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Fiscalité: les banques poussent les tricheurs suisses à se dénoncer

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Jeudi, 1 Mai, 2014 - 05:56

Décodage.Le secret bancaire n’existe plus pour les étrangers. Les cachotteries vis-à-vis du fisc sont en passe de disparaître pour les Suisses aussi, du plus fortuné au petit épargnant. Qui s’en alarment de plus en plus, les sanctions pouvant être très lourdes.

C’est la mauvaise surprise laissée par l’aïeul qui vient de décéder: un compte bancaire lesté de plusieurs dizaines de milliers de francs qui n’a jamais été déclaré au fisc. Que faire avec cet argent dont les descendants ignoraient l’existence? «Les héritiers n’ont qu’une solution: annoncer spontanément le compte aux impôts dans l’année qui suit la succession, répond l’avocat fiscaliste genevois Xavier Oberson. C’est le seul moyen d’éviter une amende.» Pour beaucoup de personnes en délicatesse avec le fisc, la régularisation est devenue une question brûlante, conséquence de l’affaiblissement du secret bancaire.

Une dénonciation spontanée a certes son coût, quelque 25% du montant annoncé dans les situations les plus simples.Mais cela reste moins cher que d’être sanctionné par une administration fiscale qui découvrirait par elle-même le pot aux roses. Car, dans ce cas, la facture se voit au moins doublée. Et dans les affaires graves, elle peut aller jusqu’à dévorer davantage que l’entier du patrimoine.

Pour éviter un éventuel cauchemar, près de 5300 personnes se sont déjà spontanément dénoncées dans tout le pays l’an dernier, un bond de 34% par rapport au nombre de dénonciations enregistrées en 2012 (voir graphiques). Elles ont profité d’un programme de régularisation lancé en 2010 par la Confédération qui permet à chaque contribuable, une fois dans sa vie, d’échapper aux pénalités s’il s’annonce spontanément à l’administration fiscale.

Même si l’évasion fiscale paraît moins développée en Suisse que dans la plupart des autres pays, les montants en jeu se chiffrent en milliards. Les gains soustraits au fisc atteindraient 0,8% du produit intérieur brut en moyenne de ces quinze dernières années, selon une étude de deux chercheurs des universités d’Utrecht (NL) et de Linz (A)*. Soit 4,5 milliards de francs par an. Un chiffre certes sujet à controverse, vu la difficulté à recueillir des données crédibles, mais qui livre un ordre de grandeur.

Autodéclaration fiscale
Le spectre de la normalisation apparaît chaque jour plus net aux yeux des tricheurs fiscaux suisses. D’autant que «les banques les plus importantes leur font comprendre qu’ils ont tout intérêt à régulariser leur situation», témoigne Xavier Oberson. Et les établissements les plus actifs «ne font pas la différence entre les gros comptes, qui abritent plusieurs millions de francs, et les petits, de quelques milliers ou dizaines de milliers de francs», complète Philippe Kenel, avocat d’affaires à Genève et à Lausanne. D’où le bond des autodénonciations enregistré en 2013.

Certaines y vont carrément. La banque Coop et la Banque cantonale de Bâle obligent depuis quelques semaines leurs nouveaux clients à attester par leur signature «avoir respecté les instructions fiscales qui font foi (…) et de les respecter également à l’avenir». Raiffeisen a écrit à tous ses déposants à la fin de l’an dernier pour leur rappeler que «la responsabilité de la déclaration des valeurs patrimoniales et des produits incombe au client».

Le silence des banques
Les autres établissements agissent avec plus de discrétion mais ne se montrent pas moins nerveux sur la question. «Nous ne faisons pas signer de déclaration à nos clients. Mais lors des entretiens qu’ils ont avec nos conseillers pour les ouvertures de comptes, nous cherchons à les amener à adopter un comportement prudent vis-à-vis du fisc», détaille Hélène De Vos Vuadens, porte-parole de la Banque cantonale de Genève (BCGE). La plupart des autres établissements s’appuient sur les conditions générales contractuelles, qui stipulent, à l’instar de celles de Credit Suisse, que les déposants «sont responsables du respect des prescriptions légales qui leur sont applicables (y compris les lois fiscales)».

Si le client désobéit, est-il jeté dehors? Les banques préfèrent garder le silence sur cette question. Mais une directive de novembre dernier de l’Association suisse des banquiers (ASB) énonce clairement que «si le client ne tient pas compte des recommandations de la banque, il incombe à celle-ci de décider si elle est encore en mesure de maintenir la relation d’affaires».

Dans la patrie du secret bancaire, cette effervescence ne s’adressait jusqu’alors qu’aux étrangers, en particulier les Américains, les Allemands et les Français, dont les gouvernements ont exercé des pressions considérables sur la Suisse. Pourquoi alors ce virage vers les clients suisses, laissés jusque-là tranquilles? Pour les banques, il devient dangereux de continuer à abriter des fortunes non déclarées indigènes. Berne prépare un nouvel arsenal de sanctions qui pourrait leur coûter cher si elles ne montrent pas patte blanche à temps. Aussi, dans sa directive de novembre dernier, l’ASB incite ses membres à «se comporter en conséquence, de sorte que les mesures réglementaires (…) visant à étendre les opérations de diligence ne soient pas seulement reportées mais finalement considérées comme superflues».

Traduction: si les banques poussent leurs clients à se dénoncer, c’est pour mieux combattre l’instauration par la Confédération de nouvelles règles plus contraignantes.

Echange automatique
Or, celle-ci prépare tout un arsenal, qui ne fera guère de cadeaux aux évadés ni à leurs banquiers. La mesure la plus connue, l’échange automatique d’informations avec les autres pays, permettra au fisc helvétique de recevoir quantité de données sur les avoirs bancaires à l’étranger de contribuables suisses. Mais ce ne sera pas avant 2015 ou 2016 au plus tôt.

Il y a un risque plus pressant: l’élargissement du nombre d’actes préalables au blanchiment d’argent. Ceux-ci devraient englober dès l’an prochain la fraude fiscale et les gros cas d’évasion, en plus du trafic de drogue ou d’armes et du financement du terrorisme.

Les Chambres fédérales sont en train de durcir le Code pénal dans ce sens, ce qui permettra de jeter en prison pour plusieurs années les évadés fiscaux les plus importants. Le Conseil des Etats a approuvé cette révision à la mi-mars, le national devrait suivre en juin. «La modification devrait être acceptée et entrera en vigueur probablement au début de 2015, même s’il n’est pas exclu qu’un référendum soit lancé contre cette modification», affirme Christian Lüscher, avocat et conseiller national PLR genevois proche des banques.

Ces nouvelles dispositions sont destinées à mettre la Suisse en conformité avec de nouvelles règles que le GAFI (Groupe d’action financière contre le blanchiment d’argent, rattaché à l’OCDE) a instaurées en 2012. L’adaptation est d’autant plus pressante que l’organisation prévoit d’examiner la conformité de la Suisse l’an prochain. Or, ni les autorités fédérales ni les banques ne veulent rater ce test et courir le risque de figurer à nouveau sur une liste grise ou noire.

Les banques redoutent bien davantage la seconde salve de mesures en préparation au Département fédéral des finances (DFF). Au nom d’une unification des règles de poursuite pénale en matière fiscale, ce dernier veut pouvoir lever le secret bancaire pour les contribuables suisses.

Actuellement, seules les enquêtes pénales – qui peuvent porter sur les cas de fraude et qui incluent par exemple les faux dans les titres – le permettent. A l’avenir, la Confédération veut étendre cette règle aux gros cas d’évasion, ceux où le contribuable a «oublié» de déclarer ses avoirs. En outre, elle cherche à instaurer un échange automatique de renseignements fiscaux à usage domestique, qui permettrait aux autorités cantonales d’accéder à des informations bancaires qui leur sont inaccessibles pour le moment.

Sans surprise, le projet est fortement appuyé par les cantons et tout aussi fermement combattu par les banques. Les premiers veulent obtenir pour eux-mêmes les mêmes informations que celles qui seront transmises aux fiscs étrangers lorsque l’échange automatique international sera instauré. Ils saluent par conséquent une réforme qui «répond à une nécessité impérieuse». Les secondes redoutent une nouvelle réduction de leur marge de manœuvre qui pourrait entraîner un gros malus sur leurs affaires. Elles dénoncent ainsi «un durcissement substantiel et disproportionné du droit pénal conduisant à une abolition de la traditionnelle relation de confiance entre l’Etat et le citoyen».

Le DFF n’a pas encore publié son projet définitif. Il attend la mise sous toit définitive de la révision de la norme sur le blanchiment. De plus, son projet d’échange automatique de renseignements fiscaux entre les cantons est déjà combattu par une initiative populaire visant à «la protection de la sphère privée financière», lancée l’an dernier par le banquier zurichois Thomas Matter avec le soutien de plusieurs parlementaires PDC, UDC et PLR, dont Christoph Blocher et Christian Lüscher. En phase de collecte des signatures, ce texte est censé aboutir à l’automne prochain.

De la transparence partout
Ce qui paraît certain, c’est que la criminalisation de l’évasion fiscale ne concernera que les individus les plus fortunés. Ce ne sera qu’à partir de 300 000 francs éludés de l’impôt que l’évasion fiscale sera assimilée à du blanchiment d’argent, si ce plancher voté par le Conseil des Etats est confirmé par le national en juin. Et ce plancher devrait être repris dans le projet de durcissement du droit pénal fiscal. Aussi, il devrait épargner comme aujourd’hui la plupart des déposants suisses, dont les impôts restent nettement inférieurs à ce niveau. Les tricheurs resteront exposés tout au plus à un solide redressement fiscal assorti d’une simple amende.

Mais les sanctions tomberont beaucoup plus facilement sur les contribuables fautifs lorsque le secret bancaire s’estompera devant les autorités fiscales. Quantité de comptes ouverts dans d’autres cantons, actuellement invisibles au fisc, deviendront soudainement accessibles au taxateur. Dans cette perspective, les dénonciations spontanées devraient encore progresser ces prochaines années. Pour le plus grand bénéfice des finances publiques. Et avec l’aide active des banques.

yves.genier@hebdo.ch
Twitter: @YvesGenier
Blog: «Rhonestrasse», sur www.hebdo.ch

* Andreas Bühn, Friedrich Schneider, «Size and Development of Tax Evasion in 38 OECD countries : What do we (not) know ?», CESifo Working Paper 4004, novembre 2012. 


Rebond des dénonciations spontanées

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Publigroupe, le déclin d'un géant qui n'a pas su se réinventer

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Jeudi, 1 Mai, 2014 - 05:57

Eclairage. Tamedia rêve de le démanteler. Swisscom lorgne sur son principal actif. Le vaudois PubliGroupe, qui fit la loi dans la presse suisse, n’est plus que l’ombre de lui-même.

Il fut un temps où passer une annonce dans les journaux prenait toujours le même chemin. Celui de Publicitas. A l’époque où l’internet était inexistant, le groupe vaudois était l’unique spécialiste de la récolte de publicité pour la presse écrite, et donc son principal pourvoyeur de revenus. Les éditeurs lui mangeaient dans la main et l’appelaient parfois à l’aide dans les moments difficiles. A cette époque, dans les années 90, la société employait 3600 personnes, dégageait un chiffre d’affaires de 2 milliards de francs, valait près de 1 milliard en Bourse, et jusqu’à la somme faramineuse de 4 milliards en mars 2000.

Aujourd’hui, PubliGroupe (qui a adopté ce nom en 1997) est devenu une proie, dont l’effectif et le chiffre d’affaires ont fondu de moitié, que se disputent Tamedia et Swisscom. L’éditeur zurichois propose, au moyen d’une offre publique d’achat (OPA), 350 millions de francs. Il veut démanteler la société pour n’en garder que la perle, une participation de 50% dans l’annuaire téléphonique en ligne local.ch. Pour sa part, l’ex-régie des télécoms pose 250 millions sur la table pour acquérir cette même moitié de local.ch, dont elle possède déjà l’autre. PubliGroupe y perdrait une part essentielle de sa substance mais y gagnerait une nouvelle vie.

Dans les deux cas, c’est un naufrage pour le groupe vaudois. Il a raté la grande révolution de la publicité par internet, qui met sens dessus dessous le monde des médias. Et il est demeuré dépendant du marché des annonces dans les journaux. Or, celui-ci ne cesse de s’effondrer.

Dur sort pour une société qui, à elle seule, faisait vivre la quasi-totalité de la presse suisse. «Elle n’avait pas besoin d’aller chercher ses clients, ils venaient d’eux-mêmes», se remémore Jean-Clément Texier, ancien journaliste, investisseur, administrateur du Temps et président de la filiale française du groupe Ringier (éditeur de L’Hebdo). «Ce système a fort bien marché pendant longtemps», ajoute Tibère Adler, nouveau directeur romand d’Avenir Suisse et ancien directeur général d’Edipresse avant le rachat de ce dernier par Tamedia en 2009.

Les affaires se traitaient au sommet, entre les éditeurs et la direction du groupe. Lorsqu’un journal rencontrait des problèmes de trésorerie, PubliGroupe y prenait une participation sans jamais, à l’exception de la Tribune de Genève dans les années 80, devenir majoritaire.

Le succès durable de ce fonctionnement cartellaire a même attiré des convoitises. En 1988, Publicitas Holding (comme la société se nommait alors) a fait l’objet d’une OPA du financier genevois Jürg Stäubli. Ce dernier offrait 530 millions de francs (180 de plus que Tamedia aujourd’hui) pour l’acquérir, avant d’échouer. Vingt ans plus tard, en 2008, le fonds activiste britannique Laxey Partners a tenté à son tour de s’en emparer, sans plus de succès.

En 2006, dernière année de splendeur, la société tirait près des trois quarts de ses revenus de la commercialisation de l’offre publicitaire dans les journaux helvétiques. Par contraste, les filiales à l’étranger ne contribuaient qu’à hauteur de 18% au chiffre d’affaires, et la publicité sur l’internet à seulement 12%.

La direction était consciente du problème et a identifié le virage à prendre. «Les dirigeants ont même été pionniers dans le numérique», assure Jean-Clément Texier. Joignant le geste à la parole, PubliGroupe a investi dès la fin des années 90 dans plusieurs sites internet spécialisés, comme car4you, actif dans la vente de voitures, et Real Media, une régie publicitaire dont il a même préparé l’entrée en Bourse avec l’aide d’un partenaire américain, 24/7 Media. Cette stratégie, exprimée alors que la bulle spéculative des sociétés technologiques battait son plein, a propulsé son action vers les sommets: en mars 2000, le cours s’est même approché de 2000 francs, quatre fois plus que l’année précédente! En décembre dernier, il était  vingt fois plus modeste.

«Quand la bulle internet a explosé, PubliGroupe a vendu ses participations dans le numérique. Peut-être aurait-il pu se montrer plus patient», observe Tibère Adler. Real Media, qui s’est transformé en boulet financier dès 2001, a ainsi été cédé au partenaire américain.

L’entreprise vaudoise est rapidement revenue dans les annonces numériques, mais à un échelon beaucoup plus modeste. «Le groupe n’a pas fait de bons choix dans ses cibles; celles-ci n’ont pas été à la hauteur des espérances», se désole Jean-Clément Texier. Pendant ce temps, Tamedia et Ringier lui ont progressivement ravi sa place en acquérant des sites d’annonces reconnus comme jobs.ch (au prix de 390 millions de francs) ou scout24.ch (200 millions). «PubliGroupe aurait dû faire comme le distributeur de médicaments Galenica, qui a ouvert des pharmacies: concurrencer ses clients. Il aurait pu devenir le plus grand éditeur du pays», remarque Tibère Adler.

Dirigeants à l’ancienne
Il y a donc eu un grand écart de la parole au geste. Pourquoi? Questions de prix, peut-être, PubliGroupe hésitant à investir des centaines de millions de francs dans des activités aux perspectives d’affaires plutôt incertaines. «Les dirigeants ont été des rentiers pendant des décennies. Ils n’ont pas pu devenir des aventuriers de la net-économie du jour au lendemain», excuse Jean-Clément Texier.

De plus, ces responsables n’ont jamais vraiment subi la pression de leurs actionnaires. Limités par une clause statutaire interdisant d’exercer des droits de vote supérieurs à 5% du capital, ces derniers sont restés très dispersés. L’on y retrouve notamment la caisse de retraite des employés (5,6% du capital), des banques, des sociétés d’investissement en Espagne, aux îles Caïmans, etc. Et Tamedia, qui en détient déjà 7,28% alors que son OPA n’est pas encore lancée.

Pendant des décennies, PubliGroupe a réglé ses affaires dans le milieu fermé et feutré de la presse domestique grâce à sa position incontournable. Il a tout mis en œuvre pour se protéger de la concurrence, de ses actionnaires, des furies du vaste monde. Aujourd’hui, il en paie le prix dans sa chair, et peut-être même de son existence.

yves.genier@hebdo.ch
Twitter: @YvesGenier
Blog: «Rhonestrasse», sur www.hebdo.ch


L’essentiel en cinq dates

1890 Fondation de la société à Genève.
1930 Transfert du siège à Lausanne.
1992 Acquisition des concurrents Assa et Ofa. Publicitas détient le quasi-monopole du marché suisse.
1997 Publicitas devient PubliGroupe.
2014 Vente de l’activité historique de Publicitas. OPA de Tamedia.


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Quand la Russie applique sa recette de la doctrine Monroe

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Jeudi, 1 Mai, 2014 - 05:58

Analyse.Vladimir Poutine n’est pas un saint, mais il renvoie simplement à l’expéditeur la version russifiée d’une politique appliquée depuis deux cents ans par les Etats-Unis.

Martin Sieff

Le discours du président Barack Obama, en mars dernier à Bruxelles, fut remarquable à deux égards: d’abord par sa fermeté dans la réprimande de la Russie pour son annexion de la Crimée. Puis par son abondant recours au jugement du deux poids, deux mesures: les règles qu’Obama a appliquées à la Russie sont loin de celles qui s’appliquent aux actes de politique étrangère agressifs des Etats-Unis. A Bruxelles, il s’est exprimé avec hardiesse, en toute confiance, en tant que dirigeant de l’Occident, comme s’il s’abstrayait de son poste de président américain. Il parlait comme s’il était un supersecrétaire général des Nations Unies.Pour un président américain en exercice, le fait d’«oublier» la longue liste d’actions militaires unilatérales menées dans l’intérêt propre des Etats-Unis au cours des trente dernières années est vraiment très malin.Il n’a pas été expliqué pourquoi les contraintes du droit international et du Conseil de sécurité de l’ONU ne se rapportaient pas aux Etats-Unis, comme en septembre dernier lors des préparatifs d’intervention en Syrie. Mettre ainsi l’accent sur la rigueur du droit international n’est pas seulement commode, c’est malhonnête.

Les exemples de politique étrangère américaine unilatérale vont au-delà de l’opération syrienne abandonnée et ne se sont jamais limités au «jardin» de l’Amérique. Il y a eu pire que l’invasion de la minuscule Grenade en 1983 et celle du petit Panamá en 1989, opérées sans le moindre égard pour le droit international. Le cas de l’invasion non provoquée de l’Irak en 2003 visait un grand Etat hors de l’hémisphère occidental.

«Sphère d’influence»
Les Etats-Unis avaient affirmé, pour obtenir une résolution de l’ONU justifiant l’invasion, que Saddam Hussein développait des armes de destruction massive. Comme il n’y a pas eu de résolution, ils ont quand même envahi l’Irak. On a su plus tard que la justification de l’opération se fondait sur de fausses informations des services de renseignement. C’est fou ce que cela ressemble aux inventions de style soviétique visant à créer des arguments pseudo-légitimes pour envahir un Etat étranger.

Si l’on souhaite appeler un chat un chat, alors il faut reconnaître l’ironie de la situation: l’annexion de la Crimée par la Russie et ses opérations en cours autour de l’est de l’Ukraine n’envoient pas les Russes à l’autre bout de la planète. L’Union soviétique l’avait pratiqué en Angola, au Mozambique et en Afghanistan dans les années 70. La Russie d’aujourd’hui ne le fait pas. Elle a suffisamment de bon sens pour se rendre compte, à l’instar de la direction soviétique en 1956 et 1968, qu’elle ne s’en tire qu’au gré d’interventions dans sa propre «sphère d’influence».

Il n’y a pas de doute que les récentes démarches de Poutine sont risquées pour la paix mondiale. Mais il faut reconnaître deux points, aussi dérangeants soient-ils.D’abord, ces actes sont en lien avec les craintes ancestrales de la Russie et ses soucis légitimes de sécurité. Depuis le congrès de Vienne en 1815, ces dernières ont toujours été reconnues comme fondées par les autres grandes puissances. Autrement dit, ce que fait la Russie s’inscrit dans les canons classiques de la diplomatie des grandes puissances. L’évolution passe par les sommets de Téhéran, de Yalta et de Potsdam pendant et après la Seconde Guerre mondiale. Et elle s’étend jusqu’au premier président Bush et à son engagement solennel envers Mikhaïl Gorbatchev à la fin de la guerre froide.Le second point consiste à admettre ceci: l’action malencontreuse des Etats-Unis en Irak fut aussi extrêmement dangereuse pour la paix mondiale. Pourquoi? Parce qu’elle fut le déclencheur de la déstabilisation et de l’embrasement du Moyen-Orient, une région considérée comme le plus périlleux théâtre de conflit du monde.

Ce que Poutine a exécuté a consisté à mettre en œuvre sa propre version de la doctrine Monroe. Il se peut que nous, en Occident, n’aimions pas cela. Il se peut que nous n’aimions pas Poutine. Mais nous ne devrions pas faire bon marché de l’histoire. Vu que la Russie a perdu au moins 26 millions de ses compatriotes au terme d’une invasion par un Occident aux mains des nazis et de leurs alliés pendant la Seconde Guerre, les peurs des Russes sont compréhensibles. La Russie entend préserver sa propre zone de sécurité et les Etats-Unis devraient respecter ce principe.

Débordements américains
Les actes de Poutine ne peuvent être correctement compris si l’on ne se rappelle pas le rôle de Clinton dans le sentiment d’encerclement qu’éprouvent les Russes. C’est la stratégie d’expansion agressive de l’OTAN qui a motivé le besoin des Russes de réagir aux incessants débordements américains dans la sphère d’influence russe. Que cela nous plaise ou non, il y a certainement plus de justifications pour la Russie à intervenir en Crimée – qui était russe en 1783 – et en Ukraine qu’il n’y en a eu pour les Etats-Unis dans leurs interventions.

Les opérations militaires américaines au Vietnam et en Irak servaient à clouer le bec à des régimes éloignés. Ces pays n’avaient aucune signification historique et aucun lien particulier avec les Etats-Unis. Aux yeux de Poutine et de la majorité du peuple russe, les Etats-Unis et l’Occident les ont dédaignés et traités par le mépris ces vingt dernières années. Rien d’étonnant à ce que ce soit désormais au tour de l’Occident de se frotter à la nouvelle doctrine Monroe de l’Est.

© The Globalist, traduit et adapté par Gian Pozzy


La doctrine Monroe

Historiquement, la doctrine Monroe – du nom de James Monroe, président des Etats-Unis de 1817 à 1825 – condamnait toute intervention européenne dans les affaires des Amériques, soit tout le continent, tout comme celle des Etats-Unis en Europe. En somme, chacun chez soi et les vaches seront bien gardées. Au début du XXe siècle, Theodore Roosevelt (1901-1909) a proclamé le «corollaire de la doctrine de Monroe». Il ne prônait plus la neutralité absolue, en insistant sur le fait que son pays ne souffrirait pas que l’on s’oppose frontalement à ses intérêts. Autrement dit, il justifiait les velléités d’expansion américaines en particulier vers les Philippines et Cuba. Ce corollaire ouvertement expansionniste avait provoqué l’indignation des dirigeants européens, au premier rang desquels l’empereur allemand Guillaume II.


Martin Sieff

Natif de Belfast (Irlande du Nord), Martin Sieff a fait des études d’histoire contemporaine à l’Université d’Oxford, avant d’écrire sa thèse de doctorat sur le Moyen-Orient à la prestigieuse London School of Economics. Il est aujourd’hui chef analyste à The Globalist. Ces dix dernières années, il a dirigé l’analyse internationale pour le compte d’UPI. Il a couvert les conflits et les bouleversements dans son Irlande du Nord natale, en Israël et Palestine, en Indonésie, Bosnie, Azerbaïdjan, Géorgie et dans les Etats baltes. Il a été sélectionné trois fois pour le prix Pulitzer.

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Bas les masques, Vincent Kucholl

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Jeudi, 1 Mai, 2014 - 05:59

Portrait.Bientôt Paris, puis la TV. Tout réussit au zouave de «120 secondes». Mais qui est l’homme aux mille masques? Ombres et lumières d’un clown paradoxal.

C’est un garçon très propre sur lui. En l’approchant, on croit humer une odeur de shampoing aux herbes, voire de talc pour bébé. Le canapé de son salon est d’un blanc nivéen, ses chemises à manches courtes fraîchement repassées, sa coupe en semi-brosse ponctuellement entretenue. Alors, quand son amie affirme que, de tous les personnages incarnés par Vincent Kucholl, le plus proche de lui est Serge Jaquet, toxico et SDF, vous levez un sourcil perplexe: «Je sais, rigole Cécile Collet, c’est paradoxal, mais je soutiens que c’est lui.»

Qu’est-ce que le vacillant clochard lausannois, avec son nez qui saigne et sa tignasse à poux, a de commun avec Vincent Kucholl le flamboyant, l’homme à qui tout réussit? Cécile Collet: «Quand il parle d’un sujet, «Sé» est parfaitement documenté, précis jusqu’à la pédanterie. D’un autre côté, son personnage de marginal disjoncté fait de lui un être totalement désinhibé. A la fois incollable et légitimé à déconner, c’est tout Vincent!»

Le phénomène 120 secondes ne cesse de prendre de l’ampleur. Depuis que le sketch quotidien des matinales de Couleur 3 a explosé sur le web, en 2011, le duo Kucholl-Veillon bouffe du lion en déclinant sa marque, comme dirait Reto Zenhäusern, manager kuchollien. Le spectacle 120 secondes présente la Suisse, qui tourne depuis un an à guichets fermés, sera à Paris-Pigalle au mois d’octobre, dûment adapté avec un ajout dans le titre: «La Suisse expliquée aux pauvres Français».

Entre-temps, les deux complices auront quitté la radio pour la télévision (même si Vincent Veillon conserve un rendez-vous hebdomadaire sur Couleur 3). Ils y proposeront dès 2015 une émission, probablement le samedi soir, qui déclinera la formule gagnante actuelle: un clown blanc animateur-intervieweur (Veillon) face à une galerie de personnages plus vrais que leur caricature (Kucholl dans tous ses états), illustrant ou commentant un thème d’actualité. Vincent Sager, producteur de 120 secondes présente la Suisse: «Les Français sont intrigués de voir, sur notre site, ce spectacle qui fait le plein partout. Je leur ai expliqué que 120 secondes est un phénomène unique dans l’histoire de la scène en Suisse romande et que son impact est comparable à celui des Guignols de l’info en France.»

Oui pour l’impact, non pour la comparaison. Car les chroniqueurs satiriques qui se multiplient sur les ondes misent sur une méchanceté et un ricanement systématiques qui finissent par discréditer la chose politique. Avec 120’’, on pourrait presque parler d’humour citoyen. Ça déconne avec compétence, un engagement à expliquer, mine de rien, les rouages du fédéralisme. Et une pêche journalistique qui fait parfois du 120’’ du matin «le meilleur édito du jour», dit Cécile Collet, qui navigue elle-même entre spectacle et information (journaliste à 24 heures, elle improvise sur scène en compagnie des deux Vincent dans la troupe Avracavabrac). «Pour moi, Kucholl est davantage un vulgarisateur qui sait faire rire qu’un comédien bien documenté», dit son camarade d’études Cyril Jost, à la fois complice sur Couleur 3 (Rajiv Patel, c’est lui) et collègue de travail aux Editions Loisirs et Pédagogie.

Et puis, il y a le choix des personnages. La plupart des billettistes sont obnubilés par leur haine/amour des puissants; Kucholl, lui, offre le devant de la scène aux paumés et aux ordinaires. Place à Ignacio Chollet, agriculteur «normal» à Bottens, à Stève Berclaz, l’entrepreneur valaisan au torse poutinien, à l’inoubliable bigleux de Reconvilier, Gilles Surchat, grande figure tragique plébiscitée du public.

Si 120’’ a explosé sur le web, c’est grâce à son passage à la vidéo. C’est-à-dire grâce à Vincent Veillon, qui bricole génialement chaque matin son enregistrement sans supervision ni équipe technique («On nous a dit: «Débrouillez-vous!» On se débrouille et c’est ce qui fait notre fraîcheur.») Ces deux-là forment un vrai couple créatif et le succès de l’aîné (38 ans) doit peut-être plus au cadet (28) qu’il n’y paraît.

N’empêche, c’est Vincent Kucholl qui écrit les textes des sketchs, et donne à 120’’ ce caractère atypique. Il est le virtuose qui nous étourdit avec ses changements de masque. Et derrière? On découvre – mais est-ce une surprise? – un angoissé, un ombrageux, un clown pétri dans la pâte du paradoxe. Contradictions créatives.

C’est un universitaire mais pas un intello

«S’il vous pose une cuisinière, vous pouvez être sûr que le joint en silicone sera impeccable», dit Cyril Jost. Lorsque, dans un sketch sur les conditions de travail sur les chantiers, la star de Couleur 3 campe Gabriel Kunz, cuisiniste à Yverdon, ses explications sur la pose d’un gabarit ont une précision qui épate les connaisseurs.

Vincent Kucholl est diplômé en sciences politiques de l’Université de Lausanne, auteur d’un best-seller sur les institutions politiques suisses* et éditeur de la collection Comprendre aux Editions LEP, dirigées par sa sœur Nathalie. Mais il a aussi un respect profond pour le travail manuel et pour la réalité économique du petit entrepreneur.

Gabriel Kunz, c’est un hommage direct à son papa, électricien et cuisiniste, avec lequel, adolescent, il a travaillé sur les chantiers. «Je sais, Vincent a une grande tendresse pour moi», dit Andréas Kucholl, avec ses salopettes et son regard bleu ciel, dans sa maison de Rances construite de ses mains. Et le fils: «Mon père a des pognes immenses et, comme il a parlé le français sur le tard, il nous a écrit deux cartes postales en tout dans sa vie. Il m’a appris le travail bien fait. Il pose une cuisine comme un artiste.» Douceur des voix, pudeur des hommages.

Non, on n’est pas chez des «fils de» au parcours académique ouaté. Même s’il y a de tout dans la galerie familiale de Vincent Kucholl. Une tante sociologue à Paris, un cousin philosophe, un grand-père maternel, Sirius, journaliste à la radio romande. «Il y a surtout plusieurs personnes, comme ma mère, Françoise, ou ma grand-mère, Elsa, qui ont vécu des enfances dans de belles maisons de riches pour se retrouver ensuite dans des HLM quand la chance a tourné.» L’intranquillité, c’est sûr, ça vous pousse à vous lever le matin.

Un pied dans chaque monde, de ce grand écart Vincent Kucholl a fait un atout. Sciences-po, il s’y est lancé «par défaut», sans bien savoir. Puis, après les premiers sketchs avec des potes, il s’est inscrit à l’école de théâtre Serge Martin de Genève. «Le matin, je faisais le bouffon et l’après-midi, comme assistant à l’uni, je corrigeais des travaux sur l’Etat.» Cyril Jost: «Aujourd’hui, le tout forme un ensemble cohérent, mais à l’époque, Vincent passait par des phases d’angoisse terribles.»

A l’université, le fils d’Andréas a acquis «les outils de la réflexion». «Je ne fais rien d’autre depuis: problématiser.» Avec un sens de la précision appris sur les chantiers. Et – son entourage en sait quelque chose – une tolérance zéro pour les négligents du détail.

C’est un enfant de la gauche qui se moque de la gauche

C’est sur les bancs de l’université que Vincent Kucholl a mordu à la politique. «C’était la fin des années 90, se souvient Cyril Jost. Nous manifestions contre le programme d’austérité Orchidée. Un débat entre Suzette Sandoz et Sébastien Guex sur les finances publiques attirait 1000 étudiants: c’était ça, le spectacle!»

Aujourd’hui, Vincent Kucholl se définit comme «social-libéral, tendance libertaire». Sans susciter d’allergie chez les étudiants HEC autrefois ennemis. Au contraire: en mars, ces derniers invitaient le duo de 120’’ pour une conférence qui faisait le plein de l’Amphimax de Dorigny (1000 places). Consensuel, l’ex-élève du professeur Masnata? Indépendant, c’est ça qui plaît: «Il a le cœur à gauche mais il est particulièrement sévère avec sa propre famille», note Cécile Collet. Quand il gorille un prof baba cool adepte de l’éducation participative, il n’y va pas de main morte.

On n’a pas grandi durant les seventies pour des prunes. Andréas le père a été objecteur de conscience, il a lavé les langes recyclables du bébé et, après la séparation d’avec Françoise, le père et le fils ont vécu en communauté à Corcelles-sur-Chavornay. Mais au chapitre parental aussi, l’histoire est inattendue. Elle voit Françoise, la maman directrice de crèche à Yverdon, confier Vincent à son père durant ses années d’école enfantine et primaire pour ne le récupérer qu’à 11 ans.

«J’avais un rapport difficile avec les hommes, je ne voulais pas que mon fils en fasse les frais», dit, en plantant ses yeux dans les vôtres, cette femme énergique qui n’a «jamais cru au couple qui dure». Françoise, c’est une fan inconditionnelle de son Vincent («Je plains ses amis, dit-il, elle ne parle que de moi!»). Une vraie mère poule. Mais c’est aussi elle, en salle d’accouchement, qui a coupé le cordon.

C’est un fils de Suisse allemand qui singe les Suisses allemands

Les «Totos» kucholliens arborent un accent tip-top, mais l’acteur ne parle aucun dialecte d’outre-Sarine: son père s’en est tenu au français.

Il faut dire qu’Andréas a un rapport compliqué avec sa germanitude. Une mère saint-galloise mariée à un industriel allemand, une naissance illégitime en 1945 à Berlin, une prime enfance passée dans un orphelinat «où on n’avait pas le droit de parler». Un père violent, dont le souvenir l’a rattrapé le jour où il a vu Vincent jouer, dans une version théâtrale du film Festen, le fils qui démasque le tyran familial. «Au moment des saluts, j’ai vu mon père pleurer dans le public, dit l’acteur. Je me suis rendu compte que je savais sans savoir. On n’en a plus jamais parlé.» Une ombre passe. La météo change souvent sur le visage du fils d’Andréas. Un vrai ciel écossais.

Le personnage alémanique le plus célèbre de la galerie kuchollienne est le lieutenant-colonel Karl-Heinz Inäbnit, suppléant du commandant de la place d’armes de Bure. Il faut savoir que les militaires l’adorent. Qu’André Blattmann, le chef de l’armée suisse en personne, a applaudi les deux lascars de 120’’, invités à faire leur numéro à l’occasion du rapport annuel du commandant des Forces terrestres en 2012. Et que, pour les besoins d’un bout filmé à insérer dans leur spectacle, les deux Vincent se sont vu mettre à disposition un hélicoptère, un char d’assaut et une compagnie en uniforme.

Il faut dire aussi que Vincent Kucholl a fait comme (presque) tous les fils d’objecteurs: il a endossé l’uniforme, est même devenu caporal. «J’ai un rapport ambivalent à l’armée, sourit-il. C’est une belle expérience sociologique et une super école de théâtre.»

En réalité, il n’y a pas que les militaires: la quasi-totalité des caricaturés de 120’’ sont heureux de passer à la casserole. Etonnant? Explicable: la justesse de l’observation, c’est le contraire du mépris. En soi, une forme d’hommage. «Je cherche la part d’humanité chez les cons, dit Kucholl, mais aussi le con en chacun de nous.»

C’est un improvisateur obsédé du contrôle

Didier Charlet, comédien et complice dans la troupe d’improvisation Avracavabrac, se souvient d’un jour où Vincent Kucholl lui a «sauvé la vie»: «J’étais en pleine dépression, j’ai débarqué chez lui avec trois sacs Migros pleins de factures non payées. J’ai beau avoir fait mon apprentissage chez UBS, la comptabilité, ce n’est pas mon truc.» Un artiste normal, Didier Charlet. Un drôle d’artiste, son copain Vincent: «Il a mis de l’ordre dans mes papiers avec une efficacité redoutable.»

Maîtriser sa comptabilité, c’est la compétence de base de l’indépendant. Et Vincent Kucholl ne tient à rien tant qu’à être «son propre maître». «Quand je suis sorti de l’uni, je suis allé m’inscrire au chômage en me disant: «On ne sait jamais.» Mais le soir même, je me désinscrivais, j’étais trop mal à l’aise. Le statut d’indépendant, c’est la meilleure garantie contre le chômage, puisque je n’y ai pas droit.»

A Avracavabrac, qui continue de se produire régulièrement dans les cafés-théâtres depuis quatorze ans, le comédien fait tout: il gère les rendez-vous, répond au courrier, envoie à chacun des décomptes impeccables. Techniquement aussi, «il veut tout maîtriser», racontent en chœur ses camarades de scène, tantôt reconnaissants, tantôt exaspérés. «Vous comprenez, on s’habitue à avoir une maman qui s’occupe de tout et prévient nos besoins», sourit Antonio Troilo, cofondateur d’Avrac. «Le problème, c’est qu’après il nous reproche de ne pas nous intéresser à la technique», se désespère Didier Charlet. La mère juive, une figure à ajouter à la galerie kuchollienne?

Un égocentrique généreux, un improvisateur obsédé par le contrôle, on n’est plus à un paradoxe près. «Je crois que Vincent est un grand timide, un angoissé qui, à travers le jeu, a trouvé le moyen de repousser ses limites, de devenir irrespectueux, déraisonnable, excessif», dit Cécile Collet. Et de raconter la jubilation de son homme lorsque en coulisses, après une bonne impro, il constate que son «robinet à conneries» était grand ouvert.

Une autre! Une autre!

Vincent Kucholl est aussi un solitaire qui a besoin des autres. En 2009, le désopilant ombrageux rencontre le lumineux, le gentil Vincent Veillon. Bientôt, ce dernier reprend à la fois la production des matinales de Couleur 3 et le rôle du clown blanc dans 120’’ (tenu précédemment par Yann Zitouni). Chimie des talents et des tempéraments: le «robinet à conneries» de Vincent Kucholl entre en état de grâce.

Les deux hommes ont beaucoup en commun: un tempérament de bosseurs, le respect du travail bien fait, le goût de l’absurde, une enfance à la campagne, des parents séparés. Mais le cadet, fils de conseiller national UDC, petit-fils de guide de montagne, grandi dans le chalet familial des Plans-sur-Bex, a la tranquillité des enracinés qui manque à l’aîné. Dans le panier de mariage créatif, il amène ses compétences de vidéaste (acquises à l’ECAL) et de musicien. «On sait soigner l’outil pour mieux faire décoller notre imaginaire, dit-il, il y a un véritable équilibre entre nous.»

Ça marche entre eux. Après le travail du matin, ils vont au fitness ensemble, gym, sauna, sieste, gamberge. «On les appelle «le vieux couple», sourit Laurence Scheurer, une des rares filles de la bande d’improvisateurs. Personne n’ose penser au jour où, forcément, ce couple aussi se séparera. Et où nous nous sentirons tous aussi seuls que Gilles Surchat.

anna.lietti@hebdo.ch

* «Institutions politiques suisses». De Vincent Golay (c’est le nom de sa mère en guise de pseudonyme), LEP.

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La guerre des langues est déclarée

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Jeudi, 1 Mai, 2014 - 06:00

Enquête.Dans les cantons de Suisse alémanique, les initiatives pour ne conserver qu’une seule langue «étrangère» à l’école primaire se multiplient. La place du français est menacée.

Il fait frisquet en ce samedi matin d’avril en la vieille ville de Willisau, petite bourgade de 7000 habitants dans le canton de Lucerne. Entre le Rathaus et le café chocolatier Amrein (en français sur la façade), l’enseignant secondaire Mathias Kunz accroche les passants. «Une seule langue étrangère à l’école primaire, signez l’initiative!» Les gens s’arrêtent, discutent brièvement et apposent leur paraphe avant de poursuivre leurs emplettes.

Pas besoin de les convaincre longtemps. Depuis que le canton a introduit le concept 3/5 (l’anglais en troisième année suivi du français en cinquième) en matière d’enseignement des langues «étrangères», les critiques se multiplient: «Les élèves sont dépassés», tranche le comptable Adrian Arnold. Judith Bühler, mère de deux enfants, acquiesce. «L’un d’eux est en cinquième classe. Il suit, mais nous devons toujours le soutenir», explique-t-elle.

Reste la question à laquelle les initiants, qui s’appuient sur un comité interpartis, ne veulent surtout pas répondre, car c’est celle qui fâche: s’il ne reste qu’une langue en primaire, laquelle sera-ce? L’Hebdo l’a systématiquement posée aux signataires. Vingt fois, trente fois peut-être, la réponse a fusé, identique: «L’anglais, bien sûr, parce que c’est la langue universelle. Et la Suisse est un pays globalisé, ouvert au monde.»

Pas tant que cela à Willisau, qui vient d’approuver l’initiative «Contre l’immigration de masse» à 56,6% le 9 février dernier. Mais ces mêmes Lucernois disent pour la plupart aimer la langue française, qu’ils trouvent «magnifique, mais difficile». Mathias Kunz, qui a fait ses études à l’Université de Fribourg, regrette de constater qu’en arrivant à l’école secondaire, certains élèves se disent «frustrés par le français, où ils commencent par obtenir de mauvaises notes avant de s’engager dans une spirale négative». Pour lui, le problème est donc «uniquement pédagogique».

Le même psychodrame linguistique se déroule à Schaff­house. Ici aussi, c’est un enseignant, le député Vert’libéral Heinz Rether, qui a mis le feu aux poudres par une motion au Grand Conseil. Comme à Lucerne, les profs se sentent dupés. Lorsque le canton avait introduit le «Frühfranzösisch» en cinquième voici cinq ans, il avait promis que la langue de Voltaire ne compterait pas comme branche de promotion, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. «L’anglais et le français, c’est “too much” pour un tiers des élèves, qui ne suivent plus», note Heinz Rether.

Et la Suisse dans tout cela, cette «Willens­nation» (nation de volonté) que les Alémaniques se plaisent à encenser lors de la fête fédérale du 1er Août? Là, le citoyen et Helvète Rether souligne qu’il a de bons copains romands, qu’il lui arrive de passer des vacances en France et qu’il pourrait s’imaginer qu’on explique l’importance de la cohésion nationale à l’école. Mais il se refuse à dramatiser: «Croyez-vous vraiment que la Suisse s’effondrerait si on privilégiait l’anglais comme première langue étrangère chez nous comme en Suisse romande?»

Une Suisse aux équilibres fragiles
Il ne faut pas se le cacher. En ce printemps 2014, la Suisse revit une guerre des langues qui ne dit pas son nom. Outre Lucerne et Schaffhouse, Nidwald, la Thurgovie, les Grisons et Bâle-Campagne ont entamé des démarches qui remettent en question l’apprentissage de deux langues «étrangères» à l’école primaire. A chaque fois, le même scénario se répète. Jamais les critiques ne ciblent le français nommément, mais tous savent bien quelle sera la victime expiatoire de l’opération. Entre les deux langues, il n’y a pas photo: «L’anglais, c’est la langue de l’économie et de la recherche», martèle-t-on partout outre-Sarine.

Les enseignants alémaniques sont sûrement sincères en jurant que leur démarche est purement pédagogique. Il n’en demeure pas moins que leur fronde n’est pas innocente, surtout dans une Suisse aux équilibres si fragiles. Les valeurs qui font le ciment du pays se lézardent. Les cantons riches ne veulent plus soutenir à bout de bras les plus pauvres dans le cadre de la péréquation financière. Quant à la majorité linguistique, elle ne voit plus l’intérêt d’apprendre une langue jugée «rébarbative», dont les subtilités grammaticales et orthographiques sont décourageantes. Et tant pis si, contrairement à l’allemand, elle est encore l’une des langues officielles de l’ONU, de l’Union européenne ou encore du CIO. Dans les cours de récré, les élèves en souffrance, surtout ceux qui se sentent largués, pestent contre ce qui n’est plus pour eux que le «Scheissfranzösisch».

Attention! Ce débat ne révèle pas un simple Röstigraben à la hauteur de la Sarine. Cette fois, le fossé qui se creuse se situe du côté de la Reuss, la rivière du massif du Gothard qui se jette dans l’Aar. A l’ouest, six cantons à cheval sur la frontière linguistique (BS, BL, SO, BE, FR et VS) privilégient encore le français à l’école primaire dès la troisième année. A l’est, les cantons accordent la priorité à l’anglais. Mais des deux côtés du «Reussgraben», l’écrasante majorité des cantons dispense les deux langues en primaire.

Sentiment nationaliste
Lorsque la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) avait conclu ce compromis en 2004, on avait cru ce conflit apaisé. Mais la Suisse alémanique vit ces temps-ci un autre psychodrame, celui de l’harmonisation du plan d’études (Lehrplan 21), qui passe très mal dans certaines parties du pays. Certains milieux politiques, l’UDC notamment, voient dans cette harmonisation une centralisation déguisée qui sape la sacro-sainte autonomie des cantons en matière d’instruction publique. Dans ce contexte, le débat sur les langues est la goutte qui fait déborder le vase.

En Suisse romande, cette résurgence d’un débat très émotionnel alarme les esprits. «Je suis étonné, pour ne pas dire choqué, par ces velléités d’écarter le français de l’école primaire, d’autant plus que l’on avait trouvé un compromis raisonnable», déplore le président du PDC Christophe Darbellay. C’est une tendance lourde: «La Suisse alémanique ne fait pas beaucoup d’efforts pour promouvoir le français. Elle exalte volontiers son sentiment nationaliste et identitaire», constate-t-il.

En témoigne cette propension qu’elle a à se prendre pour la Suisse entière. Lorsqu’elle sacre les personnalités de l’année à l’enseigne des Swiss Awards, la SSR, ou plutôt la TV alémanique, rassemble ses invités VIP au Hallenstadion de Zurich dans une émission animée en dialecte, même si elle doit encore passer au français lorsque le Suisse de l’année s’appelle Stanislas Wawrinka. Le Schweizer Buchpreis ignore un auteur à succès comme Joël Dicker. Quant au Lehrerverband Schweiz (LCH), il se prend abusivement pour la faîtière des enseignants suisses, alors que le Syndicat des enseignants romands (SER) n’en est pas membre.

«Que serait la Suisse alémanique sans les Romands et les Suisses italiens?, interroge l’ex-conseiller fédéral Pascal Couchepin. Une province de l’Allemagne, d’une certaine manière.» La nouvelle cheffe de l’Office fédéral de la culture Isabelle Chassot abonde dans ce sens. «Ce ne serait même pas une Suisse en miniature. Il lui manquerait tout ce qui fait l’identité de ce pays: le respect des minorités, la compréhension de la diversité, la recherche du consensus et l’importance des équilibres.»

Minorités négligeables
En héritier du parti qui a créé la Suisse moderne en 1848, Pascal Couchepin s’irrite encore de l’attitude des Alémaniques ayant tendance à considérer les Latins comme des minorités négligeables. «Ce débat sur les langues est un coup de canif dans un système très délicat qui peut en supporter un, deux ou trois peut-être. Mais, à la fin, la blessure risque d’être incurable», avertit-il.

Toutes ces questions, les enseignants frondeurs ne se les posent pas une seconde. Ils sont très impatients, désireux de corriger le tir sans tarder. Cela même si aucune base scientifique ne vient étayer leurs dires. Et pour cause: «A Lucerne, la première volée d’élèves ayant étudié anglais et français en primaire n’achève sa scolarité que cet été», précise Charles Vincent à la DIP lucernoise. Chaque année, celle-ci procède à des tests dans plusieurs branches chez les élèves de huitième et neuvième: «En français, les résultats sont stables», relève encore Charles Vincent.

Dans l’immédiat, la balle est dans le camp de la CDIP, dont le nouveau président, le conseiller d’Etat bâlois Christoph Eymann, a le mérite de tenir un discours clair: «Non, je ne crains pas de guerre des langues. Il n’est pas question d’abandonner la deuxième langue “étrangère” à l’école primaire», affirme-t-il. «Il ne faut pas risquer un fossé linguistique à la belge.»

Christoph Eymann s’apprête donc à prendre son bâton de pèlerin pour prêcher aussi la cohésion nationale auprès des sociétés d’enseignants alémaniques. Il table sur le dialogue et l’écoute. Il dit prendre leurs critiques au sérieux. «Je suis d’accord d’envisager des dispenses individuelles, mais pas généralisées.» Peut-être faudra-t-il aussi augmenter les offres d’appui aux élèves en difficulté.

N’en déplaise aux cantons qui s’accrochent à leur souveraineté en la matière, le dossier est aussi fédéral. Au sein de la Commission de la science, de l’éducation et de la culture du Conseil national, les socialistes Matthias Aebischer et Jean-Français Steiert livrent un combat à fleurets mouchetés face à l’UDC Peter Keller. Ce dernier, historien de formation, ex-enseignant au gymnase, aujourd’hui auteur à la Weltwoche, a multiplié les interventions en faveur d’une seule langue étrangère en primaire.

«Mais je ne suis pas contre le français. Il faut arrêter de faire de ce thème une question de survie pour la Suisse», précise-t-il. La preuve? Il suggère deux compromis possibles: «Si on opte pour une seule langue, je suis prêt à m’engager pour le français», assure-t-il. «Ou alors, on déclare la deuxième langue facultative. De toute façon, il faut consulter le peuple», ajoute-t-il. Jean-François Steiert n’entre pas en matière sur ces deux pistes: la première est politiquement irréaliste et la deuxième inacceptable.

Le souci de la cohésion
Les partisans des deux langues ont deux bases juridiques en leur faveur. Acceptée en mai 2006 à une majorité de 86%, la nouvelle mouture de l’article 62 de la Constitution stipule qu’il faut harmoniser les objectifs pédagogiques (HarmoS), en accordant un pouvoir de légiférer au ministre de l’Intérieur – Alain Berset – en cas de mésentente entre les cantons. Quant à l’article 15 de la loi fédérale sur les langues en vigueur depuis 2010, il encourage clairement les compétences dans une deuxième langue nationale.

Alain Berset l’a déjà dit au Conseil national. Il privilégiera la cohésion nationale, ce qui lui a déjà valu l’étiquette de «bailli des langues» en Suisse centrale. Peter Keller s’est insurgé contre la prise de position du ministre de l’Intérieur. «C’est absurde de vouloir tout harmoniser. C’est le fédéralisme qui fait la force de la Suisse», assure-t-il.

A la tête de l’Office fédéral de la culture depuis six mois, Isabelle Chassot observe l’évolution du débat non sans inquiétude. Que les Suisses adoptent l’anglais comme langue de communication est pour elle quelque chose d’incongru, d’inimaginable même. «Raisonner ainsi, c’est réduire une langue à son aspect utilitaire, alors qu’elle comporte aussi des aspects culturels: elle reflète l’environnement de ceux qui la parlent, leur vision du monde, leurs mécanismes de pensée, leurs traditions.»

Une chose est sûre. La CDIP, les cantons et les enseignants ont intérêt à résoudre cette question avant qu’elle suscite une initiative populaire au niveau fédéral. Dans la rue, à Willisau comme ailleurs, le débat est si émotionnel que personne ne donne cher de la cohésion nationale si on devait en arriver là.

michel.guillaume@hebdo.ch
Blog: «Le blog de Michel Guillaume», sur www.hebdo.ch


Après le Röstigraben, le Reussgraben

Fossés.Le paysage linguistique suisse ne rime plus seulement avec Röstigraben. Un nouveau fossé est apparu à la hauteur de la Reuss, qui prend sa source au Gothard pour se jeter dans l’Aar. A l’ouest, les cantons, gentils, qui privilégient le français. A l’est, ceux qui idolâtrent l’anglais.

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En dates
1914 Le Röstigraben naît des tensions entre Romands francophiles et Alémaniques germanophiles
1970 Création de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP).
2004 Compromis au sein de la CDIP sur l’enseignement de deux langues étrangères en primaire. Libre aux cantons de dire laquelle en premier.
2013 Des initiatives remettent en cause le compromis de 2004.

Ceux qui défendent le français

«Une Suisse sans les Latins ne serait même pas une Suisse en miniature. Il lui manquerait le respect
des minorités, la recherche du consensus, l’importance
des équilibres.
» Isabelle Chassot, cheffe de l’Office fédéral de la culture

«C’est un coup de canif dans le système suisse très délicat, qui peut en supporter deux ou trois. Mais à la fin, la blessure risque d’être incurable.» Pascal Couchepin, ancien conseiller fédéral

Ceux qui le menacent

«Il est absurde de vouloir tout harmoniser, car c’est précisément le fédéralisme qui fait la force de la Suisse.» Peter Keller, conseiller national (UDC/NW)

«C’est un problème uniquement pédagogique. Certains élèves se disent frustrés par le français et s’engagent dans une spirale négative.» Mathias Kunz, enseignant secondaire à Willisau (LU)


Des Romands pas si exemplaires

Réplique. Entre francophones et germanophones, nous avons au moins un point commun: des profs qui ne croient pas à l’enseignement des langues.

Dans la guerre qui s’annonce, les Romands aiment se considérer, face aux traîtres alémaniques, comme les fidèles, les premiers de classe de la solidarité confédérale.

C’est vrai qu’ils ne remettent pas en cause la primauté de l’allemand ni l’enseignement de deux langues «étrangères» au primaire. Mais ils ont, avec les Alémaniques, un point commun décisif: des profs radicalement défaitistes quant à l’efficacité d’un tel enseignement.

A la rentrée 2012, lorsque l’anglais est entré à l’école primaire, la faîtière syndicale des enseignants romands (SER) convoquait une conférence de presse pour dire «attention, on va dans le mur»! Prétendre que l’on peut enseigner l’allemand et l’anglais à tous est un mensonge. Noir sur blanc, le SER l’affirme: «On n’apprend pas une langue à l’école.» Ça a au moins le mérite d’être clair.

En réalité, ajoutent ces pédagogues bien renseignés, les langues n’étant pas des branches comme les autres, il y a une manière et une seule d’y parvenir: c’est l’enseignement par immersion. Bien vu. D’ailleurs, Bienne s’y est mise récemment, avec succès. Alors, on y va? On se bat pour des accords interrégionaux et un joyeux brassage de profs de toutes les couleurs?

Non, les profs romands ne se battent pas pour l’enseignement bilingue, ils considèrent sa mise en place comme irréaliste. Ils trouvent réaliste en revanche de confier l’enseignement de l’allemand à des profs locaux qui ne le maîtrisent pas, plutôt qu’à des compétents trop exotiques. De ces prémisses découlent leurs recommandations: faisons le deuil de nos illusions. Misons, à l’école, sur une «sensibilisation», mais cessons de croire qu’un apprenti de commerce romand peut d’emblée prétendre répondre aux appels téléphoniques en allemand. Merci pour votre enthousiasme, Mesdames, Messieurs, un vrai baume pour notre suissitude.

Si les Romands étaient les premiers de classe de la solidarité confédérale, ils mettraient un point d’honneur à démontrer que oui, c’est possible: on peut apprendre deux langues «étrangères» à l’école. Quitte à déplacer quelques profs.


Deux modèles inspirants

Exceptions.Les Tessinois apprennent trois langues obligatoires sans drame. Berne innove dans la pédagogie.

Contrairement aux autres Confédérés, les Tessinois s’astreignent à trois cours de langue obligatoires. L’apprentissage du français commence en cinquième année scolaire (vers 9 ans), suivi de l’allemand, quatre ans plus tard. En dixième année (14 ans), la langue de Voltaire devient facultative. Et laisse la place à l’anglais. «L’objectif de ce système, qui a été mis en place par étapes depuis l’année scolaire 2004-2005, est de ne pas avoir trois langues imposées en même temps», précise Manuele Bertoli, directeur du Département de l’éducation, de la culture et du sport tessinois.

S’il est intense, cet enseignement plus tardif n’est pas remis en cause. «Contrairement à nos voisins alémaniques ou romands, nous avons instauré les cours à un stade où chaque professeur donne les branches qu’il a choisi d’enseigner.» Reste que les compétences linguistiques des élèves dépendent avant tout du parcours et des capacités de chacun. «Notre modèle est bon, mais il ne faut pas croire qu’il permet à tous de terminer l’école obligatoire avec une connaissance complète des langues.» A cheval sur la frontière linguistique, Berne fait partie des six cantons de l’association Passepartout qui privilégient le français (dès la troisième année depuis 2011) par rapport à l’anglais (en cinquième depuis 2013). «Les enfants ne sont ni stressés ni dépassés», note Margreth Däscher, cheffe de projet à la Direction de l’instruction publique (DIP).

Le canton bilingue tente de rapprocher les méthodes d’enseignement des deux langues. Fini, la focalisation sur le vocabulaire et la grammaire. Dès l’âge de 9 ans, les élèves apprennent le français à travers le concept Mille feuilles. Ils se plongent dans le polar du monstre de l’alphabet qui vole les mots du collectionneur M. Point. A l’aide de cédéroms, ils écoutent la musique de la langue, chantent et jouent l’histoire sur scène. But de la démarche? Favoriser le courage de s’exprimer et ôter la peur de commettre des erreurs. Pour l’anglais, les enseignants utilisent la méthode New World, marquée par la même approche. «Il est important de mettre les langues en réseau plutôt que de les additionner», souligne Margreth Däscher.

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Christine Bärlocher / ex-press
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L’illusion Soweto

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Jeudi, 8 Mai, 2014 - 05:44

Reportage.L’ancien Soweto était un bidonville, le symbole international de l’apartheid et de la misère. Le nouveau Soweto est une métropole qui produit de la mode et de la musique pour la génération qui n’a pas connu l’apartheid. A la veille des élections, reportage dans la vitrine du régime de l’ANC, le parti de Nelson Mandela.

Texte Bartholomäus Grill
Photos Per-Anders Pettersson

Et encore un bus bourré de touristes! Tous veulent voir la maison de Nelson Mandela, au 8115 Vilakazi Street, Orlando West, Soweto. «Désormais, les Blancs débarquent par cohortes entières et nous regardent comme des bêtes curieuses», constate Sibu Sithole, qui attire en effet les regards de visiteurs avec son T-shirt rose et son pantalon cargo aux appliques d’alu et aux revers léopard. Il porte au cou des amulettes et des ciseaux à ongles, sa coiffure s’inspire de celle de Bart Simpson. Sibu Sithole, 30 ans, est designer de mode.

«La plupart des gens prennent toujours notre township pour un ghetto. Il y a longtemps que ce n’est plus vrai», dit-il en désignant le Soweto Theatre, un édifice avant-gardiste juché sur une colline du quartier de Jabulani. Et, juste derrière, un centre commercial moderne, une nouvelle clinique géante et des immeubles d’habitation peints de tons pastel. «Le nouveau Soweto, c’est ça.»

Au temps de l’apartheid, Soweto rimait avec misère, violence et désespoir: un immense bidonville proche de Johannesburg qu’on ne s’était même pas donné la peine de baptiser autrement que SOuth WEstern TOwnship, l’acronyme donnant Soweto. Le bidonville s’est mué en une métropole de 2 millions d’habitants, des autoroutes à quatre pistes relient ses quartiers, de nouvelles zones résidentielles voient s’aligner les banques, supermarchés et autres concessionnaires automobiles. Les anciennes maisonnettes ont été retapées, le gazon est ciselé.

L’image d’une nouvelle afrique du sud

Ces dix dernières années, la valeur des logements a été multipliée par quatre. Le commerce et les PME ont fait des petits, une classe moyenne est née. A la veille des élections générales du 7 au 9 mai, le gouvernement utilise volontiers l’exemple de Soweto pour faire sa pub: «Regardez, nous avons vaincu la pauvreté, c’est l’image de la nouvelle Afrique du Sud.» L’Etat a injecté des milliards de rands (1 rand = 0,08 franc) pour le réseau électrique, l’eau, la voirie. Les services communaux fonctionnent mieux que dans le reste du pays.

«Les Noirs qui ont réussi reviennent ici», assure Sibu Sithole. Le fait est que les jeunes artistes, designers et musiciens de Soweto s’affirment avec orgueil: leur adresse n’est plus un stigmate mais une marque. Ils ont inventé le Soweto Style et influencent la culture des jeunes dans tout le pays. Le kwaito, sorte de hip-hop made in Soweto, a déferlé sur l’Afrique entière.

Il y a aussi la nouvelle bourgeoisie noire, devenue riche en peu de temps grâce à des postes dans l’administration et à ses participations dans les grandes entreprises. La plupart d’entre eux n’ont jamais quitté Soweto mais tout simplement déménagé dans des quartiers comme Orlando West, surnommé ici Beverly Hills. Ces nouveaux riches possèdent des villas à faire pâlir d’envie leurs concitoyens blancs et roulent dans de puissants 4x4 aux vitres teintées.

Le pouvoir d’achat des habitants moins favorisés s’est accru grâce aux prestations sociales de l’Etat, d’un montant de 5 milliards de rands (400 millions de francs) par an. Au Maponya Mall, on ne déniche qu’un seul Blanc qui tente de vendre des voitures d’occasion. Derrière son stand se dresse la statue de bronze commémorant le massacre, le 16 juin 1976, d’écoliers qui manifestaient contre l’enseignement des Noirs uniquement en langue afrikaans et un système scolaire à deux vitesses (le gouvernement consacrait un montant quinze fois supérieur à l’éducation des Blancs qu’à celle des Noirs. Le massacre de Soweto aurait causé au moins 575 morts tués par balle, peut-être 1000, ndlr). «C’est de l’histoire», commente Sibu Sithole, qui ne veut plus rien savoir de la lutte pour la libération.

Et c’est aussi l’avis de beaucoup de Born Free, la génération de ceux qui ont grandi dans la liberté et la jugent normale. Ils sont hédonistes, avec quelque chose d’infantile. On voit des ados se réunir la nuit pour lacérer des vêtements de marque, fracasser des smartphones et brûler des billets de banque. Le mouvement s’appelle Izikhothane, sa devise est: «Nous pouvons tout nous offrir.» D’autres claquent leur argent pour les fringues, à l’instar des Italians, qui ne portent que des griffes italiennes, avant tout Versace. Molefe Mohale n’est même plus agacé. Ce qui l’inquiète, c’est que «tous ces gars sont endettés jusqu’aux oreilles».

Molefe Mohale, 40 ans, gagne correctement sa vie en travaillant pour une chaîne TV sportive. Avec sa compagne et leurs quatre enfants, il vit dans une vaste maison de briques. Tous ont l’assurance maladie, la mère cuisine les recettes de Jamie Oliver, les enfants fréquentent de bonnes écoles. Et on lit le Sowetan, l’un des plus forts tirages quotidiens du pays. Mais Molefe se fait du souci: «La dégringolade peut être rapide, à peu près 40% des gens n’ont pas de travail.» Il tient pour pure propagande le fait que le gouvernement ait fait de Soweto sa vitrine. «Nous consommons et ne produisons rien. C’est le grand problème de l’Afrique. Il manque d’initiative entrepreneuriale, les gens n’ont pas les compétences nécessaires.»

De l’autre côté du miroir

Une femme telle que Lucia Maswanganwi n’ose même pas rêver du niveau de vie de Molefe Mohale. Elle a certes un job chez un distributeur de boissons mais loge toujours dans un bidonville. Sa cahute porte le numéro 1432, elle borde une cuvette boueuse du quartier de Kliptown. Le chemin qui passe devant chez elle est une fondrière, l’eau goutte à travers la tôle rouillée de son toit, une ampoule dénudée éclaire l’unique pièce. Lucia présente ses trésors: un frigo, un téléviseur et deux plaques de cuisson. Elle cuit à la paraffine, car l’électricité ne suffit pas; elle apporte l’eau dans des jerrycans de plastique depuis le robinet public utilisé par des centaines d’usagers. Sa famille partage aussi les latrines avec de nombreux voisins. Comme il n’y a pas de tout-à-l’égout, les enfants jouent dans un puant cloaque.

«Cet endroit est effroyable, tempête Lucia, 29 ans. Voilà vingt ans que nous attendons cette vie meilleure que le gouvernement nous a promise.» L’an dernier, raconte-t-elle, seule une cinquantaine de personnes âgées ont pu emménager dans des logements normaux. Elle a parfois l’impression que, depuis la fin de l’apartheid, rien n’a changé. Aussi, elle ne célébrera pas la victoire programmée, aux élections du 7 mai, du Congrès national africain (ANC), parti du président Jacob Zuma. «L’ANC nous a oubliés.»

Kliptown est pourtant le cœur de Soweto et le lieu de naissance de la démocratie sud-africaine. C’est ici qu’en 1955 a été adoptée la Freedom Charter, la charte par laquelle 2884 délégués venus de tout le pays demandaient la liberté et l’égalité des droits. Aujourd’hui, le township de Soweto est le symbole en miniature de la nouvelle Afrique du Sud née il y a vingt ans: à la fois prospère et misérable, tournée vers l’avenir et prisonnière de son passé.

© DER SPIEGEL, traduction et adaptation gian pozzy


Bartholomäus Grill

Né en 1954, Bartholomäus Grill est journaliste, écrivain et, depuis 2012, correspondant en Afrique pour le magazine Der Spiegel, après avoir travaillé durant vingt-cinq ans pour l’hebdomadaire Die Zeit. Lauréat de plusieurs prix de journalisme, il vit actuellement au Cap.

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Des Suisses gèrent les stars du Festival de Cannes

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Jeudi, 8 Mai, 2014 - 05:45

Rencontre.Les Zurichois de Zkipster ont conquis l’Amérique, et vont maintenant s’occuper des listes d’invités des soirées du festival du film français.

David Becker est un séducteur. Avec sa barbe bien taillée, son sourire en coin et sa voix grave, le Suisse de 34 ans a réussi à envoûter les plus grands noms de la planète artistico-médiatique new-yorkaise, comme le New York Times, la Fashion Week ou le Whitney Museum. Il leur a vendu une application pour gérer leur liste d’invités sur iPad, développée par sa start-up Zkipster, cofondée en 2012 avec son ami Daniel Dessauges. L’app a également été utilisée lors des soirées de la cérémonie des oscars ou du brunch annuel des correspondants à la Maison Blanche.

«Les listes d’invités sur papier sont encombrantes, souligne Maggie Swisher, la directrice de Swisher Productions, une boîte d’événementiel basée à Los Angeles, qui utilise l’application. Elles comprennent souvent plusieurs centaines de noms et comptent plusieurs dizaines de pages. On perd énormément de temps.» Zkipster accélère et facilite le processus d’admission en répertoriant clairement les noms des invités. Elle piste aussi en temps réel ceux qui sont venus. «Cela permet aux organisateurs de savoir quels noctambules leur sont fidèles, et lesquels les ont snobés», dit David Becker.

Repérage des intrus
L’application permet, surtout, d’éviter les intrus grâce à une fonction spéciale nommée zFace: dès que le nom d’un invité est entré dans le système, l’application cherche sa photo sur le web et la place à côté de son nom sur la liste. «C’est une fonction essentielle, explique Maggie Swisher. De nombreuses personnes essaient de s’infiltrer à notre insu dans les premières de films que nous organisons.»

L’histoire de Zkipster a commencé dans les rues de Zurich lors d’une chaude soirée de septembre 2008. David Becker et Daniel Dessauges avaient organisé une soirée pour les Alumni de l’Université de Zurich au Kaufleuten, une boîte de nuit. Leur liste d’invités était longue, trop longue, du papier volait partout, les invités attendaient pendant des heures avant de pouvoir entrer. «C’était un désastre», se rappelle David Becker, attablé dans un bar branché de SoHo.

Les deux compagnons ont alors décidé de développer une application pour iPhone qui générerait une liste d’invités virtuelle. Une première version est sortie en janvier 2009. Mais le marché suisse n’était pas prêt. «L’application n’a pas pris, raconte David Becker, qui travaillait à ce moment-là en tant que journaliste radio. Les gens ne comprenaient pas à quoi cela pouvait bien servir.»

Prophètes aux Etats-unis
Puis, au printemps 2009, Daniel Dessauges se rend à New York. «Les organisateurs d’événements américains ont tout de suite été séduits par le concept.» La métropole ne manquait pas de soirées qui souhaitaient éviter les imposteurs. Et la sortie de l’iPad, en mai 2009, permettait enfin de consulter les listes d’invités sur un grand écran, et non pas seulement sur la minuscule lucarne du smartphone. Rapidement, Zkipster a vendu ses services à quelques gros noms, comme Adobe et Bulgari. En 2012, David Becker et Daniel Dessauges installent le QG de la start-up à New York.

Aujourd’hui, Zkipster compte cinq employés et 1200 clients, dont la marque d’habits Guess, la société de ventes aux enchères Sotheby’s et la maison de production HBO. Ceux-ci font appel à la start-up, soit pour 75 dollars par soirée, soit pour 165 dollars par mois.

Et Zkipster vient de franchir un nouveau palier, en décrochant un contrat de taille de l’autre côté de l’Atlantique: elle va gérer les soirées ultra-exclusives du Festival de Cannes. Elle s’occupera notamment de la guest list de l’événement le plus prestigieux du festival: le gala organisé par amfAR, la fondation qui se consacre à la lutte contre le sida, une soirée coprésidée par Sharon Stone, Carla Bruni et John Travolta.

Maintenant, la start-up veut conquérir le reste du monde. Après avoir ouvert une antenne à Londres, elle a créé un bureau à São Paulo en mars et vient d’engager un représentant indépendant à Hong Kong.

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Clément Bürge
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Le «doggy bag» pointe discrètement son nez en Suisse

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Jeudi, 8 Mai, 2014 - 05:46

Zoom.La pratique américaine se popularise en Suisse romande: les restaurants acceptent généralement d’emballer les restes des repas quand on le leur demande. Mais rares sont ceux qui le proposent spontanément.

«Ceux qui n’ont pas l’habitude sont un peu gênés. Mais quand je leur dis que de toute façon c’est ça ou la poubelle, ils acceptent volontiers.» Gilles Avogaro, serveur de l’Aigle d’Or, authentique bistrot carougeois que son risotto a rendu célèbre, propose spontanément un doggy bag à ses clients. La pratique, d’origine américaine, a longtemps été très discrète en Suisse romande, mais elle se popularise. Y compris dans des établissements réputés pour la qualité de leur gastronomie comme l’Auberge de Vouvry (VS), la brasserie du Cardinal, à Neuchâtel, ou celle du Montreux Palace.

Les demandes deviennent de plus en plus décomplexées. «Il y a dix ans, on devait presque forcer les clients. Aujourd’hui, ils le demandent spontanément, constate André Mulato, chef depuis trente-deux ans à l’Aigle d’Or. Cela entre dans la tendance de lutte contre le gaspillage, et aussi parce que les années d’opulence sont derrière nous.»

Confrontée à la question, la Fédération de l’hôtellerie et de la restauration (GastroSuisse) ne donne aucune recommandation en la matière. «Les restaurateurs décident eux-mêmes s’ils souhaitent le proposer», explique Astrid Haida, responsable communication de GastroSuisse. Dans les faits, peu d’établissements l’encouragent, mais ils sont rares à le refuser. C’est cependant le cas du Vino Olio Caffè, un petit restaurant italien de la vieille ville de Genève. «La patronne m’a catégoriquement dit non quand je lui ai demandé un doggy bag, explique Clélia Martin du Theil, Genevoise de 26 ans. J’étais surprise.» D’autant que le restaurant en question propose aussi des plats à l’emporter… «J’ai dû insister pour que, finalement, elle accepte.»

Les os pour le chien
Chez Lipp, il est possible d’emmener son reste, mais cela n’est pas proposé spontanément, admet Frédéric Gisiger, directeur de la célèbre brasserie genevoise. Sauf dans certains cas: «Lors d’un repas de famille, si un enfant n’a pas fini son plat mais qu’il ne veut pas se priver de dessert, nous offrons toujours aux parents d’emporter le surplus.» Le restaurant donne également les os aux chiens, rappelant les origines de l’appellation du «sac à toutou».

Proposée aux Etats-Unis depuis des décennies et dans tous les types de restaurants, la pratique ne s’impose que lentement en Europe. Selon Christine Demen Meier, responsable du département Entrepreneuriat et innovation à l’Ecole hôtelière de Lausanne, «les gens restent gênés, car ils ont peur de donner l’impression d’économiser des bouts de chandelles. Ce n’est pas culturellement dans nos habitudes.»

Plus rare, la pratique du wine bag autorise d’emporter sa bouteille entamée sous le bras. Sur la carte du buffet de la gare de Lausanne, il est même écrit: «Dégustez chez nous, appréciez chez vous.» Le président de Gastro-Valais, François Gessler, rappelle que cette possibilité a été introduite en 2005, avec la limitation du 0,5‰ au volant, mais qu’elle est «un flop total». Car dans tous les restaurants ou presque il est possible de commander du vin au verre. Et, comme le relève Frédéric Gisiger, de Lipp: «En général, les clients qui commandent une bonne bouteille la finissent…»

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Thierry Parel
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«Le tractor pulling ne me laisse même plus de temps pour les filles»

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Jeudi, 8 Mai, 2014 - 05:47

Reportage.Ils passent tous leurs loisirs à bichonner leur tracteur pour tirer une immense remorque le plus loin possible, sous les yeux de milliers de spectateurs. Voyage à Develier, lors de la première manche du Championnat suisse.

«Il est un peu tracteur pulling.» Je n’ai jamais bien compris l’expression qu’un ami utilise parfois pour qualifier des personnes qu’il croise. Le moment est venu de chercher ce mot sur l’internet. Et de découvrir qu’en Suisse le tractor pulling est un sport qui se porte bien. Il compte même un championnat, avec onze ou douze rendez-vous par année, sur tout le territoire helvétique. L’enjeu? Tirer le plus loin possible – mais pas au-delà d’une centaine de mètres – une luge de 11 à 25 tonnes, suivant le type de véhicule. Car les engins concourent par catégorie: par exemple 4 tonnes Standard, 2,5 tonnes Sport, 3,5 tonnes Super Sport ou encore 6,5 tonnes Farmstock. Les chefs ont dit OK pour un reportage à Develier, canton du Jura. Et une citadine a plongé dans un autre monde.

Hobby paysan
Ce premier dimanche de mai, le soleil brille enfin sur le vaste champ qui accueille la première manche du Championnat suisse et la Coupe du Jura. Cent septante pilotes – dont quatre femmes – sont inscrits. Evidemment, après deux jours de pluie et de compétition, il aurait fallu penser à chausser des bottes pour patauger dans la boue. La manifestation vient de commencer, le public est encore clairsemé. Non loin de la piste, Benjamin Fleury, entrepreneur agricole de 34 ans, contemple le spectacle. Il participe pour la cinquième fois à la Coupe du Jura, un rendez-vous annuel. «Par ici, tous ceux qui sont agriculteurs viennent avec leur tracteur de tous les jours et se font plaisir. Cela engendre peu de frais, juste l’installation d’un crochet pour tirer la luge.» Il détaille les clés du succès: la pression des pneus, le profil des crans – certains les travaillent à la tronçonneuse –, la place du crochet et celle des poids ajoutés parfois pour alourdir l’engin – plus il est lourd, plus il adhère au sol –, choisir le bon côté de la piste. «Ce sont des petites choses qui font une grande différence.»

Huile et sueur
A une dizaine de mètres de la piste, la tension commence à monter à l’arrière d’une camionnette aménagée, avec bancs et table. La Jurasienne Marjolaine Donzé, styliste ongulaire de 37 ans, s’apprête à concourir avec son 4-tonnes Standard. «Vendredi, j’ai tiré pour la première fois de ma vie. J’avais la boule au ventre et peur de me ridiculiser.» Autour d’elle, Maxime, 19 ans, mécanicien sur machines agricoles, Sébastien, 33 ans, maçon, et Yvann, 15 ans, fils de paysan. Tous sont pilotes et coachés par François Rottet, paysagiste, patron d’une PME à Courfaivre et compagnon de Marjolaine.

Le groupe se réunit tous les mardis soir, quatre heures durant. Pour boire des bières? «Non! Depuis deux ans, nous travaillons à la rénovation d’un Renault dont le moteur a cassé. En fait, personne ne peut s’entraîner hors des compétitions, car la remorque utilisée n’est pas disponible sur le marché.» Maxime, lui, s’est acheté un tracteur d’occasion pour 3000 francs. «Mais le plus gros du Jura compte 500 chevaux et coûte 550 000 francs…» Il y a trois semaines, Sébastien a voulu renoncer, mais son coach a su trouver les bonnes paroles. «J’avais peur de casser le tracteur de mon père. Je n’ai pas les moyens de lui en payer un autre. Nous sommes des amateurs par rapport aux Alémaniques…»

Ah les Alémaniques! Dans le camp des pilotes romands, un nom revient souvent, auréolé d’un brin de convoitise: l’équipe de Sargans. «Ce sont des riches qui se déplacent avec trois camions, dont un se transforme en bar. C’est le patron de leur entreprise qui paie.» Evidemment, ces Saint-Gallois concourent dans la catégorie reine: les 3,5 tonnes Super Sport. Les engins sont munis d’une cage de protection pour le pilote et leur carrosserie est étincelante. Leurs moteurs sont bien sûr boostés. Président de Jura Pullingteam, Christian Allenbach explique: «Pour la catégorie Standard, la puissance du moteur peut être de 20% supérieure à celle d’origine. Pour les Sport, Super sport et Garden, les tracteurs comptent de 160 à 800 chevaux. Pas un n’est préparé de la même façon. Par contre, ils ont tous un surnom.» Brutalo Verde, c’est celui de l’impressionnant engin vert qui s’apprête à s’élancer sur la piste, il appartient à l’écurie de Sargans.

Suspense dans l’air
Il est 12 h 50: la foule est dense autour de la piste et il y a du suspense dans l’air. Casqué, en combinaison ignifuge, Mike Ritter donne des gaz. Le moteur de Brutalo Verde vrombit, un immense nuage noir s’échappe de sa cheminée, l’engin s’élance sur la piste, dans un bruit d’enfer. Full Pull! Il est arrivé à 100 mètres. Evidemment. Les autres candidats de sa catégorie n’ont qu’à bien se tenir. Ce jour-là, aucun ne fera mieux que Brutalo Verde.

Au fait, gâtion du patron, le beau Mike? «Pas vraiment. Il y a trois ans, lorsque je me suis lancé avec un collègue, il m’a prêté quelque 120 000 francs, mais je travaille dur pour rembourser et trouver des sponsors. Mon rêve serait de décrocher un contrat avec Red Bull.» Aujourd’hui, une quarantaine de personnes font partie de l’association que Mike a créée. Dix à vingt l’accompagnent à chaque compétition, le patron prête les camions. Mécanicien sur poids lourds de formation, Mike dirige aujourd’hui 85 collaborateurs, soit le département logistique du groupe Käppeli SA qui compte 300 personnes.

D’autres loisirs? «Quatre soirs par semaine, je passe de trois à quatre heures à travailler mes moteurs. Je n’ai même plus de temps pour les filles. Le tractor pulling est devenu une partie de ma famille.» Ah! c’est donc ça être «tracteur pulling»? Se vouer à sa passion et renoncer aux filles…

sabine.pirolt@hebdo.ch


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Adolf Muschg: "Le respect est un ciment bien plus fiable, à long terme, que l'amour"

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Jeudi, 8 Mai, 2014 - 05:48

Interview.Quelques jours avant son 80e anniversaire, l’intellectuel, écrivain et professeur Adolf Muschg nous parle de la Suisse, du racisme inné de l’être humain, mais aussi d’amour et de mort.

Qui l’eût cru? Le grand intellectuel humaniste Adolf Muschg est aussi un grand distrait. Il oublie des rendez-vous quand son épouse ne tient pas son agenda, ne lit pas toujours les mails qu’il reçoit. Et il ne s’arrange pas avec l’âge, souhaitant, plus que jamais, rester maître de son temps.

Quel bonheur, dès lors, de se retrouver au bord de son jardin japonais, installée sur la véranda avec lui, sa pipe et son vieux chat à qui il laisse la meilleure place. Il dit qu’il appartient à une espèce en voie de disparition. Non, pas le chat: lui. L’autre jour, un petit garçon l’observait avant de s’enquérir auprès de sa mère: «Mais qu’est-ce qu’il a dans la bouche le monsieur?»

L’engagement

Vous fêtez vos 80 ans dans quelques jours. Toute une vie d’intellectuel engagé, l’antithèse de Christoph Blocher. Quand vous êtes-vous mis à vous mêler de politique?
J’ai été politisé en Amérique. Professeur assistant à l’Université de Cornell, à Ithaca, dans l’Etat de New York, j’ai eu la chance d’y vivre de 1967 à 1969. C’était le temps du mouvement pour les droits civiques, le temps de Woodstock, et de nombreux meurtres publics, aussi: Robert Kennedy, Martin Luther King. Je me suis retrouvé dans une atmosphère où existaient deux choses que je ne connaissais pas en Europe: une université où une partie des professeurs, libéraux, sympathisaient avec ce mouvement, alors qu’ici ils formaient une caste et se comportaient de manière a priori réservée envers les étudiants. Et une impression dominante: on pouvait faire bouger les choses politiquement, même comme étranger, offrir une perspective pour l’ensemble de la société et pas seulement pour les jeunes. Je me suis demandé alors si je devais devenir américain. Mais j’avais tout de même besoin de l’autre langue, la mienne.

J’ai même mené campagne, faisant du porte-à-porte, pour le démocrate Eugene McCarthy, le candidat de la paix durant la guerre du Vietnam. Je ne me sentais pas comme un étranger et je n’étais pas considéré comme tel. C’est d’ailleurs une expérience que l’on peut vivre aussi comme Suisse en Allemagne. A l’académie des arts ou à l’université, l’appartenance nationale ne joue pas de rôle.

Ce ne sont pas vos parents qui vous ont transmis le goût de la politique…
Non, tout au contraire! Mon père était un fondamentaliste réformé et il l’est devenu encore davantage quand, enseignant, il a été transplanté de l’Oberland zurichois à Zollikon, dans une sphère urbaine qui ne se tenait pas aux règles strictement chrétiennes.

Je dois dire que, peut-être heureusement pour moi, nous n’avons pas vécu ensemble ma puberté. Il est mort avant.

Quand et pourquoi avez-vous adhéré au Parti socialiste?
Jeune professeur à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, j’éprouvais le besoin de déclarer ma couleur politique. Alors quand, en 1975, le Parti socialiste zurichois cherchait une locomotive électorale – ou un Winkelried – pour le Conseil national, j’ai saisi l’occasion.

J’habitais Kilchberg, un vrai bastion bourgeois, et j’y ai créé le PS Kilchberg. Je n’avais aucune chance, les deux sortants étant incontestés. Mais oser une candidature pour le Conseil des Etats était alors un grand bond pour le parti.

Vous n’êtes pas entré au Parlement, mais vous avez participé à la révision complète de la Constitution dans la commission Furgler. Et écrit une des plus belles phrases du préambule, qu’on cite souvent sans savoir qu’elle vient de vous: «La force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres.»
J’ai rempli ainsi mon devoir politique. Ce fut une de mes trois bonnes écoles suisses. La première, c’était le service militaire, que j’ai toujours accompli à Genève, à la plaine de Plainpalais. La seconde, le groupe d’Olten où, pour la première fois, j’ai vraiment connu des collègues suisses romands, comme Alexandre Voisard, qui est devenu un ami, mais aussi Franck Jotterand, de la Compagnie des Faux-Nez, dont j’étais très proche. Nicolas Bouvier en était aussi.

Ma troisième «bonne» école suisse fut cette commission pour la Constitution. J’y ai connu Gilles Petitpierre, que j’aimais beaucoup. Nous travaillions tout naturellement de manière bilingue, pour ne pas dire trilingue: un séminaire supérieur de première qualité, c’était merveilleux.

Pour en revenir à votre phrase sur le bien-être des plus faibles: qui sont-ils, en Suisse aujourd’hui? Ceux qui y cherchent asile ou ceux qui ont peur de ces étrangers?
Clairement, les plus faibles sont les gens qui vivent avec la menace qu’ils devront peut-être partir demain et avec le soupçon qu’ils ne sont pas les bienvenus. Visiblement, nous avons besoin de ces faibles pour nous sentir forts, cela me rend très triste, parfois. Au fond, les gens qui ont voté oui le 9 février sur l’initiative «Contre l’immigration de masse» ont exprimé un manque de confiance en eux-mêmes.

Les Suisses se sentent petits, mais ils ne le disent pas. Leur relation avec eux-mêmes est gravement dérangée. Objectivement, ils sont petits, mais économiquement une petite grande puissance. Leurs banques, par exemple, sont globalisées. Si seulement nous pouvions reconnaître, avec humour, que nous sommes petits mais pas tant que ça, et assez grands pour prendre des responsabilités en Europe et dans le monde!

Les frontières

Dans le livre qui paraît à l’occasion de votre anniversaire, comme dans les prises de position que vous avez tenues face aux médias allemands après le vote du 9 février, vous parlez beaucoup de frontières et les comparez aux membranes d’une cellule. Quel rapport?
Parce qu’une cellule a besoin d’échanges pour survivre, mais qu’elle peut aussi se noyer si elle est entièrement perméable. Nous n’avons pas encore trouvé le bon équilibre. Je veux dire aussi qu’un organisme, comme un pays, comme l’UE, mène une vie complexe, pas numérique. Il faut chercher des réponses que nous n’avons pas encore trouvées, s’adapter aux nouvelles situations, car les flux migratoires ne vont pas cesser.

Et que pensez-vous de notre frontière mentale avec l’Union européenne?
Nous en sommes tous responsables, car nous nous sommes laissé dicter une interdiction de penser par Christoph Blocher. Même à gauche, la discussion autour de l’Europe était devenue taboue. Elle a seulement repris après le vote du 9 février.

Cette frontière mentale puise ses origines après la Seconde Guerre mondiale. Notre pays est devenu riche parce qu’il a eu l’immense chance d’échapper à la guerre. L’envers de la médaille: la Suisse, persuadée qu’elle avait mérité cette chance, ne s’est pas sentie concernée par le destin des autres ni par le besoin de cette construction européenne. Les autres avaient fait des bêtises, ils n’avaient qu’à se débrouiller pour s’en sortir.

Pensez-vous que la Suisse va adhérer à l’UE, un jour?
Je le souhaite. Mais je ne vais plus le vivre. Même si, de facto, nous sommes dans l’Union européenne et avons même créé une expression: la reprise autonome du droit européen. La Suisse vit très en dessous de ses capacités. Nous disposons d’une poignée de diplomates qui mériteraient tellement mieux que de négocier des accords bilatéraux et qui sauraient aussi bien défendre les intérêts de la Suisse que Jean-Claude Juncker et ses gens, ceux du Luxembourg, un petit pays, quantité négligeable par sa taille, mais qui compte politiquement.

Je souhaite que la Suisse ose, qu’elle prenne part à la discussion. Elle jouit d’un merveilleux potentiel de médiation à partager, de compétences qu’elle pratique et dont l’Europe pourrait profiter: le respect des minorités, le principe de subsidiarité, le fédéralisme, notre confrontation entre les langues. Et puis le nationalisme ne fait pas partie de nos gènes, c’est notre chance. Même si je comprends mieux un Genevois ou un Vaudois, quand il parle du monde, qu’un Allemand. Il m’arrive d’ailleurs la même chose avec les Européens, quand je suis outre-Atlantique. Quand je rencontre un Italien aux Etats-Unis, nous partageons un scepticisme envers nous-mêmes qui nous différencie clairement des Américains qui, eux, se voient comme les porteurs d’un idéal où qu’ils aillent.

La maturité d’une civilisation est atteinte quand elle est prête à admettre ses propres contradictions, sans cynisme. Et à ne pas punir les autres parce qu’ils vivent différemment, avec leurs propres contradictions.

Quand vous êtes né, dans les années 30, la Suisse n’était pas un pays riche. Qu’est-ce que cela changeait?
Ma mère avait voulu émigrer. Tous ses frères sont partis. L’un, mon parrain, à Londres, où il a travaillé comme chef de l’Office suisse du tourisme, un autre est allé chez Goodyear, dans l’Ohio (Etats-Unis), le troisième à Paris, avant de revenir comme sommelier. Rien de spectaculaire dans ces biographies.

Le Tessin, canton très pauvre, a attiré de nombreux immigrés, comme les artistes du Monte Verità, Hermann Hesse ou encore Bakounine. Tout simplement parce que la vie y était très bon marché.

La Suisse était-elle plus ouverte quand elle était pauvre?
Oui. La richesse rend frileux, on a beaucoup plus à perdre. Je le remarque avec mon âge et la frontière biologique qui se rapproche. Il nous faut apprendre à renoncer. Je découvre que c’est une chance, celle d’apprécier l’instant comme quelque chose de précieux, parce qu’on est en vie.

Renoncer, vieillir, cela ne rend-il pas plutôt triste?
Non, lâcher est un cadeau. Plus jeune on doit répondre à tant d’attentes, moi comme homme, vous comme femme, les attentes de nos parents puis de nos chefs.

Et puis, quand les pas se font plus lourds, plus difficiles, ils acquièrent plus de valeur. Très concrètement: voyez ici, ces deux pièces de travail, la véranda, tout en rez-de-chaussée. Pour l’instant, nous avons la moitié de la maison d’à côté, une ancienne ferme avec des escaliers très raides. Avec le temps, nous allons vivre ici, réduire notre espace afin de pouvoir le traverser en peu de pas. De toute façon, ces quelques mètres sont tellement mieux que les un ou deux mètres où nous atterrirons tous, à la fin.

Ces derniers temps, tant de gens qui me sont proches sont décédés que la mort devient une partie de ma vie, la frontière s’estompe. Et ma vie m’est devenue plus précieuse. Je deviens un petit peu moins geignard, alors que j’ai été un grand hypocondriaque tout au long de ma vie. J’ai un cancer depuis dix ans, mais je n’entreprends plus rien contre. Et je vais probablement mourir de tout autre chose. (Il rit.)

Le racisme

Avant le crépuscule, parlons encore de l’aube. Vous avez dit un jour que vous étiez né raciste, comme tout le monde. Vraiment?
Oui. Emotionnellement, nous sommes à peine sortis des cavernes. L’animal humain n’a pas tellement changé depuis: l’autre est autre, un danger.

Mais la xénophobie a toujours toléré deux exceptions. D’abord l’exogamie: depuis la nuit des temps, les femmes ont été pionnières dans l’import-export, une nécessité génétique pour l’évolution et éviter l’inceste. Aimer, c’est toujours aller voir ailleurs, se livrer à l’étranger, à l’autre sexe.

L’autre exception à la xénophobie s’appelle l’hospitalité, qui sert aussi la base des relations d’affaires. Si je tue l’étranger, je me prive peut-être d’une information importante. Notez que les origines des mots hôte, hospes, et ennemi, hostis, sont très proches.

Vous-même, cosmopolite, semblez très à l’aise avec d’autres cultures. Comment avez-vous soigné votre racisme?
Par la confrontation. En veillant à ne pas tout rapporter à soi, à ne pas tout juger selon ses propres mesures. Vous ne vous souvenez peut-être pas de l’initiative Schwarzenbach, qui voulait renvoyer les étrangers chez eux. Elle a été refusée de justesse. Ceux qui y étaient le plus favorable étaient ceux qui connaissaient le moins d’étrangers. On a observé le même phénomène le 9 février.

Je vis avec une partenaire – ma femme est Japonaise – d’une tout autre culture. Son rire, son oui, son non signifient des choses définitivement différentes que les miens. J’avais commencé par idolâtrer le Japon, puis je suis venu à la réalité, découvrant nos différences, la source d’une tension positive, de disputes aussi.

Romands-Alémaniques

Vous préconisez l’échange et la confrontation avec l’étranger. Ne devrions-nous pas commencer entre nous, Alémaniques et Romands, à cesser d’enseigner l’anglais avant le français, par exemple?
Certainement. Ce qui se passe actuellement est catastrophique. Nous risquons de nous autodétruire. Il faut absolument apprendre la langue de l’autre avant l’anglais, cette lingua franca que les enfants et les jeunes vont acquérir de toute façon. Chez nous, l’embûche est d’ordre psychologique. Parce que, si quelqu’un parle mal le français, il est mal vu. Il existe un narcissisme francophone, parisien surtout. Je suis convaincu qu’avec de bonnes méthodes et de bons enseignants, les enfants peuvent très bien apprendre le français dès les premières années d’école.
Il faut aussi réactiver l’année en Suisse romande. Et l’étendre aux enseignants. Les profs romands devraient aussi passer un an ici.

Comment expliquez-vous le désamour actuel pour le français?
Cette chute du français est un phénomène relativement nouveau. Dans les années 50, j’ai participé à l’idolâtrie du français, qui était pour moi la culture dominante, plus importante que l’anglais. On écoutait Piaf et Brassens, on récitait Le Petit Prince à sa petite amie, puis Camus, Sartre. Le français conduisait le discours, c’est fini, complètement. Et il manque la passion aux enseignants de français, elle manque aussi aux directeurs de l’éducation publique. Il faut rafraîchir les mémoires, rappeler l’apport de la Suisse romande à notre pays et à sa culture.

Vous avez travaillé comme chargé de cours à Genève. Y avez-vous nourri votre passion pour le français?
(Il rit.) Non. J’habitais la grande tour du Lignon, entouré d’Allemands qui travaillaient au CERN. J’y ai moins parlé le français que pendant le service militaire. Je me souviens plutôt du chant des rossignols, jusqu’à vingt, qui survolaient la station d’épuration.

En mars, à la Foire du livre de Leipzig, vous avez déclaré que nous, Romands et Alémaniques, ne nous aimions pas…
Nous ne devons pas nous aimer. Nous devons nous découvrir avec nos différences, nous frotter les uns aux autres, nous confronter. Comme nous devons le faire avec les étrangers. Le respect est un ciment bien plus fiable, à long terme, que l’amour.

catherine.bellini@hebdo.ch


ADOLF MUSCHG

Infatigable esprit critique, l’intellectuel et écrivain Adolf Muschg est né le 13 mai 1934 à Zollikon (ZH) et vit avec sa troisième épouse à Männedorf, près de Zurich. Professeur de langue et littérature allemandes à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich de 1970 à 1999, il a présidé l’Académie des beaux-arts de Berlin de 2003 à 2006. Auteur prolixe traduit en dix langues, notamment en français, il signe une œuvre composée de romans et d’essais sur la littérature, l’Europe, le Japon, Gottfried Keller ou Goethe. Plusieurs distinctions littéraires, dont le prestigieux Prix Georg- Büchner, honorent son travail.

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Burkhalter joue son va-tout

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Jeudi, 8 Mai, 2014 - 05:49

Eclairage.Le ministre des Affaires étrangères propose une votation sur l’avenir de la voie bilatérale. Entre sincérité et audace.

Didier Burkhalter envisage en 2016 une nouvelle votation historique, de l’importance de celle du 6 décembre 1992 sur l’Espace économique européen (EEE). A cette occasion, le peuple devrait se prononcer sur le sort qu’il entend réserver à une voie bilatérale qu’il a déjà plébiscitée à sept reprises. Mais d’ici là, le Conseil fédéral devra avoir ficelé avec l’Union européenne (UE) un troisième paquet d’accords, incluant notamment une solution institutionnelle à sa relation avec Bruxelles et un probable accord sur l’énergie.

Déjà, le stratège en chef de l’UDC Christoph Blocher crie à la trahison. Selon lui, le Conseil fédéral prouverait par cette manœuvre qu’il veut éviter de mettre en application l’initiative «Contre l’immigration de masse» approuvée par le peuple le 9 février dernier.

Aucune décision
C’est Didier Burkhalter, avec une sincérité désarmante, qui a esquissé lui-même ce calendrier ambitieux dans deux interviews dont il a rédigé les réponses par écrit. Jusqu’ici, le Conseil fédéral n’a rien décidé quant à un nouveau vote: il a juste confirmé qu’il appliquerait de manière autonome l’extension de l’accord sur la libre circulation des personnes à la Croatie.

La Suisse et l’UE doivent donc reconstruire leur maison bilatérale sur du sable après le succès de l’initiative UDC. Les négociateurs en chef Yves Rossier et David O’Sullivan – qui s’en va prochainement représenter l’UE à Washington – ont certes rédigé un document commun prévoyant la reprise dynamique du droit communautaire par la Suisse, avec la possibilité d’en référer au peuple. Mais tout cela reste flou, à commencer par le rôle que jouerait la Cour de justice de l’UE dans cet édifice.

Fait piquant: le jour même de la parution des deux interviews, le ministre de la Défense Ueli Maurer se montre collégial avec Didier Burkhalter, alors qu’il l’avait encore sévèrement taclé à propos du rôle de la Suisse présidant l’OSCE. Une collégialité intéressée, murmure-t-on dans les coulisses du Palais fédéral: s’il veut gagner la votation sur l’achat de l’avion de chasse Gripen le 18 mai prochain, Ueli Maurer doit commencer par rassurer l’électorat de centre droit de l’actuel président de la Confédération.

michel.guillaume@hebdo.ch

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Credit Suisse: prenez vos responsabilités, messieurs!

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Jeudi, 8 Mai, 2014 - 05:50

Analyse.La banque est convaincue d’évasion fiscale. Pourtant, ses dirigeants jurent qu’ils n’en savaient rien. Une ligne de défense qui ne convainc plus personne.

Au printemps 2009, Credit Suisse aurait pu profiter du règlement de l’affaire UBS pour régler son contentieux fiscal avec les Etats-Unis. Alors qu’elle s’apprêtait à donner main-forte à la grande banque de la Bahnhofstrasse, la Confédération a envisagé d’étendre son programme à l’ensemble de la place financière. «Cela ne s’est finalement pas fait car les autres banques ne voulaient pas être mêlées à cette histoire», se souvient un témoin.

UBS a finalement réglé son cas en août 2009 par une amende de 780 millions de dollars et la remise de 4450 noms de clients aux autorités américaines. Si les autres établissements avaient participé, la Suisse se serait épargné de nombreuses années de crise avec les Etats-Unis. Aujourd’hui, 106 de ses banques plaident coupables et 14 autres font l’objet de procédures séparées. A commencer par Credit Suisse, accusé d’avoir aidé 12 000 Américains à frauder le fisc entre 2001 et 2008.

Les ricanements de la place  financière
Brady Dougan, son directeur général, et Urs Rohner, son président, étaient aux avant-postes à l’époque des faits. Le premier dans sa fonction actuelle, le second comme directeur juridique.

Face au Sénat américain en février dernier, Brady Dougan a rejeté la responsabilité des actes délictueux sur une poignée d’employés indélicats. Cette ligne de défense a provoqué l’ire des Américains et les ricanements de toute la place financière en plus de ceux de l’opinion publique suisse. Mais le grand patron est resté en place, tout comme son président.

Cette attitude fait courir un risque mortel imminent à la banque. La procédure judiciaire américaine, ouverte en 2011, devrait se conclure dans les prochains jours ou semaines. Credit Suisse risque une plainte pénale. Certes, les autorités d’outre-Atlantique réfléchissent à une solution qui permettrait de punir sévèrement les banques «trop grandes pour être châtiées» (too big to jail) sans provoquer des fermetures brutales dommageables à l’économie. Mais le recours à un tel instrument reste à leur discrétion. 

La banque négocie un aveu de culpabilité (guilty plea) avec le Ministère américain de la justice (DOJ). Une manière d’éviter le pire. Cependant, cette stratégie a un prix: une amende estimée à 1,4 milliard de dollars (1,2 milliard de francs).

Le duo Rohner-Dougan vers la sortie?
Cette pénalité est le moindre mal. La banque a largement de quoi payer. Elle a déjà provisionné 700 millions de francs. Le solde ne ferait qu’entamer son bénéfice net (2,326 milliards de francs en 2013). En décembre 2012, UBS s’est acquitté d’une amende bien plus élevée, 3 milliards de francs, pour liquider le scandale du Libor.

Pour un management, mieux vaut payer une grosse amende et rester en place. Mais cela ne se passe pas toujours ainsi. La crise d’UBS aux Etats-Unis entre 2008 et 2012 a contraint plusieurs dirigeants au départ, à commencer par Marcel Ospel, puis ses successeurs Peter Kurer, Marcel Rohner et Oswald Grübel. En ira-t-il de même au CS avec un retrait de Brady Dougan et d’Urs Rohner? La question est grande ouverte.

Le directeur général et le président vont affronter leurs actionnaires ce vendredi lors de l’assemblée générale annuelle. Celle-ci sera houleuse. Plusieurs organisations de défense des actionnaires, à commencer par la suisse Ethos et l’américaine Glass Lewis, recommandent de refuser la décharge au conseil d’administration à cause du coût du règlement des différentes affaires. Glass Lewis s’oppose même à la réélection d’Urs Rohner.

Leurs chances de succès sont très minces. Mais ils pourraient finalement obtenir gain de cause si les autorités de surveillance financière intervenaient de façon musclée. Que la Finma juge que le management a menti et c’en est fait du duo Rohner-Dougan. Une issue qui pourrait même survenir très vite si les Américains s’en mêlaient. Peut-être les deux dirigeants sont-ils même déjà en train de boucler leurs valises en toute discrétion. En regrettant de ne pas avoir réglé la question de l’évasion fiscale américaine en 2009 déjà comme cela leur avait été proposé.

yves.genier@hebdo.ch
Twitter: @YvesGenier
Blog: «Rhonestrasse», sur www.hebdo.ch

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Méditation: comment Google propage la bonne parole

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Jeudi, 8 Mai, 2014 - 05:51

Reportage.Chade-Meng Tan, l’un des pionniers du célèbre moteur de recherche, a développé une méthode de méditation pour soulager l’individu au travail. Il en va de la paix dans le monde, dit-il. Vaste plan com? Rencontre à Paris.

Comment ne pas se sentir minuscule face à pareille grandeur? Google, l’infaillibilité faite entreprise. En phase avec son temps. Mieux, le dominant. Pas étonnant qu’on rende les armes, converti d’avance. Cet Olympe de l’information, le bien nommé Mountain View, en Californie, est décidément parfait.

Larry Page et Sergueï Brin en sont les mythiques géniteurs. Sur les marchés, leur création vaut plus de 300 milliards de dollars. Rien ne semble pouvoir entraver sa croissance. Rien? Si, quelque chose, bien sûr, sinon les Etats-Unis ne seraient pas la machine à rêves qu’ils sont restés, la réussite procédant de l’échec et inversement. Aussi surprenant que cela puisse paraître, les dieux, demi-dieux et héros formant cette armée d’ingénieurs hors du commun, les googlers dans le jargon corporate, sont donc faillibles. Un grave danger les menace: le stress et ses effets dévastateurs.

Chade-Meng Tan fournit l’antidote. Originaire de Singapour, ce prodige de l’informatique, «numéro 107» dans l’ordre d’entrée chez Google, qu’il intégra en l’an 2000, a développé un programme de méditation destiné aux cadres guettés par le surmenage et expérimenté chez son employeur depuis 2007.

Meng, comme l’appellent ses proches, a par ailleurs rédigé un livre à l’intention du grand public, intitulé Searching Inside Yourself, clin d’œil à Google Search, le nom du célèbre moteur de recherche. Dans sa traduction française complète: Connectez-vous à vous-même. Une nouvelle voie vers le succès, le bonheur (et la paix dans le monde) – la parenthèse indiquant sans doute le caractère humble et pour l’heure hypothétique de l’immense ambition.

Cette méthode de la vie zen par temps cyclonique s’appuie sur l’enseignement de deux maîtres américains, qui préfacent l’ouvrage. De véritables stars, pour ceux, nombreux, qui connaissent et fréquentent ce milieu versé dans une certaine spiritualité. Jon Kabat-Zinn, professeur émérite de médecine, auteur d’une thèse en biologie moléculaire, a développé le concept de méditation de pleine conscience, en anglais mindfulness meditation.

Gourou et joyeux drille
Chade-Meng Tan le combine avec les théories du psychologue Daniel Goleman sur L’intelligence émotionnelle, titre d’un best-seller paru en 1999 en français, qui donnait les clés du contrôle de soi. Kabat-Zinn et Goleman sont membres du Mind and Life Institute, un aréopage de scientifiques et de contemplatifs nourris de philosophie bouddhique, dont la branche européenne est basée à Zurich.

Il y avait foule la semaine dernière à Paris, dans la mesure des places disponibles, pour écouter Chade-Meng Tan, «gourou» néo-new age de 41 ans au sourire perçant, alternant les positions en tailleur et debout au moment de délivrer son message. Mardi soir 29 avril, il était au siège parisien de Google, un superbe hôtel particulier entièrement restauré, doté d’une grande cour pavée, auparavant occupé par l’assureur AXA.

Le lendemain, il répétait sa performance au Palais Brongniart, l’ancienne Bourse de Paris, devant plus de monde encore. Lors de ces deux conférences, son «ami» le moine bouddhiste français et traducteur du dalaï-lama, Matthieu Ricard, le secondait dans un numéro d’une parfaite efficacité, à certains moments clownesque – Chade-Meng Tan ne porte-t-il pas, à Mountain View, le titre de «Jolly Good Fellow», le joyeux drille?

Tout de noir vêtu, s’exprimant en anglais, le conférencier portait une blouse chinoise à motifs soyeux. Son interprète et complice était couvert de son habituelle toge rouge et ocre laissant apparaître un bras nu.

La méthode Meng
Google France a récemment introduit la méthode Meng dans ses murs. Les 350 salariés de la filiale peuvent s’inscrire à un cours de méditation de pleine conscience, dispensé en interne à raison de plusieurs sessions. «Cela se passe sur la base du volontariat, il n’y a aucune obligation», précise Dorothée Burkel, directrice des ressources humaines de la société pour l’Europe du Sud, le Moyen-Orient et l’Afrique. «Je vais suivre une formation en juin», confie une jeune salariée de Google assistant à la conférence et préférant garder l’anonymat.

En attendant et depuis janvier, cette «fan de Matthieu Ricard», diplômée d’une école de commerce et développeuse de process et de business planning, s’astreint à 20 minutes de méditation quotidienne, de préférence le matin, aux alentours de 6 h 45. «J’utilise une application sur un site internet, Headspace, développée par un ancien moine bouddhiste, explique-t-elle. Ça m’apporte du calme et me rend davantage consciente de mes émotions. Il le faut bien: j’ai un boulot prenant, deux enfants en bas âge et une vie parisienne. Il y a des moments où tout déborde. Aujourd’hui, j’ai fait ma méditation à 15 heures.»

L’avantage, comprend-on, de la recette conçue par Chade-Meng Tan sur toutes les autres tient à son effet rapide sur l’individu, un atout en milieu professionnel, où le temps presse. La «pleine conscience» telle que pratiquée par le Singapourien, est une manière de faire le «tour des sens» en quelques minutes, la respiration jouant un rôle central. Il s’agit notamment de plaquer sa concentration sur les parties du corps, grosso modo de la tête aux pieds.

C’est toutefois plus que ça: ce type de méditation, allié à la connaissance de ses émotions, peut être déployé pour ainsi dire à tout moment et en toute circonstance. Son concepteur insiste en outre sur l’importance de l’«empathie», de la «bienveillance» et de l’«altruisme» dans les relations interpersonnelles, gage de bons résultats en entreprise.

L’époque où le cadre était un loup pour son collègue tout aussi loup que lui ne saurait être notre avenir, veut croire Meng. Quand se présente à vous un «psychopathe en cravate», selon l’expression de Matthieu Ricard désignant un cadre pervers, montrez-vous bienveillant avec lui, cela le déstabilisera. Conseil nécessaire, pas toujours suffisant.

Chez Google, les instants de «déconnexion» sont appelés des «Gpause». «Nous avons d’ores et déjà quelques leaders qui commencent leur réunion par deux ou trois minutes de méditation, rapporte Dorothée Burkel. Ça change l’atmosphère de la rencontre. Le feed-back est bon. Il y a trois cents personnes en liste d’attente.»

Une secte, Google?
Cet engouement plus ou moins spontané témoigne de la «culture Google», mélange d’hyperacuité et de cool attitude, où la nourriture est gratuite et des vélos mis à la disposition des employés, du moins à Mountain View, le «campus» californien de la boîte. Beaucoup ont vu dans le film Les stagiaires, sorti en 2013, un formidable coup de pub pour l’empire Page et Brin. Cette comédie met en scène deux quadras (Owen Wilson et Vince Vaughn) qui retrouvent un sens à leur vie professionnelle, donc à leur existence, en entrant chez Google, entreprise non seulement ultraperformante mais en l’occurrence bonne pâte aussi.

Serions-nous dans une secte? C’est le fantasme que suscite tout groupe où prévaut une forme de religiosité, autrement dit de rituel. Plus le groupe semble parfait et heureux, plus il intrigue. Le visiteur pénétrant dans le siège parisien de Google est saisi par ce jeu d’ombres et de lumières feutrées, aux couleurs bleue, rouge, jaune et verte de l’entreprise. L’hyperpropreté règne, la moquette est d’un gris tendre, les murs ont la blancheur chaulée d’un monastère après restauration.

Interrogé sur la différence qu’il y a entre prière et méditation, une entreprise n’étant pas a priori un lieu de culte, Chade-Meng Tan répond d’une formule séduisante, précisant ne «pas beaucoup» prier lui-même. «Pour moi, la prière, dit-il, c’est quand vous parlez à Dieu, et la méditation c’est quand Dieu vous parle.»

Meng a pu développer son programme de méditation dans le cadre du fameux «20%», soit ce jour par semaine que tout salarié de Google peut utiliser à son gré pour «faire autre chose», cet à-côté devant en principe profiter à l’entreprise. Ainsi, Google Street View, mis au point par le Français Luc Vincent, serait un «20%», explique-t-on.

Meng, qui habite une villa «de taille moyenne» avec piscine dans la Silicon Valley, n’occupe plus qu’un mi-temps à Mountain View. L’autre moitié, il la consacre à la société à but non lucratif qu’il a créée, Search Inside Yourself Leadership Institute. Si le but est non lucratif, le programme de méditation, lui, est payant: 1200 dollars en moyenne par personne pour une formation de deux jours, délivrée in situ par un spécialiste agréé.

Dans une société gagnée par le burn-out et plus globalement par la souffrance au travail, la potion concoctée par le «Dr Meng», nonobstant ses qualités supposées, a devant elle un bel avenir commercial. Le business de la santé psychique «au bureau» n’en est probablement qu’à ses débuts.

«Connectez-vous à vous-même. Une nouvelle voie vers le succès, le bonheur (et la paix dans le monde)». De Chade-Meng Tan. Préfaces de Daniel Goleman et de Jon Kabat-Zinn. Belfond, coll. L’Esprit d’ouverture, 302 pages.

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Christophe Petit Tesson
Erin Siegal / Reuters
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Chiffres Exclusifs: un accès inégal aux soins

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Jeudi, 8 Mai, 2014 - 05:52

Les médecins délaissent les régions périphériques au profit des zones urbanisées. Exemple: Uri ne compte qu’un praticien pour 1050 habitants contre, à l’extrême inverse, un pour 277 habitants à Genève. Un phénomène qui a des conséquences.

Les médecins suisses ne sont pas forcément là où on a besoin d’eux. Ultraprésents dans les cantons urbains, ils s’établissent moins volontiers en régions périphériques. Ainsi, Uri ne compte qu’un praticien pour 1050 habitants contre, à l’extrême inverse, un pour 277 habitants à Genève. Les petits cantons de Suisse centrale sont particulièrement touchés par ce phénomène. De ce côté-ci de la Sarine, c’est Fribourg qui est le moins bien loti (1/753) suivi de près par le Valais (1/662) et le Jura (1/645). Observable en premier lieu chez les privés, ce désintérêt constitue également un gros problème pour les hôpitaux, qui ne pourraient pas fonctionner sans médecins étrangers.


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Source: MicroGIS, OFS - Statpop 2012 | OFS - Statistique de la santé 2012


Les Latins au top de la longévité

80 centenaires habitent Bâle-Ville.

C’est le canton qui en compte le plus par rapport à son nombre d’habitants. Vivre vieux en Suisse? Oui, mais pas n’importe où. Pour maximiser ses chances de passer le cap symbolique des 100 ans, c’est à Bâle-Ville qu’il faut résider. Le demi-canton rhénan compte 80 centenaires. Un record national si l’on compare ce chiffre à sa population totale: 42,7 pour 100 000 habitants. Derrière lui, ce sont des cantons latins qui trustent les premiers rangs: Tessin, Genève, Neuchâtel et Vaud figurent également dans le quintet de tête. Si vous souhaitez par contre repousser la mort le plus loin possible, mieux vaut ne pas s’installer dans le canton de Zoug. Avec seulement 7,7 centenaires pour 100 000 habitants, le riche canton alémanique n’est de loin pas le paradis de la longévité.

Nombre de centenaires pour 100 000 habitants.

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Chiffres Exclusifs: la faible présence des musulmans

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Jeudi, 8 Mai, 2014 - 05:53

La communauté islamique compte 300  000 individus, soit 4,8% de la population nationale. En Suisse romande, ils ne sont que 66 000. Ce qui démontre que la place des musulmans n’est pas aussi importante que certains partis l’affirment.

Ils sont nombreux, les citoyens suisses à craindre une montée de la religion musulmane dans le pays. Une peur cristallisée lors de la large acceptation de l’initiative UDC contre la construction de minarets en 2009. Pourtant, la part des musulmans ne correspond qu’à 4,8% de la population, soit un peu plus de 300 000 individus, dont près de 66 000 en Suisse romande. Un chiffre global qui cache une communauté islamique très diversifiée. Avec 8,5% de musulmans (13 000 personnes), Bâle-Ville est le territoire qui en compte le plus en regard de sa population. Plus étonnant: la deuxième place occupée par Glaris avec un taux de 6,8% soit plus de 2000 individus. Mais cette valeur reste infime par rapport aux 68 000 musulmans de Zurich, canton qui en compte le plus.


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Source: microGIS|OFS, OFS - Relevé Structurel 2010/2011


La hausse des «sans confession»

43,1% de la population du canton de Bâle-Ville n’est inscrite dans aucun registre religieux. La part des sans confession ne cesse de croître.

La transformation du paysage confessionnel fait beaucoup parler d’elle. Si la place de la religion musulmane n’est pas aussi importante que certains partis l’affirment, l’augmentation d’individus sans confession est plus que spectaculaire. En dix ans, leur nombre a explosé, passant de 809 000 à 1 300 000, soit 20,7% de la population. A l’échelle des cantons, c’est à Bâle-Ville que leur part atteint des sommets (43,1%), suivi de près par Neuchâtel (38,6%) et Genève (36,6%). De manière générale, ce sont les cantons urbains qui comptent la part la plus importante de personnes sans confession sur leur territoire.

Proportion d’individus sans confession au sein de la population.

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Chiffres Exclusifs: un habitant sur dix est un «néosuisse»

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Jeudi, 8 Mai, 2014 - 05:54

800 000 Suisses sont des étrangers naturalisés. Avec 21,7% de naturalisés, le canton de Genève arrive largement en tête du classement, suivi par le Tessin (18,9%) et Bâle-Ville (14,9%), trois régions situées en zone frontalière.

En Suisse, le débat politique est largement focalisé sur les immigrés. Un chiffre est par contre souvent occulté: celui des étrangers ayant acquis le passeport rouge à croix blanche. C’est pourtant le cas d’un résident sur dix. Avec 21,7% de naturalisés, le canton de Genève arrive en tête du classement, suivi par le Tessin (18,9%) et Bâle-Ville (14,9%). Peu probable que leur part augmente à l’avenir. Si le Conseil fédéral penche pour une durée de séjour de huit ans sur le territoire pour pouvoir demander la nationalité suisse, contre douze actuellement, le National s’est prononcé à fin 2013 pour un délai de dix ans. Quant au Conseil des Etats, en mars dernier, il est resté sur ses positions: oui à une période d’au moins huit ans, mais à la condition de réserver la naturalisation aux détenteurs d’un permis C.


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Source: microGIS|OFS, Relevé Structurel 2010/2011| Source: microGIS|OFS, Relevé Structurel 2010/2011


Davantage de jeunes migrants en ville

35% des enfants scolarisés dans le canton de Bâle-Ville sont issus de la migration. Parmi eux, beaucoup d’Allemands et de Turcs.

Ils sont l’un des visages de la Suisse de demain. Eux, ce sont les étrangers en âge de scolarité. Des jeunes dont on ne mesure pas toujours l’importance alors qu’ils représentent 22,9% des Suisses âgés de 5 à 15 ans. C’est dans les régions urbaines que ces écoliers issus de la migration sont le plus présents. A Bâle-Ville, ils représentent ainsi 35% de la population scolaire. Par ordre d’importance, il s’agit avant tout d’Allemands, de Turcs et d’Italiens. Canton cosmopolite par excellence, Genève talonne de près le demi-canton des bords du Rhin avec 34,1% de jeunes migrants. Près du tiers d’entre eux sont de nationalité portugaise. A l’opposé, seuls 8,9% des écoliers du canton d’Uri sont étrangers.

Proportion de la population âgée de 5 à 15 ans de nationalité étrangère.

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Chiffres Exclusifs: les Italiens, plus forte communauté étrangère

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Jeudi, 8 Mai, 2014 - 05:54

La proportion d’étrangers est aujourd’hui plus élevée que jamais: elle dépasse un cinquième de la population résidente. En tête, les ressortissants de la Péninsule puis les Allemands et les Portugais. Des immigrés indispensables à l’essor économique du pays.

Un banal bloc monolithique, les étrangers résidant en Suisse? Pas du tout, à en observer le découpage par nationalité de ce million et demi d’individus. A l’échelle nationale, ce sont les Italiens qui sont les plus représentés, talonnés de près par les Allemands: 17,5% des étrangers, soit près de 250 000 personnes, sont originaires de la Botte, contre 16,1% pour nos voisins germaniques (230 000). Les disparités émergent surtout lorsqu’on s’intéresse de près aux cantons. A Lucerne, par exemple, ce sont les Serbes (12,5% de la population) qui représentent la deuxième communauté étrangère la plus dense, derrière les Allemands mais devant les Italiens. En Valais, la situation est tout autre: plus du tiers des immigrés sont de nationalité portugaise.


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Source: microGIS|OFS, Relevé Structurel 2010/2011| Source: microGIS|OFS, Relevé Structurel 2010/2011


Par canton:

Appenzell Rhodes exterieure

Appenzell rhodes interieure

Argovie

Bale campagne

Bale ville

Berne

Fribourg

Genève

Glaris

Grisons

Jura

Neuchatel

Nidwald

Obwald

Saint-Gall

Schaffhouse

Schwytz

Soleure

Tessin

Thurgovie

Uri

Valais

Vaud

Zoug

Zurich


Industrie: étrangers indispensables

49,2%  des emplois du secondaire de Bâle-Ville sont occupés par des étrangers. Sans eux, l’industrie ne pourrait être aussi efficiente.

Le secteur secondaire de nombreux pays limitrophes se délite à un rythme soutenu. En Suisse, par contre, il affiche une implacable robustesse grâce à un dense tissu de PME. Mais il n’en serait rien sans la force de travail extrahelvétique. Ainsi, à Bâle-Ville, près de la moitié des emplois du secteur industriel (49,2%) sont occupés par des travailleurs étrangers! Genève n’est pas très loin avec un taux de 47,2%. Un chiffre de trois à quatre fois plus important que dans les petits cantons ruraux de Suisse centrale comme Nidwald (11,7%), Uri (12%) ou Obwald (15,1%). Reste que, sur l’ensemble du territoire, l’apport des étrangers au secteur secondaire est colossal: ils y occupent près d’un emploi sur trois.

Proportion d’étrangers dans le secteur secondaire (frontaliers non compris).

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Chiffres Exclusifs: le röstigraben des études

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Jeudi, 8 Mai, 2014 - 05:55

Les cantons romands recensent généralement plus d’universitaires, en pourcentage, que les alémaniques. La palme revient à Genève, où la part de détenteurs d’un titre académique est plus importante que celle des individus ayant opté pour l’apprentissage.

C’est un drôle de röstigraben qui se dessine lorsqu’on observe la répartition des possesseurs d’un diplôme supérieur et d’un CFC. A l’exception du Jura, noyé en milieu de classement, les cantons romands comptent en règle générale plus d’universitaires que leurs homologues alémaniques: 40,1% dans le canton de Vaud, 29,7% à Neuchâtel, 26,6% à Fribourg et 22,8% en Valais. La palme revient à Genève, seul canton suisse où la part de détenteurs d’un titre académique est plus importante que celle des individus ayant opté pour une formation professionnelle. Après une mise en place laborieuse au milieu des années 2000, la Haute école spécialisée de Suisse occidentale, forte d’un réseau de 27 établissements, porte largement ses fruits.


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Sources: microGIS|OFS, OFS - Relevé Structurel 2010/2011 | calculs propres |
Statistique des bourses et des prêts d’études


Des bourses d’études primordiales

26,4% des jeunes du canton de Glaris suivant une formation postobligatoire bénéficient d’une aide de leur canton.

Pas toujours facile pour les parents de financer la formation supérieure de leurs enfants. Entre logement, frais d’écolage et dépenses courantes, la facture grimpe rapidement, et une aide financière de l’Etat devient indispensable. En 2012, 47 113 étudiants du degré postobligatoire (hors formation continue) ont pu compter sur une bourse, soit 12,1% de la population estudiantine helvétique. C’est à Glaris, en Suisse orientale, que les bénéficiaires étaient les plus nombreux: 26,4% de l’ensemble des étudiants ont reçu un coup de pouce financier. Zoug, Zurich et Schaff­house sont les trois seuls autres cantons à dépasser la barre des 20% de bénéficiaires.

Taux de bénéficiaires de bourses d’études parmi les étudiants qui suivent une formation postobligatoire (sans la formation continue).

 

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Chiffres Exclusifs: le boom des familles monoparentales

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Jeudi, 8 Mai, 2014 - 05:56

Le taux de foyers monoparentaux n’a cessé d’augmenter entre 1990 et 2010, passant de 13,6 à 17,5% du million de familles helvétiques. Ce phènomène touche particulièrement les cantons latins ou urbains comme Neuchâtel et Vaud.

La hausse constante des séparations et des divorces a bouleversé le modèle familial traditionnel. Entre 1990 et 2010, le taux de foyers monoparentaux n’a cessé d’augmenter, passant de 13,6 à 17,5% du million de familles helvétiques. Exception faite de Soleure, ce phénomène est particulièrement observable dans les cantons latins ou urbains. Dans le haut du classement, Bâle-Ville (24,1%), le Tessin (21,9%), Neuchâtel (20,5%) et Vaud (18,9%) complètent ce panorama, allant souvent de pair avec une précarité financière. La donne est tout autre dans les petits cantons ruraux de Suisse centrale. A Uri, par exemple, seule une famille sur dix est monoparentale. Un chiffre qui n’a presque pas varié depuis 1990.


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Sources: microGIS|OFS, OFS - Relevé Structurel 2010/2011 | OFS - STAT-TAB


Peu de mères au foyer

16,3% C’est la part de familles «traditionnelles» à Neuchâtel.

Les familles «traditionnelles», où la mère reste à la maison pour s’occuper des enfants, sont désormais peu nombreuses. C’est le cas dans les cantons romands, où leur proportion est partout inférieure à la moyenne suisse (20,2%).

Pourcentage de ménages familiaux (au moins un adulte et un enfant) où la mère reste à la maison.

 


Une taille qui ne cesse de diminuer

1,9 personne. C’est la grandeur moyenne d’un ménage à Bâle-Ville.

Passant de 2,29 à 2,20 au cours des dix dernières années, la taille des ménages n’a guère évolué. Bâle-Campagne, avec 1,9 individu, compte les plus petits foyers. A l’extrême opposé, Appenzell Rhodes-Intérieures avec 2,51.

Nombre moyen de personnes par ménage.

 

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Chiffres Exclusifs: un peuple de pendulaires

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Jeudi, 8 Mai, 2014 - 05:57

Plus de deux tiers des Suisses actifs changent de commune pour se rendre à leur travail. Dans les cantons de Bâle-Campagne et d’Argovie, les pendulaires dépassent les 80% en raison de la proximité des grandes agglomérations que sont Bâle-Ville et Zurich.

Voilà un chiffre qui traduità lui seul l’énorme changement de la société suisse au cours des dernières années: 68% des actifs du pays changent de commune pour se rendre au travail. Des infrastructures de transports performantes, un marché de l’emploi largement focalisé sur les centres urbains, une offre immobilière excessivement chère aux abords des pôles économiques, autant de facteurs qui poussent les Suisses à quitter leur commune, tous moyens de transports confondus, pour aller travailler. Ce sont dans les cantons limitrophes aux grandes agglomérations que ces pendulaires sont le plus nombreux. A Bâle-Campagne et en Argovie, ils représentent plus de 80% des actifs! En Suisse romande, c’est dans le canton de Fribourg qu’on en retrouve le plus: 140 000 personnes, soit 75,6% des travailleurs.

Sources: microGIS, OFS - Relevé Structurel 2010/2011 | distances calculées par routing

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De faibles distances

 

19,5 kilomètres. La distance moyenne parcourue par les Fribourgeois pour se rendre à leur travail. La plus longue à l’échelle des cantons.

Si les actifs du pays pendulent beaucoup, la distance qu’ils parcourent n’a rien de colossal. Chaque jour, les quelque 4 millions d’actifs du pays avalent quotidiennement un peu moins de 17 kilomètres de bitume ou de rail pour se rendre à leur lieu de travail. Une valeur moyenne à observer toutefois avec précaution, les exceptions individuelles étant légion. A l’échelle des cantons, ce sont les Fribourgeois qui, avec 19,5 kilomètres, affichent la plus longue distance parcourue, suivis de près par les Valaisans (19,4 km) et les Schwytzois (19,2 km). De l’autre côté du classement, la palme des pendulaires les moins mobiles de Suisse revient aux Genevois avec 10,2 kilomètres parcourus.

Distance moyenne entre le domicile et le lieu de travail, en kilomètres.


Plus d’accros à l’auto en zone rurale

 

0,58 C’est le nombre de voitures par ménage dans le demi-canton de Bâle-Ville. Un chiffre deux fois moins important que la moyenne suisse.

Peuple d’automobilistes, les Suisses? Pas autant que par le passé. En moyenne, ils possèdent 1,17 véhicule par foyer. Bénéficiant de meilleures infrastructures de transports en commun, les habitants des cantons villes sont nettement moins dépendants à la voiture. Bâle-Ville est d’ailleurs le seul territoire où l’on en retrouve moins d’une par ménage: on n’en recense que 0,58! Derrière, Genève (1,02) et Zurich (1,05) complètent le podium. Le petit canton de Schwytz arrive quant à lui en queue de classement avec 1,47 voiture par ménage, suivi de près par Fribourg (1,44), largement au-dessus de la moyenne romande. Un résultat à mettre en lien avec la forte proportion de pendulaires dans ce canton.

Nombre de voitures par ménage.
* Donnée manquante.


Le goût des transports en commun

71% des Zurichois possèdent au moins un abonnement de transports publics. Les Alémaniques plébiscitent le train et le bus.

S’ils tiennent à leur voiture, les Suisses sont de plus en plus adeptes de la mobilité durable. La preuve: plus de la moitié de la population possède au moins un abonnement de transports publics. Les urbains sont les plus grands adeptes du train ou du bus. Ainsi, sept Zurichois sur dix sont détenteurs d’un abonnement. Il faut dire que les habitants du bord de la Limmat auraient tort de se priver d’un réseau RER ultraperformant. Pour l’heure, tous les cantons romands se situent en dessous de la moyenne suisse. Les Jurassiens, notamment, restent des adeptes de la voiture. L’amélioration de l’offre modifierait, à coup sûr, les habitudes de transports de tous les Romands.

Proportion de la population possédant au moins un abonnement de transports publics.
* Donnée manquante

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