Reportage. Créé au Mexique, le concept de Fuck Up Nights débarque en Suisse. «L’Hebdo» a suivi une soirée à Zurich.
Apprendre des erreurs des autres: c’est le concept des Fuck Up Nights. Fuck up? En anglais, ce verbe signifie foirer. L’idée de ces soirées conviviales et branchées vient du Mexique où lors d’une soirée bien arrosée cinq jeunes entrepreneurs se racontent leurs échecs. C’était il y a deux ans. Ils réitèrent l’exercice, très instructif, à Mexico City, en présence d’autres jeunes qui se lancent dans les affaires. Depuis, l’idée s’est mondialisée et des Fuck Up Nights sont organisées dans 25 pays et pas moins de 64 villes à travers le monde. Elles sont ouvertes à tous. La consigne? Raconter son échec en sept minutes et en dix images. Séduits par le concept, les Genevois Fanny Bauer (29 ans) et Reginald Bien-Aimé (28 ans), partenaires dans la vie et dans les affaires, ont décidé d’orchestrer des Fuck Up Nights. Ils ont commencé par Genève, et les voilà à la conquête de toute la Suisse.
Il est 18 h 30 ce premier mercredi du mois de décembre et la nuit est tombée depuis longtemps sur Zuriwest, quartier branché de Zurich. Ce premier rendez-vous alémanique a lieu au Flux Laboratory – fondé à Genève en 2002 par Cynthia Odier – qui s’est installé dans d’anciens locaux industriels. L’endroit est magnifique et l’entrée est gratuite. Mais les Alémaniques semblent avoir oublié leur légendaire ponctualité. Les organisateurs sont relax. Bière à la main, comme le veut le concept, ils expliquent: «A un moment ou un autre de sa vie, tout le monde a connu des échecs. Pour une entreprise comme Facebook, il y a 100 000 boîtes qui n’y arrivent jamais.» Heureusement, les premiers spectateurs de la «lose» arrivent, eux. Deux des trois speakers prévus sont dans les starting-blocks. Le troisième n’a pas pu venir. Après tout, c’est une Fuck Up Night.
Echec à un million
Il est 19 h 21 quand Cynthia Odier ouvre le bal, en anglais, devant une petite trentaine de personnes. Son époux, le banquier genevois, est dans la salle. Elle présente Flux Laboratory qui, à Zurich, doit chercher de nouveaux locaux. Va-t-elle confesser un fiasco? Pas ce soir. C’est au tour du premier intervenant de prendre la parole. José Parra Moyano étudie l’économie à l’Université de Zurich et travaille comme consultant pour Swiss Economics. «En 2010, avec quelques copains, on voulait devenir entrepreneurs.» Leur projet? Implanter la marque Thinking Mu et ses t-shirts «cool et écologiques» en Suisse. Alors qu’il parle, un film défile derrière lui. Problème: les images sont brouillées. Un concept dans le concept Fuck Up Nights? Il raconte comment lui et ses copains ont fait la tournée des boutiques, durant quatre ou cinq mois. Résultat: ils en ont vendu vingt et placé quelques autres en dépôt. «On a perdu du temps et de l’argent», conclut-il. Applaudissements.
C’est au tour d’Alberto Daccarett Armijo de se lancer. Le Colombien, qui travaille dans une banque de la place, est le lauréat de la première édition de l’International Create Challenge organisé par l’Idiap, à Martigny. Avec les 10 000 francs reçus en 2012, il voulait créer une application pour aider l’apprentissage des langues. Hélas, le projet a échoué. «Mon frère, un ami et moi n’avions pas la technologie. En tout, j’ai perdu 30 000 francs.» Après un tel échec, retrouver un travail comme analyste financier n’a pas été une sinécure. «J’ai dû déménager de Genève à Zurich.»
Place au troisième interlocuteur. Reginald sollicite la salle. Ni une ni deux, une fine silhouette bondit de sa chaise. Barbara Kunz, 65 ans, raconte son rêve qui a tourné au cauchemar: ouvrir un restaurant dont le menu, composé de sept plats, correspond aux sept chakras du corps, avec projection d’un film avant chaque dégustation. La Zurichoise s’était lancée à Vienne. Son long récit improvisé est plein d’enseignements. Résultat de son échec? Une perte d’un million de francs – dont l’argent de ses amis – et deux ans de dépression. «Vous pouvez avoir un million et des idées, si votre deuxième chakra, celui de la joie de vivre, de la sexualité, de la sensualité, de la fertilité et de l’enthousiasme n’est pas ouvert, cela ne sert à rien.»
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