Zoom. Plusieurs start-up américaines innovent en lançant des aliments qui ressemblent à s’y méprendre à de la viande ou à des œufs. Ils ne contiennent pourtant que des protéines végétales.
Les morceaux de poulet sont croustillants à l’extérieur, tendres à l’intérieur. Ils ont la texture filandreuse qu’on a pris l’habitude d’associer à la volaille et un petit goût fumé, comme s’ils avaient été cuits au barbecue. On les trempe dans la mayonnaise, qui ressemble à s’y méprendre à une bonne vieille Thomy, à la fois acidulée et onctueuse. Pourtant, ces deux aliments ne contiennent ni viande ni œuf. Ils sont l’œuvre de deux start-up, Hampton Creek et Beyond Meat, qui ont décidé de mettre à profit les enseignements de la biotech pour produire des faux aliments plus vrais que nature.
La mayonnaise de Hampton Creek est composée d’extraits de pois jaunes. «Ils permettent de reproduire le phénomène d’émulsion normalement obtenu avec des œufs», explique Dan Zigmond, vice-président de la firme. Ses scientifiques ont testé des centaines de protéines végétales grâce à une technique appelée l’électrophorèse sur gel, pour identifier celles qui vont se comporter de la même façon qu’un produit animal.
La start-up, fondée en 2011 par Josh Tetrick, ancien banquier et conseiller de la présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf, vient par exemple de lancer une pâte à cookies à base de protéines de sorgho, car elles imitent les propriétés de l’œuf lorsqu’on les cuit au four. «Nous avons découvert un autre extrait de plante qui permet de simuler la texture des œufs brouillés», ajoute-t-il.
Des aliments de substitution
La viande de Beyond Meat, qui existe pour l’heure en version poulet ou bœuf haché, suit un procédé de fabrication légèrement plus complexe. «Elle est composée de protéines de soja ou de pois dont les fibres ont été réalignées sur le modèle de celles de la viande, ce qui permet d’en reproduire avec précision la texture», détaille Bob Connolly, chef du marketing de la firme, fondée en 2009. En février, elle lancera The Beast, un burger végétal.
Ces deux start-up ne sont pas les seules à innover en matière d’aliments de substitution. Nu-Tek Salt a lancé un sel dont le sodium a été remplacé par du potassium. Plus ambitieux encore, Modern Meadow, une start-up basée à Brooklyn, cherche à générer de la viande au moyen d’une imprimante 3D dont l’encre serait composée de cellules de chair animale cultivées en laboratoire. Des chercheurs néerlandais ont exploité une technique similaire l’an passé pour créer un burger in vitro, à base de cellules de muscle de vache.
Une réponse aux défis de demain
Ces aliments de substitution sont-ils bons pour la santé? Ils comportent moins de gras, de cholestérol et de sodium que les originaux. Ils se veulent aussi moins dommageables envers l’environnement. Une caisse de cookies de Hampton Creek (210 pièces) nécessite 7570 litres d’eau et 7 m2 de terre en moins que des biscuits traditionnels. Et ils ont du succès. Hampton Creek vient de décrocher un contrat avec Compass, le géant de la restauration en entreprise, qui va vendre ces cookies dans 500 cafétérias. Le succès de sa mayonnaise, écoulée dans 50 000 points de vente, est tel que le mastodonte Unilever vient de porter plainte contre elle, l’accusant de faire de la concurrence déloyale à sa propre marque, Hellmann’s.
Pour Francesco Stellacci, directeur du tout nouveau centre de nutrition de l’EPFL, ces innovations représentent une réponse aux défis alimentaires du futur. «En 2050, le monde comptera plus de 9 milliards de personnes, dit-il. Notre système de production alimentaire industriel ne sera plus capable de nourrir tout le monde, surtout pas avec des aliments à base de protéines animales, comme la viande ou le chocolat, plus difficiles et coûteux à générer.»
«Les œufs sont une source de protéines particulièrement inefficace, fait remarquer Dan Zigmond. La déperdition est énorme: pour générer un œuf, il faut faire pousser du maïs pour nourrir une poule qui ne sera jamais consommée elle-même.» Dans le cas de la viande, le rapport entre les ressources investies et le résultat est encore plus mauvais. Le «bœuf» de Beyond Meat nécessite 55 fois moins de surface agricole que celui d’une vache.