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Vaud série d'été: «La Venoge», ruisseau cent pour cent vaudois grâce à Gilles

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Jeudi, 3 Juillet, 2014 - 05:50

Chanson. Ce poème-monument fête cette année ses 60 ans. L’occasion de parcourir, de la source à l’embouchure, cette rivière célébrée par le chansonnier Jean Villard Gilles.

«Faut un rude effort entre nous/Pour la suivre de bout en bout.» Du pied du Jura au lac Léman, de L’Isle à Saint-Sulpice, 23 villages, 41 kilomètres. «Car, au lieu de prendre au plus court,/Elle fait de puissants détours.»

Le pèlerinage débute au Chaudron, une source vauclusienne à la lumière bleue, irréelle. L’eau est si claire qu’on la boit au creux de la main. L’endroit idéal pour relire les quatorze strophes du poème.

«On a un bien joli canton…» Faut-il appuyer l’accent, comme le faisait Gilles? N’était-il pas sarcastique? Simplement nostalgique? Ses années parisiennes n’avaient-elles pas fait de lui «un paria sans attaches, déraciné», comme il le dit lui-même en 1939, à la veille de son retour au pays?

A pied et à biclyette

On emporte ces questions sans réponses le long du ruisseau, jusqu’à L’Isle, son bassin majestueux, son jet d’eau et son château du XVIIe siècle surnommé le Versailles vaudois, en plus modeste évidemment.

On voyage ensuite comme Gilles, lorsqu’il partait découvrir le pays, durant la guerre. «A pied, bien entendu, c’est-à-dire à bicyclette, ce parfait moyen de locomotion.» Les restrictions d’essence avaient alors fait disparaître les voitures. «Il n’y avait rien entre la Suisse et nous que la vérité, la lumière, le silence», écrit-il dans le récit autobiographique Mon demi-siècle.

A L’Isle, les drapeaux sont vaudois, avant d’être suisses. Des wagons du train aux tracteurs John Deere, tout est vert et blanc.

A Cuarnens, le visiteur peut descendre à l’Hôtel de France. Un clin d’œil à la deuxième patrie du chansonnier?

A Ferreyres, un sentier forestier laisse la Venoge au fond d’un ravin. On se rapproche de la Tine de Conflens. La confluence des eaux du Veyron et de la Venoge creuse ici une profonde gorge entre des falaises moussues. Un canyon avec une chute d’eau, un petit lac et personne pour gâcher le paysage. «Il y a encore des coins préservés. Nous en connaissons… Chut! N’en parlons pas. Il faut sauver ce qu’il en reste», conseille le poète dans le recueil Amicalement vôtre.

Pardonne-moi, Gilles.

On t’imagine volontiers ici, bavardant avec ton ami Georgy Rosset, celui qui t’avait fait découvrir la Venoge. Un juge cantonal, pêcheur à ses heures, ou le contraire. Et te voilà déjà griffonnant deux octosyllabes. «Elle offre même à ses badauds/Des visions de Colorado…»

une ligne sinueuse

J’ai tout faux. La Venoge est née en Bretagne. Gilles vivait alors à Paris et aimait se retirer à Port-Manech, près de Concarneau, face à l’océan. «Je vis apparaître sur cette surface immobile, comme en filigrane, une ligne sinueuse autour de laquelle un paysage familier surgit du fond des eaux, couvrant l’océan de collines verdoyantes, de bois, de vergers et même de petits villages. Il n’y avait pas de doute, c’était mon lointain pays vaudois qui flottait, ô mirage!, comme une carte, sur la mer. La ligne sinueuse au milieu, c’était la Venoge!»

Jaillit l’inspiration d’un poème que Gilles intègre aussitôt à son tour de chant parisien. En coulisses, un jeune chanteur belge, qui faisait ses débuts au cabaret Chez Gilles, entend La Venoge. Elle lui donne envie d’en faire autant pour son pays. Il écrit… Le Plat Pays.

Arrivé à La Sarraz, on pédale plus au nord jusqu’à Pompaples, qu’on surnomme le Milieu du Monde. C’est le point de partage des eaux entre le bassin du Rhône et celui du Rhin, entre la Méditerranée et la mer du Nord. C’est aussi la grande peur de Gilles. «Qu’un rien de plus,/

Cré nom de sort!/Elle était sur le versant nord!»

Sauvé! La Venoge descend droit sur Cossonay. Mais plus un seul méandre sur 6 kilomètres. Des digues rectilignes. Sans vie. C’est le tronçon de la honte. Des années que les autorités promettent de «renaturer» ces rives! Puisse-t-on très bientôt prendre soin de la rivière emblématique des Vaudois…

A Daillens, une rue porte le nom du poète, de même qu’une salle des fêtes. C’est le village d’origine du père de Gilles.

On roule entre le rail et la rivière et on croit rêver quand on croise un TGV.

A ce rythme, il sera à Paris avant qu’on soit à l’embouchure.

La Venoge s’industrialise peu à peu. Elle donne son nom au centre commercial de Penthalaz. Moins campagnarde, en phase avec son temps, à l’image des Vaudois. Elle suit son cours, discrète, imperturbable, faussement docile. A l’abri des regards, réfugiée dans la forêt, à Bussigny, Ecublens ou Denges, elle se faufile entre les zones industrielles, passe sous des ponts ferroviaires et autoroutiers. On est en ville et on surprend un héron, un pêcheur, des arbres rongés par les castors, des plages de sable. Plusieurs kilomètres d’émerveillement. Si bien qu’on préférerait ne pas voir les premiers bateaux de plaisance qui annoncent le lac.

A l’embouchure, on se trouve face à la France, «le pays des Allobroges». A l’ouest, les Genevois, ceux qui «n’ont qu’un tout petit bout du Rhône». A l’est, «un glacier, aux Diablerets», Lavaux et le village du poète…

La Venoge, c’était aussi le sur- nom que donnait le facteur de Saint-Saphorin à Evelyne, la femme de Gilles.


À voir

L’Isle
Confiseur Yves Hohl
Une ferme de 1804, restaurée avec goût, héberge un salon de thé et un espace brunch le dimanche. Tout est à recommander: boissons artisanales, pâtisseries, chocolats, glaces, flûtes au beurre et macarons.
Route des Mousses 1
www.yveshohl.ch

Cuarnens 
Gîte de la Venoge

Dans une ancienne écurie de bois et de pierre rénovée en 2008, deux chambres d’hôtes coquettes, une salle de banquet, un petit spa et une terrasse donnant sur la Venoge.
Route de Moiry 6
www.h2otes.ch

Pompaples 
Auberge

Au Milieu du Monde
Le nom du restaurant peint en lettres gothiques sur la façade et une rubrique «Pour les carnivores» dans le menu. Une adorable auberge de village, avec ses habitués et son service jovial.
Route du Milieu-du-Monde 11
021 866 72 05

Daillens 
Auberge La Balance

Rénové en 2012, ce restaurant s’est construit une solide réputation gastronomique, confirmée par son entrée dans l’édition 2014 du guide GaultMillau.
Rue Jean-Villard-Gilles 4
www.auberge-labalance.ch

Cossonay 
Hôtel Le Funi

Ouvert en 2008, ce bâtiment du XIXe siècle est situé à la station supérieure d’un funiculaire qui vient de reprendre du service. La terrasse ensoleillée offre une vue panoramique sur les Alpes.
Av. du Funiculaire 11
www.lefuni.ch

Préverenges 
Buvette de l’Oued

Au milieu d’une plage de sable d’un demi-kilomètre, sur la terrasse ou sous la pergola, le lieu idéal pour calmer sa soif avec une caïpirinha ou un verre de chasselas.
Avenue de la Plage 27
www.oued.ch


Jean Villard Gilles

Auteur-compositeur-interprète, Jean Villard Gilles est né à Montreux le 2 juin 1895. Il a été directeur du cabaret parisien Chez Gilles. Il est connu pour son duo Gilles et Julien, dans les années 30, et pour sa chanson Les trois cloches, interprétée par Edith Piaf. Il meurt à Saint-Saphorin (VD) le 26 mars 1982.

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Sédrik Nemeth / Philippe Dutoit RDB / ATP / photomontage L’hebdo
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