Portrait. En slip et stetson, Robert John Burck, artiste de rue à Times Square, est devenu l’une des figures emblématiques de New York. Une «success story» à l’américaine.
Axel Gyldén
Droit dans ses santiags, il ajuste son stetson, bande ses biscoteaux façon culturiste et, une seconde plus tard, change de pose: les jambes écartées, il saisit son manche de guitare tel un rocker, balance deux accords foireux et un clin d’œil à une passante. Le dos maintenant tourné au public, il dandine trois fois du popotin, et lance: «Pour le même prix, voici la face B!» En trois mouvements, son public est conquis. Et, pour une poignée de dollars (ou gratuitement, c’est comme on veut), chacun peut se faire tirer le portrait à côté du garçon vacher le plus célèbre des Etats-Unis depuis John Wayne: The Naked Cowboy, c’est-à-dire le cow-boy nu.
On ne présente plus Robert John Burck, 43 ans, dont la notoriété dépasse de très loin celle des autres artistes de rue de Times Square, une bande de gugusses déguisés en Spider-Man, Batman, Bob l’éponge, Winnie l’ourson ou Super Mario. Car, en l’espace de seize ans, cet «enfant de Cincinnati» (Ohio), sa ville natale, a fait de son personnage le symbole de New York, au même titre que la statue de la Liberté ou l’Empire State Building. Aussi déterminé qu’un Américain peut l’être, Robert se produit en slip par tous les temps – «même par moins 20 degrés», précise-t-il. Photographié par des millions de touristes, il est apparu dans une demi-douzaine de nanars (dont Appelez-moi Dave, avec Eddie Murphy) et dans un nombre invraisemblable de shows télévisés.
Rusé comme un coyote, il a déposé la marque Naked Cowboy et créé un système de franchise qui lui rapporte quotidiennement des royalties en sus des «500 dollars environ» qu’il engrange lui-même. A Times Square, on dénombre aujourd’hui deux Cowboys en slip et quatre Naked Cowgirls, dont sa femme, une Mexicaine. «A une époque, il y avait même un Naked Indian. Mais ce Comanche emmerdait le monde et, un jour, il a blessé une Cowgirl avec son calumet de la paix. Alors les «cops» [flics] l’ont viré. On ne l’a plus revu.»
35 arrestations et autant de passages télé
La chevauchée fantastique de Robert vers la notoriété est édifiante. «En 1998, je posais comme mannequin, à Los Angeles, pour la revue érotique Playgirl, explique-t-il. Après le shooting photo, je suis allé jouer de la musique country sur la plage de Venice avec ma guitare. Pas un passant ne s’est arrêté… Le lendemain, je suis revenu en slip, et c’était l’attroupement.» Cependant, la police le coffre. Et, le jour même, la télé parle de lui. Le buzz est lancé! De retour à Cincinnati, il remet ça. Nouvelle garde à vue. Puis il part en tournée dans l’Ouest sauvage: Oklahoma, Texas, Arizona. «Par souci d’efficacité, je prévenais moi-même la police et les médias du lieu et de l’heure de ma prestation.» Trente-cinq arrestations et autant de passages télé plus tard, le Cowboy se fixe à Times Square, «la scène la plus fréquentée de la planète». Et son magot grossit.
Sponsorisé par le fabricant de sous-vêtements Fruit of the Loom, il est également sous contrat avec la Blue Island Oyster Company, un gros producteur d’huîtres qui cherchait une célébrité pour faire sa pub. Robert prête sa notoriété à cette marque en participant à cinq événements par an contre un chèque de 100 000 dollars. De plus, il se produit partout où on le demande aux Etats-Unis, surtout à l’occasion d’ouvertures de restaurant. Sur son site internet, il propose à la vente des slips (15 dollars), des chapeaux (75 dollars), des guitares (800 dollars). «Le son est pourri mais le look génial», plaisante-t-il. Et ce n’est pas tout: devenu officier d’état civil grâce à l’aide d’un avocat («une formalité qui a pris un quart d’heure»), le Naked Cowboy est habilité à célébrer des mariages en plein Times Square. Prix de la prestation: 500 dollars les dix minutes. Un hold-up? Non: un business model.
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