SOLUTIONS. Les aides étatiques ne sont pas les seules possibilités de soutenir le journalisme. Inventaire en Suisse et à l’étranger.
Par Google
Le premier moteur de recherche, qui est aussi la première régie publicitaire au monde, dit que les journaux profitent du référencement de leurs articles. La presse européenne parle au contraire de captation de valeur et d’injure faite au droit d’auteur. Les éditeurs veulent faire payer Google – et les autres agrégateurs – pour la reprise de leurs contenus. Grâce à la Lex Google, approuvée par le Bundestag, les groupes de presse allemands peuvent réclamer dès le 1er août des droits d’auteur sur les extraits d’articles publiés en ligne par le géant américain. En retour, celui-ci menace de ne plus du tout référencer ces mêmes articles, ce qui serait préjudiciable à l’audience des journaux sur l’internet. La loi allemande pourrait être remise en question.
Evitant l’exemple allemand, la France a conclu un marché avec Google. L’entreprise finance un fonds d’innovation qui soutiendra dès la fin 2013 la mue numérique des journaux et magazines. Mais la dotation de ce fonds est faible (60 millions d’euros sur trois ans), surtout lorsqu’il est mis en relation avec le chiffre d’affaires de Google (50 milliards de dollars en 2012).
Les éditeurs belges francophones, qui ont longtemps bataillé avec le moteur de recherche, ont conclu avec lui un partenariat commercial fin 2012. Google s’est engagé à augmenter la fréquentation de leurs sites d’information en ligne et à mieux monétiser leurs contenus.
Trois pays, trois modèles différents de partenariats avec Google… Ces scénarios au cas par cas, chacun âprement discuté, font le jeu de l’américain. Ce qui n’empêchera pas les éditeurs suisses et italiens de bientôt lui demander des comptes.
Par les murs payants
Aux Etats-Unis, les éditeurs l’appellent désormais le «péché originel». A la suite d’un accord fondateur entre Yahoo et Reuters en 1993, la presse s’est décidée à mettre gratuitement en ligne ses articles. La gratuité, c’était l’assurance de plus d’audience, donc plus de publicité, plus de revenus, plus de valeur boursière. Or, la publicité est peu venue, de surcroît à bas prix. Si bien que la presse en ligne s’est refaite à l’idée de l’accès payant à ses contenus, même si entretemps une génération s’est très bien accoutumée à une autre idée: l’information à l’œil. Heureusement, l’argument selon lequel le journalisme de qualité a une valeur, et que cette valeur a un prix, a été compris.
Des journaux comme le New York Times, qui a réintroduit un «mur payant» en 2011, tirent désormais plus de revenus en ligne que par l’encre d’imprimerie. Ce nouveau type de contrat entre les journaux et leurs lecteurs peut prendre l’aspect d’un cercle vertueux qui encourage, à nouveau, l’abonnement sur papier.
A quelques exceptions près, les grands titres de presse ont élevé ce fameux mur, le construisent actuellement (le puissant Bild en Allemagne) ou s’apprêtent à le faire. Avec des stratégies diverses, dont celle du freemium: une offre libre d’accès et une offre haut de gamme payante. La Suisse n’échappe pas à la tendance. Le Temps a son paywall depuis 2011, L’Hebdo depuis 2012, le Blick l’aura cet automne.
Par le mécénat
Acteur essentiel du débat démocratique, le journalisme de qualité doit absolument subsister. C’est le raisonnement des philanthropes et mécènes qui financent depuis 2008 le site d’investigation Pro Publica. Avec ses 35 limiers, celui-ci forme désormais la plus grande équipe de journalisme d’investigation aux Etats-Unis. Pro Publica a obtenu en 2010 un prix Pulitzer pour un article sur les conséquences de la tempête Katrina en Louisiane. Le site à but non lucratif est aussi soutenu par ses lecteurs. Le financement participatif du journalisme est également une expérience tentée par des sites d’enquête comme Spot Us. Ou, dans le photojournalisme, par des plateformes internationales comme Emphas.is.
Par les lecteurs
L’exemple de publications aux contenus de qualité mais sans publicité aucune commence à faire école. Le succès en France de la revue XXI ou de sites d’investigation comme Mediapart montre qu’une aventure de presse peut être viable avec les seuls revenus de son lectorat. Reste la question de la taille critique. XXI vend 60 000 exemplaires par numéro et Mediapart compte 75 000 abonnés dans un pays de 66 millions d’habitants. La Suisse en compte près de dix fois moins, ce qui pose la question de la validité d’un tel modèle économique dans le pays, a fortiori en Suisse romande.
Par l’absence de publicité à la TV publique
L’absence de publicité à la BBC, sauf sur ses canaux internationaux, fait le jeu des autres médias en Grande-Bretagne, en particulier lorsque les annonceurs se font plus rares. C’est également le cas sur le site d’information en ligne de la même BBC, sur son propre territoire (à l’étranger, le site accueille des annonces). Il serait inconvenant, pour une telle référence culturelle, qui vit de la redevance publique, de voir ses programmes hachés menus par de la publicité. Cela n’empêche le groupe étatique de produire parmi les meilleurs contenus au monde, de les revendre à bon prix et de tirer de ce commerce une bonne part de ses revenus.
L’enjeu de la publicité sur les chaînes de télévision publiques et sur leurs sites en ligne mérite d’être reconsidéré, à l’heure des difficultés économiques de la presse. L’exemple britannique, mais aussi celui de France Télévisions, qui a supprimé la publicité en 2009, prend un singulier relief dans une période où même les partis politiques cherchent de nouveaux financements pour la presse.
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