majorité de la population et 79% des leaders, qui balaient les considérations éthiques.

Les questions relatives à la voie bilatérale attestent de l’attachement à des conditions-cadres favorables à la croissance: «On peut voter demain», s’exclame Marie-Hélène Miauton, présidente de M.I.S Trend. Trois quarts des Suisses et des leaders veulent le maintien de la voie bilatérale.

Didier Burkhalter peut-il donc tranquillement préparer une votation pour 2016? Que nenni. Le rejet de l’UE n’a jamais été aussi élevé. Elle ne fait pas envie, ses performances sont jugées piteuses. Mais que se passera-t-il si la voie bilatérale n’est plus praticable?

Les Suisses ne croient pas que l’UE osera leur claquer la porte au nez. Si d’aventure c’était le cas, il faudrait d’autres Sophia pour comprendre si leur méfiance à l’égard de l’UE était conjoncturelle ou structurelle, et si les adeptes de la voie bilatérale préféreront basculer vers l’adhésion ou l’Alleingang. En Suisse romande, un tiers des leaders avouent encore leur préférence pour la première option.

 

 

 

 

 

 

chantal.tauxe@hebdo.ch
Twitter: @ChantalTauxe
Facebook: chantal.tauxe
Blog: «Pouvoir et pouvoirs», sur www.hebdo.ch


 

Fiche technique

L’étude Sophia 2014, organisée et menée par M.I.S Trend, institut de recherches économiques et sociales (Lausanne et Berne), s’adresse chaque année à deux cibles distinctes. D’une part le grand public à raison de 525 Romands, 520 Alémaniques et 208 Tessinois représentatifs de la population âgée de 18 ans et plus. Cette disproportionnalité permet de minimiser la marge d’erreur sur chaque région (+/-4,5% pour la Romandie et la Suisse alémanique et +/-7% pour le Tessin). Une pondération mathématique permet de retrouver ensuite le poids démographique réel des trois régions dans les résultats totaux (marge d’erreur +/-2,8%). Ces 1253 personnes ont été interrogées au moyen d’un questionnaire autoadministré en ligne du 18 au 28 mars.

Sophia consulte en outre environ 350 leaders d’opinion qui développent leur activité en Suisse. Ils sont détectés en raison de leur réflexion sur le présent et l’avenir de la Suisse, des messages qu’ils diffusent et de la place qu’ils prennent dans la vie publique suisse. Par souci de représentativité, ils appartiennent au monde de l’économie, de l’administration, de la science et de l’éducation, de la culture et de la politique. Ils sont Latins ou Alémaniques, un tiers a un rayon d’action international et exerce un mandat politique au niveau communal, cantonal ou fédéral. Ils ont été consultés durant le mois de mars à l’aide d’un questionnaire autoadministré postal. La marge d’erreur maximale sur cet échantillon est de +/- 5,3%.


Sur www.hebdo.ch

L’intégralité des Résultats de l’étude Sophia 2014 «Démographie, prospérité et gouvernance», avec les commentaires de marie-Hélène Miauton et Mathias Humery, peut être téléchargée sur www.hebdo.ch ou sur www.mistrend.ch/fr/pub_artrec.php.

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