Portrait. Fondée en 2007 à La Clusaz, Radio Meuh est devenue en quelques années la première webradio indépendante de France. Un succès dû en partie aux auditeurs suisses.
Sophie Gaitzsch
La Clusaz, un joli village des Alpes savoyardes de quelque 1845 habitants. C’est de là-haut que Radio Meuh diffuse. Sa localisation loin des grands axes n’a pas empêché la station née en 2007 de rencontrer un succès national et de séduire même au-delà des frontières françaises. Sa recette? Une programmation «pointue mais accessible», qui mélange soul et groove, l’absence de publicité et de bavardage, un nom accrocheur, un logo original.
La station a enregistré au mois de juin 1,4 million d’écoutes actives (connexions de plus de trente secondes), un score actuellement en cours de certification auprès de l’OJD, l’organisme français compétent. Ce résultat fait d’elle la première webradio indépendante de France, soit émettant uniquement sur l’internet sans lien avec un grand groupe.
A l’origine de l’idée, deux amis passionnés de musique: Philippe Thévenet, 40 ans, et Christian Pollet, 45 ans. Au milieu des années 2000, le premier gère un restaurant et le second travaille comme informaticien. «Enfant déjà, je créais des compilations sur des cassettes, raconte Philippe Thévenet, qui se consacre aujourd’hui à plein temps à Radio Meuh. Nous avions au départ l’ambition de créer une radio FM locale, mais nous nous sommes vite aperçus que c’était trop compliqué. Puis l’internet et le streaming ont ouvert de nouvelles possibilités.» Un moyen de concrétiser leur rêve à moindre coût.
A sa musique originale, la chaîne ajoute rapidement des jingles décalés – des minisketchs inventés spontanément «autour d’un verre avec un groupe de potes» – qui constituent une de ses marques de fabrique. «Nous jouons avec notre côté paysan, nos origines du pays du reblochon et notre nom un peu primaire qui contraste avec notre musique.»
«Le web constitue un espace pour se démarquer et adopter un ton différent, explique Nicolas Kunzi, président du comité de l’Association suisse des radios numériques. C’est d’autant plus vrai en France, où la quasi-totalité des radios FM locales ne choisissent pas elles-mêmes la musique qu’elles diffusent mais achètent des programmes prémontés, un service fourni par une poignée de gros acteurs qui entraîne une uniformisation de l’offre.»
Radio Meuh, qui rassemble aujourd’hui une équipe de dix personnes «du coin», s’est fait connaître grâce à l’organisation de soirées. L’hiver, les DJ de la maison tournent dans les stations de ski, l’été sur la côte atlantique. La radio participe en moyenne à 150 événements par an dans toute la France, le tout appuyé par des produits dérivés, bonnets et T-shirts flanqués de l’emblème du projet, une engageante tête de vache. Elle possède même, depuis 2013, son propre festival dans son village, le Radiomeuh Circus Festival, qui a notamment accueilli Laurent Garnier, grand nom de l’électro.
Résultat de ces efforts pour se faire connaître: c’est à Paris que Radio Meuh est le plus écouté, suivi de Nantes, Lyon et Annecy. Mais la station enthousiasme aussi en Suisse, où se trouvent 10% de ses auditeurs. «Comme La Clusaz est un lieu touristique, les visiteurs ont ramené la bonne parole chez eux! Nous plaisons aux magasins, aux bars et restaurants, aux personnes qui écoutent de la musique en travaillant, note Philippe Thévenet. Nous participons ainsi au quotidien de beaucoup de gens.»