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La résurrection de la tourte voyageuse

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Jeudi, 11 Décembre, 2014 - 05:53

Zoom. Une équipe de chercheurs américains s’est lancée dans le projet fou de ressusciter une espèce de pigeon disparue depuis le début du XXe siècle. Prochaine étape: le mammouth.

A la fin du XIXe siècle, la tourte voyageuse était l’oiseau le plus répandu des Etats-Unis. Les nuées pouvaient atteindre plus de 600 kilomètres de long et étaient si denses qu’elles obscurcissaient le soleil. En quelques décennies, ce pigeon migrateur est passé de 5 milliards d’individus à zéro. Le dernier, un oiseau flamboyant qu’on reconnaît à sa gorge couleur cuivre, est décédé en 1914 au zoo de Cincinnati, dans l’Ohio.

Un projet fou cherche à le ressusciter. Il est porté par une organisation appelée Revive & Restore et s’appuie sur les dernières avancées du généticien George Church. «Il s’agit d’identifier une proche cousine de l’espèce disparue, puis de modifier son génome pour le rendre similaire à celui de l’animal qu’on veut faire revivre», détaille David Haussler, un bio-informaticien qui conseille Revive & Restore. Dans le cas de la tourte voyageuse, il s’agit du pigeon à queue barrée.

«Concrètement, on va se servir d’une technique appelée CRISPR (qui permet de copier-coller des morceaux d’ADN, ndlr) pour remplacer certains de ses gènes par ceux de son cousin disparu, qui auront été recréés en laboratoire, indique le scientifique. Des cellules contenant cet ADN modifié seront ensuite implantées dans un embryon de pigeon à queue barrée.» Il faudra sans doute répéter ce bricolage génétique sur plusieurs générations pour produire une tourte voyageuse. La première nuée pourrait prendre son envol en 2060 déjà.

La tâche implique d’avoir au préalable séquencé le génome entier de l’espèce éteinte, grâce à des morceaux de tissus préservés sur des spécimens de musée ou dans une bibliothèque du vivant, comme le Frozen Zoo de San Diego. Celui de la tourte voyageuse vient d’être reconstitué par une chercheuse de l’Université de Californie, Beth Shapiro, qui s’y consacre depuis 2001. «Cela marche mieux pour les espèces qui ont disparu il y a moins de cent ans, relève David Haussler. On ne pourrait pas le faire pour un dinosaure par exemple, car on manque de fragments d’ADN intacts.»

D’autres expériences

La tourte voyageuse n’est pas le seul animal qui pourrait bénéficier de la dés­extinction. «Toute espèce dont l’habitat existe toujours, dont on dispose de fragments d’ADN intacts et dont on connaît le comportement en groupe pourrait être réintroduite», relève Josh Donlan, un biologiste qui conseille Revive & Restore. Parmi les candidats potentiels, l’organisation a identifié la perruche de Caroline du Nord (disparue en 1916), le moa géant de Nouvelle-Zélande (disparu en 1440) ou le dodo (disparu en 1640 environ).

Plusieurs autres projets concurrents sont déjà en cours. Aux Pays-Bas, des chercheurs travaillent à ramener en vie l’auroch, une vache préhistorique disparue en 1627, en croisant des espèces proches contenant des bouts de son génome. En Espagne, des scientifiques ont employé la technique de clonage utilisée sur la brebis Dolly pour recréer le bouquetin des Pyrénées, dont le dernier spécimen est décédé en 2000. Un bébé conçu ainsi a survécu durant dix minutes, avant de mourir d’une malformation des poumons.

Plus ambitieux encore, George Church s’est lancé dans la reconstitution du mammouth, en modifiant le génome de l’éléphant d’Asie pour qu’il ressemble à celui de ce pachyderme préhistorique. Il est déjà parvenu à y introduire trois variantes, qui pourraient rendre l’éléphant plus poilu, plus gras et plus résistant au froid.

Ces avancées ne sont pas du goût de tous. «A l’heure où l’éléphant d’Afrique est traqué par les braconniers, je trouve irresponsable de dépenser tout cet argent pour ressusciter le mammouth», dénonce David Ehrenfeld, spécialiste de la préservation des espèces à l’Université Rutgers. Pour les rêveurs de Revive & Restore, il s’agit d’un faux débat. Les techniques de désextinction pourraient servir à préserver la diversité génétique des espèces menacées ou à modifier le génome de celles qui sont décimées par une maladie, font-ils valoir.

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