POLITIQUE. Les socialistes veulent sauver la diversité de la presse, mais la droite rejette toute intervention étatique.
Au centre comme à droite, aucun parti n’entre en matière quant à un soutien direct à la presse tel que proposé par le PS. Le PDC s’en tient aux actuelles mesures d’aide indirecte – rabais tarifaires postaux et TVA à 2,4%. Le PLR et l’UDC ferment la porte. «De manière générale, nous sommes contre tout soutien à une branche économique», résume le secrétaire général du PLR, Stefan Brupbacher.
Pourtant, le PS n’y est pas allé de main morte. Selon lui, les médias privés «sont de moins en moins à même de fournir à la société un journalisme compatible avec la démocratie».
«A terme, la diversité de la presse est en danger, compte tenu de l’actuel processus de concentration qu’on y observe», résume le conseiller national Jean Christophe Schwaab (PS/VD). Celui-ci en veut pour preuve «l’inquiétant» exemple bâlois. La cité rhénane n’a plus qu’un quotidien, aux mains du politicien UDC Christoph Blocher. Seul un hebdo pour l’instant parrainé par un riche mécène y offre une autre voix.
Le PS ne trouve pas d’allié pour partager son alarmisme. Le conseiller aux Etats vaudois vert Luc Recordon se montre nuancé. Il estime que les médias jouent toujours leur rôle dans le débat démocratique, mais reconnaît qu’il y a un problème: «Il est indéniable que la diversité de la presse écrite se réduit.» Cette diversité est devenue très fragile: «Des quotidiens comme Le Temps ou Le Courrier font face à de grosses difficultés financières.»
En dehors de la gauche, le «constat scientifique» du PS est rejeté. «Nous gardons en Suisse une densité de presse extraordinaire», note le conseiller d’Etat vaudois libéral-radical Pascal Broulis.
Critique du mainstream. Le conseiller national Filippo Leutenegger (PLR/ZH) préfère parler des médias en général, et non pas seulement de la presse écrite. «A l’heure de l’internet, les médias évoluent et deviennent même plus démocratiques. Il y a certes moins de presse écrite payante, mais dans l’ensemble plus de médias. Je trouve cela très réjouissant.» Conclusion: c’est aux acteurs concernés de résoudre leur crise structurelle en faisant preuve d’innovation.
A droite, les parlementaires se plaignent d’un autre phénomène: «Tant que la presse se fait l’écho des opinions les plus pointues, la diversité de la presse n’est pas en danger. Mais je déplore l’émergence d’un journalisme mainstream, souvent de gauche, qui rend les médias très monotones», regrette le Zougois Gerhard Pfister, l’un des poids lourds du PDC. «C’est plus simple de suivre le courant que d’entreprendre de délicates recherches qui pourraient donner raison à un politicien zurichois de droite», ricane même Filippo Leutenegger.
La Suisse ne passera donc pas de sitôt d’une aide indirecte à un soutien direct, qui supposerait une intervention de l’Etat. «Qui dit subvention dit but à atteindre, et contrôle au bout du compte. Il faut éviter que l’Etat ne prenne la mainmise sur la presse», souligne Pascal Broulis. Lors de l’annonce des mesures d’économie de Tamedia en Suisse romande, celui-ci a rencontré à trois reprises le président du conseil d’administration, Pietro Supino. «Je l’ai sensibilisé à la nécessité de qualité, de pluralité et d’indépendance de la presse en Suisse romande. Mais jamais il n’a été question d’une aide étatique.»
«C’est justement lorsque l’Etat intervient trop que l’on met en danger la diversité des médias», renchérit le conseiller national Gregor Rutz (UDC/ZH). Il en veut pour preuve la loi «beaucoup trop dirigiste» sur la radio et la télévision. «Elle assure à la SSR une situation de quasi-monopole en empêchant les privés de lui livrer une véritable concurrence.»
Rapport de l’Ofcom. A peine lancé, le débat sur l’aide à la presse semble avorté. Outre les visions très idéologiques du PS, rares sont les propositions concrètes qui émergent. La plus intéressante vient du vert Luc Recordon, qui a déposé un postulat visant à soutenir les nouveaux médias de l’internet, de Journal21 à LesObservateurs.ch en passant par la Tageswoche à Bâle. «Je fonde de vrais espoirs sur ces nouveaux acteurs pour enrichir le paysage médiatique. On pourrait créer une commission indépendante chargée de les aider.»
Dans l’immédiat, on en restera donc aux mesures indirectes. Le débat ne rebondira qu’en 2014, voire en 2015 seulement. A cet horizon, l’Office fédéral de la communication (Ofcom) a reçu le mandat de présenter un rapport esquissant des pistes pour épauler la presse dans sa mutation technologique.
Lire aussi le blog de Jacques Neyrinck «Un coup d’épée dans l’eau» sur www.hebdo.ch
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