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Valais série d'été: Marguerite Yourcenar et son gourou valaisan

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Jeudi, 10 Juillet, 2014 - 05:51

Evolène. L’écrivaine française est tombée sous le charme d’un des plus beaux villages de Suisse. Et de Marie Métrailler.

«Je suis restée à Evolène quelques jours de plus que je le pensais, émerveillée par ce pays si immémorialement beau et si secret, dont les traditions et les coutumes n’apparaissent que peu à peu.» Les quelques lignes qu’écrit Marguerite Yourcenar depuis Sierre, ce 27 août 1951, sont adressées à son amie Jenny de Margerie. Plus loin encore, elle lui confie que, voulant coûte que coûte rencontrer l’écrivain autrichien Rudolf Kassner, elle s’est rendue à Sierre, à l’Hôtel Bellevue. L’essayiste y réside depuis cinq ans. «La rencontre si précieuse a donc fini par se faire», écrit-elle encore dans sa lettre, que l’on peut découvrir dans le recueil de ses correspondances intitulé D’Hadrien à Zénon.

Ce même été 1951, elle fait une rencontre plus précieuse encore. Alors qu’elle séjourne à l’Hôtel de la ­­­­Dent‑Blanche, majestueux bâtiment sis à l’extrémité du village, elle fait la connaissance de la tisserande évolénarde Marie Métrailler. «Je considère que cette Valaisanne rencontrée peut-être une demi-douzaine de fois a été un de mes gourous. Elle m’a beaucoup appris, non seulement sur les traditions de son pays, mais encore sur la vie, je veux dire sur la manière d’envisager la vie et de la vivre», confiera-t-elle à son ami écrivain Jean Lambert, une lettre citée dans l’ouvrage de Brigitte Glutz-Ruedin, Sept écrivains célèbres en Valais.

Un héritage

A Evolène, plus d’un ancien se souvient de Marie Métrailler, «une femme de caractère qui n’allait pas à l’église et qui n’aimait pas les curés». Dans l’épicerie du village, Maurice Pannatier, jeune homme de 86 ans, se rappelle l’avoir vue en compagnie de Marguerite Yourcenar et de l’écrivain René Morax. «Ils se promenaient dans le village, passaient du temps à Arbey.» Au cœur d’Evolène, la boutique de la tisserande existe toujours. Célibataire, elle avait élevé son neveu Henri. C’est lui qui a repris le commerce à la mort de sa tante. Il se souvient des conversations des deux femmes: elles parlaient livres et tissage.

Aujourd’hui, c’est l’épouse d’Henri, Odette, qui tient la boutique. On peut y acheter des tissus produits dans la région à l’époque de Marie Métrailler. Elle avait fait construire des métiers à tisser et encouragé les villageoises à produire des étoffes qu’elle leur achetait et vendait. Dans La poudre de sourire*, un livre qui lui est consacré, la tisserande raconte sa rencontre avec Marguerite Yourcenar: «Elle voulait acheter des tissus. La conversation s’est engagée. Elle m’a dit qu’elle écrivait un livre sur l’empereur Hadrien. «Je vous l’enverrai», me promit-elle. Elle a tenu parole! Malgré toute cette intelligence qui éclairait son visage, je m’attendais à une œuvre sympathique, un peu mièvre (…) En le lisant, je me suis assise, le souffle coupé. J’ai été éblouie: une érudition incroyable, un style sans faille, un sens de l’invisible.» Ce qui lui restait de leur conversation? «Le souvenir de sa lucidité (…) une lucidité intuitive assortie d’un jugement, d’une logique rigoureuse, que l’on définit, à tort, de logique masculine… J’entends par là, la logique d’un esprit libre, qu’il soit d’homme ou de femme. Quelle culture, quelle érudition sans pédanterie!» Deux âmes sœurs s’étaient croisées, le temps d’un été.

* «La poudre de sourire». Ed. L’Age d’Homme, 223 p.


Marguerite Yourcenar

Née à Bruxelles en 1903, elle meurt en 1987 aux Etats-Unis. L’écrivaine française, naturalisée Américaine en 1947, est la première femme à avoir siégé à l’Académie française.


À voir

Evolène
Atelier de tissage

Quatre femmes font revivre l’atelier de tissage de Marie Métrailler. Démonstrations tous les vendredis de 15 h 30 à 17 h 30; dès le 5 septembre à 14 h. Stages d’une semaine. Tissus en vente à la boutique Tissage Evolène, rue principale.
027 283 40 00
www.evolene-region.ch

Evolène
Au Vieux Mazot

Raclettes et grillades de viande d’Hérens au feu de bois servies par la patronne, Raymonde, parée du traditionnel costume évolénard. Grande terrasse ombragée. Fermé lundi.
Route Principale
027 283 11 25

Evolène
Musée

Costumes, chapeaux, outils, objets du quotidien: la vie d’autrefois racontée sur trois étages, dans une maison du XVIIIe siècle. Le 15 août, fête de la mi-été avec un grand cortège en habits traditionnels.
027 283 40 00
www.evolene-region.ch

 


Sommaire:

Churchill, les vachers, leurs vaches et leurs cloches exaspérantes
Marguerite Yourcenar et son gourou valaisan
L’hilarante expédition de Mark Twain
César Ritz, le fils de paysan conchard devenu l’hôtelier des rois

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