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Plongée dans l’ère du «biolithique»

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Mercredi, 24 Décembre, 2014 - 05:48

Décodage. Révolution inéluctable, la médecine personnalisée est l’une des figures de proue de la recherche en Suisse romande. Elle laisse entrevoir des perspectives extraordinaires sur le plan thérapeutique, notamment contre les cancers.

L’irrésistible ascension des bio­technologies est en route, et rien ne devrait l’arrêter. Une révolution, tel un tsunami, qui pourrait complètement transformer notre rapport au monde et plus spécifiquement à notre santé. Ces avancées de la science mettent en lumière le règne de l’infiniment petit, domaine où chaque bouleversement est énorme, faisant dire à certains qu’après le paléolithique et le néolithique, notre civilisation est désormais entrée corps et âme dans l’ère du «biolithique». Une nouvelle ère qui fait la part belle à la génétique et au concept de médecine personnalisée, où les progrès phénoménaux déjà réalisés côtoient encore les zones d’ombre et les parts d’inconnu, mais où tout avance à une vitesse incroyable et laisse présager des possibilités préventives, diagnostiques et thérapeutiques absolument inédites.

Pour illustrer ces propos, prenons deux exemples concrets: l’un révélant les avancées thérapeutiques de la médecine personnalisée dans la lutte contre le cancer; l’autre, son aspect prédictif avec l’arrivée des tests de prédispositions aux maladies, comme le parkinson. Un pan encore au stade de balbutiement, mais dont l’évolution pourrait transformer totalement la médecine telle que pratiquée à l’heure actuelle.

Grâce aux avancées techniques dans le domaine de la génomique thérapeutique, la Suisse romande est aujourd’hui à la pointe dans le traitement du mélanome métastasique, l’une des formes les plus invasives de cancer de la peau. Loin d’être rare sous nos latitudes, ce type de cancer représente un problème majeur de santé publique, touchant une personne sur 50. A titre de comparaison, nous sommes le deuxième pays le plus frappé juste après l’Australie.

Jusqu’à présent, l’espérance de vie des personnes concernées par ce type de cancer était très faible, ne dépassant que rarement une année. Tous les patients étaient traités selon le même protocole: une chimiothérapie standard à l’efficacité plus que modeste. Désormais, à la suite d’une analyse moléculaire de la tumeur, il est possible d’administrer des médicaments ultraspécifiques qui permettent de cibler une mutation du gène B-Raf se trouvant dans 50% des cas de mélanomes. Si ce gène spécifique est modifié, le taux de réponse aux médicaments peut atteindre 80%, contre 10% dans le cadre d’un traitement standard. Une efficacité incroyable, qui offre aux patients un bien meilleur pronostic de survie.

Bombe à retardement

L’autre exemple nous est fourni par Sergey Brin, célèbre cofondateur de Google. Il concerne l’aspect prédictif de la médecine personnalisée, domaine dont la médiatisation a parfois occulté les questions éthiques et philosophiques qu’il soulève.

L’entrepreneur américain a récemment réalisé un séquençage de son génome, afin de découvrir quelles sont ses prédispositions génétiques à développer certaines maladies. Les résultats ont démontré qu’il est porteur d’une mutation du gène LRRK2, induisant une probabilité de 70% de développer une maladie de Parkinson, pour laquelle il n’existe à l’heure actuelle aucun traitement connu. A l’image de sa mère et de sa grand-tante, qui ont toutes deux développé cette affection, il y a donc de fortes probabilités que Sergey Brin la contracte à son tour. A moins que la recherche, qu’il subventionne désormais activement grâce à ses moyens financiers colossaux, ne permette de trouver un traitement au cours des trente prochaines années. D’ici là, le patron de Google devra vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de sa tête, ne sachant ni si cette maladie va se déclarer ni quand elle pourrait survenir.

Avec la démocratisation des tests génétiques sur l’internet, des centaines de milliers de personnes ont, comme Sergey Brin, déjà envoyé un échantillon de salive à des compagnies de biotechnologie qui décryptent le génome humain pour une poignée de dollars et fournissent de longues listes de variations génétiques pouvant avoir un impact reconnu ou supposé sur la santé.
Bémol de taille: ces tests génétiques direct to consumer (DTC) ont encore un pouvoir de prédiction très faible, hormis pour certaines pathologies comme la maladie d’Alzheimer, provoquée par la mutation du gène apo  4, le cancer du sein, en lien avec le gène BRCA1 ou BRCA2, le cancer du côlon ou, comme on l’a vu, le parkinson. Pour ces cas bien particuliers, les risques statistiques de développer la maladie sont alors si élevés qu’avoir une mutation ou un marqueur bien spécifique dans ses gènes peut représenter une véritable bombe à retardement.

En dehors de ces quelques exemples, les analyses fournies par les tests DTC ne relèvent bien souvent que de la probabilité, car la majorité des affections sont si complexes, multifactorielles et multi-génétiques qu’il est encore impossible de déterminer le lien de causalité entre la présence d’une mutation génétique et l’apparition ou non d’une maladie. Reste que ces résultats, mal interprétés ou dispensés sans conseils appropriés, peuvent générer de nombreuses angoisses souvent injustifiées chez les consommateurs.

Des frontières floues

Outre son aspect particulier, l’histoire de Sergey Brin est également exemplaire du changement de paradigme qui va s’opérer avec le développement des connaissances en génomique. La médecine actuelle, qui repose sur les notions de santé et de maladie, de normal et de pathologique, sur les idées de symptômes, de diagnostic et de patient, pourrait devenir obsolète si la médecine personnalisée atteint sa pleine maturité et que d’une logique de réactivité nous passons à une logique de prédiction. L’apparition d’une maladie ne sera alors plus vécue comme un point de départ, mais comme un échec.

De même, la notion de patient et de malade va s’estomper. Aujourd’hui, être en bonne santé désigne le fait d’être dans la norme du fonctionnement moyen de notre espèce. Nous sommes considérés comme malades lorsqu’on se trouve en dehors de ce cadre. Mais la biologie moléculaire rendra, à terme, cette distinction inadéquate, dans le sens où la santé portera en elle la maladie future. Nous serons donc tous potentiellement malades au sens biologique mais non du vécu. Serons-nous alors prêts, en tant que porteurs sains, à nous administrer un traitement qui pourrait engendrer de possibles effets secondaires sans être sûrs à 100% que la maladie se déclarera?

«Nous sommes en train de transformer le concept de maladie, complète Lazare Benaroyo, professeur en éthique et philosophie de la médecine à la Faculté de biologie et de médecine ainsi que médecin chef de l’unité d’éthique du CHUV, à Lausanne. La nosologie, qui étudie le caractère distinctif des maladies en vue de leur classification, pourrait être de moins en moins fondée sur les symptômes ou l’analyse des tissus, mais pourrait reposer davantage sur une base moléculaire. Cette identification progressive des marqueurs génomiques liés aux pathologies pourrait avoir pour conséquence une démultiplication en sous-types de ce que nous considérons aujourd’hui comme une maladie.» En d’autres termes, en allant rechercher des spécificités génétiques toujours plus fines, la médecine personnalisée transformera toute affection en maladie rare.

L’oncologie en première ligne

Ce phénomène de démultiplication des pathologies est particulièrement prégnant dans le cas de l’oncologie, où les tumeurs sont toujours plus classées en sous-types bien définis. Il s’agit également du secteur où le concept de médecine personnalisée s’exprime le mieux à l’heure actuelle. Les progrès y sont absolument fulgurants, comme dans le cas du mélanome métastasique.
Qu’il s’agisse du cancer du sein, du côlon, du poumon, de leucémies ou de lymphomes, la médecine personnalisée a permis un développement considérable des connaissances, dont profitent directement les patients. Plusieurs génomes complets de tumeurs ont déjà pu être séquencés et de plus en plus de substances efficaces uniquement chez des sous-groupes moléculaires sont aujourd’hui autorisées pour traiter différents types de cancers, avec des résultats parfois spectaculaires. A l’image du cancer du poumon, pour lequel le taux de réponse moyen à une chimiothérapie standard est de 15%. Cependant, en analysant différentes formes des mutations génétiques de tumeurs pulmonaires, il est apparu que 15% étaient en lien avec le gène EGFR dont le taux de réponse à un traitement bien particulier, l’erlotinib, monte à 70%.

Pour le moment, ces innovations ne touchent encore qu’une fraction de patients, mais la recherche en oncologie est particulièrement active. «Nous allons commencer à faire du séquençage beaucoup plus large afin de pouvoir détecter des anomalies encore plus rares chez les patients, puis déterminer ce que l’on peut proposer comme traitement, annonce le professeur Olivier Michielin, médecin adjoint au service d’oncologie du CHUV. Pour ce faire, nous sommes en train de monter un réseau, en partenariat avec les HUG, qui permettra à tous les hôpitaux de la région de nous adresser des fragments de tumeurs, afin de procéder à des analyses plus précises et de pouvoir proposer des traitements personnalisés à tous les patients.»

Considérée comme une révolution scientifique majeure par le magazine Science en 2013, l’immunothérapie s’impose également comme une approche majeure de la médecine personnalisée pour combattre le mélanome, le cancer du poumon, de la vessie, du rein et du sein ou encore de l’ovaire. L’objectif de cette thérapie est de rendre le système immunitaire de nouveau compétent pour détruire les tumeurs par le biais de vaccins thérapeutiques, de cellulothérapie ou encore par l’injection d’anticorps monoclonaux.

Ce type de vaccins s’attaquant aux pathologies déjà déclarées en est encore à une approche expérimentale. Toutefois, les plus optimistes, comme Olivier Michielin, voient leur introduction au CHUV d’ici à deux ou trois ans. Quant à la cellulothérapie, qui consiste à greffer des cellules visant à restaurer les fonctions d’un tissu ou d’un organe chez le patient, elle a déjà donné des résultats très prometteurs. Elle pourra certainement être instaurée au chevet du malade d’ici à un ou deux ans, avec la mise en place d’une plateforme de production de cellules dont disposera le CHUV, avec la construction du Centre suisse du cancer qui débutera l’an prochain. En outre, les thérapies par injection d’anticorps monoclonaux (des défenseurs naturels qui repèrent les intrus ou les cellules anormales et dont on fabrique des milliers d’exemplaires à partir d’une seule cellule clonée) ont déjà démontré une efficacité antitumorale remarquable.

Combinées à d’autres formes de traitement, ces avancées devraient transformer radicalement la lutte contre le cancer. «Il y a des types de tumeurs qui ne sont pas encore traitables par ces approches, principalement parce qu’on ne connaît pas encore leurs mécanismes de résistance. Dès que nous les aurons percés, il est probable que la plupart des cancers répondront à l’immunothérapie», s’enthousiasme le spécialiste du CHUV.

Trop cher pour le système de santé?

On le devine sans peine, ces thérapies liées à la médecine personnalisée coûtent cher. A titre d’exemple, quatre injections d’Ipilimumab, un anticancéreux utilisé notamment dans le cas du mélanome métastasique, reviennent à 120 000 francs. Toutefois, ces nouveaux protocoles se révèlent beaucoup plus efficaces tout en générant moins d’effets secondaires. Des effets secondaires qui ont un coût. On estime en effet que 500 000 hospitalisations par an en Europe sont liées à la toxicité des médicaments chez certains patients. En clair, la médecine personnalisée induit certes, à l’heure actuelle, des surcoûts pour le système de santé, mais laisse miroiter, à terme, un potentiel d’économies.

Si les assurances maladie acceptent encore de rembourser tous les traitements, même inopérants, et de prendre en charge les frais supplémentaires liés à leur toxicité, une pression se fait aujourd’hui sentir pour inverser cette tendance. Ainsi, le Royaume-Uni et la Suède refusent déjà de rembourser les traitements jugés inefficaces. Une option partagée par Severin Schwan, PDG de Roche, entreprise pionnière dans le domaine de la médecine personnalisée: «Je suis convaincu que, en raison des pressions budgétaires, seuls les traitements apportant un avantage certain seront financés. Ce qui va permettre à seulement deux segments de marché de se développer: les génériques d’une part, et la médecine personnalisée d’autre part. Les traitements qui n’apportent qu’un avantage relatif vont disparaître.»

Pour permettre l’accès à ces nouvelles technologies au plus grand nombre, un engagement des services publics de même qu’une refonte du système de santé semblent inévitables. «Ces nouvelles perspectives de recherche de lutte contre le cancer doivent pouvoir avancer dans le domaine public. Il faut donner des moyens pour réaliser des traitements expérimentaux sur les patients, indépendamment de ce que peut faire le secteur privé, soutient Pierre-Yves Maillard, président du Conseil d’Etat du canton de Vaud et ministre responsable de la Santé. Il serait injuste de laisser la recherche n’avancer que dans les secteurs où des industriels trouvent un intérêt rapide.»

La Confédération devra également revoir son système de tarification des prestations médicales. A l’heure actuelle, les hôpitaux perdent de l’argent lorsqu’ils préconisent des tests génétiques. Leur tarification devrait donc être révisée afin que tous les patients puissent profiter de ces technologies. En effet, si les coûts devaient dépasser les ressources à disposition dans le secteur public, il ne serait pas impensable que les progrès soient réalisés uniquement dans le secteur privé, avec pour conséquence probable qu’une iniquité se développe et que seuls les patients les plus aisés aient accès aux tests et traitements. Premier signe encourageant apparu début décembre: dès le 1er janvier 2015, l’assurance obligatoire des soins remboursera les analyses génétiques de tissus cancéreux du sein. Ce qui permettra une meilleure prise en charge des patientes.

Le royaume des big data

Les percées de la médecine personnalisée dans le domaine thérapeutique sont certes spectaculaires. Mais les gènes n’ont encore dévoilé qu’une infime partie de leurs mystères. Il demeure un trou béant entre notre compréhension encore fragmentaire du génome humain et son impact clinique. Pour parvenir à comprendre le lien entre les maladies et certaines composantes biologiques, il est essentiel d’accumuler les données et de pouvoir comparer les génomes de sujets atteints de la maladie à ceux de sujets sains. Cela explique l’importance de créer des biobanques publiques capables de collecter les données, de les stocker en toute sécurité puis, finalement, de les analyser. La Biobanque institutionnelle de Lausanne (BIL) a été conçue dans ce sens.

Depuis deux ans, les patients hospitalisés au CHUV sont invités à donner leur sang pour alimenter la base de données de la BIL et permettre la recherche sur les gènes. Jusqu’à présent, le taux d’acceptation atteint 76% et 14 500 patients ont déjà été recrutés selon le principe du consentement général. En signant le formulaire, le donneur accepte ainsi que son matériel biologique soit conservé pour être utilisé dans des travaux de recherche futurs qui ne sont pas encore définis. La deuxième phase du projet de la BIL débutera en 2015, avec le séquençage des génomes et l’analyse des données. Une opération qui devrait coûter 20 millions de francs pour 20 000 échantillons. Lors de la troisième phase, les données obtenues pour des projets de recherche spécifiques seront finalement exploitées. Les premiers travaux acceptés portent sur la maladie d’Alzheimer, les maladies du foie ou encore la maladie de Parkinson. Par le biais de ces recherches, la Suisse romande entend s’assurer une position forte dans la construction de la médecine personnalisée. Dans cette perspective, la création d’un Lemanic Center for Personalized Health, en partenariat avec l’Université de Genève, les Hôpitaux universitaires de Genève ainsi que l’EPFL, a été fortement envisagée.

«La création de la Biobanque de Lausanne doit également représenter une possibilité pour les patients qui donnent leur ADN, ajoute Vincent Mooser, son directeur. Nous leur posons donc la question de savoir s’ils souhaiteraient connaître, une fois leur génome séquencé, leurs facteurs de prédispositions génétiques à certaines maladies pour lesquelles il est possible d’envisager des mesures préventives. Huitante-cinq pour cent des patients ont répondu par l’affirmative. C’est remarquable, autant que le taux global de participation.»

Conscient que la révolution est en marche, le chercheur verrait bien la mise en place d’une clinique de médecine personnalisée à Lausanne d’ici à quelques années. Une structure où tout patient arrivant avec son génome pourra recevoir des conseils dans une optique interdisciplinaire.

Puissance occulte

Encore faut-il que cette idée soit acceptée par la population et le domaine médical. «Notre société se méfie du terme gène, de cette puissance occulte que l’on imagine cachée dans le génome, constate le professeur Jacques Fellay, qui analyse le génome humain dans son laboratoire dédié à la recherche épidémiologique de l’EPFL. Il faut réussir à démocratiser le génome, à le dédramatiser, car il n’est pas aussi déterministe qu’on veut bien le croire.»

Dédramatiser mais aussi s’assurer une confiance inébranlable de la société civile en développant les outils nécessaires à une protection infaillible des données. Tout en régulant parallèlement le marché privé. «Le but des biobanques privées est non seulement de faire de l’argent et de mettre la main sur les données individuelles qui représenteront le pouvoir et le grand marché de demain, mais aussi de révolutionner la médecine grâce à une recherche ouverte à tous et réactive. Ce nouveau commerce pose d’immenses questions de confiden-tialité et exige une réaction de la part de la médecine institutionnelle», constate, dans une chronique, Bertrand Kiefer, rédacteur en chef de la Revue médicale suisse.

Une médecine institutionnelle qui devra donc sortir de son inertie, en instaurant par exemple un cursus spécifique de conseiller génétique ou en promouvant l’acquisition de compétences sur la génétique dans le cadre de la formation de médecins. «Il ne faudrait surtout pas qu’il y ait une réaction de rejet du système médical, appuie Jacques Fellay, car tôt ou tard les données génétiques permettront une meilleure prise en charge des patients, et ne pas les utiliser représenterait non seulement une occasion manquée mais pourrait même relever de l’erreur médicale.»
Il serait regrettable que les peurs ou l’ignorance nous empêchent de récolter les fruits de la révolution génétique. Qui sait, d’ici à dix ou quinze ans aurons-nous tous notre génome entièrement séquencé sur notre dossier médical et alors aucun résultat ni traitement ne seront transposables à un autre patient. Des vaccins prophylactiques contre le cancer auront peut-être vu le jour. De même que des stratégies préventives fondées sur l’analyse de nos gènes pourront être mises en place pour nous épargner les maux qui nous rongent. Pure science-fiction? Gageons plutôt qu’il s’agit là de musique d’avenir.


Et les médicaments?

Il est un autre domaine où la génétique a bouleversé tous les codes établis: la pharmacologie et sa sous-discipline consacrée, la pharmacogénétique. Son but est de cibler et d’individualiser les traitements afin de fournir le bon médicament, et sa bonne dose, au bon patient. L’anti-one size fits all propre à l’industrie pharmaceutique et ses blockbusters générant des milliards de dollars de chiffre d’affaires sur la base d’une posologie identique pour chaque individu. Une approche d’autant plus pertinente que les produits médicamenteux ne se révèlent vraiment efficaces que pour 60% de la population (un chiffre qui tombe encore plus bas lorsqu’on parle d’anticancéreux, d’antidépresseurs ou encore de médicaments contre le cholestérol).

En outre, les gènes ont démontré avoir une influence sur la variabilité de la réponse d’un patient à un traitement médicamenteux. Tous les individus ne répondent pas de la même manière lorsqu’on les soumet à une dose standard de médicaments. Chez certains, le traitement ne se révèle pas assez efficace; chez d’autres, il développe des effets indésirables, voire une toxicité pouvant notamment conduire à de graves lésions du foie.

Laurent Decosterd, responsable du laboratoire de pharmacologie clinique du Service de biomédecine du CHUV, a été l’initiateur de la mise en place d’une technique innovante permettant de prédire la réponse et la toxicité des médicaments chez les individus: la chromatographie-spectrométrie de masse. Cette technologie mesure avec précision les concentrations de médicaments dans le sang, afin d’individualiser les posologies, de maximiser l’effet thérapeutique et d’améliorer la tolérance des médicaments. Une technique déjà utilisée pour les thérapies contre le HIV, les traitements ciblés du cancer, les médicaments antibiotiques, de même que pour les substances utilisées en psychiatrie.

Le développement de la pharmacogénétique pourrait entraîner, à terme, moins de prescriptions de médicaments pour certaines entreprises pharmaceutiques. Le modèle économique des grandes marques et des grands brevets pourrait donc être menacé par la possibilité de connaître à l’avance les patients dont le profil génétique ne répond pas aux molécules très coûteuses.

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Marcella Peluffo
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