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Chiffres Exclusifs: l’aide sociale explose dans les cantons urbains

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Jeudi, 8 Mai, 2014 - 05:58

A l’échelle nationale, le nombre de bénéficiaires de soutien financier a franchi la barre des 250 000 personnes en 2012. Sur le plan cantonal, Neuchâtel en compte plus du double de la moyenne suisse. La faute à un fort taux de chômage et de divorce.

Pris isolément, les chiffres sont connus, et même admis. Réunis, par contre, ils donnent le vertige: près d’un Neuchâtelois sur quinze (7%) touche l’aide sociale dans un canton où le revenu moyen atteint à peine 72 000 francs, l’un des plus bas du pays! Deux maux aigus plombent le niveau de vie: un taux record de chômage (près de 6%) et jusqu’à 60% de divorces. Résultat: une large partie des habitants du canton sombre dans la paupérisation. Mais la tendance pourrait s’inverser à l’avenir: au début de l’année, le Conseil d’Etat neuchâtelois a décidé de réduire le forfait versé aux moins de 35 ans afin de mettre en place de nouvelles mesures de réinsertion professionnelle.

A l’échelle suisse, le nombre de bénéficiaires de l’aide sociale ne cesse de grimper. La barre des 250 000 personnes (3,15% de la population) a été franchie pour la première fois en 2012. Neuchâtel excepté, les cantons urbains apparaissent comme plus inégalitaires. Le taux d’aide sociale y atteint des sommets même si les revenus y sont plus élevés qu’ailleurs. Avec 36 000 bénéficiaires (5,09%) pour un gain moyen de 84 000 francs par contribuable, Vaud illustre cette dramatique tendance en Suisse romande.

Paradoxalement, nombreux sont les cantons plus «pauvres» à posséder un taux de bénéficiaires de l’aide sociale largement en dessous de la moyenne helvétique. C’est notamment le cas d’Uri (1,13%), du Valais (1,52%), de Glaris (1,97%) ou du Jura (2,33%). Dans les régions «périphériques», la solidarité familiale évite très souvent aux plus démunis de se tourner vers le dernier filet de l’Etat providence.

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Sources: microGIS, OFS - Statistique de l’aide sociale 2012 | AFC 2010

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Chiffres Exclusifs: des citadins condamnés à être locataires

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Jeudi, 8 Mai, 2014 - 05:59

Avec le durcissement des conditions, acquérir une maison ou un appartement  s’apparente à une chimère. La Suisse compte ainsi près de 60% de locataires. Et dans les cantons urbains le nombre grimpe encore, comme celui de Genève où cette proportion atteint 79%.

C’est un rêve pour la majorité de la population: devenir propriétaire. Idéalement, une maison avec jardin à la campagne ou alors un appartement en ville. Une deuxième option qui s’apparente à une chimère. Dans les cantons urbains, peu d’individus peuvent se targuer de posséder leur logement: 14,8% de la population à Bâle-Ville ou encore 17,2% à Genève.

Et si la part de propriétaires s’élève à près de 37% dans le pays, ce chiffre demeure bien en deçà de ceux qui nous entourent (57% en France ou 71% en Italie, par exemple). Une situation qui ne va pas s’améliorer de sitôt. A la suite des décisions du Conseil fédéral pour prévenir la surchauffe immobilière, les crédits seront à l’avenir plus chers et plus difficiles à obtenir pour les potentiels acheteurs.

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Source: microGIS|OFS, OFS - Relevé Structurel 2010/2011


La jungle des loyers

1732 francs sont déboursés chaque mois par les Zougois pour leur logement. Un montant deux fois plus élevé que dans le Jura.

Ce n’est pas un secret. En matière de logement, l’ardoise est très lourde pour les locataires helvétiques. A l’heure actuelle, chaque membre d’un ménage dépense en moyenne 1341 francs par mois. La faute à une pénurie chronique d’appartements, particulièrement dans les régions urbaines. Pourtant, à y regarder de plus près, ce n’est pas en ville qu’on débourse le plus pour son logement mais à Zoug. En moyenne, les habitants du canton consacrent mensuellement 1732 francs de leur budget pour se loger, soit 200 francs de plus que dans le canton de Zurich. Il faut avouer qu’avec un revenu moyen de 110 000 francs par année, les Zougois peuvent se le permettre.

Loyer mensuel moyen par habitant, en francs.

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Chiffres Exclusifs: la suisse telle qu’elle est vraiment

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Jeudi, 8 Mai, 2014 - 06:00

Dossier réalisé par Kevin Gertsch
Infographies Florent Collioud

Enquête. Rupture entre régions linguistiques, entre ville et campagne, entre tenants d’une Suisse des mythes et des identités plus diffuses. Une lecture inédite des données chiffrées livre une image interpellante d’une Suisse en mutation. Migration, mobilité, logement, religion… Quels que soient les thèmes, les statistiques sont des révélateurs de la société. Pourtant, la Suisse se gouverne peu par les chiffres, si ce n’est à des fins partisanes. Une forme d’«illettrisme» qui pourrait se montrer néfaste pour le futur. Sans ces connaissances quantifiées des phénomènes, comment appréhender les défis de la Suisse de demain?

Avec l’appui du géographe et analyste Pierre Dessemontet, L’Hebdo s’est penché sur des données significatives, interpellantes ou oubliées du débat public pour apporter une mise en perspective inédite, donner une image de la réalité telle qu’elle est. Exemple avec les questions migratoires: dans le secteur secondaire, un emploi sur trois est occupé par un étranger. Sans cet apport, notre industrie n’afficherait pas une implacable solidité qui fait défaut dans les autres pays européens. Autre registre révélateur: la situation des familles. Seule une mère sur cinq reste désormais à la maison pour s’occuper des enfants et le nombre de foyers monoparentaux explose. Pourtant, aucune vraie politique en accord avec l’évolution du modèle familial ne tient réellement compte de ce bouleversement.

Surtout, quels que soient les sujets décortiqués, nos chiffres en attestent: le pays n’est toujours pas la grande métropole qu’on décrit si souvent. Ce qui démontre encore que la Suisse n’est vraiment pas celle que l’on croit.


L’analyse de Pierre Dessemontet

En décembre 2000, la Suisse menait un dernier recensement fédéral de la population selon l’ancienne formule, à l’aide des questionnaires individuels envoyés à tous les ménages du pays. Au sortir de la profonde crise économique des années 90, cette grande enquête révéla un pays d’une étonnante stabilité, comme endormi, figé dans le temps: on relevait une forme de fossilisation des structures sociales, économiques et culturelles dans la démographie. Une stabilité qui accélérait le vieillissement du pays. En somme, la Suisse vivait une sorte de déclin gracieux, dans l’opulence, une carte postale, immuable, jaunissant lentement.

Faute d’enquêtes plus récentes, c’est cette idée de stabilité qui servit de cap dans les têtes et les politiques publiques. Par un malheureux hasard, la Suisse se retrouva dans une sorte de «trou noir» statistique au moment précis où le pays changea de régime de croissance: à la suite des accords bilatéraux avec l’Union européenne, l’économie suisse s’envola, entraînant une hausse de la démographie dans le pays. Un processus riche de promesses mais aussi de défis, une dynamique inédite depuis plus d’une génération qui passa d’abord largement inaperçue et qui, une fois repérée, prit le pays par surprise puis provoqua la panique. On le voit avec le recul, la société suisse n’était préparée, ni politiquement ni même intellectuellement, à une telle révolution.

Depuis deux ans, le nouveau recensement fédéral commence à livrer ses secrets. Issus d’enquêtes multiples menées depuis 2010, ces résultats révèlent enfin les structures et mutations que notre pays vit depuis une petite dizaine d’années, et qui marquent une cassure d’avec la période d’avant. Ainsi, ils donnent la possibilité de mettre à jour l’image que nous avons de notre pays et de ses caractéristiques. Une mise à jour nécessaire, indispensable si l’on y pense, tant on a pu voir ces derniers temps à quel point une vision idéalisée du pays était à même de le dérailler.

Quelles sont donc les caractéristiques de ce pays en croissance, tel qu’il se révélait à travers les chiffres de 2010 et 2011, et auquel nous avons peut-être dit adieu le 9 février dernier? Comme toujours avec la Suisse, il s’agit d’une image complexe, d’un pays-kaléidoscope. Mais si un terme devait résumer la Suisse de 2014, c’est celui de rupture.

Ruptures multiples: spatiales entre urbains et ruraux – pour autant que ce mot recouvre encore une quelconque réalité; entre Romands, Alémaniques et Tessinois; ruptures chronologiques entre vies traditionnelles et prévisibles d’hier, entre ménages familiaux, identité des lieux de vie et d’emploi, stabilité économique, sociale, et vies d’aujourd’hui et de demain, entre ménages recomposés, mobilité généralisée, instabilités et coupures professionnelles. Ruptures politiques aussi, de l’unanimisme qui engendra la formule magique et porta les vertus du consensus aux nues, au durcissement et à la polarisation actuels, qui voient de plus en plus souvent s’affronter deux pays l’un contre l’autre, sans volonté de dialogue. In fine, une rupture entre la Suisse d’hier, rêvée, et celle de demain, crainte, entre ce que nous croyons être et ce que nous sommes devenus.

Les ruptures territoriales

Parce que nous avons passé les vingt dernières années à la nier, il est plus que jamais nécessaire de rappeler l’importance primordiale des «Graben», ces frontières linguistiques qui fracturent le pays. Politiquement, ce sont de loin les plus importantes, et on retrouve leur expression dans l’essentiel des votations de ces dernières décennies: Alémaniques et Tessinois contre Romands en matière de relations extérieures, mais aussi en matière d’écologie. Latins contre germanophones sur les sujets gauche-droite.

Ce clivage, on le retrouve dans la formation. Depuis toujours, la Suisse latine mise sur les formations universitaires, elle qui regroupe la moitié des hautes écoles du pays, alors que la Suisse alémanique parie sur l’apprentissage. En somme, la Suisse des «études» contre celle du «bon métier».

C’est la même chose en ce qui concerne l’accueil des étrangers: en proportion, ils sont bien plus nombreux en Suisse latine qu’en Suisse alémanique, mais les Latins intègrent en priorité des étrangers proches culturellement: Italiens, Espagnols ou Portugais, alors que les Alémaniques accueillent des populations culturellement plus lointaines: ex-Yougoslaves, Albanais ou Turcs par exemple. En conséquence, la proportion de musulmans y est nettement plus élevée qu’en Suisse romande.

Ces différences recoupent un clivage plus ancien, entre une société plus stratifiée en Suisse latine – plus d’universitaires, mais aussi plus de petites mains – et une Suisse alémanique qui s’appuie avant tout sur ses classes moyennes. Une caractéristique qui servait à expliquer la différence de performance économique entre les deux parties du pays lors de la crise des années 90. Sauf que cela ne tient plus: appuyé sur ses hautes écoles, le bassin lémanique ne rend plus rien à Zurich de ce point de vue. Reste donc le clivage entre deux modèles de développement, la dynamique actuelle tendant d’ailleurs à favoriser le modèle latin: depuis dix ans, c’est bien le bassin lémanique qui dynamise l’économie du pays.

L’autre clivage territorial est celui qu’adorent les géographes et les politiques lorsqu’ils veulent passer sous silence les ennuyeuses tensions linguistiques: le clivage ville-campagne. Certes, il existe bel et bien. Dans les dimensions politiques, il se superpose effectivement aux clivages linguistiques. Pour faire court, les villes sont plutôt de gauche, ouvertes et écologiques, avec des variations linguistiques importantes, alors que les banlieues et les périphéries semblent plus à droite, plus conservatrices. Encore que, là aussi, cela dépend de la région linguistique.

On retrouve cette dichotomie dans d’autres domaines: le logement, avec des citadins et des suburbains locataires dans leur écrasante majorité, s’opposant aux périurbains et périphériques, très majoritairement propriétaires. Citadins et périphériques s’opposent aussi sociologiquement.

Depuis dix ans, les grands centres se sont massivement «gentrifiés», colonisés par des populations jeunes, créatives, à très haut niveau de qualification: les «bobos». Ces derniers s’inventent de nouvelles formes de vie en commun, mettant à mal la famille nucléaire, qui reste, elle, dominante dès que l’on sort des centres.

Ces nouvelles populations urbaines se démarquent également dans leur manière de se déplacer: elles sont à pied, à vélo ou en transports publics, alors que les autres, des banlieues aux vallées alpines, sont en voiture. On voit naître ici des clivages nouveaux, qui isolent de plus en plus les centres urbains du reste du pays avec, à la clé, une incompréhension grandissante entre les uns et les autres. Ces clivages apparaissent de manière cinglante ces dernières années: sur l’initiative Weber, sur la loi sur l’aménagement du territoire, où les urbains ont imposé leurs valeurs aux périphéries.

Les ruptures temporelles

Cette forme de décalage embarque tout le pays et l’éloigne inexorablement des rives du passé. Pour l’essentiel, elle a trait aux «modes de vie», interaction étroite entre la manière que nous avons de vivre ensemble, travailler, nous instruire, nous délasser ou nous cultiver. De ce point de vue, 2014 ne ressemble plus du tout à 1970, lorsque nos familles étaient traditionnelles et très enracinées localement, que papa travaillait de l’apprentissage à la retraite dans la même entreprise à deux pas de la maison pendant que maman s’occupait des enfants.

Désormais, la grande majorité des ménages tournent avec deux revenus, provenant de parcours professionnels beaucoup plus aléatoires qu’auparavant. Et les couples travaillent de plus en plus souvent loin du domicile. Alors que la pendularité était très minoritaire en 1970, elle est désormais largement majoritaire et, d’ici à vingt ans, elle sera complètement hégémonique.

A travers ces phénomènes, la stabilité, l’enracinement local se sont perdus au profit d’identités plus diffuses – régionales, métropolitaines – ou plus choisies, tout en laissant sur le bas-côté de plus en plus de gens qui se sentent complètement perdus dans ce nouveau monde, et regrettent l’ancien. Quitte à faire dérailler, à l’occasion, le pays tout entier.

En 2013, la Suisse a continué sur sa lancée, s’accroissant de presque 100 000 habitants: la plus forte progression annuelle de population depuis les années 60, après 2008 et sa hausse de 108 000 personnes. C’est dire si la crise financière n’a pas eu de prise sur le pays. Mais sa population, ou plutôt une minuscule majorité de celle-ci, a décidé de casser cette dynamique qui l’effraie. Quels sont donc les scénarios pour demain? De deux choses l’une: soit il s’agit d’un accident de parcours et, dans ce cas, la Suisse à 10 millions d’habitants est juste décalée dans le temps de quelques années (une, deux, dix?). Soit la volonté populaire viendra – très bientôt avec l’initiative Ecopop – confirmer cette volonté de décroissance et nous entrerons alors dans un tout autre futur que celui que nous avions entrevu depuis dix ans.

Mais, attention, s’il semble évident que les votants tentés par les initiatives casse-croissance cherchent à revenir à une Suisse des mythes, le futur qu’ils créent avec leurs votes ne saurait y ressembler.

Quel que soit notre avenir économique, aussi sombre puisse-t-il être vu de l’Olympe sur lequel nous trônons encore pour quelques mois, nous ne reviendrons jamais aux années 70, à ses structures sociales et économiques, à ses modes de vie. Et, surtout, ce pays dystopique, ses forces vives bridées par ses poids morts, sera coupé en deux comme jamais, aux antipodes de la belle unanimité politique d’alors. Un pays en rupture avec lui-même.


Pierre Dessemontet
Docteur en géographie économique, collaborateur scientifique auprès de la Communauté d’études pour l’aménagement du territoire de l’EPFL, il est également fondateur et codirecteur de MicroGIS, une société active dans l’analyse spatiale. Il tient aussi un blog sur le site de L’Hebdo: La Suisse à 10 millions d’habitants.

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Les «digital natives» sont-ils prêts?

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Jeudi, 15 Mai, 2014 - 05:49

Analyse. Inconsciente, peut-être. Mais plus ouverte, bien formée et prête à relever les défis futurs. C’est ainsi que la plupart des alumni du Forum des 100 qualifient la génération actuelle.

Les jeunes sont-ils bien préparés pour faire face à ce qui les attend? Telle était la troisième question posée aux alumni du Forum des 100. Leurs cadets sont prêts à affronter l’avenir. Motivés à découvrir le monde. Dignes de confiance. Et réalistes. Les réponses positives sont quasi unanimes. Un optimisme qui repose notamment sur deux éléments: l’environnement technologique ambiant et le système de formation propre à la Suisse.

Enjeux et atouts de la génération Y

«Grâce aux réseaux virtuels, ces générations considèrent le monde – et donc leur avenir – bien au-delà des frontières», relève Frédéric Maire, directeur de la Cinémathèque suisse. Michel R. Walther, directeur de la Clinique de La Source, le confirme: «Les jeunes sont plus dynamiques et ouverts que nous qui avions davantage d’idées préconçues. Internet oblige, cela s’applique même à ceux qui ne sont guère sortis de Suisse ou du continent européen – et ils sont rares.»

Cette hyperconnexion n’aurait-elle vraiment que des avantages? «Non, les technologies entraînent un zapping mental continu, répond François Gabella, CEO de LEM International. Se forger une opinion sensée sur des sujets complexes ne peut se faire sur la base de deux tweets. Nos jeunes doivent investir du temps pour fonder leur opinion.» Benoît Gaillard, président du Parti socialiste lausannois, interroge: «Il reste à inventer les formes sociales, les institutions qui correspondent à ce mélange d’hyperconnexion et d’hyperindividualisme qui caractérise les jeunes contemporains. En sortira-t-il une hypersolidarité ou un hyperlibéralisme? Les deux sont possibles, mais le poids du capitalisme pèse en faveur de la deuxième option.»

Trop individualiste, la génération Y? Sans doute. Mais bien formée, ça, c’est certain. «Notre système de formation est excellent et largement envié», confirme Isabelle Chevalley, conseillère nationale (PVL/VD). Ses avantages? Sa dualité formation pratique-école. Mais aussi sa diversité, selon Benoît Dubuis, directeur du Campus Biotech de Genève: «Leurs cursus, sans cesse revus, leur réservent de nombreuses passerelles et possibilités de spécialisations et de post-formations.»  Camille Vial, associée auprès de la banque privée Mirabaud & Cie, estime que «la réputation et la qualité de notre système de formation résident dans sa grande diversité. Les cantons étant souverains en la matière, il n’existe pas un ministre national de l’Education, mais vingt-six. Or, c’est grâce à cette pluralité que le système de formation suisse arrive continuellement à se renouveler.»

Une formation trop fragmentée

Un avis que Jacques Neirynck, conseiller national (PDC/VD), ne partage absolument pas: «La taille du pays, en comparaison internationale, ne justifie pas cette disparité. Il faut un Ministère de l’éducation nationale qui fixe les programmes sans se reposer sur le gouvernement d’assemblée de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) qui n’aboutit à rien qu’un compromis minimaliste.»

Uniformiser le système et veiller à ce que le fossé ne se creuse pas entre les différents secteurs professionnels. Ce sont là deux objectifs sur lesquels la majorité des alumni s’accorde. «Les générations montantes se distinguent de celles qui les ont précédées en ceci que la distance qui sépare les individus les mieux préparés des moins bien préparés (de par leur formation, leur engagement, leur mobilité) n’a sans doute jamais été aussi grande», relève Michel Dérobert, directeur de l’Association de banques privées suisses.

Le risque? Obtenir «une société à deux vitesses qui laisserait sur le carreau des jeunes peu qualifiés et peu mobiles, géographiquement comme socialement», répond Rebecca Ruiz, députée PS au Grand Conseil vaudois. Selon Jacques Cordonier, chef du Service de la culture de l’Etat du Valais, le défi sera alors, «dans une société parcellisée et dotée de formations marquées par des cursus éclatés, de réussir à tisser des liens et à élaborer des visions globales et collectives». Ce défi, les jeunes sauront le relever, à en croire les alumni. Mais à condition que leurs aînés leur en donnent les moyens.

Les relations intergénérationnelles

«C’est à nous de maintenir les conditions-cadres nécessaires à leur épanouissement, admet Charles Juillard, ministre du Département jurassien des finances, de la justice et de la police. En cela, le dialogue intergénérationnel doit être mieux cultivé et encouragé, de sorte qu’il devienne un atout pour les générations montantes, mais aussi pour la cohésion sociale et nationale.»

S’ils sont prêts à les soutenir et reconnaissent qu’ils sont bien formés, certains alumni osent se montrer plus critiques.

«Les jeunes générations sont frappées de plein fouet par un individualisme que leurs parents ou grands-parents ont laissé venir petit à petit. Elles ne votent plus, ne voient plus l’intérêt d’un projet collectif, d’une cause à défendre», déplore Raphaël Mahaim, député au Grand Conseil vaudois. Christophe Gallaz, journaliste et écrivain, surenchérit: «Au conformisme sidérant qui marque d’innombrables jeunes dans tout ce qui touche à leur sphère privée correspondent notoirement leur absentéisme politique et leur indifférence au sort commun.» Mathias Reynard, conseiller national (PS/VS) de 26 ans, est quant à lui plus nuancé: «si nous sommes nombreux à militer pour une Suisse de l’ouverture et aux liens forts avec l’Union européenne, nous le faisons généralement par une approche très pragmatique et sans espoirs démesurés.»

Continuant sur cette voie, Darius Rochebin, présentateur du 19:30 sur la RTS, lance une pique: «Je ne suis pas de ceux qui disent: «C’était mieux avant». Mais une grande partie des jeunes est mal préparée aux duretés du marché. Trop d’années sabbatiques sans but, trop de formations prolongées de manière vague. «Le secret de l’action, c’est de s’y mettre!» Je vois trop d’étudiants qui tardent avant d’acquérir des expériences réelles.»

Penser que les générations suivantes sont moins bien préparées est quelque chose de récurrent. Pourtant, à l’image de Jean-Marc Probst, président de Probst Group Holding, la plupart des alumni ne partage pas cet avis. «J’ai observé ces dernières années de nombreux jeunes qui sont entrés dans la vie professionnelle, dont mes trois fils. Leur niveau de formation, la rapidité avec laquelle ils étaient opérationnels et la qualité de leur travail me permettent de répondre positivement. Oui, les jeunes sont bien armés pour relever les défis de la Suisse de demain.»

«Notre génération avait beaucoup de rêves, celle d’aujourd’hui est peut-être plus réaliste», complète Maria Bernasconi, conseillère nationale (PS/GE). Je salue son pragmatisme, tout en lui souhaitant des idéaux et le courage d’essayer de les réaliser.»

soual.hemma@hebdo.ch

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Forum des 100: 101 idées qui feront la Suisse de demain

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Jeudi, 15 Mai, 2014 - 05:50

POUR LES 10 ANS DU FORUM DES 100, UN BRAINSTORMING COLLECTIF ROMAND

Dossier. Où va la Suisse après le vote du 9 février, quels projets faut-il lancer, les nouvelles générations sont-elles prêtes à reprendre le flambeau? «L’Hebdo» a interpellé les membres du réseau qui s’est constitué au fil de la manifestation créée en 2005.

Un lieu symbolique

A cheval sur la frontière pour affirmer l’esprit d’ouverture. En 2005, L’Hebdo choisit le CERN pour abriter un forum réunissant des personnalités romandes. On cogite sur le nom, sur la méthode. Et, s’inspirant du magazine Time, on décide d’établir une liste de 100 personnalités qui font la Suisse romande et de les convier à débattre. L’affluence dépasse d’emblée les espérances et démontre un formidable besoin d’échanges et de rencontres. Dès l’année suivante, le réseau s’élargit à de nouveaux cercles. L’événement organisé par L’Hebdo devient LE lieu de réseautage où se côtoient décideurs économiques, politiques, culturels, scientifiques, académiques et toutes sortes de jeunes talents que la rédaction est fière de révéler. C’est tout sauf un hasard si le Forum des 100 partage avec le web la caractéristique d’être né au CERN, même s’il a pris depuis ses quartiers à l’Université de Lausanne.

Pour la dixième édition, L’Hebdo privilégie l’autre ambition du Forum: le débat d’idées. Près de 1000 alumni, distingués au fil des ans, ont reçu un questionnaire (voir ci-contre) les invitant à se projeter dans les dix prochaines années. Le résultat tient d’un brainstorming collectif romand inédit.

Le vote du 9 février sur l’immigration de masse a renforcé un besoin de débriefing. Comme après l’orage, l’atmosphère est plus claire, plus nette. Une centaine de membres du Forum ont pris la plume pour livrer leurs analyses et leurs propositions.

L’exercice de prospective est un art difficile, comme le souligne en préambule à ses réflexions Benoît Gaillard, président du Parti socialiste lausannois: «L’échec patent de très nombreuses prédictions émises dans le passé devrait nous inciter à la plus grande prudence à ce sujet, à une sorte d’hygiène de la prévision.»

Evidemment, notre avenir, le maintien de notre prospérité dépendront beaucoup de la manière dont le Conseil fédéral parviendra, ou pas, à concilier l’exigence de quotas d’immigration avec le maintien des accords bilatéraux liant la Suisse à l’UE.

Une Suisse résiliente

Dans l’ensemble, notre collège d’experts volontaires veut croire que le gouvernement trouvera une solution satisfaisante. «La Suisse est résiliente», s’exclame Enza Testa Haegi, présidente du Cercle des dirigeants d’entreprises. Comme un vieux couple, on a l’habitude de se déchirer, mais on sait aussi recoller les pots cassés. Réminiscence de l’après 1992, où le pays crut le divorce consommé. Mais les réflexions de notre think tank révèlent une stupéfiante confiance dans la capacité du pays à rebondir. La Suisse sait mieux qu’il y a vingt ans qu’elle existe et qu’elle a des atouts.

Beaucoup, comme Marcel Maurer, le président de Sion, défendent la démocratie directe: «Elle permet au ressenti du peuple d’émerger rapidement en surface, d’être pris en compte, expliqué, identifié. Ce n’est pas le cas dans les pays européens qui nous entourent où le décalage entre élus, responsables politiques, représentants au Parlement européen peut s’installer dangereusement et surgir sous la forme d’une grave crise de société et de valeurs.» Le résultat du 9 février, que la plupart n’ont pas souhaité, est vécu comme un accroc. Certains plaident pourtant pour d’audacieuses remises en question. Mais il faudra réconcilier élites et citoyens, tenter de comprendre pourquoi cette économie qui performe n’arrive pas à convaincre la population de continuer sur la lancée.

Dans leur majorité, les alumni du Forum n’ont pas envie d’être déprimés. Les propositions foisonnent lorsque l’on demande ce qu’il faut entreprendre. L’épreuve du 9 février fouette la créativité et l’ambition. Certains mentionnent des projets en cours auxquels ils sont attachés: le Campus Biotech, les antennes cantonales de l’EPFL… Swissmetro repointe le bout de son fuselage aérodynamique. C’est vrai que si on avait osé, naguère, peut-être que nos problèmes d’engorgement des infrastructures et de mitage du territoire auraient été moindres.

L’Hebdo a ainsi sélectionné 101 idées qui feront la Suisse de demain, des réflexions interpellantes ou des propositions, à découvrir dans les pages qui suivent. L’intégralité des contributions sera disponible dans les semaines à venir sur www.hebdo.ch CT


LES TROIS QUESTIONS DE L'HEBDO

Question 1
Quels sont les défis principaux, selon vous, auxquels la Suisse sera confrontée ces dix prochaines années? Prévoyez-vous un affaiblissement de l’économie helvétique? Une détérioration du système de formation? L’isolement du pays? Une sérieuse remise en cause de la cohésion nationale et de notre modèle de démocratie?

Question 2
Quelles sont les initiatives et les idées, tous domaines confondus, qu’il faut mettre en œuvre pour y répondre? Y a-t-il un projet qui vous tient particulièrement à cœur?

Question 3
Les générations montantes sont-elles, selon vous, bien préparées pour faire face à ce qui les attend?


LES CONTRIBUTEURS

Murat Julian Alder 100 | Claudine Amstein 102 | Stylianos E. Antonarakis 91 | Dominique Arlettaz 77 | Josiane Aubert 84 | Luc Barthassat 97 | Elisabeth Baume-Schneider 78 | Josée Bélanger-Simko 89 | Samuel Bendahan 74 | Marc-Etienne Berdoz 78 | Maria Bernasconi 77 | Nicolas Bideau 72 | Marie-Thérèse Bonadonna 72 | Alain Borle 75 | Pascal Broulis 78, 93 | Martine Brunschwig Graf 86 | Yannick Buttet 89 | Gilbert Casasus 86 | Isabelle Chevalley 74 | Jean-Michel Cina 82 | Xavier Comtesse 75, 98 | Jacques Cordonier 89 | Pascal Couchepin 103 | Anne Cuneo 102 | Angela de Wolff 74 | Robert Deillon 84 | Michel Dérobert 94 | Benoît Dubuis 93 | Philippe Duvanel 98 | Lionel Eperon 75 | Pierre-Marcel Favre 94 | Olivier Feller 98 | Mathieu Fleury 90 | Dominique Freymond 90 | Oskar Freysinger 82 | Grégoire Furrer 90 | François Gabella 76 | Cristina Gaggini 75 | Benoît Gaillard 78 | Christophe Gallaz 70 | Adrien Genecand 81 | Nicolas Giannakopoulos 82, 89 | Eric Girod 82 | Isabelle Graesslé 101 | Carole Hubscher 93 | Antoine Jaccoud 101 | René Jost 71 | Charles Juillard 89 | Jean Liermier 82 | François Longchamp 78 | René Longet 93 | Raymond Loretan 85 | Nadia Magnenat-Thalmann 86 | Raphaël Mahaim 90 | Frédéric Maire 82 | Pascal Marmier 96, 98 | Sarah Marquis 101 | Pierre Maudet 81, 98 | Marcel Maurer 81 | Olivier Meuwly 97 | Philippe Monnier 74, 102 | Jacques Neirynck 98 | Bernard Nicod 75 | Daniele Oppizzi 81 | Marie-Françoise Perruchoud-Massy 92 | Nadia Plata 81 | Jean-Marc Probst 81 | Bernard Ravet 81 | Luc Recordon 70 | Frédérique Reeb-Landry 97 | Mathias Reynard 93 | Anita Rion 93 | Michel Rochat 81 | Darius Rochebin 102 | Johan Rochel 86, 101 | Rebecca Ruiz 73 | André Schneider 90 | Philippe Sordet 71 | Anne Southam-Aulas 77 | Nicola Spafford Furey 94 | Eric Stauffer 70 | Stefano Stoll 98 | Sam Stourdzé 71 | Alfred Strohmeier 70 | Enza Testa Haegi 102 | Adèle Thorens 80 | Jean-Dominique Vassalli 79 | Antoine Verdon 71 | Camille Vial 84 | Eric Voruz 75 | Michel R. Walther 78 | Charles Weinmann 71 | Stéphane Wettstein 77 | Jean-Marc Wiederrecht 77 | Alexandre Zeller 88.


1. De la facilité à l’excellence

«L’économie devra se confronter à une mutation assez rapide du modèle de la facilité (surtout celle assurée jusqu’ici par l’accueil de personnes et de sociétés étrangères fortunées ou bien formées ou de leurs seuls dépôts financiers) au modèle de l’excellence. Celui-ci est, dans l’ensemble, déjà bien implanté dans le secteur de la formation à tous les niveaux, qui restera solide mais nécessite une ambition encore accrue, ainsi pour mieux apprendre les langues, à un âge beaucoup plus précoce qu’aujourd’hui, et pour former bien davantage de médecins, d’ingénieurs, de biologistes et de cadres non universitaires dans les branches correspondantes. Le but sera en particulier la mutation vers une économie écologique au sens large, soit de haute qualité environnementale, sociale et éthique.

En outre, la défense des droits humains demandera un grand engagement, face aux attaques en augmentation tendant au racisme et à l’exclusion, fondées sur la peur, l’incompréhension et – partiellement – l’égoïsme, en Suisse et au-delà.»

Luc Recordon, conseiller aux Etats (Verts/VD)


2. L’Europe doit se calquer sur la Suisse

«Le peuple suisse a montré la voie démocratique qui remet en cause le modèle de l’Europe telle quelle est construite aujourd’hui! Depuis bien longtemps, les technocrates de Bruxelles auraient dû faire une commission pour étudier le système suisse qui a su marier quatre cultures en une Confédération! Et ils auraient dû s’en inspirer pour calquer ce modèle à l’Europe!»

Eric Stauffer, président du MCG, maire d’Onex


3. L’obsession de la prospérité 

«Je ne pense pas que l’économie du pays puisse souffrir d’un affaiblissement au cours des dix prochaines années. Comme l’Histoire l’indique, le domaine économique en Suisse est celui par excellence de la débrouille stratégique et tactique, des procédures de contournement les plus patientes en cas d’obstacle, et d’une culture de la fausse innocence efficace qui est portée, sous nos latitudes, jusqu’au degré du surmoi. C’est l’arsenal d’un pays que sa position géographique a rendu capteur par nécessité des flux de la richesse produite par l’extérieur – relisons la légende du pont du Diable…

Quant au système de la formation, dans la mesure où sa vocation sera principalement d’étayer cette malignité-là, il restera vaillant. Mais davantage côté polytechnicien qu’humaniste. Son évolution récente donne à penser qu’il dispensera de moins en moins aux étudiants l’art d’être critiques et distanciés de manière à contester l’ordre dominant. Tant mieux pour l’avenir de cette prospérité matérielle évoquée ci-dessus, donc, et pour les avantages consommateurs qu’en tirera la population.

Or cette dernière perspective, dès lors qu’on envisage les autres plans de la vie collective dans le pays, paraît aussi celle d’un grand malheur sourd. Le vote du 9 février dernier, qui nous a fait mesurer la différence des représentations que la population suisse se fait de son bonheur et des moyens permettant de l’atteindre, fait penser que nous verrons se creuser des fossés identitaires accrus sur la ligne de la Sarine. Le principe du chacun pour soi, qui est d’ailleurs celui de la performance économique moderne, s’établira plus sûrement dans la psyché collective. Autrement dit, la question de l’Autre n’aura plus grand-chose à voir avec la morale ou la conscience de chacun. La prospérité, telle sera l’obsession.

Je vois peu de signes préfigurant l’inverse.»

Christophe Gallaz, écrivain


4. Détérioration des finances publiques

«Un défi important auquel la Suisse sera confrontée ces prochaines années sera la détérioration des finances publiques, surtout cantonales, mais peut-être aussi fédérales. Dès maintenant, on constate que certains cantons mettent en place des plans d’économie. Et alors même que nous sommes en haute conjoncture, avec une progression substantielle des recettes fiscales, certains cantons, je pense par exemple à Neuchâtel, présentent toujours et encore un déficit. Quel sera le résultat si les intérêts augmentent pour atteindre ne serait-ce que le niveau moyen historique (environ 4%) et qu’un fléchissement conjoncturel surgit? Il se pourrait très bien que ce dernier soit spécifique à la Suisse, dû à un affaiblissement de l’euro et, simultanément, à une augmentation de la compétitivité des économies européennes, sans parler de causes planétaires possibles telles qu’une diminution permanente de la croissance chinoise.

La Suisse pourrait donc se trouver dans une sorte d’impasse à la fois politique et économique. Elle pourrait alors s’approcher de l’UE. Je ne serais pas du tout étonné si, d’ici à quelques années, des pourparlers pour une adhésion ou un traité d’association étaient entrepris.»

Alfred Strohmeier, professeur honoraire à l’EPFL, ancien recteur de l’Université de Neuchâtel


5. Un pôle muséal rhodanien

« Tirons un trait d’union, grâce au Rhône, entre Lausanne et Arles. Que les Vaudois, dont le pays n’a pas de tradition coloniale, fassent œuvre de pionniers en Provence pour renforcer leur propre économie culturelle. Lausanne, dans dix ans, aura un pôle muséal quasi unique en Europe. Car il existe un autre grand projet similaire : à Arles justement, grâce à une famille de mécènes pour une bonne part installée dans le canton de Vaud : les Hoffmann. Il faut instaurer une collaboration entre ces deux ambitions, d’un bout à l’autre du fleuve. Surtout que Lausanne et Arles croient toutes deux dans la nouvelle économie de la culture, si dynamique et profitable. »

Sam Stourdzé, directeur du Musée de l’Elysée (futur directeur des Rencontres de la photo à Arles)


6. «Il faut travailler sur l’influence néfaste des lobbys.»

Charles Weinmann, président honoraire de Weinmann-Energies


7. Simplifions l’Etat

«Il faut simplifier l’Etat, réduire le nombre de lois et de règlements: libéralisation complète des horaires d’ouverture des commerces et des établissement publics (bon pour l’économie et pour la sécurité); libre circulation, en tout cas pour les personnes les plus formées (bon pour l’économie); libéralisation des drogues (bon pour la sécurité et pour le sentiment de sécurité).»

Antoine Verdon, directeur de Centralway Ventures, Zurich


8. Les cantons «globalisés» doivent être entendus

Les conséquences positives ou négatives de nos décisions populaires devraient apparaître plus concrètement. La révision en profondeur de la péréquation horizontale et verticale entre Confédération et cantons devrait favoriser cette prise de conscience. Un affaiblissement de la capacité à générer de la richesse des cantons largement ouverts sur l’économie globalisée doit avoir une conséquence rapide et directe sur les transferts financiers en direction des cantons à l’économie générant moins de valeur ajoutée; il faut absolument que les habitants de certains cantons qui dépendent largement des transferts horizontaux soient conscients du volume des transferts issus des cantons «globalisés». Une entrave au mode de développement des cantons contributeurs doit avoir des conséquences visibles sur les autres.

Philippe Sordet, membre du Forum des 100 depuis 2005


9. Impliquer l’économie dans la défense de l’Etat de droit

«Les continuelles attaques contre les valeurs retenues dans la Constitution fédérale, la mise en cause de la séparation des pouvoirs, du droit international et de la Convention européenne des droits de l’homme mettent gravement en cause la réputation de notre pays. Cela est d’autant plus inacceptable que la Suisse est devenue l’exemple à suivre pour l’extrême droite européenne.

A mon avis, il faut tout mettre en œuvre afin de mobiliser l’économie pour qu’elle mette à disposition les fonds nécessaires à une campagne musclée pour défendre nos valeurs telles qu’elles sont retenues dans la Constitution fédérale, dans le droit international et dans la Déclaration européenne des droits de l’homme.

Le fait que nous commémorerons cet été le 100e anniversaire de l’éclatement de la Première Guerre mondiale et le 75e de la seconde constitue une très bonne occasion pour rappeler aux citoyennes et aux citoyens ce que le processus de réconciliation et d’intégration européenne représente pour la qualité de vie de nos générations.

Il faudrait réaliser par des professionnels de l’information une brochure tout-ménage et un site web également conçu et géré par des professionnels.

Compte tenu du fait que le Parlement plie actuellement systématiquement devant les insanités de l’UDC, il faut que la société civile prenne les choses en main. Cela non pas pour affaiblir les parlementaires, mais afin de renforcer ceux qui sont disposés à défendre les valeurs qui sont à la base du succès phénoménal de notre pays.»

René Jost, membre du Nouveau mouvement européen Suisse


10. Notre force vient de l’ouverture des marchés

«Notre force vient notamment des marchés que nous avons su nous ouvrir à l’étranger. Si cette ouverture venait à être remise en question, l’image d’une Suisse innovante, dynamique, ouverte sur l’extérieur en pâtirait. Elle s’affaiblirait notamment avec la lente disparition de la production industrielle et de service qui a contribué à la forger.

Deux scénarios s’ouvrent alors à nous pour les dix prochaines années: soit nous maintenons nos relations dynamiques avec l’extérieur, et nous devenons probablement encore plus forts car notre modèle politico-économique est très efficace en comparaison internationale, soit on se ferme avec un vrai risque pour notre image et, in fine, notre prospérité. Mais je ne crois pas que la Suisse veuille jouer la fermeture. Notre pays aime poser des questions essentielles. La démocratie directe, pilier politique de notre pays, permet de lancer des débats que personne n’ose vraiment affronter à l’international.»

Nicolas Bideau, directeur de Présence Suisse


11. Au cœur de la voix

«Si je devais imaginer une action grandiloquente en matière culturelle, je rêverais de glisser subrepticement quelques centaines de choristes au milieu d’une gare ou d’un supermarché. Ils se mêleraient aux clients, mais se mettraient tout d’un coup à chanter l’une des grandes œuvres du répertoire classique, comme par exemple le Requiem de Mozart, qui emporte avec lui toute forme de résistance et vous prend, malgré vous, au plus intime de vous-même. Les auditeurs involontaires se retrouveraient ainsi au cœur de LA VOIX, au milieu d’une vibration puissante, délestés de ce qui parfois fait obstacle à la culture.»

Marie-Thérèse Bonadonna, déléguée culturelle du Club 44


12. « Dans le domaine de la formation, il est indispensable d’assurer d’importants investissements publics pour nous permettre d’employer des personnes formées en Suisse et pour diminuer notre recours à des spécialistes de l’étranger.»

Rebecca Ruiz, conseillère nationale (PS/VD)

 

 

 


13. « La sortie du nucléaire suscitera beaucoup d’opportunités dans les domaines de l’énergie, du bâtiment et dans la formation. C’est une chance pour notre pays. »

Isabelle Chevalley, conseillère nationale (Vert’libéraux/VD)


14. Apprenons le chinois, le japonais et le russe

Les Suisses sont bons en langues, mais il est néanmoins possible d’améliorer ce niveau de deux manières.

– En instaurant un enseignement trilingue en français, anglais et allemand pour tous. De même, il ne faudrait pas apprendre l’allemand ou l’anglais comme des langues étrangères, mais envisager une vraie immersion, à l’image de ce qui se fait plus ou moins à l’heure actuelle au Luxembourg. C’est certes compliqué à mettre en place, mais très peu de pays pourront ainsi nous imiter.

– En Suisse, il est possible de passer sa maturité en ayant étudié durant sept ans le latin ou le grec. C’est très bien, mais il faudrait donner la possibilité aux jeunes de pouvoir s’initier à la place aux langues stratégiques que sont le chinois, le japonais ou le russe. Cela donnerait un avantage décisif aux entreprises suisses. Et ce d’autant plus qu’apprendre le chinois ou le japonais suffisamment bien pour l’utiliser dans le monde des affaires nécessite au moins cinq ans de pratique à temps complet – un investissement impossible lorsqu’on travaille à plein temps –, par exemple en tant qu’expatrié en Chine ou au Japon.

Philippe Monnier, directeur exécutif de Greater Geneva Berne Area


15. Instaurons un congé citoyen

«Une idée qui nous rendrait plus forts? Le congé citoyen: inscrire la vie politique dans l’emploi du temps de toutes et tous. Finalement, il s’agit d’une des tâches les plus importantes que nous avons. Si quelques jours par an étaient réservés à l’activité politique, au débat, à l’information et à la réflexion, nous pourrions développer une meilleure démocratie, sans pour autant manipuler l’opinion publique.»

Samuel Bendahan, député au Grand Conseil (VD/PS)


16. Secteur financier proactif et durable

«Le monde de la finance a été récemment attaqué de toutes parts: on lui reproche non sans fondement une certaine opacité, une forme d’opportunisme et une capacité insuffisante à servir l’économie réelle. Dans ce sens, nous sommes convaincus que la finance durable est un atout fort pour la place financière suisse, qui peut ambitionner de devenir un centre d’excellence dans le domaine. En intégrant de manière systématique les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans ses processus d’investissement et/ou toute autre démarche bancaire, en mesurant l’impact de ses investissements, le secteur financier démontrerait une proactivité, une capacité à s’adapter aux changements et saisirait de nouvelles occasions d’affaires.»

Angela de Wolff, présidente de Conser


17. Renouer le dialogue entre l’économie et la population

«A l’évidence, une partie de la population a l’impression que nous faisons la sourde oreille face à ses attentes et qu’une certaine économie a perdu le sens des réalités. Dans une démocratie semi-directe, c’est un luxe que nous ne pouvons pas nous permettre. Il me paraît dès lors non seulement nécessaire mais urgent de renouer le dialogue avec la population, d’apporter des réponses convaincantes et des mesures ciblées. Quitte à lever certains tabous pour adapter notre processus décisionnel, fort complexe et dilué à trois échelons, au rythme du XXIe siècle. Aménagement du territoire, mobilité, logement, accès au marché du travail, meilleure conciliation vie professionnelle-vie familiale sont autant de domaines où nous pouvons démontrer notre volonté de préserver une qualité de vie qui tient à cœur à une majorité. Passer de la parole aux actes, tel est le prix à payer pour restaurer la nécessaire confiance.»

Cristina Gaggini, directrice romande d’economiesuisse


18. Il faut créer des partenariats avec la Chine et les Etats-Unis

Il faut travailler SMART. Personnellement, en étant beaucoup à l’étranger, je constate que la Suisse conserve son aura à travers le monde. C’est un pays qui inspire confiance, apprécié notamment pour son honnêteté, sa précision, sa beauté et l’ordre qui y règne. Il faut cultiver cette aura, investir dans ce qui fait notre valeur ajoutée.

(…) Il faut créer des partenariats avec la Chine et les Etats-Unis. L’une des grandes forces de la Suisse est sa neutralité. Elle représente un noyau central pour «arranger les bidons» entre les Russes, les Chinois et les Etats-Unis, qui sont toujours en compétition.

(…) Je pense qu’il faut aussi permettre aux jeunes de s’ouvrir au monde, d’aller aux Etats-Unis, en Chine, en Russie, et de comprendre les valeurs de ces pays clés pour mieux construire l’évolution de notre économie. On ne peut pas construire le futur en faisant abstraction des valeurs, elles sont le ciment d’une réussite durable.»

Alain Borle, CEO de Pac Team Group


19. Devenons une Silicon Valley de la santé

«Notre champ de prédilection est le domaine de la santé, au sens large, à savoir pharma, medtechs, alicaments, biotechs, etc. Nous devons donc investir en priorité dans cette discipline. Nous devons être la Silicon Valley de la santé, au sens large.»

Xavier Comtesse, directeur romand d’Avenir Suisse


20. Manque de leadership

«La priorité absolue doit être accordée à la défense des intérêts du pays et au maintien de notre prospérité. Cela doit être la préoccupation première des autorités – avant tout autre objectif, et en particulier bien avant celui de leur réélection – en matière de politique étrangère et de politique intérieure. C’est le défi principal dans un monde globalisé où la compétition est de plus en plus rude. Il nous faut un gouvernement composé d’hommes et de femmes d’Etat (vision, charisme, engagement), apparemment de plus en plus introuvables.»

Bernard Nicod, promoteur immobilier


21. Plus d’attention aux prix de l’énergie

«Les prix de l’énergie sont et seront de plus en plus un élément central dans les choix stratégiques des acteurs économiques. Ces derniers sont directement fonction de l’offre et de la demande, mais aussi de l’intégration ou non des coûts externes.»

Lionel Eperon, Chef du Service de la promotion économique et du commerce (SPECo) - Etat de Vaud


22. Il faut donner une voix aux villes

«Notre système de démocratie directe est bon… même si des réformes touchant la double majorité peuple-cantons me paraissent nécessaires: si les minuscules cantons subsistent, alors il faut donner une voix aux grandes villes dans le calcul de la majorité des cantons.»

Eric Voruz, conseiller national (PS/VD)


23. Les cigales peuvent-elles gagner?

«Les cigales garderont-elles le dessus? Tous s’accordent sur l’excellente santé de la Suisse, néanmoins, le principal défi des prochaines années résidera dans l’issue du combat entre, d’un côté, les cigales: les personnes qui croient que la prospérité suisse leur est due et qu’elle ne risque pas d’être remise en cause. Fortes de ces convictions et cramponnées à leur confort, les cigales s’ingénient jour après jour – tous partis confondus – à introduire de nouveaux obstacles à notre prospérité (immigration, réglementations, rigidités des conditions sociales…). De l’autre côté, il y a les fourmis, ceux qui s’égosillent, vainement ces derniers temps, à répéter que le niveau de vie d’un pays résulte de sa compétitivité au sens large du terme et que l’érosion de cette dernière aboutira implacablement à un affaiblissement de sa prospérité.

La question sera de savoir qui des fourmis ou des cigales arrivera à convaincre. Pour le moment, l’anémie de la majorité de nos pays concurrents conjuguée à la lenteur des cycles semblent donner le dessus aux cigales; j’espère vivement que les fourmis arriveront à convaincre avant que la fête ne soit gâchée, sinon, il faudra beaucoup de patience pour revenir à la situation actuelle.

Quant au modèle de démocratie, je n’appartiens pas à ceux qui prônent un changement de système chaque fois qu’ils sont contrariés; je pense que l’épanouissement de notre système repose sur deux piliers: d’une part l’honnêteté et la crédibilité des acteurs de la vie publique et d’autre part la maturité civique des citoyens. Or, ces deux composantes montrent des signes évidents de détérioration, même en Suisse. Les médias, en tant que porte-parole des premiers et source de réflexion des seconds, peinent de plus en plus à remplir leur rôle.

Pour rester sur le thème économique, on assiste à un paradoxe: comment se fait-il que l’économie, principale génératrice de la fantastique prospérité de notre pays, peine tant à se départir de cette image de monstre néfaste? Je pense que le manque de conviction du monde économique provient de deux facteurs: d’une part du manque de clarté de son discours et d’autre part, et c’est là sa faiblesse principale, d’un manque de crédibilité résultant des agissements irresponsables d’une minorité d’entre eux. Je milite ainsi pour un comportement irréprochable des acteurs de l’économie et une meilleure coordination des forces de l’économie entre elles afin de faire passer un message clair et crédible.»

François Gabella, CEO de LEM International


24. Exporter notre modèle de formation duale

«Il faut conserver et favoriser le système de formation suisse, notamment la formation professionnelle duale et la perméabilité à l’intérieur du système. Dans ce domaine, la Suisse pourrait jouer un rôle pionnier dans différentes régions du monde. La formation et l’innovation sont des conditions cruciales pour une économie durable et couronnée de succès.»

Stéphane Wettstein, CEO de Bombardier


25. Partageons nos privilèges

«La Suisse doit prendre conscience qu’elle ne peut pas concevoir son avenir de manière isolée, mais qu’elle a tout à gagner de prôner l’ouverture et de favoriser les échanges internationaux, dans tous les domaines. Si elle accepte de partager un peu ses privilèges, elle obtiendra en retour de nombreux avantages liés à de nouvelles collaborations. En particulier, il faudra bien que la Suisse soit capable de définir les relations qu’elle veut avoir avec l’Union européenne.»

Dominique Arlettaz, recteur de l’Université de Lausanne


26. Arrêtons de diaboliser l’UE

«Le jusqu’au-boutisme de l’UDC, et son écho favorable dans une grande partie de la population, annihile probablement tout espoir de continuation des bilatérales. Nous sommes dès lors contraints de faire un choix entre l’isolement – donc un changement radical de notre niveau de vie – et la demande d’adhésion à l’UE. L’isolement étant pour moi impensable, il est temps:

– d’arrêter de diaboliser l’Europe pour faire plaisir au populisme ambiant;

– de scrupuleusement mettre en œuvre les mesures d’accompagnement qui avaient été prévues lors de la ratification des Accords sur la libre circulation (leur non-mise en application est probablement en grande partie responsable du résultat déplorable du 9 février);

– d’entreprendre les démarches nécessaires pour une adhésion aussi rapide que possible, en tentant de négocier des clauses, au moins temporaires, de limitation d’afflux des étrangers.

Jean-Marc Wiederrecht, fondateur et patron d’Agenhor SA, Genève


27. «Les entrepreneurs suisses sont d’une rare ténacité et maîtrisent très bien leurs marchés, notamment à l’export. Ce sont les politiciens qui devraient un peu voyager et s’inspirer de ce qui se passe ailleurs et pas seulement chez nos voisins.»

Anne Southam-Aulas, présidente d’Hôtels et Patrimoine SA


28. Remettons l’adhésion à l’UE sur la table

«C’est le moment de remettre la question de l’adhésion à l’Union européenne sur la table. Je la soutenais déjà il y a vingt ans, convaincue que la Suisse devait participer à cette construction. Aujourd’hui le moment est moins favorable, mais c’est la dernière occasion si la Suisse ne veut pas devoir reprendre un très vaste acquis communautaire sans avoir son mot à dire. La voie bilatérale ayant montré ses limites bien avant le 9 février, c’est désormais le seul moyen de participer aux décisions qui nous concernent. C’est l’occasion de travailler main dans la main avec nos camarades européens pour rendre l’Union européenne plus sociale. Certes, l’adhésion n’a pas de majorité politique, mais, dans le contexte actuel, nous avons une obligation pédagogique d’en débattre.»

Maria Bernasconi, conseillère nationale (PS/GE)


29. Insécurité du droit dangereuse

«Quand on change les règles du jeu tous les six mois, cela ne facilite pas les décisions, mais cela ne doit pas pour autant remettre en cause notre modèle de démocratie.»

Michel R. Walther, directeur général de la Clinique de La Source


30. La Suisse de la prospérité mise en minorité

«La Suisse est tiraillée entre deux tentations, soit celle de la modernité, de l’urbanité, de l’ouverture et de l’évolution d’une part et celle de la tradition empreinte de nostalgie, de la suffisance, de la fermeture et de la ruralité figée d’autre part. Je redoute que désormais la dernière approche ait le vent en poupe alors que, durant ces dernières décennies, la première a permis les succès de la Suisse et sa prospérité socioéconomique.»

Élisabeth Baume-Schneider, ministre (JU/PS)


31. De la formation tout au long de la vie

«Nous pourrions assister à une réduction globale des flux migratoires, du moins à une tolérance toujours moindre à l’immigration illégale des pays tiers, et à un encouragement probablement moindre aussi à la migration intra-européenne. Cela signifie que la Suisse ne peut plus forcément compter sur une «armée de réserve» à bon marché juste devant ses portes, ou plus autant qu’avant. L’existence de cette force de travail bon marché était à mon avis l’un des facteurs essentiels du «succès suisse» – bien souvent, du succès du patronat suisse. Là où, dans les pays voisins, la concurrence pousse à délocaliser pour aller chercher des coûts de production plus bas, dans le nôtre, c’est la main-d’œuvre à moindre prix qui se délocalise vers nous. (…) D’une façon ou d’une autre, il s’agira de faire en sorte que le changement des conditions-cadres au niveau international n’ait pas pour effet d’abattre brutalement l’économie nationale.

(…) La formation tout au long de la vie, qui est encore trop souvent un slogan, doit s’incarner dans une liberté renouvelée des individus de se détacher d’un contexte professionnel donné pour s’ouvrir d’autres horizons. Actuellement, si le système de formation primaire, secondaire et tertiaire est clairement structuré pour la formation initiale, et les enchaînements clairement pensés, il manque une organisation similaire, mieux encadrée par le secteur public, pour la formation continue. Trop souvent, elle s’apparente, pour le salarié ou le chômeur, à une jungle où les certificats et les diplômes se mélangent sans aucune lisibilité. Avec pour risque majeur que les personnes les moins bien formées soient aussi celles qui se forment le moins, creusant ainsi un écart délétère à long terme. Organiser des parcours de formation continue, tout au long de la vie, comme on organise les parcours scolaires – avec, naturellement, la flexibilité requise: voilà, peut-être, l’avenir.»

Benoît Gaillard, président du Parti socialiste lausannois


32Pour un article constitutionnel sur la voie bilatérale

«La voie bilatérale constituant le principe de base des relations entre la Suisse et l’Union européenne, ancrons ce principe dans un article constitutionnel nouveau. Le vote devrait englober un paquet de mesures permettant de maîtriser l’immigration, en collaboration avec les cantons, en particulier le renforcement de la lutte contre le dumping salarial et les abus de l’aide sociale, de l’assurance chômage ou du droit d’asile.»

Pascal Broulis, conseiller d’Etat (PLR/VD)

François Longchamp, conseiller d’Etat (PLR/GE)


33. Une «task force» pour anticiper

«Ces dernières années, la Suisse a subi des crises. Externes, comme les attaques contre le secret bancaire, ou internes, comme le résultat des dernières votations. Et si l’on créait une task force politique ayant pour mission de les anticiper?»

Marc-Etienne Berdoz, président de Berdoz Optic et de Sonix Audition


34. Les chercheurs ont besoin de travailler dans un même chaudron

«Pourrons-nous continuer à innover sous un régime de contingents? Non. Principalement pour trois raisons. Contrairement, tout d’abord, à d’autres secteurs d’activité où les besoins sont quantifiables, il est impossible de chiffrer des besoins pour la créativité et l’innovation. Nous sommes là dans un domaine immatériel. La créativité se nourrit toujours d’interactions, d’échanges et de rencontres fortuites. 

On pourrait être tenté aujourd’hui de se dire qu’à l’heure de Skype et des MOOC, les scientifiques peuvent ignorer les barrières et collaborer à distance. Mais ce serait méconnaître les réalités de la recherche fondamentale, qui constitue le cœur de l’innovation. Pour faire naître les idées, les chercheurs ont besoin de travailler dans un même chaudron.

Il y a ensuite des raisons statistiques propres à la Suisse qui rendent incompatible l’innovation avec une limitation des échanges. Un récent ranking a placé trois hautes écoles suisses, dont l’Université de Genève, en tête des universités les plus internationales du monde. Une des raisons de ce résultat est liée à la taille de notre pays. C’est parce que nous sommes petits que nous sommes internationaux. C’est aussi pour cela que nous devons le rester. Nous ne disposons pas d’un réservoir de population suffisant pour atteindre une masse critique de scientifiques de haut niveau susceptible de catalyser l’innovation, et donc d’assurer un avenir à notre pays, sans un apport de l’extérieur. Enfin, soulignons que, dans les faits, la somme des collaborateurs étrangers dans les hautes écoles se révèle presque stable et ne participe aucunement à alimenter la crainte d’une immigration de masse.»

Jean-Dominique Vassalli,  recteur de l’Université de Genève


35. Crise du sentiment de souveraineté 

«On peut comprendre le vote du 9 février comme le symptôme d’une crise du sentiment de souveraineté dans le cadre d’une remise en cause de la mondialisation. Une partie de la population a voulu dire: «C’est encore nous qui décidons.» En effet, les processus, les lieux, les organes et les acteurs décisionnels sont de plus en plus difficiles à appréhender et les citoyens ont quelque raison de se sentir «dépossédés», un sentiment très difficile à accepter en Suisse, où l’idée selon laquelle chaque citoyen peut avoir «le dernier mot» fait profondément partie de notre identité.

Il ne s’agit pas seulement de la peur de perdre son pouvoir décisionnel face à l’Europe, dont nous reprenons d’ores et déjà de nombreuses dispositions légales sans pour autant avoir participé à leur élaboration. Il s’agit aussi de craintes suscitées par l’émergence de nouveaux lieux de pouvoir comme le G20 ou l’OCDE, cette dernière ayant joué un rôle clé dans un changement aussi rapide, profond et traumatisant pour une partie des Suisses que la remise en cause du secret bancaire, alors qu’il était largement inconnu du grand public. Enfin, dernier exemple pouvant susciter un sentiment d’impuissance auprès des citoyens ou, du moins, d’affaiblissement de la démocratie: le comportement de certaines grandes entreprises ou multinationales qui échappent aux législations sociales et de protection de l’environnement en délocalisant leur production dans les pays où la nature et les employés sont moins bien protégés et ancrent leurs bénéfices dans ceux où elles seront le moins taxées au bénéfice de la collectivité. Alors que les PME sont soumises aux règles locales et s’y prêtent, que ces règles leur plaisent ou non.

(…) Cette croissance économique amène avec elle des personnes, c’est vrai, mais aussi de nouveaux modes de vie, plus urbains, plus cosmopolites. Cette évolution est perçue par certains de nos concitoyens, attachés à une vision de la Suisse plus traditionnelle et campagnarde, comme une menace. Certaines de nos régions sont en outre touchées par une surchauffe de la croissance, qui génère des problèmes de logement, de transport et de pression sur les salaires. Dans ces conditions, on peut se demander si la croissance économique est toujours synonyme d’un surcroît de qualité de vie.»

Adèle Thorens, conseillère nationale (Verts/VD)


36. Il faudra être plus mobile

«Le citoyen de notre pays aurait tort de s’imaginer que vivre en Suisse sera la solution miracle au bon emploi à vie; au contraire, il doit se faire à l’idée qu’il doit être mobile, que la richesse ne sera plus localisée dans un seul territoire, mais partout. Là où il y aura des compétences, il faudra se déplacer!»

Daniele Oppizzi, CEO d’ILAND green technologies SA


37. Ce pays sait s’exporter dans les pays en forte croissance

«Allons chercher la croissance où elle se trouve! C’est une des qualités de ce pays de savoir s’exporter dans les pays en forte croissance et de gagner des parts de marché dans le haut de gamme, et cela dans tous les secteurs industriels.»

Michel Rochat, directeur de l’Ecole hôtelière de Lausanne


38. Une commission pour les questions stratégiques

«Créer une commission de planification et de stratégies dans les domaines énergétiques, relations internationales et économie, qui soit efficace et qui prépare le pays au monde de demain.» 

Nadia Plata, directrice d’EPTES


39. Nous ne serons pas toujours les premiers de classe

«Nous ne serons pas toujours les premiers de classe en économie en Europe. Les pays qui nous entourent finiront par sortir de la crise et devenir à leur tour performants, ce qui est aussi notre intérêt à long terme, pour ne pas subir quand même les effets d’un long marasme. Alors, pendant les années à venir, il nous faut être encore plus performants, pour ne pas subir un affaiblissement de notre économie.»

Bernard Ravet, chef et propriétaire de l’Ermitage


40. Défendre les valeurs de la Suisse

«Pour maintenir le pays et sa population au niveau de bien-être actuel, il suffit de défendre les valeurs qui ont fait le succès de la Suisse: travail, respect, confiance, fierté et générosité. C’est clairement au travers de l’enseignement que ces valeurs pourront être transmises demain comme elles l’ont été dans le passé.»

Jean-Marc Probst, président de Commerce Suisse


41. «Procédons à une mise à plat des compétences et des moyens entre cantons et communes, notamment sous l’angle urbain/rural.»

Adrien Genecand, conseiller municipal (PLR/GE)


42. La démocratie directe nous préserve des graves crises

«La démocratie directe permet au ressenti du peuple d’émerger rapidement en surface, d’être pris en compte, expliqué, identifié. Ce n’est pas le cas dans les pays européens qui nous entourent, où le décalage entre élus, responsables politiques et représentants au Parlement européen peut s’installer dangereusement et surgir sous la forme d’une grave crise de société et de valeurs.»

Marcel Maurer, président de Sion


43. Le défi de la cohésion générationnelle n’est pas pris au sérieux

«Le défi de la cohésion générationnelle est bien plus préoccupant que celui de la cohésion nationale, en lien notamment avec la question des retraites et celle des coûts de la santé. Chaque année, les factures s’alourdissent au détriment des jeunes actifs qui voient leurs conditions se péjorer pour financer, voire anticiper le financement de coûteux mécanismes au bénéfice de la génération du baby-boom qui part à la retraite. La logique de rente (matérialisée par exemple dans le débat sur la réduction du taux de conversion) s’annonce très difficile avec une jeune génération qui se fait déjà saigner, malheureusement en silence.»

Pierre Maudet, conseiller d’Etat (PLR/GE)


44. Sans leaders charismatiques, pas de compétitivité

«La Suisse a des élites économiques mais peu ou pas d’élites politiques. Sans leaders charismatiques et visionnaires, les probabilités d’une évolution favorable pour la compétitivité de notre pays sont faibles.»

Éric Girod, directeur du bureau romand de l’union suisse Creditreform


45. « Isolés du reste de l’Europe, obligés de réfléchir, d’étudier, de produire, de vendre nos films «entre nous», nous allons de plus en plus ressembler aux populations consanguines des vallées les plus reculées… »

Frédéric Maire, directeur de la Cinémathèque suisse


46. Nos voisins viendront négocier notre eau au prix fort

«La Suisse doit garantir son indépendance énergétique, utiliser le solaire et l’éolien avec plus de volonté et d’audace. Château d’eau de l’Europe, elle a également les moyens de faire pression sur ses voisins qui, dans dix ans, viendront négocier l’eau au prix fort.»

Nicolas Giannakopoulos, président de l’Observatoire du crime organisé (OCO)


47. Un comédien n’est pas un passeport

«Quand on engage une comédienne ou un comédien, on n’engage pas un passeport… Il y a des spécificités propres à chaque rôle et, désormais, le choix des possibles se resserre (le milieu romand, qui comporte de magnifiques talents, demeurant parfois restreint) car, financièrement, nous ne pourrons plus être tout à fait à la hauteur de nos ambitions artistiques.»

Jean Liermier, directeur général du Théâtre de Carouge-Atelier de Genève


48. Tous ingénieurs!

«La Suisse doit rehausser le statut de l’ingénierie, des sciences et des technologies dans l’économie. Notre pays offre des formations de qualité de type HES et EPF dans ce domaine et est apte à former les talents dont l’économie a besoin. Maintenant, il faut que les jeunes souhaitent opter pour ce type de formations. Ces professions sont la pierre angulaire de la compétitivité future dans de nombreux secteurs, notamment l’exportation de haute valeur, comme l’industrie pharmaceutique, les technologies, les biotechnologies.»

Jean-Michel Cina, conseiller d’Etat (PDC/VS)


49. La crainte du nivellement

par le bas «La question des flux migratoires, indépendamment du vote du 9 février, demeurera centrale pour l’avenir du pays comme de ses voisins européens, avec pour corollaires des interrogations sur la sécurité, la qualité et la stabilité du travail et la gestion du territoire, des transports et de l’habitat pour une densité de population croissante. La santé économique helvétique est, qu’on le veuille ou non, liée à celle de nos banques. Elle en souffrira certainement. Notre système de formation original et d’une haute qualité est en proie à des volontés de nivellement interne (intercantonal) et international. Il a tous les moyens de maintenir sa qualité s’il sait résister à ces sirènes. Isolement du pays? On nous l’a aussi prophétisé après le vote du 6 décembre 1992 et l’interdiction des minarets, et nous n’en avons rien vu. Je crois plutôt que la Suisse, si elle sait maintenir son cap sans complexe, prendra de l’ascendant et servira de modèle à des démocraties et des économies en désarroi.

Il est essentiel de maintenir, de consolider et de faire bien comprendre à l’étranger proche notre démocratie directe. L’extension du modèle suisse au voisinage constituerait un facteur d’intégration et de paix en Europe beaucoup plus concret, plus humain et plus efficace que l’intégration administrative par le haut, bureaucratique et anti­démocratique, dont souffrent les peuples de l’UE. A l’interne, il faudrait organiser une meilleure circulation des jeunes par-dessus le Rösti­graben. L’anglais ne doit pas devenir notre lingua franca.»

Oskar Freysinger, conseiller d’Etat (UDC/VS)


50. Les apprentis manquent de culture générale pour appréhender la complexité du monde 

«La formation professionnelle, spécialement en Suisse alémanique, est vue comme la solution helvétique spécifique, qui préserve notre pays de toute réflexion sur l’avenir de son système de formation. C’est, chez nombre de nos compatriotes alémaniques, l’axiome de base de notre succès, ce qui fait que toute réflexion, et toute question, autour de ce type de formation est sacrilège. Peut-être est-ce si fondamentalement ancré dans le subconscient collectif parce que la formation duale est liée aux corporations professionnelles du Moyen Age, dont la Suisse alémanique a été imprégnée beaucoup plus longtemps et profondément que la Suisse latine.

Cette situation a pour corollaire une méfiance envers un taux trop important de gymnasiens et de formation tertiaire dans les hautes écoles, tel que la Suisse romande le connaît, qui se traduit en particulier par une volonté de promouvoir en premier lieu la formation professionnelle supérieure et les HES.

Les conséquences sur le plan de la société sont problématiques et pourraient encore s’amplifier dans un proche avenir. Ainsi, les cantons dans lesquels le taux de maturité est supérieur à la moyenne suisse sont aussi ceux (à l’exception du Tessin) qui ont refusé l’initiative UDC le 9 février… Les réactions contre l’arrivée d’Allemands en Suisse alémanique ces dernières années ont été virulentes; cette migration très particulière de personnes bien formées, détentrices de diplômes tertiaires, dénote le fait que nous n’avons pas à l’interne le personnel hautement formé dont l’économie a besoin. Il serait utile ici de se poser quelques questions !

Le dénigrement des élites, de la classe politique et des intellectuels auquel l’UDC se livre régulièrement lors des campagnes de votation aurait-il plus de prise sur les professionnels formés de manière très pointue dans leur spécialité, mais pour lesquels la culture générale a été réduite à la portion congrue, pour assurer au plus vite une rentabilité professionnelle au détriment des clés de lecture nécessaires à comprendre la complexité du monde dans lequel ils sont appelés à se mouvoir?»

Josiane Aubert, conseillère nationale (PS/VD)


51. Soyons plus fiers

«J’aimerais que les habitants de ce pays soient fiers de leurs concitoyens qui réussissent, de leurs champions qui gagnent, des entreprises qui génèrent de la croissance. Trop souvent, le succès est regardé ici d’un œil condescendant, voire suspicieux ou même critique. Il faut au contraire valoriser la réussite pour que cette dernière puisse servir d’exemple, notamment auprès des jeunes. Nous avons la chance d’être dans une région qui va bien, mais le succès n’est pas éternel. Il est donc essentiel de ne pas s’endormir sur ses lauriers et de trouver tous les moyens de sans cesse le renouveler.»

Robert Deillon, CEO de Genève Aéroport


52. L’innovation bancaire passe par la finance durable

«Dans le secteur bancaire et financier, il nous faudra poursuivre la mue de fond amorcée depuis plusieurs années pour prouver que, malgré le durcissement des réglementations, le savoir-faire et le service permettront à la place financière suisse de conserver sa compétitivité et son attractivité. L’innovation prendra tout son sens dans le domaine de la finance durable, notamment.

Depuis 2005, le marché helvétique de la finance durable connaît une croissance annuelle moyenne d’environ 24%. La Suisse gère 48,5 milliards de francs et Genève recense près de 25% de ces avoirs. La finance durable répond donc à un réel besoin. La Suisse est un acteur incontournable de ce domaine et Genève, qui gère aussi 30% du marché européen de la microfinance, occupe une position de leader pour poursuivre son développement.»

Camille Vial, associée gérante de Mirabaud SCA, membre du comité exécutif de Mirabaud & Cie SA


53. Regrouper les partis du centre 

«Le résultat du 9 février, revisité par l’analyse Vox, est un wake-up call de plus. La politique officielle, les organisations économiques et syndicales faîtières doivent enfin tirer les leçons de ce nouvel échec.

La réforme de la gouvernance du pays doit être remise à l’ordre du jour, les chefs politiques doivent s’attaquer au remodelage du paysage des partis et les leaders économiques et syndicaux revoir leur stratégie de défense d’intérêts d’un Etat à la fois libéral et solidaire.

Sans vouloir mentionner tous les épisodes qui ont marqué notre histoire récente, on peut observer que depuis 1989, date de la chute du mur de Berlin, la Suisse officielle a additionné les autogoals et peine à apprendre de ses expériences passées. Il y a bien des points communs entre la crise des fonds en déshérence, l’échec de l’EEE, la disparition de Swissair, les affaires Kadhafi et Polanski, la descente aux enfers du secret bancaire, la crise UBS avec les Etats-Unis, la saga des négociations fiscales, et j’en passe… Une des raisons de déficits de conduite du pays, malgré une économie qui se défend extrêmement bien, est la faiblesse structurelle de son gouvernement. Un système du XIXe siècle qui n’a jamais bougé mais qui doit faire face à un rythme accéléré aux défis multiples du XXIe siècle. L’autre raison est la mise en danger des équilibres politiques, l’érosion du centre droit du pays, les tiraillements des partis historiques qui ont bâti la Suisse et qui sont incapables de reconnaître que la somme des valeurs qui les rassemblent, et qui sont aujourd’hui menacées, dépasse de loin les différences qui les séparent encore, surtout pour des raisons historiques, et qui deviennent insignifiantes face aux défis à relever.

On peut et doit disserter sur les initiatives et les idées, tous domaines confondus, qu’il faut mettre en œuvre pour relever ces défis. Mais pour les réaliser, il faut une majorité politique. Je reviens donc à mon Carthago delenda est: la recomposition du paysage politique et le regroupement des partis du centre en une union qui puisse respecter les identités des uns et des autres – PDC, PLR, PBD, Vert’libéraux, évangéliques –,  mais former une force de frappe électorale commune. Des élections auront lieu en 2015. C’est une nouvelle occasion.»

Raymond Loretan, président du groupe Genolier


54. Pour un think tank de la mondialisation

«La Suisse doit avancer ses cartes avec l’idée de devenir, dans le monde multipolaire qui s’est installé, le lieu de réflexions de la mondialisation.Là où l’organisation du monde de demain est conçue, pensée, à défaut d’être décidée.

Sur le plan interne, cela permet à la Suisse de mettre sa neutralité et son excellence dans la recherche et l’innovation au service d’une cause plus importante, à savoir se battre pour une cohabitation harmonieuse de tous à l’échelle du globe. Cette nouvelle vision du rôle de la Suisse passe par l’atout que représente la Genève internationale, notamment sa concentration d’acteurs du soft power. A titre d’analogie, il faut développer de manière consciente et affirmée le rôle que le WEF joue déjà durant une semaine. La Suisse doit aspirer à devenir pour l’ordre mondial de demain (ses normes, son architecture, son fonctionnement) ce que le WEF est à l’économie mondiale.»

Johan Rochel, vice-président du think tank foraus - Forum de politique étrangère


55. Métiers de niche pour jeunes en rupture

«Si l’on veut maintenir la cohésion sociale, il faudra se montrer capables de résoudre un problème lancinant, celui des jeunes en rupture pour lesquels l’exclusion est un phénomène de plus en plus courant. C’est une bombe à retardement si l’on ne trouve pas des solutions innovantes, tant sur le plan pédagogique que pour les moyens d’insertion dans le marché du travail. La surréglementation a peu à peu éliminé nombre de métiers de niche qui ont permis pendant longtemps des parcours de vie atypiques. Aujourd’hui, il faudrait rétablir une forme de liberté qui permette d’exercer des activités de proximité, utiles à la population et valorisantes pour celles et ceux qui les exercent.»

Martine Brunschwig Graf, présidente de la Commission fédérale contre le racisme


56. La Suisse n’est plus un modèle pour l’UE

«Il n’y aura pas d’affaiblissement économique mais un affaiblissement politique de la Suisse. C’est l’affirmation d’une dialectique qui se dessine depuis de nombreuses années: un franc suisse politiquement fort, une Suisse politique franchement faible.

Le système politique suisse connaît trois talons d’Achille: pas de cour constitutionnelle, pas de financement légal des partis et organisations politiques, crise de légitimité de la démocratie représentative suisse avec un très faible taux de participation. Ces trois défis placent la démocratie suisse au-dessous de celles de ses principaux partenaires européens.

Heureusement qu’il y a des professeurs et des chercheurs étrangers, et notamment européens, pour former les jeunes Suisses. Sinon, bonjour les dégâts!

Tant que la Suisse n’aura pas défini sa place en Europe, tant qu’elle n’assumera pas son rôle politique en Europe, tant qu’elle refusera de poser, sans interdit et sans tabou, la question de son adhésion à l’Union européenne, la Suisse restera là où elle semble se sentir le plus à l’aise: en seconde ligue sans aucune possibilité de monter en première division, voire au risque de tomber en classe régionale.

Après le vote du 9 février 2014, l’UE a compris que le système démocratique suisse n’a jamais été, n’est pas et ne sera jamais le système qu’il faut pour construire l’Europe. Un regard historique et politique ne laisse ici planer aucun doute. Si l’Europe avait choisi le modèle suisse, cette même Europe ne se serait jamais constituée. Elle se serait certainement disloquée et n’aurait jamais pu surmonter, dans la paix, l’histoire et la fin de la guerre froide. Un peu de sens historique ferait tant de bien à la Suisse et aux Suisses!»

Gilbert Casasus, professeur en études européennes à l’Université de Fribourg


57. Erasmus hors d’Europe

«Au lieu d’avoir Erasmus, où les étudiants vont dans des universités européennes dont le système et la culture sont très semblables à la Suisse, pourquoi ne pas utiliser l’argent d’Erasmus pour les envoyer en Chine, aux Etats-Unis, au Japon, en Corée, en Amérique du Sud, etc.? Ils y vivraient effectivement une grande découverte de cultures différentes et une ouverture de soi…»

Nadia Magnenat-Thalmann, professeur à l’Université de Genève et directeur de MIRALab


58. Apprenons à mieux nous exprimer oralement

«J’ai toujours été frappé dans mon parcours professionnel par la supériorité anglo-saxonne en matière d’expression orale et d’argumentation. Nous, Suisses, à quelques rares exceptions, ne faisons pas le poids lorsqu’il s’agit de nous exprimer en public et d’argumenter. Je souhaiterais donc la mise en place d’une formation obligatoire pendant la scolarité pour développer cette faculté. Les Américains l’ont compris depuis longtemps et exercent ces compétences très activement dans les salles de classe (jeu de rôle, théâtre, improvisation, etc.) et c’est un des facteurs qui expliquent aujourd’hui leur «suprématie».

Alexandre Zeller, président de SIX

 


59. L’habitude des remises en question

«La cohésion nationale ne devrait pas souffrir longtemps des suites du 9 février. Nous sommes habitués à dépasser des décisions populaires qui peuvent avoir des conséquences négatives sans pour autant remettre en question l’unité de notre pays. Notre modèle de démocratie pourrait par contre être remis en question. En effet, ce système génial qui a permis le succès de la Suisse en maintenant la souveraineté du peuple ne semble plus toujours adapté au XXIe siècle. Une réflexion de fond sur nos institutions maintenant le poids du peuple mais l’adaptant aux réalités actuelles doit être menée, et vite.»

Yannick Buttet, conseiller national (PDC/VS)


60. Contre le fatalisme et le populisme

«Il est urgent que le politique réinvestisse le champ de la politique. Que l’on cesse d’envisager le «gouvernement» du pays comme une «gouvernance» faite de procédures basées sur des algorithmes efficaces dans l’industrie et non dans la gestion de la cité. En simplifiant, nous pouvons constater que dans la gestion publique nous sommes actuellement confrontés à deux discours qui s’opposent. Celui qui affirme que nous n’avons pas le choix, qu’il n’y a qu’une solution possible dictée par un souci d’efficacité, essentiellement économique. En face de ce discours technocratique s’élève le discours populiste qui se nourrit de simplifications extrêmes, qui ne prend pas en compte la complexité du réel pour élaborer des solutions en nuances. Il y a essentiellement un effort de pédagogie du politique à développer et à renforcer pour, en amont, partager, faire comprendre les enjeux, accepter leur complexité et apaiser la peur qu’ils peuvent provoquer. Si nous souhaitons que la démocratie semi-directe qui est une de nos richesses nationales contribue à notre futur, il importe que le débat politique retrouve la profondeur du temps et de la complexité.»

Jacques Cordonier, chef du Service de la culture de l’Etat du Valais


61. « Un défi? Utiliser les toits des immeubles en ville pour faire pousser à manger, en collaboration avec des agriculteurs. »

Josée BéLanger-Simko, fondatrice de Toutmorrow


62. Des terres suisses délocalisées

«La Suisse a les moyens d’être plus agressive dans une politique qui puisse promouvoir son modèle. Il n’est pas dit qu’elle en ait la créativité et l’audace. La Suisse devrait investir massivement dans des industries innovantes en Europe, les accompagner en promouvant le Swiss touch. Elle pourrait également négocier des statuts spéciaux pour implanter et garantir des investissements dans les pays d’où proviennent majoritairement ses immigrants, avec des permis spécifiques, des statuts de travailleurs spécifiques et des statuts territoriaux et légaux particuliers. Le but serait de faire rayonner un modèle productif à partir d’une myriade de petites entités rentables, certes, mais au sein desquelles les droits de l’individu sont respectés, la qualité du travail et de l’effort promue. Des sortes de «terres suisses délocalisées», au travers d’investissements ou d’un fonds souverain, tels les comptoirs vénitiens de naguère.»

Nicolas Giannakopoulos, président de l’Observatoire du crime organisé (OCO)


63. Utilisons le 1er août

«Le maintien d’un dialogue social est primordial: il faut renoncer aux dogmes d’où qu’ils viennent et rester pragmatiques comme nous avons toujours su le faire. Pourquoi ne pas profiter du 1er Août pour en faire le renouveau du peuple suisse, du dialogue confédéral, du sentiment d’appartenir à un peuple certes un peu hétéroclite mais partageant les mêmes valeurs fondamentales? Cette démarche intérieure, avec un certain côté pédagogique, pourrait aussi être étendue à l’extérieur de nos frontières par l’intermédiaire des communautés étrangères présentes chez nous. C’est un relais souvent inexploité et sous-estimé.»

Charles Juillard, conseiller d’Etat (PDC/JU)


64. Compétitivité mise en péril par notre modèle de croissance

«Nous devons comprendre que le risque de l’affaiblissement de notre compétitivité, mais aussi de notre stabilité et succès économique, ne vient pas en exclusivité de l’extérieur par une migration en masse, mais bien de notre modèle de croissance actuel.»

André Schneider, vice-président de l’EPFL


65. Ceux qui décrochent

«Le système économique s’emballe. Tout va excessivement vite: les échanges internationaux, la communication, les avancées technologiques, les flux d’information. Or, inexorablement, cet emballement divise profondément et menace le lien social: il y a ceux qui parviennent à suivre le rythme et ceux qui décrochent.

Ceux qui décrochent voient passer les balles, sans jamais avoir l’impression de participer au festin. Ils sont submergés par le flux d’informations; ils constatent que certains s’enrichissent de façon éhontée grâce à quelques transactions financières; ils voient défiler le feuilleton de la politique sans y voir aucun potentiel de changement. Le symptôme principal de ces maux est connu.

Les délaissés, ceux qui décrochent, pointent le coupable tout désigné: l’autre, l’étranger, celui qui vient tenter sa chance dans «mon» pays, alors qu’eux-mêmes ont déjà des difficultés à nouer les deux bouts. On se replie sur soi car on craint la concurrence effrénée avec l’autre. A juste titre, souvent, car c’est cette mise en concurrence qui trie justement ceux qui parviennent à suivre de ceux qui décrochent. Pas de quartier pour les seconds, si ce n’est un filet social que l’on caractérise justement comme une béquille pour ceux qui ne parviennent pas à s’insérer…»

Raphaël Mahaim, député au Grand Conseil (Verts/VD)


66. 200 millions pour la culture

 «Il faut lancer un programme national culturel ambitieux. Pourquoi pas un fonds de 200 millions pour des projets culturels forts, à l’impact national et mondial? Donnons 1 million à 200 projets. A fonds perdus mais sur des critères d’ouverture, de rayonnement et d’excellence. Que sont 200 millions quand on voit ce que l’économie brasse comme argent en Suisse?»

Grégoire Furrer, président fondateur du Montreux Comedy Festival


67. Romands et Alémaniques ne partagent pas le même modèle de développement

«Les différences de modèles économiques qui se sont développées entre Suisse allemande et Suisse romande pourraient avoir des conséquences sur la cohésion nationale, par la difficulté à élaborer des stratégies économiques nationales satisfaisantes pour les deux parties du pays.

Le modèle économique alémanique, moins orienté recherche et développement, n’a pas autant besoin de compétences spécifiques que le bassin romand qui bénéficie, lui, d’une main-d’œuvre très pointue. Les secteurs qui ont porté le renouveau économique de la Suisse romande (recherche, sciences, EPFL) ont recours à des profils si rares qu’il faut parfois les chercher ailleurs. Cela explique sans doute que la Suisse romande soit plus favorable à la libre circulation.» 

Mathieu Fleury, secrétaire général de la Fédération romande des consommateurs


68. Que faire face à PayPal?

«La Suisse doit se réinventer dans de nombreux domaines, à commencer par le secteur bancaire qui n’a pas encore fait le deuil de ses modèles d’affaires du XXe siècle et qui doit apprendre à élaborer de nouvelles approches et à réfléchir sur de vraies stratégies.

L’horlogerie suisse gardera longtemps le créneau de la montre de luxe, mais comment doit-elle réagir face à la concurrence des téléphones portables ou d’autres gadgets numériques à mettre au poignet qui rendent la montre classique obsolète? Nous sommes très fiers de nos systèmes de trafic des paiements mais comment réagir face à l’utilisation internationale d’outils comme PayPal?»

Dominique Freymond, associé de MAS Management & Advisory Services Ltd


69. «La Suisse romande aurait les moyens de devenir leader dans la médecine génomique. Le séquençage d’un génome humain entier ou partiel permettrait de nombreux progrès, notamment d’éviter ou de guérir certaines maladies, grâce au diagnostic de maladies et prédispositions liées à des chromosomes ainsi qu’au traitement d’anomalies génétiques basées sur la connaissance des mécanismes moléculaires. »

Stylianos E. Antonarakis, professeur au Département de médecine et développement génétique de l’Université de Genève

 


70. Abolir le droit d’initiative

«Je ne pense pas que la cohésion nationale soit sérieusement mise en danger: nous savons trop bien nous isoler culturellement, par régions linguistiques, trouvant dans notre propre région linguistique suffisamment de raisons d’en être fiers pour n’avoir pas envie de remettre en question notre cohésion nationale.

En revanche, notre modèle de démocratie, en particulier le droit d’initiative, doit être repensé, voire même aboli, à moins qu’on n’instaure une sorte de cour institutionnelle qui vérifierait pour chaque initiative si elle est compatible avec notre Constitution (forme et contenu) et avec nos accords internationaux. Ou alors il faut augmenter de manière notable le nombre de signatures (de 100 000 à 300 000, voire 500 000) pour n’avoir à voter que sur les textes qui rencontrent une large adhésion déjà lors de la récolte de signatures. Il est inadmissible que ce droit populaire, qui avait tout son sens quand il a été introduit, en 1891, soit à ce point instrumentalisé par certains partis politiques ou groupements qui en font un élément de propagande. De plus, actuellement, les initiatives contribuent à la perte de crédibilité des autorités politiques suisses, ce qui n’est pas sain dans une démocratie.

Comme je présume qu’aucun parti n’osera proposer l’abolition ou le durcissement de ce droit populaire, cette proposition ne pourra venir que d’une association ou d’une ONG…»

Marie-Françoise Perruchoud-Massy, professeure à l’Ecole suisse de tourisme HEVS


71. Pour une fiscalité favorisant la recherche

«Offrons de la liberté aux entreprises pour leur permettre de rester agiles. (…) Je serais intéressée à ce que la fiscalité des entreprises soit davantage liée à un modèle de calcul tenant compte de la part des résultats consacrés à la recherche, à la formation, aux investissements. L’esprit entrepreneurial doit être davantage encouragé et soutenu, et le risque mieux récompensé.»

Carole Hubscher, présidente du conseil d’administration de Caran d’Ache

 


72. Condescendance de «peuple élu»

«Le grand problème de la Suisse qui pour moi résume toutes les interrogations est la schizophrénie dans la perception de notre positionnement émotionnel et mental. Nous savons tous pertinemment que nous sommes extraordinairement dépendants des échanges extérieurs: matières premières, tourisme, services financiers, approvisionnement en énergie, exportations, etc., et avons besoin d’être bien perçus dans le monde pour continuer à cultiver cette condition clé de notre prospérité. Mais en même temps la Suisse retombe dans son travers de se sentir radicalement différente des autres pays: plus démocratique, plus efficace, mieux gérée, avec des entreprises plus performantes (plus propre, on n’ose plus le dire mais on en a la nostalgie), etc. Attitude de «peuple élu» que je vois aussi de plus en plus chez les jeunes, forte en Suisse alémanique mais aussi émergente en Suisse romande: cela pourrait être une fierté nationale légitime, un sentiment d’appartenance, mais il est toujours lié à son ombre, le regard négatif sur l’autre. On voyage certes et même beaucoup mais on est quand même très content de rentrer à la maison où tout va mieux... Je sens une attitude de condescendance à l’égard du reste du monde qui a quelque chose d’inquiétant, car objectivement fausse.»

René Longet, ancien président du Parti socialiste genevois, ancien parlementaire fédéral, expert en développement durable


73. Les intérêts des jeunes divergent

«Il y a les jeunes tournés vers l’intérieur et ceux tournés vers l’extérieur. Un fossé se creuse entre le secteur des emplois manuels, des petites entreprises en milieu rural travaillant pour le marché intérieur, et celui des industries de services, comme les banques, les assurances, les institutions, voire même les Hautes Ecoles, ce monde-là est plus externalisé. Les enjeux ont changé, les mentalités sont différentes et de nouveaux intérêts à défendre se créent, ils ne sont pas les mêmes pour les uns et les autres.»

Anita Rion, directrice management de MultiManagement Sàrl


74. Retrouvons l’esprit pionnier!

«Les principaux défis ne sont peut-être pas ceux dictés par des circonstances extérieures. N’en est-il pas un bien plus important, celui consistant à retrouver l’esprit de pionnier ayant guidé le développement de notre pays, l’ayant conduit à s’adapter aux circonstances extérieures pour forger son futur?

Que serait la Suisse sans ses pionniers? L’action de personnalités hors du commun tant du monde des affaires que de l’industrie, de la technologie ou de la politique a forgé le succès et la prospérité de la Suisse.»

Benoît Dubuis, Executive Director Campus Biotech Geneve


75. Une charge financière supportable pour les actifs

«A mes yeux, le plus grand défi, qui s’étendra bien au-delà des dix prochaines années, sera celui de la solidarité intergénérationnelle. La charge financière des jeunes en formation et des retraités doit rester supportable pour la population active, ce qui n’est pas possible sans un solde migratoire positif, et cela veut aussi dire qu’il faudra tout particulièrement soigner l’intégration de ces étrangers qui viennent chez nous pour travailler.»

Pascal Broulis, conseiller d’Etat (PLR/VD)


76. Les milieux académiques doivent communiquer davantage

«Dans le domaine de la formation et de la recherche, la collaboration internationale est indispensable. Elle permet des échanges, la création de réseaux et une coopération dont les effets sont inestimables. Tout cela relève de l’inconnu pour l’extrême droite helvétique, dont l’ignorance et l’arrogance me surprennent chaque jour. Mais il faut également que les milieux académiques communiquent davantage et montrent l’impact positif de ce secteur pour le pays. Les Suisses ne sont pas suffisamment informés, aujourd’hui, à propos des effets de cette recherche sur la situation économique du pays, sur leurs propres conditions.» 

Mathias Reynard, conseiller national (PS/VS)


77. Gare à la montagne de dettes

«Les défis principaux vont dépendre du fait qu’il y aura ou non une grave crise économique dans le futur, causée par les montagnes de dettes, la montée des taux d’intérêt, l’impression de monnaie à l’infini. Si, par miracle, selon moi, on échappe à l’éclatement d’une énorme bulle, la Suisse continuera d’être favorisée… Mais dans tous les cas avec un certain affaiblissement de l’économie.»

Pierre-Marcel Favre, éditeur


78. Rétablir la confiance

«De nombreux indices laissent penser que la confiance du peuple dans le jugement de ses élites a diminué. Ce phénomène n’est pas le propre de la Suisse; il s’observe aussi ailleurs, mais une telle désaffection a des conséquences sans doute plus immédiates dans une démocratie directe que dans un autre système institutionnel. Longtemps, la «sagesse populaire», en se manifestant régulièrement dans les urnes, a représenté un facteur de stabilité pour la Suisse. Notre économie en a tiré un réel avantage compétitif. En devenant moins prévisible, cette sagesse – dont certains se prennent d’ailleurs à douter – se transforme en un facteur d’incertitude, ce qui est beaucoup moins positif tout au moins à court terme. Je suis en revanche un peu plus optimiste à long terme, car ces coups de semonce venus du peuple obligent notre pays, par le jeu de ses institutions, à corriger le tir avant les autres, ce qui est en principe une bonne chose. Mais, dans l’immédiat, des dommages collatéraux sont inévitables.

Le phénomène évoqué plus haut a renforcé une tendance préexistante à la polarisation du débat politique. Celui-ci en devient de plus en plus émotionnel, ce qui complique la tenue d’un débat objectif sur les grands problèmes de société, tels que la prévoyance vieillesse, le financement du système de santé, l’approvisionnement énergétique ou la fiscalité. Ces questions fondamentales devraient être abordées de manière rationnelle, en posant les cartes sur la table et en cherchant des solutions équilibrées. Mais une telle démarche est rendue pour le moins aléatoire du fait des blocages résultant du renforcement des extrêmes sur l’échiquier politique. Le risque de procrastination s’en trouve accru. Et plus lointaines sont les conséquences de l’inaction et plus ténues paraissent les chances que des solutions raisonnables soient mises au point en temps opportun. Le débat, bien mal engagé, sur la prévoyance vieillesse est un exemple parmi d’autres de cette situation.

Enfin, la mauvaise santé politique, économique et sociale du continent européen, de même que ses problèmes institutionnels qui demeurent largement irrésolus, contribuent à ce que l’UE ne fasse non seulement plus rêver les Suisses (ce qu’elle a toujours eu de la peine à faire) mais qu’elle suscite désormais chez eux un sentiment de peur et de rejet. Or notre pays n’est pas une île. Il tire l’essentiel de sa richesse de ses échanges avec l’étranger, à commencer par les pays voisins. En se repliant sur lui-même, il aggraverait encore son handicap naturel, lié au fait qu’il se trouve au milieu d’un continent en perte de vitesse. Ainsi, le risque existe que la Suisse tourne le dos à ce qui a fait son succès – un succès peut-être un peu trop brillant pour que la population en mesure la fragilité. Mais qui d’autre que les élites pourra plaider cette cause? Et que faire si ces élites ne bénéficient pas de la confiance des gens? On se retrouve ici, en quelque sorte, au point de départ.»

Michel Dérobert, directeur de l’Association de banques privées suisses


79. Eveiller les jeunes

au développement durable «Il faut renforcer l’éveil au développement durable, en pensant d’abord aux générations montantes, ce qu’elles vont recevoir, quelle Suisse et dans quel état. C’est la responsabilité de tous de sauvegarder le pays et de vivre avec moins en préservant la qualité de la nature. Personne ne peut manger l’argent.»

Nicola Spafford Furey, vice-présidente d’Earth Focus Foundation


80. Attirons des bâtisseurs d’innovation 

«Il est important de pouvoir faciliter au maximum le développement des start-up. Cela passe en grande partie par les personnes. Si on regarde aujourd’hui, nous avons déjà de superbes fondateurs d’entreprises qui, très souvent, sont étrangers! La plupart d’ailleurs. Il nous faut donc maintenant attirer les «bâtisseurs», ceux qui savent comment générer des revenus substantiels! Pour l’instant, ces personnes se trouvent souvent à Londres, à New York ou ailleurs. Le potentiel technique en Suisse est énorme, mais il faut faire venir – même de façon temporaire – ceux qui arrivent à faire passer les ventes de 1 à 100 millions en quelques années. Tout le monde s’accorde à dire que la Suisse est excellente dans le domaine de l’innovation, mais il faut faire plus encore, en s’inspirant d’Israël et de son modèle de business development ou des Etats-Unis pour sa croissance.

– Visa pour entrepreneur: toute personne qui désire créer une société devrait bénéficier d’un visa de quelques années. Même principe pour ceux dont l’expertise est prouvée par des expériences de start-up préalables.

– Accueil de ces personnes: mettre sur pied un système qui leur rend la vie facile en Suisse. Créer par exemple un bureau d’accueil qui trouve tout ce qu’il faut en termes de logement, d’école pour les enfants, etc. Créer également des structures de bureaux souples où l’on peut rapidement commencer à travailler, selon le modèle d’un hôtel pour entrepreneurs.

– Pour les plus grandes sociétés: transformer la Suisse en un laboratoire d’innovation à grande échelle. Les entreprises étrangères peuvent ainsi venir dans notre pays pour trouver et tester de nouveaux produits ou services. Il est indispensable que nous générions en Suisse des activités à très forte valeur ajoutée, donc des produits ou services qui ont un fort potentiel économique. Nous pouvons rassembler rapidement tous les stakeholders dans un domaine donné. Par exemple, si une société veut développer un nouveau système pour personnes âgées, elle peut tester son idée avec le soutien de cliniques, d’assurances privées, d’organismes de qualité (ISO), d’agences publiques, d’universités, etc. La Suisse a toutes les pièces, mais il faut créer des communautés. Par exemple en offrant des heures de formation «innovation» à chaque Suisse qui peut alors participer à cet effort de faire fleurir de nouvelles idées. Profitons ainsi de notre taille, de notre excellence dans de nombreux domaines… et cela créerait un beau programme de cohésion nationale!

Les plus grands enjeux de la planète pourraient devenir ainsi source d’innovation grâce à la Suisse: urbanisation, santé, sciences de la vie…

Il nous faut donc maintenant attirer les «bâtisseurs», ceux qui savent comment générer des revenus substantiels à partir des start-up.»

Pascal Marmier CEO et vice-consul général de Swissnex China


81. Agir à l’échelle de la région

«Je crois au potentiel de la région franco-valdo-genevoise! Même si certains ont toujours du mal à se l’imaginer, elle existe, elle respire, elle bouge, elle grandit. Cette région, j’y crois, car c’est une réalité. Et, lorsque tous les acteurs de cette même région se mettent à travailler main dans la main, rien ne peut l’arrêter.»

Luc Barthassat, conseiller d’Etat (PDC/GE)


82. Favorisons la transversalité

«Il faut renforcer la transversalité et la complémentarité au sein du tissu économique diversifié, et favoriser la flexibilité du travail. Dans un monde où les technologies numériques et virtuelles sont devenues une réalité quotidienne (internet, Skype, réseaux sociaux, etc.), la formation continue au sein des organisations et l’accès à un apprentissage tout au long de sa vie professionnelle, notamment par l’enseignement à distance ou les conférences à distance, seront essentiels. Il nous faudra investir dans la communication numérique favorisant la «cross fertilisation» (ou fertilisation croisée en termes d’innovation collaborative et d’agilité) en matière de recherche, de partage d’expériences et de compétences, de mise en réseau (intelligence sociale), de levées de fonds, etc.

En matière d’emploi, il sera essentiel de soutenir le partage de compétences et les synergies entre petites, moyennes et grandes entreprises, dans un monde du travail totalement imbriqué.» 

Frédérique Reeb-Landry, directrice générale de Procter & Gamble


83. Pragmatisme en danger

«Les risques d’isolement et une cohésion nationale toujours sous pression sont des réalités consubstantielles à l’histoire de notre pays. Ce ne sont pas des problèmes en soi car nous possédons les instruments permettant d’appréhender de façon assez efficace ces problèmes. Il est vrai cependant que ces instruments sont soumis à de rudes épreuves. La démocratie directe et le fédéralisme, qui en sont les principaux représentants, seront de plus en plus attaqués. La démocratie directe, en particulier, va agresser fortement les paradoxes de notre modernité… Tout le monde y est attaché mais un risque de lassitude n’est pas à exclure, du fait d’un recours de plus en plus foisonnant à son exercice. Mais le danger réside dans une fausse appréciation des difficultés que provoque l’usage intensif de la démocratie directe. Au lieu de s’interroger sur les motifs qui président au lancement de telle ou telle initiative, même désagréable, on préfère en effet contester l’outil lui-même, aggravant les risques d’instabilité qui pourraient résulter de certaines initiatives. Il y a pire encore: on néglige en même temps d’actionner pragmatiquement les leviers d’apaisement et de résolution des conflits qui sont à notre disposition. Ce pragmatisme qui fait notre force est en effet en danger. Il est vrai qu’on en a beaucoup abusé, en le transformant en simple moyen de gestion, mais la polarisation de la vie politique suisse tend à en occulter les bienfaits. Les droits populaires sont pourtant une excellente école pour la pratique d’un «sain» pragmatisme, qui oblige en définitive tous les acteurs à s’asseoir autour de la même table et garantir une stabilité nécessaire à l’épanouissement du «système» helvétique, tant sur le plan politique que sur le plan économique. Notre économie est fragile et risque de voir son dynamisme entravé par les secousses que lui inflige une vie politique qui renierait ses atouts fondamentaux. Dans ce sens, son autre atout, la formation, souffre lui aussi de l’affaiblissement de notre pragmatisme «constructif» et de la polarisation de la vie politique. Notre société pâtit d’un hédonisme grandissant, qui n’est pas propre à la Suisse, mais qui peut avoir des effets négatifs plus lourds chez nous, vu notre dépendance à l’égard du monde extérieur. Les conceptions en cours dans le monde de la formation reflètent en réalité la même polarisation qui obstrue les canaux de la gestion politique du pays.

(…) La Suisse n’aime pas la théorie mais elle devrait apprendre à «intellectualiser» son pragmatisme pour lui rendre son efficacité, alors que la société va, malgré (ou à cause de) l’érosion du politique, s’«idéologiser» de plus en plus. L’une des raisons de cette «ré-idéologisation» (qu’on ne veut pas voir car on est convaincu que les idéologies sont mortes depuis belle lurette…) perce de la signification de plus en plus «désordonnée» de maints concepts qui demeurent centraux dans notre vie politique (mais aussi psychologique !), comme la liberté et l’égalité.»

Olivier Meuwly, historien


84. Jeu de rôle national

«Inventons un gigantesque jeu de rôle amenant tous les Suisses à vivre pendant une année la vie d’un requérant d’asile, d’un jeune chômeur européen ou d’un paysan appenzellois.»

Philippe Duvanel, directeur artistique de BD-FIL


85. Organisons des «Startup Weekends»

«Les générations montantes sont excellentes. Il faudrait toutefois mieux les impliquer, peut-être à travers une grande conférence, une sorte de «Startup Weekend» pour définir la Suisse de demain.»

Pascal Marmier, CEO de Swissnex China


86. La Suisse doit s’adapter aux lois des autres

«La principale question est: comment la Suisse va-t-elle finir par s’adapter à la montée en puissance des lois des autres? En effet, la globalisation, c’est avant tout le fait de partager nos règles, nos lois, nos conventions et la gouvernance avec les autres. Qu’elles soient soft ou hard, les lois globales s’imposent en économie, en social comme en politique. On peut interpréter tous nos malheurs actuels en politique internationale (Europe, banque, etc.) à travers cette difficulté très helvétique à s’adapter à cette nouvelle réalité qui met fin à une forme trop primitive de la souveraineté devenue bien désuète face aux enjeux mondiaux.»

Xavier Comtesse, directeur romand d’Avenir suisse


87. Une nouvelle expo nationale

«A la suite de ce vote de repli, il apparaît qu’il faut plus que jamais favoriser les collaborations entre les quatre régions linguistiques du pays. Et à défaut de pouvoir dans l’immédiat stimuler la circulation européenne, tout mettre en œuvre pour favoriser une circulation nationale des idées, des moyens et des personnes.

Et pourquoi pas, au fond, se remettre autour de la table rapidement pour construire ensemble une nouvelle exposition nationale, encore plus innovante, encore plus fidèle à notre identité et encore plus ouverte sur le monde et l’avenir? Prendre ensemble le risque d’un vaste projet courageux et ambitieux pour susciter le débat et faire circuler les idées dans le pays. Mais cette fois, contrairement à l’Expo.02, il faudrait que le pays tout entier s’approprie ce laboratoire géant et contribue au succès d’un tel chantier monumental.»

Stefano Stoll, délégué à la culture de la Ville de Vevey


88. Elisons un vrai gouvernement

«Il faut mettre en place un véritable gouvernement fédéral en élisant au scrutin direct un président de la Confédération pour une législature. Il recrute une équipe cohérente, représentant les sensibilités politiques et les intérêts cantonaux. Il publie un programme de législature et obtient la confiance d’une majorité du Parlement en fonction de son équipe et de son programme.»

Jacques Neirynck, conseiller national (PDC/VD)


89. Un sondage national pour la jeunesse

«Il est toujours difficile de «prendre le pouls» de la jeunesse. J’ai proposé au conseiller fédéral Alain Berset, par le biais de la Commission fédérale pour l’enfance et la jeunesse, de lancer prochainement un sondage d’envergure nationale qui permettra de combler de manière périodique cette lacune. J’espère que ce projet pourra se réaliser.»

Pierre Maudet, conseiller d’Etat (PLR/GE)


90. La Suisse n’est pas isolée

«Actuellement, le pays a de sérieuses difficultés avec l’Occident, l’Union européenne et les Etats-Unis, mais il n’est pas isolé. Un pays vraiment isolé ne serait pas le premier à signer un accord de libre-échange avec la Chine.

Ce qui est le plus inquiétant, c’est que la politique européenne du Conseil fédéral n’a pas de soutien solide, ni au sein de l’Union européenne, ni au sein de l’opinion publique suisse.»

Olivier Feller, conseiller national (PLR/VD)


91. Cesser de vendre du rêve au peuple 

«Doit-on continuer d’interdire au Conseil fédéral de développer durablement les relations extérieures de la Suisse en lui infligeant un changement à sa présidence chaque année, en sachant pertinemment que chacun de ses membres n’a pas nécessairement l’envergure de la fonction présidentielle?

Est-il bien raisonnable que notre gouvernement reste composé de sept membres seulement, alors que les dossiers qu’il doit traiter sont de plus en plus nombreux, volumineux et complexes?

Le fédéralisme et la démocratie directe font partie de l’identité institutionnelle de la Suisse moderne. Devons-nous pour autant les élever au rang de dogmes et nous interdire d’en remettre certains aspects en question?

Ne serait-il pas temps de faire tomber la sacro-sainte autonomie cantonale dans le domaine de l’instruction publique, en procédant à une vraie harmonisation des systèmes scolaires, laquelle contraindrait les cantons notamment à enseigner une deuxième langue nationale avant l’anglais afin de préserver la cohésion nationale?

Le nombre de signatures nécessaires pour lancer une initiative populaire ou une demande de référendum ne devrait-il pas être réévalué à la hausse de manière à tenir compte de l’évolution du nombre de citoyens? Un système fondé sur un pourcentage du corps électoral ne serait-il pas plus équitable?

N’est-ce pas vendre du rêve au peuple que de lui permettre de se prononcer sur des initiatives populaires inapplicables alors qu’elles sont clairement contraires aux conventions internationales en matière de droits de l’homme qui lient la Suisse?

Le moment ne serait-il pas venu de mettre une bonne fois pour toutes sur la table la question de nos relations avec l’Union européenne en abordant le sujet de manière constructive et sans aucun tabou, en pesant tous les avantages et tous les inconvénients de chaque scénario (adhésion, poursuite de la voie bilatérale, Alleingang ou autres scénarios)?»

Murat Julian Alder, député (PLR) au Grand Conseil genevois


92. Des espaces de métissage

«Quelles que soient ses particularités, la Suisse participe, au cœur du monde occidental, de toutes les mutations fondamentales en cours: une économie accroissant toujours plus les inégalités, une solidarité avec les faibles de plus en plus réduite à des structures bureaucratiques, une inquiétante dictature de la transparence numérique… Face à ce qui pourrait apparaître comme une catastrophe annoncée, se rappeler que l’inévitable n’est pas toujours certain! Pour l’éviter justement, pour dépasser la pensée identitaire, dangereuse dans sa toute-puissance, et la pensée de la différence, créatrice de territoires clos, multiplier les espaces de métissage et de transversalité, mêlant art et sciences, culture et écologie, histoire et mathématiques… Au-delà du faire, l’enjeu n’est autre que l’ultime prise de conscience à retrouver, celle de la matrice commune à l’humanité: chaque être est «présence».

Isabelle Graesslé, directrice du Musée de la Réforme


93. Faisons rêver la jeunesse

«La Suisse a besoin de visionnaires. Fini les anciennes recettes revisitées, servies ici et là pour que cela fasse joli et nouveau. Comme la question du nucléaire qui est honteusement revenue sur la table.

La Suisse doit se réinventer, comprendre qu’une grande partie de son mode de fonctionnement actuel doit être repensé parce que demain n’est qu’à un coucher de soleil d’aujourd’hui. Il est temps de regarder le monde autour de nous. D’utiliser notre force, nos écoles techniques, notre savoir-faire, mais aussi et surtout d’aider notre jeunesse, de la faire rêver pour lui donner envie de s’impliquer dans l’incroyable course contre la montre qui a déjà commencé.»

Sarah Marquis, aventurière


94. Des antennes «Swissnex politiques»

La Suisse doit massivement développer sa capacité à 1. se connecter et 2. influer les bonnes personnes à l’international. Cela passe par un renforcement de la diplomatie non-officielle, dite de second track. Celle-ci se comprend en renfort et en complément de la diplomatie officielle.  

Le réseau «Swissnex» a ouvert la voie pour la politique suisse de l’innovation et de la science. A sa manière, ProHelvetia assure la promotion des artistes suisses à l’étranger (Paris, New York...). Il s’agit de développer ces deux modèles pour mettre sur pied un modèle plus politique, capable de faire circuler du contenu tout en assurant que la Suisse et ses représentants aient un accès privilégié aux décideurs étrangers. C’est l’idée d’un réseau de «Swissnex politiques», version helvétique des réseaux d’influence que sont l’alliance française ou l’institut Goethe. Ce Swissnex politique pourrait prendre la forme d’un lieu de rencontre, de sensibilisation et de mise à disposition de nos expériences-expertises helvétiques (en matière de démocratie directe, cohabitation des minorités, fédéralisme, innovation, etc. – les différents éléments du «modèle suisse»). La Suisse en profiterait pour se présenter comme étant «au service» de ses partenaires, soucieuse de les aider.

Johan Rochel, vice-présidentdu think tank foraus - Forum de politique étrangère


95. Des écoles de cinéma bilingues

«La culture «suisse» pourra porter ce nom le jour où les compétences linguistiques de tous et de toutes seront telles que les œuvres élaborées à Zurich ou à Stans aussi bien qu’à Coire, à Genève ou à La Chaux-de-Fonds pourront circuler sans entraves dans ce pays. Il faudrait arriver à ce point où tout pourrait être compris, et savouré. La création d’une école fédérale de cinéma bilingue, voire deux (une italo-française en sus), des écoles de théâtre bâties sur un même concept (dans une application raisonnée du bilinguisme), un bilinguisme plus affirmé dans les écoles supérieures permettraient d’achever ce que l’école obligatoire aurait établi dès le plus jeune âge. Lorsqu’on voit comment les moins de 40 ans ont assimilé l’anglais dans les pays d’Europe de l’Est, on reste atterré par la faiblesse des compétences linguistiques acquises dans les écoles de ce pays.»

Antoine Jaccoud, scénariste, écrivain


96. «Très prochainement, l’arrivée en force de l’imprimante 3D dans notre quotidien pourrait représenter une véritable révolution industrielle. Et si la Suisse en prenait le leadership? »

Enza testa haegi, éditrice du magazine «L’Extension» et présidente du Cercle des dirigeants d’entreprises


97. Indépendance et adaptation

«Je suis optimiste pour la Suisse. Elle a toujours cultivé, en même temps, le sens de l’indépendance et celui de l’adaptation. Paul Morand la compare à un nœud de bois, très dur, qui résiste à la scie du charpentier. C’est son côté fermé. Mais il y a son autre atavisme: ouvert, pragmatique et commerçant. Comment se fera cet équilibre dans la relation avec l’Europe? Nul ne peut le prévoir. Personne, ou presque, n’a vu venir les bouleversements de 1789, de 1848 ou de 1989.»

Darius Rochebin, journaliste


98. Une terre d’asile

«J’ai peut-être de la Suisse une vision d’immigrée. Mais, pour moi, l’avenir de la Suisse, inspiré des leçons du passé, c’est qu’elle reste cette terre d’asile pour d’innombrables persécutés, qui le lui ont bien rendu en mettant à son service des dons techniques, médicaux, littéraires. Et le meilleur moyen de préserver nos acquis est de faire en sorte que la Suisse n’ait pas peur d’encourager ses enfants, d’où qu’ils soient venus, à penser et à cultiver notre plus précieuse matière première: l’intelligence.»

Anne Cuneo, écrivain


99. Nous avons perdu notre coussin conjoncturel

«L’immigration a été un facteur de soutien essentiel à l’économie suisse lors de la crise de 2008-2009, lorsque certaines branches de l’industrie d’exportation ont vu leurs volumes d’affaires s’effondrer. Nous n’aurons plus ce coussin (reposant sur le dynamisme de l’économie intérieure) pour amortir les chocs. Cela dit, tout dépendra au final des gains de productivité qui pourront être réalisés. Une forte amélioration sur ce front pourrait compenser, au niveau global, la perte (ou une partie de la perte) de création de richesse qu’entraînera le tassement de l’immigration.»

Claudine Amstein, Directrice de la CVCI


100. La prospérité n’est pas innée

«Nous ne nous rendons pas suffisamment – viscéralement – compte que notre prospérité n’est pas innée, que nous sommes en compétition avec d’autres nations très ambitieuses et travailleuses et que nous pourrions tout perdre très rapidement. Il y a tellement d’exemples, dans l’histoire, de civilisations qui ont décliné rapidement.»

Philippe Monnier, directeur exécutif de Greater Geneva Berne Area


101. Tournant énergétique à reconsidérer

«Il faut reconsidérer la politique énergétique actuelle. La décision de sortir, en Allemagne et en Suisse, du nucléaire tourne au cauchemar. Jamais autant de centrales nucléaires traditionnelles n’ont été mises en chantier dans le monde. 

Ce développement intervient dans les pays les moins sûrs du point de vue de la sécurité. En même temps, une partie de l’Europe démobilise ses compétences dans cette technologie au moment où il faudrait démanteler les centrales existantes. Un espoir cependant: la recherche sur les centrales au thorium, le nucléaire vert, progresse en Chine et en Inde, la Suisse traînant les pieds dans ce domaine. L’Allemagne augmente sa charge polluante et déstabilise le marché des énergies, renouvelables ou non. La première énergie renouvelable suisse, l’hydraulique, est mise en danger. Et le tout est financé par des hausses de prélèvements sur le prix de l’énergie. Ajoutez à cela que la transition énergétique prévoit un recours accru au gaz naturel accroissant le risque géopolitique de dépendance de la Russie.»

Pascal Couchepin, ancien président de la Confédération

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Deux regards sur la Birmanie

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Jeudi, 15 Mai, 2014 - 05:51

Reportage. La Birmanie se montre toujours plus ouverte, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Se pose cependant une question: le président Thein Sein est-il vraiment un réformiste?

Texte Aung Zaw
Photos Zalmaï

Quand l’avion a abordé sa descente sur Rangoon, j’ai remarqué que mon cœur battait différemment. J’étais à la fois calme et excité, puisque je rentrais en Birmanie pour la première fois depuis vingt-quatre ans.

A l’aéroport, un jeune douanier a souri quand j’ai tendu mon passeport. Il était assez bavard, me questionnant sur The Irrawaddy, le magazine que j’ai fondé en exil, demandant comment nous récoltions des informations venues de Birmanie. Avec un sourire rouge trahissant son addiction au bétel, il disait visiter notre site internet aussi souvent que possible. Dans la file derrière moi, les gens s’impatientaient.

C’était en 2012, quand les dirigeants birmans décidèrent d’ouvrir le pays et invitèrent les exilés à rentrer. Comme bon nombre de ces derniers, dont les noms figuraient sur la liste noire du régime, je rentrai chez moi pour la première fois depuis deux décennies, avec un visa de journaliste de cinq jours délivré par le Ministère de l’information.

En regardant cette ville où j’avais passé les vingt premières années de ma vie, je fus frappé de voir combien elle avait changé depuis 1988. A l’époque, Rangoon était en plein soulèvement, il y avait des soldats partout, des coups de feu, du sang ruisselant dans les rues. La peur et l’anarchie s’étaient emparées de l’ancienne capitale. Alors, avec bon nombre de mes collègues, il avait fallu quitter la ville.

Même durant mes années d’exil, je n’ai en réalité jamais vraiment quitté la Birmanie. Nuit et jour je l’avais dans la tête. Je suivais de près les événements depuis la Thaïlande, j’écrivais des papiers sur les développements de la situation, d’abord pour des journaux thaïlandais et internationaux, puis pour The Irrawaddy, magazine fondé en 1993. Je me rendais régulièrement à la frontière entre les deux pays, parfois je me glissais en territoire rebelle pour avoir une perspective différente de ma patrie. J’ai beaucoup appris sur le conflit ethnique qui continue d’accabler la Birmanie.

En tout cas, mon rêve était d’y revenir un jour sans peur: comme beaucoup de mes concitoyens, je voulais voir mon pays délivré de la dictature militaire, jouir de la paix et de la liberté. C’est pourquoi, dans mes rêves, je retournais sans cesse dans ma famille et ma maison de Rangoon. Mais ces rêves viraient systématiquement au cauchemar quand je me retrouvais cerné par la police secrète et les indics.

Ma grand-mère octogénaire, qui vit avec moi en Thaïlande, était affolée quand j’ai obtenu le visa pour rentrer en Birmanie. Elle me suggérait de chanter des sutras bouddhiques pour éloigner toute éventuelle infortune. Comme la plupart des Birmans, elle se méfie profondément des autorités. Même deux ans après ma première visite – et j’en ai fait plusieurs depuis –, je pense qu’elle a raison: la Birmanie n’est toujours pas libérée et nous allons vers des temps très difficiles. Peut-être qu’en chantant des sutras bouddhiques, j’éviterai d’insidieuses menaces.
En 2011 et 2012, le gouvernement réformiste de l’ancien général Thein Sein a progressivement ouvert le pays, libéré des centaines de prisonniers politiques, engagé des négociations pour légaliser les syndicats et lever la censure. Il a tendu la main aux groupes ethniques insurgés qui exigeaient leur autonomie, la liberté et l’égalité.

Aung San Suu Kyi : le piège se referme

En août 2011, Thein Sein a aussi invité dans la capitale Aung San Suu Kyi, lauréate du prix Nobel de la paix, qui a passé quinze des vingt-deux dernières années aux arrêts domiciliaires. Elle se montra très prudente durant cette première rencontre avec le président. Normal, pendant des décennies elle avait vu la clique au pouvoir violer ses promesses. Mais, à sa grande surprise, le président l’accueillit avec chaleur, prodiguant des hommages à son père Aung San, un héros de la lutte anticoloniale des années 40. Il insista pour que tous deux posent pour la photo devant un portrait de son père. La presse du monde entier accueillit ce premier dialogue avec circonspection.

Les semaines suivantes, Aung San Suu Kyi informa ses collègues de l’opposition qu’il était temps de prendre au sérieux les promesses de réformes du président. Elle obtint l’enregistrement officiel de son parti, la NLD (Ligue nationale pour la démocratie), et annonça qu’elle entendait le voir prendre part aux élections parlementaires partielles du 1er avril 2012. La NLD remporta 43 des 44 sièges en lice, un raz-de-marée électoral et le signe que ce parti peut obtenir une victoire retentissante aux élections générales de 2015 si elles sont libres et justes.

Depuis lors, les gouvernements occidentaux ont levé ou allégé leurs sanctions à l’encontre de la Birmanie. Barack Obama fut le premier président en exercice à se rendre dans le pays, en 2013, et fit l’éloge des réformes. A coup sûr, son intention était de détacher la Birmanie de l’orbite chinoise. Toujours est-il que le geste précipité des Américains a ouvert les vannes: depuis, beaucoup de chefs de gouvernements occidentaux sont venus en visite officielle dans ce pays naguère paria, renforçant ainsi la légitimité du gouvernement.

Mais la question demeure: qui est Thein Sein? Est-il vraiment un réformiste? Vu la culture du secret qui imprègne le régime militaire birman, il est très difficile d’estimer dans quelle mesure il permettra à l’ouverture actuelle de se poursuivre. Mais la biographie de Thein Sein présente quelques indices. Fils de paysans du delta de l’Irrawaddy, il est diplômé de l’Académie militaire en 1968. En 1991, il devient ministre de la Défense, ce qui le met au contact de l’élite militaire du pays, dont le dictateur Than Shwe, au pouvoir jusqu’en 2011.

Peu à peu, Thein Sein émerge comme la face présentable du régime birman dans les rencontres internationales. En 2009, à l’Assemblée générale de l’ONU où il défend la politique de la junte, les diplomates le qualifient de calme mais persuasif. En 2010, Thein Sein retire l’uniforme pour prendre la tête du parti au pouvoir, qu’il mène à la victoire au terme d’élections qualifiées d’imposture par la plupart des observateurs internationaux. Il s’affiche alors comme le premier chef d’un gouvernement ostensiblement civil en Birmanie depuis quarante-neuf ans et annonce vouloir préparer la Birmanie à la transition vers la démocratie.

Toutefois, pour beaucoup de détracteurs du régime que j’ai rencontrés en Birmanie, le gouvernement Thein Sein est le rejeton du régime répressif précédent. Certains de ses anciens maîtres sont toujours au pouvoir, ils ont simplement changé de costume.

Aung San Suu Kyi siège désormais au Parlement, mais des voix critiques disent qu’elle s’est intégrée au système, qu’elle serait bien plus efficace si elle conduisait sa politique au-dehors. Il faut dire que le temps de la lune de miel avec le régime est passé. La lauréate du prix Nobel a annoncé que son parti prendrait part aux élections de 2015, elle met en doute les réformes et demande au gouvernement d’amender la Constitution. Car ce texte comporte un article 59F rédigé uniquement pour elle: il énonce que le conjoint et la progéniture d’un candidat à la présidence ne doivent pas avoir d’allégeance à un pouvoir étranger (son défunt mari, Michael Aris, père de ses deux fils, était Anglais, ndlr). Comprenant qu’il n’est pas possible de modifier la Constitution, Aung San Suu Kyi revient devant le peuple et organise des manifestations. Elle est tombée dans un piège.

Clairement, les réformes en Birmanie sont au point mort. Les militaires sont toujours là et bien des Birmans me disent que le gouvernement Thein Sein a désormais montré son vrai visage. Tous ces Birmans qui chantent des sutras bouddhiques ne suffiront pas. La Birmanie n’est toujours pas libre.

Traduction et adaptation Gian Pozzy


Le photographe
Zalmaï

Né à Kaboul, Zalmaï quitte l’Afghanistan en 1980 après l’invasion russe. Il rejoint alors Lausanne, où il étudie la photographie pour ensuite pratiquer en free-lance autant en Europe qu’aux Etats-Unis et en Asie. Son travail est régulièrement primé sur le plan international.


L’auteur
Aung Zaw

Aung Zaw est un journaliste birman. Il est le fondateur et l’éditeur du magazine The Irrawaddy (lancé en 1993), basé en Thaïlande et actif en Birmanie depuis la réouverture du pays.

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Une Suisse fière qui ne croit pas à un clash avec l’UE

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Jeudi, 15 Mai, 2014 - 05:52

Analyse. Démographie, prospérité et gouvernance, l’enquête Sophia 2014, publiée à l’occasion du Forum des 100, scanne un pays qui ne redoute guère les conséquences du vote du 9 février.

Ne demandez pas aux Suisses s’ils vont bien, ils bombent tellement le torse qu’ils risquent de paraître arrogants. Ils sont très fiers de leurs performances économiques, basées sur un système de formation qu’ils encensent (voir en page 57). Paix du travail, présence des multinationales, sagesse des dirigeants, la fresque est si idyllique que l’on pourrait se mettre à douter que ces formidables conditions-cadres ont été remises en cause par le vote du 9 février dernier contre l’immigration de masse.

En fait, c’est exactement cela qu’ils expriment, population et leaders confondus, dans l’enquête Sophia réalisée par l’institut M.I.S Trend pour le Forum des 100: ils ne croient pas vraiment que ce vote historique aura des conséquences ou pourrait à terme remettre en cause la prospérité économique dont ils jouissent. Certes, 52% des leaders se disent inquiets quand on leur pose précisément la question, mais quand on leur demande si la bonne santé de la Suisse va perdurer dans les dix prochaines années, la confiance sereine s’affirme à 65%, dans une harmonie totale avec la population.

Confiance ou arrogance? Les Suisses s’assument: mesurée régulièrement par Sophia depuis 1999, l’envie de changements à apporter dans le système politique régresse, les réformes, comme un Conseil fédéral à neuf membres ou une présidence de la Confédération pour quatre ans, n’emballent guère, même si les leaders corsèteraient bien la démocratie directe. La solidité du lien confédéral, mise à mal par un vote qui a coupé le pays en deux, ne préoccupe pas non plus (voir en page 59). Une affaire d’expérience, sans doute. Les Suisses se savent résilients.

S’ils sont si sûrs d’eux, c’est peut-être parce qu’ils se comparent aux autres pays, e t ont le sentiment de faire tout mieux.

«Même pas mal, même pas peur», leurs réponses prises collectivement frisent une heureuse insolence. Alors tout va-t-il pour le mieux dans la meilleure des Suisse? L’angoisse pointe quand on soulève les perspectives démographiques, une planète à 10 milliards d’habitants, une Confédération à 9 millions: voilà qui mine un moral apparemment au beau fixe.

Thèses d’Ecopop validées

Il faudra changer nos modes de vie pour les rendre plus écologiques: la proposition enchante la population comme les élites (voir en page 56). Cette prise de position raisonnable, corrélée avec les inquiétudes sur la surpopulation, pointe une des révélations de cette enquête d’opinion: les thèses de l’initiative Ecopop, le texte qui veut limiter à 0,2% par an la croissance de la population suisse due aux migrations, sont largement validées par deux tiers des Suisses. Allez encore vous étonner après cela que le texte de l’UDC demandant un frein à l’immigration via des quotas ait été accepté, si l’on suit les résultats du sondage. Le miracle désormais serait que l’initiative d’Ecopop soit refusée, le vote du 9 février ayant servi d’exutoire.

L’hypothèse n’est pas qu’une manière de prendre ses désirs pour des réalités. Le vote des Romands contre le texte de l’UDC indique que des considérations supérieures peuvent retourner une envie tripale.

Comme observé lors des débats, l’envie de voter oui était là, mais la volonté de maintenir des conditions-cadres favorables, plaidée avec insistance par les milieux économiques et les élus cantonaux, a fini par s’imposer. Les Romands ont voté avec leur tête, habités par le souvenir des années 90, marquées par un taux de chômage élevé et la stagnation économique.

Le désir de prospérité plus fort que la crainte de la surpopulation? On a confirmation de cette tendance au détour d’une question sur la Chine: le poids économique de la république rouge effraie pas loin d’un sondé sur deux, alors que les perspectives économiques ouvertes par l’accord de libre-échange font saliver une majorité de la population et 79% des leaders, qui balaient les considérations éthiques.

Les questions relatives à la voie bilatérale attestent de l’attachement à des conditions-cadres favorables à la croissance: «On peut voter demain», s’exclame Marie-Hélène Miauton, présidente de M.I.S Trend. Trois quarts des Suisses et des leaders veulent le maintien de la voie bilatérale.

Didier Burkhalter peut-il donc tranquillement préparer une votation pour 2016? Que nenni. Le rejet de l’UE n’a jamais été aussi élevé. Elle ne fait pas envie, ses performances sont jugées piteuses. Mais que se passera-t-il si la voie bilatérale n’est plus praticable?

Les Suisses ne croient pas que l’UE osera leur claquer la porte au nez. Si d’aventure c’était le cas, il faudrait d’autres Sophia pour comprendre si leur méfiance à l’égard de l’UE était conjoncturelle ou structurelle, et si les adeptes de la voie bilatérale préféreront basculer vers l’adhésion ou l’Alleingang. En Suisse romande, un tiers des leaders avouent encore leur préférence pour la première option.

 

 

 

 

 

 

chantal.tauxe@hebdo.ch
Twitter: @ChantalTauxe
Facebook: chantal.tauxe
Blog: «Pouvoir et pouvoirs», sur www.hebdo.ch


 

Fiche technique

L’étude Sophia 2014, organisée et menée par M.I.S Trend, institut de recherches économiques et sociales (Lausanne et Berne), s’adresse chaque année à deux cibles distinctes. D’une part le grand public à raison de 525 Romands, 520 Alémaniques et 208 Tessinois représentatifs de la population âgée de 18 ans et plus. Cette disproportionnalité permet de minimiser la marge d’erreur sur chaque région (+/-4,5% pour la Romandie et la Suisse alémanique et +/-7% pour le Tessin). Une pondération mathématique permet de retrouver ensuite le poids démographique réel des trois régions dans les résultats totaux (marge d’erreur +/-2,8%). Ces 1253 personnes ont été interrogées au moyen d’un questionnaire autoadministré en ligne du 18 au 28 mars.

Sophia consulte en outre environ 350 leaders d’opinion qui développent leur activité en Suisse. Ils sont détectés en raison de leur réflexion sur le présent et l’avenir de la Suisse, des messages qu’ils diffusent et de la place qu’ils prennent dans la vie publique suisse. Par souci de représentativité, ils appartiennent au monde de l’économie, de l’administration, de la science et de l’éducation, de la culture et de la politique. Ils sont Latins ou Alémaniques, un tiers a un rayon d’action international et exerce un mandat politique au niveau communal, cantonal ou fédéral. Ils ont été consultés durant le mois de mars à l’aide d’un questionnaire autoadministré postal. La marge d’erreur maximale sur cet échantillon est de +/- 5,3%.


Sur www.hebdo.ch

L’intégralité des Résultats de l’étude Sophia 2014 «Démographie, prospérité et gouvernance», avec les commentaires de marie-Hélène Miauton et Mathias Humery, peut être téléchargée sur www.hebdo.ch ou sur www.mistrend.ch/fr/pub_artrec.php.

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Juliette Buffat et les mots de l’amour

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Jeudi, 15 Mai, 2014 - 05:53

Décryptage. Avec «Le sexe et vous», la psychiatre et sexologue poursuit avec talent le jeu des questions-réponses entamé dans son cabinet et dans les médias.

Elle n’a pas la sexualité triste. Depuis le début des années 2000, Juliette Buffat, à travers différents journaux (dont le magazine Femina), parle ainsi de la sexualité aux Romands: par le dialogue, l’humour, l’envie de dédramatiser autant que faire se peut les problématiques. «Quand le sexe va, tout va», serait-on tenté de sourire à la lecture de son récent ouvrage. Elle est devenue un genre moderne et heureux de Dr Ruth romande, portée par son goût de la liberté en matière de sexualité. L’amour physique, contrairement à ce que dit la chanson, n’est pas toujours sans issue. Avec elle, tour des mots qui font l’actualité et les problèmes du sexe romand, en 2014.

christophe.passer@hebdo.ch


Fellation

«Il y a vingt ans, des praticiens conseillaient encore aux femmes qui ne voulaient pas pratiquer la fellation d’envoyer leur mari chez une prostituée. Aujourd’hui, je vois des femmes qui font une gâterie à leur homme quand il sort sans elle, histoire qu’il n’aille pas voir ailleurs. Beaucoup de femmes ont encore de la gêne. Elles ont des difficultés à érotiser le sexe masculin et n’y parviennent qu’après avoir découvert le plaisir vaginal: le sexe de l’homme devient alors objet de plaisir plus que d’intrusion.»


Sexualité des aînés

«Elle est sortie du tabou. On dit que les femmes sont plus libres à 40 ans qu’à 20. Elles continuent à se libérer à 60, voire même 80 ans.»


Pruderie

«Il y a aujourd’hui un net retour à une gêne, et une autocensure à sa sexualité. Une sorte d’hygiénisme vécu comme indice de fidélité. Certaines femmes disent pouvoir s’en passer complètement. Il semble que les facteurs culturels, religieux et éducatifs jouent un rôle important.»


Pornographie

«Je ne suis pas pour l’interdire. C’est aux parents d’avoir un discours clair avec leurs adolescents: la pornographie est un monde virtuel sans amour ni sentiment. Ensuite, les problèmes sont différents. Les hommes se comparent aux acteurs, ce qui génère bien des complexes. Les femmes, souvent très ignorantes, se plaignent des demandes excessives des hommes inspirées par ces images: fellation, sodomie. C’est encore plus flagrant pour les jeunes filles fréquentant des garçons qui banalisent ces pratiques.»


Echangisme

«La plupart du temps, c’est Monsieur qui souhaite y entraîner Madame. Des échangistes fréquentent souvent mes Cafés sexologiques. Manifestement, ces pratiques sont pour eux une source d’épanouissement et d’ouverture.»


Viagra

«Une sexualité satisfaisante est bonne pour la santé générale et le Viagra peut y contribuer. Certains sexologues conseillent aux hommes de ne pas dire à leur femme qu’ils en prennent. Je pense l’inverse: en parler à la femme est bien plus efficace. Cela permet de leur expliquer que ce n’est pas le Viagra qui provoque leur érection. C’est bien elle qui est désirée. Le Viagra ne fait que maintenir l’érection.»

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Le patron des CFF ne redoute pas une Suisse à 10 millions d’habitants

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Jeudi, 15 Mai, 2014 - 05:54

Portrait. Qui est vraiment Andreas Meyer? L’homme qui saura relever le défi de la mobilité ou un simple manager braqué sur les chiffres? Les deux!

La scène s’est produite le 18 septembre dernier, dans un Intercity qui s’arrête en rase campagne entre Berne et Olten. Le retard s’accumule vite: vingt minutes, une demi-heure, trois quarts d’heure. Puis une voix surgit dans les haut-parleurs: «Je suis Andreas Meyer, le CEO des CFF. Je suis bloqué dans le même train que vous et m’excuse des désagréments que cette panne vous occasionne. Mais sachez que les CFF ne commettent chaque jour que 17 erreurs sur 500 millions de mouvements dans les centres de régulation du trafic. Nous arriverons à Olten dans dix minutes. Bonne journée malgré tout.»

L’anecdote résume bien le style du président de la direction générale des CFF. Andreas Meyer est un homme du front: il assume, y compris dans les moments où d’autres préféreraient disparaître six pieds sous terre. A vrai dire, il n’a pas le choix. A l’instar du président de la Confédération, Didier Burkhalter, ou de l’entraîneur de l’équipe suisse de foot, Ottmar Hitzfeld, il est exposé à une critique permanente. Le prix des billets augmente alors que le renchérissement est nul? «Une escroquerie!» gronde le peuple. L’administration des CFF gonfle à Berne alors que les effectifs du personnel au front baissent? «Bonjour le chemin de fer des bureaucrates», ricane le dominical Schweiz am Sonntag. Et lorsque Andreas Meyer gère l’entreprise de manière trop rigoureuse, le magazine Bilanz le traite de «micro­manager».

Le patron du quatrième employeur de Suisse – 31 000 collaborateurs – n’y échappe pas. «Même à l’anniversaire de ma maman, il arrive que tout le monde me parle pendant des heures des CFF. C’est dire à quel point les Suisses s’identifient à leur compagnie de chemins de fer», raconte Andreas Meyer. Ils en sont fiers lorsqu’elle leur offre ponctualité, efficacité et convivialité. Mais ils peuvent aussi la vouer aux gémonies en cas de panne ou d’accident.

Andreas Meyer a beau être à la tête de l’entreprise à la fois la plus populaire et la plus critiquée du pays, il reste peu connu en Suisse romande. Ce Bâlois de 53 ans n’aime pas trop les feux de la rampe: il se fait discret lors des grands débats politiques, cédant volontiers la place au président de son conseil d’administration, Ulrich Gygi. Il n’aime pas trop non plus parler de lui.

Un jour au Guichet

Pas facile dès lors de déceler l’homme sous la carapace du manager, qui ne reçoit pas les journalistes dans son bureau, contrairement à son prédécesseur, Benedikt Weibel, dont le tableau de Ben La solution existe qu’il y avait accroché révélait déjà une partie du personnage. Fils de cheminot, le jeune Andreas a évidemment beaucoup voyagé en train, qui lui a révélé une passion pour l’Italie. Il multiplie les voyages à Venise, Florence et Rome, découvre les cantautori, de Toto Cutugno à Fabrizio De André, puis tombe amoureux de l’opéra. Quel plus grand bonheur y a-t-il que d’assister à un opéra à ciel ouvert à Vérone?

Pourtant, Andreas Meyer ne se destine pas à une carrière dans les chemins de fer. «Une société comme ABB me fascinait bien davantage que des entreprises de services.» Après une formation d’avocat, il entame d’ailleurs sa carrière dans cette multinationale. Puis il part en Allemagne où il travaille dix ans à la Deutsche Bahn, avant de rentrer au bercail en janvier 2007 pour reprendre la direction des CFF.

Un style plus directif

A la tête de l’ancienne régie ferroviaire, une nouvelle ère commence. Tandis que Benedikt Weibel tablait sur son charisme naturel auprès des cheminots, Andreas Meyer imprime un style de conduite plus directif, plus rigoureux aussi sur le plan financier. En moins de deux ans, il remplace presque toute la direction générale. ll tient à vérifier la bienfacture du travail de ses collaborateurs, et si nécessaire n’hésite pas à les bousculer dans leur routine. Il oblige désormais tous ses cadres à passer un jour par an sur le front des opérations. Prêchant l’exemple, il s’est retrouvé au guichet de la gare de Liestal (BL) pour répondre à la clientèle. «J’y ai remarqué que le système informatique de vente était plutôt lent», a-t-il noté tout en remerciant l’assistante qui l’a aidé à répondre aux questions les plus diverses.

Arrivant en tram au travail depuis son domicile de Muri, dans la banlieue bernoise, Andreas Meyer aime imprimer un rythme soutenu à ses journées de quatorze heures parfois. Ses collaborateurs le disent «intelligent, bon analyste, sachant maîtriser les situations de crise». Dans les coulisses de la politique des transports, le courant passe bien avec les politiques. «Andreas Meyer est un chef solide, avec lequel le dialogue est agréable», témoigne la conseillère aux Etats vaudoise Géraldine Savary.

Mais le style directif d’Andreas Meyer ne plaît pas à tout le monde. Avec le syndicat du SEV, «les fronts se sont un peu durcis, mais notre rapport reste très professionnel», relève son président, Giorgio Tuti. Certains de ses collègues sont plus critiques: «C’est un patron assez éloigné de la base, pour lequel les chiffres comptent avant tout. Lorsqu’il va au-devant de ses collaborateurs, on sent souvent l’opération de communication», tranche Olivier Barraud, secrétaire romand du SEV. En dehors du syndicat, quelques cadres ont préféré quitter l’entreprise. «Andreas Meyer a tendance à tout vouloir contrôler, il manque de vision», témoigne l’un d’entre eux.

Pourtant, les faits sont là. Les CFF avaient besoin d’un manager rigoureux. Son CEO a réussi là où plusieurs de ses prédécesseurs s’étaient cassé les dents, soit redresser la division Cargo, qui a retrouvé les chiffres noirs en 2013 après avoir été déficitaire durant près de quarante ans. Il a aussi assaini la caisse de pension, qui présentait un trou effectif de 800 millions de francs à son arrivée: elle affiche aujourd’hui un taux de couverture de plus de 100%.

Les Romands non plus n’ont pas à se plaindre de son bilan. Si Andreas Meyer a certes attiré peu de cadres romands dans les hautes sphères de l’entreprise, en revanche les usagers du rail peuvent se montrer satisfaits. D’énormes progrès ont été accomplis sur le plan des infrastructures. En témoigne la splendide rénovation de la gare de Genève après quatre ans de travaux et 110 millions d’investissements. Qui eût cru en une telle renaissance après le constat qu’avait dressé le conseiller d’Etat Robert Cramer voici dix ans: «Cette gare est une poubelle.» Andreas Meyer a dû se rendre à l’évidence lors d’une première visite en 2007: «J’ai eu honte, effectivement.» Aujourd’hui, cette gare a retrouvé son lustre d’antan, à la fois lumineuse et spacieuse. «Un vrai bijou», se réjouit Andreas Meyer.

Autres points positifs: depuis que les CFF ont augmenté la capacité des trains de 30% en décembre 2012 en Suisse romande, ils ont largement résolu le problème des trains bondés («Un problème largement exagéré et exploité politiquement», selon Andreas Meyer) aux heures de pointe. De plus, avec un taux de 89,6% de trains à l’heure, la ponctualité en Suisse romande est supérieure à la moyenne nationale (87,5%).

Le trésor immobilier

Au-delà des soucis actuels, le patron des CFF doit surtout songer aux défis de l’avenir. Garantir la mobilité dans une Suisse en plein boom démographique, contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique et réaffecter le patrimoine immobilier pour en faire des lieux de vie attrayants.

Dans un pays en partie terrorisé à l’idée de compter 10 millions d’habitants en 2030, Andreas Meyer reste zen. «Naturellement, la croissance de la demande est un défi pour nous, mais cette vision ne me cause pas trop de souci. Nous sommes prêts à répondre à une forte augmentation des passagers. Les nouvelles technologies nous y aideront.» En 2030, grâce au concept de la mobilité intelligente (smart mobility), les usagers du rail connaîtront les trains bondés et ceux qui, partant cinq minutes plus tard, ne le sont pas.

Sur le plan énergétique aussi, les CFF se préparent à concilier augmentation de la mobilité et protection du climat. «En 2025, nous voulons parvenir à couvrir nos besoins en électricité à 100% par des sources d’énergies renouvelables. Pour ce faire, nous comptons économiser 20% de la consommation actuelle, équivalant à celle de 150 000 foyers», souligne Andreas Meyer. Soit à peu près l’équivalent de la ville de Lausanne.

Depuis une dizaine d’années, les CFF sont aussi devenus un acteur du marché immobilier à proximité de leurs gares, où ils possèdent parfois de magnifiques friches à exploiter. Cette division, largement bénéficiaire, est aussi un succès dont Andreas Meyer est fier.

A Zurich, ils sont en passe de réaliser l’Europaallee, une zone mixte résidentielle, commerciale et de formation appelée à devenir un lieu prisé des Zurichois. Un investissement de 1,2 milliard de francs. Mais leur politique très agressive leur a attiré des critiques: les logements en propriété par étages ont été mis aux enchères plutôt que d’être vendus à un prix fixe. «Il est dommage que les CFF cherchent à tirer un profit maximum de leur patrimoine immobilier», déplore la sénatrice socialiste Géraldine Savary. «Bien sûr que nous avons aussi une responsabilité sociale, mais nous devons d’abord assurer la durabilité financière de l’entreprise», répond Andreas Meyer. Les 200 millions de bénéfice annuel sont affectés pour trois quarts aux infrastructures et pour le dernier quart à la caisse de pension.

Avec cette Europaallee, Andreas Meyer promet un quartier vivant à haute qualité de vie. «Vous verrez que cette zone a le potentiel pour devenir plus attrayante que la célèbre Bahnhof-
strasse», prophétise-t-il.

Pannes occasionnelles, accidents tragiques comme celui de Granges-près-Marnand en 2013, billets trop chers… Jamais les CFF n’échapperont à la critique. Cela n’empêche pas la Suisse d’être prise comme exemple à l’étranger. En témoigne un documentaire de la chaîne allemande ARD qui sera diffusé le 27 mai prochain. Son réalisateur Tilman Achtnich a effectué une comparaison des réseaux ferroviaires entre l’Allemagne et la Suisse. «La Suisse constitue l’exemple à suivre, elle est l’antichambre du paradis!»

michel.guillaume@hebdo.ch
Blog: «Pas perdus pour tout le monde», sur www.hebdo.ch

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Le luxe est-il soluble dans la masse?

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Jeudi, 15 Mai, 2014 - 05:55

Zoom. La future collection d’Alexander Wang pour H&M suscite l’impatience de ses fans. Ce genre de mariage avantage-t-il les marques haut de gamme?

La rumeur a été confirmée il y a un mois: la prochaine collection capsule de H&M sera signée Alexander Wang. Le 6 novembre prochain, une hystérie collective est donc à prévoir dans les 250 magasins délivrant le saint Graal. Car Alexander est un cool kid. Cool comme la marque portant son nom, mélange de sophistication urbaine et de nonchalance sportive, adulée par les non moins cools Rihanna ou Zoë Kravitz. Cool comme sa dégaine de postado new-yorkais, cheveux mi-longs et pantalon large. Cool comme sa nomination en 2012, à 29 ans, à la direction artistique de la prestigieuse maison Balenciaga.

Après Karl Lagerfeld, Stella McCart-ney ou Lanvin, Wang devient le premier designer américain à s’associer au géant suédois pour une collection masstige, contraction de «mass market» et «prestige». Soit ce mariage entre grande distribution et luxe, qui permet à des milliers de modeuses de s’offrir l’univers d’un grand créateur à bas prix. Problème: ça ne plaît pas toujours aux clientes habituelles des marques invitées. L’an dernier, plusieurs fidèles d’Isabel Marant se sont dites trahies par la collaboration de la reine du chic parisien avec H&M. Car, si le luxe est partout, alors où est le luxe? Et, si une marque perdait sa clientèle de base, sa survie pourrait en être menacée.

En principe, le masstige est une stratégie gagnant-gagnant. Pour les mastodontes comme H&M, il s’agit de faire parler de soi tout en redorant son blason. «La grande distribution veut montrer sa capacité à faire autre chose que des vêtements bon marché», expose Vincent Bastien, ancien directeur général de Louis Vuitton et auteur, avec Jean-Noël Kapferer, de Luxe oblige (Ed. Eyrolles). De leur côté, les marques invitées espèrent conquérir un nouveau public. Autre avantage majeur: la possibilité de tester de nouveaux produits dans un environnement économique peu risqué. Grâce à H&M, le chausseur Jimmy Choo a pu s’essayer aux vêtements et Isabel Marant aux habits pour hommes.

La réalité est plus contrastée. En 2012, 52 des 69 produits dessinés par Marni pour H&M ont été soldés à plus de 50%, à en croire l’entreprise de prédictions de tendances EDITD. En 2011, c’était Versace qui voyait 14 de ses 32 pièces noyées dans les soldes de l’enseigne suédoise. Ce semi-échec est parfois dû à la mauvaise qualité de vêtements vendus plus cher que les produits H&M classiques. Mais sans service clients et avec un site d’e-shopping saturé. De quoi tuer définitivement l’aura de prestige d’une marque de luxe.

Aveu de faiblesse?

Selon Vincent Bastien, les marques qui s’engagent dans une opération de masstige sont déjà sur le déclin ou pas encore viables. «Il s’agit d’un aveu de faiblesse profond. Je ne vois pas une maison dynamique accepter ce genre de collaboration.» Il y a d’ailleurs peu de chances qu’une marque de luxe au sens traditionnel s’engage dans une opération de masstige: exorbitant, le prix des objets de luxe se justifie notamment par un savoir-faire unique, lié à l’histoire ou à un héritage.

La logique est différente pour Isabel Marant ou Alexander Wang, des marques de mode dites premium, sans savoir-faire particulier. Celles-ci peuvent bénéficier au mieux des avantages offerts par les collaborations masstige.

Que va-t-il se passer pour Alexander Wang? En réalité, l’Américain ne prend pas beaucoup de risques, car il ne se positionne pas comme une marque de luxe, ni même premium. En témoigne son site internet qui, contrairement aux grandes maisons, propose presque l’intégralité de ses créations. Un kid vraiment cool, Alexander.

severine.saas@hebdo.ch

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Jacques de Watteville "Nous voulons pouvoir nous battre à armes égales avec nos concurrents, de Luxembourg à Singapour."

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Jeudi, 15 Mai, 2014 - 05:56

Interview. Secret bancaire, fiscalité des entreprises, le secrétaire d’Etat aux questions financières internationales remet la Suisse au centre du jeu. Comme acteur, et non comme accusé.

Chantal Tauxe, Yves Genier et Michel Guillaume

Fini le temps où la Suisse était montrée du doigt. Elle est repassée à l’offensive. C’est d’égal à égal avec les autres pays développés qu’elle a défini les cadres mondiaux en matière de transparence fiscale, en acceptant le principe de l’échange automatique d’informations et en harmonisant l’imposition des multi­nationales. Cela ne s’est pas fait sans sacrifices, à commencer par le bon vieux secret bancaire et les statuts fiscaux spéciaux. Mais elle a éloigné le spectre des listes noires et son cortège de sanctions internationales.

Les défis sont encore nombreux pour assurer à la Suisse un régime débarrassé de toute discrimination financière dans un monde toujours plus interconnecté et régulé. Entretien avec le diplomate responsable de cette mission hautement stratégique, le très expérimenté et étonnamment serein secrétaire d’Etat aux questions financières internationales, Jacques de Watteville.

Vous avez représenté la Suisse en Syrie, à Bruxelles, à Pékin. En quoi votre responsabilité actuelle à la tête du Secrétariat d’Etat aux questions financières internationales diffère-t-elle de ces deux expériences passées?

Les expériences que j’ai faites dans ces postes furent passionnantes, sur les plans tant professionnel que privé. Ici, je suis chargé de dossiers dont certains ont une importance cruciale pour notre pays. De par la nature même de ma fonction, les contacts sont beaucoup plus étroits avec le Conseil fédéral, les parlementaires, les cantons et, plus généralement, avec les acteurs politiques et économiques.

Etre passé par Pékin vous a-t-il permis de porter un regard différent sur la Suisse?

Dans l’Union européenne, l’image de la Suisse est contrastée. D’une part, la Suisse est fréquemment critiquée pour sa façon de choisir ce qui lui convient et pour son prétendu manque de solidarité. Mais, d’autre part, ses réalisations sont très appréciées, par exemple en matière de recherche ou de transports. A Pékin, en revanche, son image est très positive. Les Chinois sont très intéressés par la façon dont notre pays, sans ressources en matières premières, a réussi à devenir l’un des pays les plus riches, classé numéro un mondial en termes de compétitivité et d’innovation. C’est l’un des facteurs qui ont conduit la Chine à conclure avec nous son premier accord de libre-échange, avec l’une des 20 plus importantes économies au monde. Pour notre part, la Chine nous livre une précieuse expérience sur les obstacles que nos banques et nos assurances devront surmonter pour gagner un accès optimal aux marchés des services financiers étrangers.

Avec qui est-ce plus facile de négocier l’accès au marché: la Chine ou l’UE?

Les situations sont très différentes sur les plans tant politique, économique et institutionnel que culturel. Le succès que nous avons eu avec la Chine montre que cela peut être aussi possible avec d’autres pays.

En matière fiscale, avez-vous été surpris, comme beaucoup de responsables, par l’accélération de l’histoire et la conversion de la Suisse à l’échange automatique de renseignements fiscaux, à laquelle elle s’opposait jusqu’alors résolument?

Cela ne s’est pas fait du jour au lendemain. La crise financière de 2008 a eu des répercussions en cascade conduisant à l’aggravation de l’endettement des Etats, à des problèmes budgétaires et à un renforcement de la lutte contre l’évasion fiscale.

Le tournant a eu lieu le 13 mars 2009, sous la pression du G20 et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), lorsque la Suisse a repris la norme OCDE accordant l’assistance administrative en cas d’évasion fiscale. La stratégie de la Confédération en matière de marchés financiers – ce qu’on a appelé la «Weissgeldstrategie» – et la négociation des Accords Rubik ont suivi.

Ensuite, les travaux menant à l’échange automatique de renseignements se sont accélérés sur le plan international. Les ministres des pays de l’OCDE ont adopté une déclaration, le 6 mai dernier, promouvant l’avènement de l’échange automatique. Cette norme doit être finalisée dans les prochaines semaines, avant d’être avalisée par le Conseil de l’OCDE en juillet et, enfin, par les ministres des Finances du G20 en septembre. Puis, lors du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements qui se tiendra fin octobre, les Etats devront faire connaître leurs intentions.

Deux listes distinctes seront dressées à cette occasion, l’une comprenant les pays voulant appliquer la nouvelle norme et une seconde pour les autres. Ces deux listes seront transmises au sommet du G20 en novembre et on peut imaginer que les pays ne seront pas traités de la même façon dans les deux cas.

Sur quelle liste figurera la Suisse?

Le Conseil fédéral se prononcera définitivement sur l’échange automatique de renseignements d’ici à la fin du mois de septembre, dès que les informations requises seront disponibles, et il proposera une stratégie à suivre.

La Suisse a-t-elle naturellement pour objectif de figurer sur la liste des pays adoptant la norme?

C’est dans cette perspective que le Conseil fédéral a décidé, en juin 2013, de collaborer activement à la définition de cette norme, pour autant que cinq critères soient inclus: unicité du standard pour le monde entier, réciprocité des échanges d’informations, respect du principe de spécialité (les renseignements transmis ne sont utilisables que dans le but défini par l’accord, ndlr), respect de la protection des données, identification des véritables bénéficiaires économiques des structures juridiques (dont les trusts, ndlr). Cet objectif est actuellement atteint, ces cinq critères font partie du standard international. Le Conseil fédéral devrait se prononcer définitivement, d’ici à la fin du mois de septembre, sur l’adoption et les modalités de la mise en œuvre de l’échange automatique.

Lorsque le Conseil fédéral se prononcera sur la norme, publiera-t-il aussi un projet de loi d’application?

Le Conseil fédéral se prononcera en premier lieu sur le principe et sur le mandat de négociation. Une loi d’application portant sur les aspects techniques sera nécessaire en droit interne.

Le Parlement va-t-il vraiment suivre? Si oui, quel est le risque du lancement d’un, voire de plusieurs référendums? Ne risquez-vous pas d’être stoppé sur le plan intérieurpar le peuple?

Certes, on ne peut pas préjuger de la décision du Parlement ni de celle du peuple. La problématique est complexe et les enjeux considérables. Cependant, les consultations parlementaires
faites jusqu’à présent montrent une prise de conscience des changements intervenus sur le plan international et des conséquences que peut avoir un refus de se conformer aux règles internationales.

Le sentiment reste largement répandu, dans l’opinion, que le pays a plié l’échine. Allez-vous tenter de convaincre du contraire?

Nous ne plions pas l’échine. Nous avons obtenu que nos critères soient pris en compte. La majorité des banques elles-mêmes ont radicalement changé de position. Fermement opposées à l’échange automatique pendant longtemps, elles le soutiennent aujourd’hui.

Les nouvelles règles du jeu vont surtout placer tous les pays participants sur un pied d’égalité. Notre objectif est de pouvoir nous battre à armes égales avec nos concurrents, de Luxembourg à Singapour. Certaines pratiques opaques actuelles, parfois très différentes d’une juridiction à l’autre, vont ainsi disparaître. Le résultat global sera une coopération plus élevée en matière fiscale, mais qui ne sera pas désavantageuse pour la compétitivité de la Suisse.

Le système se fondera sur la conclusion d’accords bilatéraux. Or, ils ne seront pas tous exactement les mêmes. De plus, un certain nombre d’Etats n’y participeront pas. N’est-on pas en train de créer de nouvelles failles?

La norme sera unique et globale. Les accords se fonderont tous sur le modèle de l’OCDE, même si les emballages bilatéraux pourront varier. Parallèlement à la conduite de ces négociations, nous chercherons à consolider, voire à améliorer l’accès au marché afin de profiter de ce levier. Si nous attendons trop longtemps, nous laisserons passer cette occasion, car nous devrons alors reprendre l’échange automatique sous peine de mesures de rétorsion et sans contrepartie.

Avec quels pays la Suisse va-t-elle négocier en priorité?

Si le Conseil fédéral décide d’adopter l’échange automatique, nos priorités iront vraisemblablement à nos partenaires les plus proches, à savoir les pays membres de l’UE, du G7 et de l’AELE, qui ont un ordre juridique proche du nôtre. Il est essentiel que les pays partenaires respectent l’entier de la future norme, notamment en matière de protection des données, de réciprocité et de respect du principe de spécialité. Parallèlement à la conduite de ces négociations, nous chercherons à consolider, voire à améliorer l’accès au marché en profitant de ce levier. Si nous attendons trop longtemps, nous laisserons passer cette occasion. Mais nous n’allons pas conclure d’accords avec les pays dont la Suisse pense qu’ils ne respecteront pas les critères.

Combien de pays devraient pouvoir conclure un accord avec la Suisse?

Cela dépendra du nombre de pays qui appliqueront pleinement la nouvelle norme. Ce qui compte le plus à nos yeux, c’est que les principales places financières concurrentes soient couvertes par ce réseau d’accords afin que les règles du jeu soient les mêmes pour toutes.

Quelles sont les chances de la Suisse de gagner pour ses banques et assurances l’accès aux marchés des services financiers étrangers en Europe?

Deux moyens sont à notre disposition: des négociations bilatérales, qui nous ont permis par exemple d’aboutir à l’accord avec l’Allemagne entré en vigueur au 1er janvier 2014. L’autre option est la conclusion d’un accord avec l’UE elle-même, ce qui permettrait d’offrir des services financiers sur tout son
territoire depuis la Suisse.

Le sens de l’urgence sur cette question ne s’est-il pas affaibli auprès des banques?

Au contraire. Les travaux du groupe d’experts présidé par le professeur Brunetti montrent que, pour la grande majorité des banques, l’accès au marché est une vraie priorité. Les modalités d’application de la directive communautaire qui doit régler l’accès au marché des services financiers dans l’UE ne sont pas encore entièrement définies. Il reste une incertitude à cet égard. En outre, chaque pays peut dresser de nouveaux obstacles face aux acteurs financiers suisses.

Avec la France, les relations restent très tendues, surtout depuis que le Conseil national a refusé de ratifier la nouvelle convention sur les successions. Y a-t-il un espoir de détente?

Le dialogue fiscal que nous avons instauré en novembre dernier et qui porte sur plusieurs dossiers va beaucoup mieux que ne le pense le public. La visite en mars dernier du ministre de l’Economie et des Finances d’alors, Pierre Moscovici, en témoigne. Nous nous attendons, certes, à ce que la France dénonce la Convention sur les successions d’ici à fin juin. Si elle le fait, il s’ensuivra un vide juridique, mais cela ne devrait pas remettre en cause notre dialogue sur les dossiers en cours.

Devoir tenir compte des envies des cantons vous crée-t-il des difficultés supplémentaires?

Il peut y avoir des difficultés lorsque les cantons ont des intérêts divergents entre eux. Mais, en général, on trouve un terrain d’entente et la Confédération défend fermement leurs intérêts dans les négociations.

Concernant les Etats-Unis, la conclusion de l’accord sur le programme américain, le 29 août dernier, et sa mise en œuvre n’adoucissent-elles pas les Américains?

Cet accord fixe le cadre dans lequel doit se dérouler la coopération. Ce cadre respecte l’ordre juridique des deux parties et les traités conclus. Nous avons fait des démarches auprès des autorités américaines pour que nos banques soient traitées de façon équitable et proportionnée, en n’étant pas sanctionnées plus sévèrement que les banques américaines ou celles d’autres pays. Nous avons obtenu des assurances en ce sens. Nous retenons de nos contacts que le Department of Justice (DoJ), dans ses appréciations, tient compte à la fois de la gravité des infractions éventuellement commises et de la qualité de la coopération entre la banque et les autorités une fois l’enquête ouverte.

Dans quelle fourchette se situera l’amende qu’infligeront les autorités américaines aux banques suisses abritant des fonds non déclarés?

Une centaine de banques se sont déjà annoncées dans le cadre du programme du DoJ et connaissent l’ordre de grandeur des pénalités qui leur seront infligées, car ce programme contient un barème. Quant aux banques non couvertes par le programme (banques de la catégorie 1, dont Credit Suisse, ndlr), des solutions sont négociées entre elles et le DoJ au cas par cas. Force est de constater que le ton général s’est durci aux Etats-Unis ces derniers temps, comme en témoignent les récentes déclarations du ministre de la Justice Eric Holder. Quant à la coopération concernant l’avenir, elle sera réglée par l’accord Fatca (conformité fiscale des dépôts bancaires à l’étranger des contribuables américains, ndlr) conclu entre la Suisse et les Etats-Unis, qui entrera en vigueur le 1er juillet 2014.

La réforme de la fiscalité des entreprises, dite Réforme III, repose notamment sur l’instauration de «licence boxes» destinées à alléger l’imposition des sociétés. Ce système est en principe conforme aux exigences de l’UE, mais va-t-il vraiment être validé par Bruxelles?

Le dialogue avec l’UE sur les régimes fiscaux cantonaux devrait aboutir en principe comme prévu d’ici à la fin de juin. Le débat s’est cependant largement déplacé à l’OCDE, où la pression internationale ne diminue pas. Tous les pays développés sont concernés et pas seulement la Suisse. Nos concurrents dotés de régimes fiscaux agressifs devront aussi s’adapter aux normes communes. Ces développements sont aussi une chance pour la Suisse, qui a une fiscalité raisonnable. En outre, les autres atouts importants de notre pays n’en prendront que plus de relief. Le principal chantier est actuellement le projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting), à l’OCDE (qui vise à éliminer les régimes fiscaux spéciaux appliqués aux entreprises, ndlr). La définition des boxes qui seront admises à l’avenir et de leur contenu économique minimal fait actuellement l’objet de tractations intenses, tant au sein de l’UE qu’à l’OCDE.

L’opinion dominante, en Suisse, affirme que ces projets sont dirigés contre elle. Y a-t-il de la paranoïa dans l’air?

La Suisse n’est pas la cible de ces développements, mais elle est concernée comme de nombreux autres pays. Elle participe à l’effort collectif, car il est dans son intérêt que des normes internationales raisonnables soient adoptées. Cela lui permet aussi d’échapper aux pressions internationales, qui déstabilisent les investisseurs. En outre, elle s’emploie à ce que les autres pays se conforment aussi aux normes pour assurer des conditions de concurrence équitables.

Craignez-vous que d’autres pays ne respectent pas les engagements pris?

La mise en œuvre de nouvelles règles est toujours un défi! Nous devons faire en sorte que leur application se fasse de manière correcte partout. Comme celle de l’identification des ayants droit économiques des trusts dans le cadre de l’application du standard sur l’échange automatique. Des mécanismes sont prévus pour assurer un suivi efficace.

Y a-t-il des chances que l’image de la Suisse en Europe s’améliore en matière fiscale?

Même s’ils sont dépassés, les clichés des films de James Bond ont parfois la vie dure! La Suisse a fait des pas considérables, qui ne sont pas toujours suffisamment pris en compte dans l’opinion publique internationale. Tant que nous n’aurons pas traduit nos intentions dans des actes, notamment en ce qui concerne l’échange automatique et la fiscalité des entreprises, certains à l’étranger nous soupçonneront de mauvaise volonté. Néanmoins, la plupart de nos interlocuteurs étrangers sont conscients de cette évolution et se montrent plus constructifs.

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Ruben Sprich / Reuters
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Le PIB romand reste au beau fixe

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Jeudi, 15 Mai, 2014 - 05:57

Zoom. Meilleure que la Suisse dans son ensemble, bien meilleure que l’UE, la Suisse romande enregistre une croissance apparem-ment inébranlable.

Instrument de mesure de la richesse d’un pays ou d’un territoire, le produit intérieur brut (PIB) est un indicateur imparfait, comme tous les autres d’ailleurs. Il comptabilise des activités qui ne sont pas vraiment un enrichissement, comme les dépenses liées aux accidents de la route et industriels ou aux dommages environnementaux. Et il ne tient pas compte des activités non marchandes comme le bénévolat ou la production domestique. Mais, faute d’avoir trouvé l’indicateur de remplacement idéal, les économistes du monde entier continuent à le considérer comme la seule référence.

De fait, le PIB romand, publié pour la septième année consécutive par les six banques cantonales romandes et le Forum des 100, en collaboration avec l’institut Créa, a au moins le mérite de montrer que la partie occidentale de la Suisse affiche une santé économique éclatante. Une hausse de 1,4% était attendue en 2013 dans les cantons romands. Elle a atteint finalement 2,1%. A court terme, les prévisions sont tout aussi encourageantes. Le PIB romand devrait grimper de 2,6% cette année et de 3% en 2015.

Presque tous les secteurs

Forte d’un PIB nominal de 149,1 milliards de francs en 2013, la Suisse romande continue à se distinguer, en regard de la Suisse alémanique, avec une croissance plus forte. En dix ans, de 2003 à 2013, son poids, en regard de l’économie suisse, est passé de 24 à 24,7%. Hormis l’industrie des machines, dont la valeur ajoutée s’est étiolée, l’industrie alimentaire, les transports et les télécommunications, qui ont stagné, tous les autres secteurs ont bénéficié d’une dynamique solide. Les effets d’une éventuelle mise en œuvre de l’initiative «Contre l’immigration de masse» n’ont pas été pris en considération.

philippe.le.be@hebdo.ch

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SOURCE: RAPPORT SUR LE PIB ROMAND 2014
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Ioulia, l’icône controversée

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Jeudi, 15 Mai, 2014 - 05:58

Portrait. Ioulia Timochenko, 53 ans, divise la nation. Les uns voient en elle une martyre, les autres un des éléments d’un système corrompu. Elle veut être présidente. Itinéraire d’une petite fille pauvre qui voulait devenir oligarque.

Erich Follath et Matthias Schepp

Un rendez-vous avec Ioulia Timochenko est comme une audience au Vatican: on a le sentiment de humer des fumées d’encens, il flotte dans l’air quelque chose de sacré, le politique se mêle à la foi. La papesse reçoit. Malgré une hernie discale récemment opérée, elle porte des stilettos (il lui importe de paraître plus grande qu’en réalité), mais elle a renoncé à sa minijupe et à ses lourds bijoux. Comme il en va de la survie de son pays, elle privilégie la simplicité. Un maquillage léger souligne son visage de madone à peine altéré par la prison. L’ancienne mère de la nation souvent arrogante veut se muer en sauveur de la nation.

Face à un groupe de journalistes triés sur le volet, elle veille à tout instant à ce que la caméra capte son meilleur profil. Quand elle délivre un message essentiel, elle lève l’index vers le haut comme si elle s’attendait à ce que le Ciel l’assiste. Et sa voix si douce se fait parfois métallique: «Nous exigeons que l’Occident nous livre des armes modernes. Il faut remettre l’agresseur russe à sa place!» Et encore: «Nous ne devons pas considérer la Crimée comme perdue, ni brader un seul mètre carré de notre pays!»

Jeanne d’arc ukrainienne

Adulée, haïe, Ioulia Timochenko divise profondément la population. Pour les uns, elle est une Jeanne d’Arc à la mode ukrainienne, une martyre qui a affronté la prison pour le bien de son peuple. Pour les autres, elle est la «princesse du gaz», une oligarque sans scrupules qui a accumulé des milliards quand elle était premier ministre. En 2005, elle qualifiait encore Vladimir Poutine de «dirigeant magnifique». En mars dernier, elle disait: «Je suis prête à prendre une kalachnikov pour tirer une balle dans la tête de ce salaud.» Mais qui est vraiment Ioulia Timochenko? Et quelles sont ses véritables convictions?

Dans les derniers sondages avant la présidentielle du 25 mai, elle arrive nettement derrière Petro Porochenko, 48 ans, le «roi du chocolat» qui a soutenu la révolution de Maïdan avec son émetteur TV. Reste qu’elle joue un rôle crucial dans la politique ukrainienne. Elle n’aime pas Porochenko mais, suivant la configuration, elle travaillera quand même avec lui. Et en dépit du chaos qui règne dans le pays, elle poursuit imperturbablement sa campagne électorale.

Une gamine sauvage

Sa ville natale de Dnipropetrovsk, dans le sud-est, est aussi riche de contradictions que l’ensemble de l’Ukraine : depuis l’aéroport, une route digne du tiers-monde longe des concessions Porsche et Lexus. Au centre-ville, le boulevard Karl-Marx accueille un McDonald’s et un centre commercial baptisé «Europe». C’est ici que la blonde égérie a gagné son premier million, ici qu’elle a acheté une maison à sa mère. Et c’est ici, au coude du Dniepr, que se croisent les fils du destin de l’Ukraine.

En 1775, la Grande Catherine détruisait l’Etat autonome des Cosaques pour en faire sa «Nouvelle Russie». Elle entendait y bâtir une nouvelle capitale pour son empire et confia à son amant, le prince Potemkine, la mission d’y construire une cathédrale plus imposante que Saint-Pierre de Rome. Dnipropetrovsk a souffert plus que toute autre cité des massacres de Staline et des obus hitlériens. Ce qui n’empêcha pas la ville de renaître et d’être un vivier de leaders politiques: Léonide Brejnev y était né, tout comme Léonide Koutchma, devenu président de l’Ukraine indépendante.

Au 50 de la rue Kirov, l’histoire s’est arrêtée. «C’est resté exactement comme quand elle était petite», dit l’ex-voisine Ludmilla Gregorianska. Ioulia, raconte-t-elle, était une «gamine sauvage, toujours en bas dans la cour à jouer au foot et à se bagarrer avec les garçons ». Son père, elle ne l’a presque pas connu: il a quitté la famille quand elle avait 3 ans.

Mais Ioulia se distingue très tôt dans le voisinage: premier prix d’un concours de débat, brillante bachelière, comédienne douée dans une troupe de théâtre, fan de Bach et des Beatles, elle est adorée par ses camarades de classe. Son seul but: sortir de la pauvreté, quitter sa grise banlieue. A 19 ans, elle épouse le fils d’un fonctionnaire du Parti: c’est le premier pas de son ascension sociale, même pas freiné par la naissance un an plus tard de sa fille Evguenia. Elle obtient un diplôme d’honneur en sciences économiques et se met au service d’une entreprise de machines-outils travaillant pour l’armée. Quelques mois plus tard, Mikhaïl Gorbatchev devient premier secrétaire du PCUS: des expériences d’économie de marché sont alors autorisées. A l’aide d’un prêt de 5000 dollars, elle ouvre une vidéothèque où elle loue des films étrangers jusqu’alors interdits. Le rayon érotique marche à fond de train et le tiroir-caisse se remplit.

Obsession du pouvoir

En 1989, Ioulia Timochenko fonde avec son mari une entreprise qui fournit les tuyaux des oléoducs et gazoducs. Rapide et dénuée de scrupules, Ioulia Timochenko a vite compris que rien ne sera plus essentiel à l’avenir que la sécurité énergétique. Et que rien ne sera plus lucratif non plus. Fin 1991, l’implosion de l’URSS et l’indépendance de l’Ukraine donnent le branle à la ruée vers l’or pour les entrepreneurs les plus malins, capables de commercer avec la Russie. Ioulia Timochenko rafle tout ce qu’elle peut, elle est obsédée par le pouvoir et l’argent et ne le niera jamais: « Dans mon enfance, j’ai appris à compter chaque kopeck. Je suis arrivée aux affaires un peu par hasard mais j’étais prédestinée à la politique depuis le début.»

En 1995, elle devient la patronne du groupe Systèmes énergétiques unis d’Ukraine, sa compagnie de distribution d’hydrocarbures, et commerce avec le Russe Rem Viachirev, président du monopole Gazprom, qui dira plus tard sa surprise de voir débarquer dans son bureau une belle jeune femme en minijupe et talons aiguilles. A fin 1997, la fillette pauvre de la banlieue grise de Dnipropetrovsk est à la tête de plusieurs entreprises, de fonderies et de deux banques: elle contrôle un empire qui réalise un huitième du PIB du pays. Mais quand son mentor et associé Pavel Lazarenko perd son poste au Ministère de l’énergie, les affaires se mettent à péricliter. En 1998, elle réussit in extremis à transférer une bonne partie de son immense fortune en Occident.

Les ennemis de Ioulia Timochenko disent qu’elle n’est entrée en politique que pour sécuriser sa fortune. Pour ses amis, au contraire, après ses succès d’entrepreneuse elle a voulu se mettre au service de son pays. Entre-temps, des conseillers en image lui ont forgé le profil de «mère de la nation» qu’elle arbore avec sa tresse blonde postiche – à l’origine elle est brune – et disciplinent une garde-robe griffée trop voyante. De son côté, elle se veut mécène, aide des musiciens, arrose les Eglises et soutient les institutions sociales. Elle qui n’a toujours parlé que russe à la maison se met avec discipline à apprendre l’ukrainien.

Mère de la nation

Son heure sonne en 2004 quand à Kiev, place Maïdan, au côté de Viktor Iouchtchenko, elle prend la tête des manifestations contre Viktor Ianoukovitch. «Ioulia, Ioulia!» Portée par les vivats de la foule, elle devient la fameuse icône de la révolution orange que le monde entier découvre avec ravissement.

Iouchtchenko devient président, Ioulia premier ministre. Mais très vite ils travaillent l’un contre l’autre. Leur détestation réciproque est plus forte que l’horreur de l’adversaire. En 2010, Iouchtchenko perd face à l’autocrate Ianoukovitch. En 2011, Ioulia est condamnée à sept ans de prison pour abus de pouvoir: elle aurait négocié avec la Russie – qui avait fermé le robinet du gaz – un accord défavorable à l’Ukraine. Puis la nouvelle révolution de Maïdan lui vaut la liberté et Ianoukovitch s’enfuit. Quand elle débarque place Maïdan, elle s’attend à une ovation. Erreur: les chromes de sa luxueuse limousine lui valent des huées. «Je regrette, je vous demande votre pardon. Je veux retourner au travail.» Les sifflets se taisent.

Evita, maggie, ioulia

Le président Oleksandr Tourtchynov et le premier ministre Arseni Yatseniouk, tous deux intérimaires et membres de son parti, refusent avec véhémence la proposition de Youri Luzenko de nommer provisoirement à la tête des grandes villes de l’Est de riches entrepreneurs. Mais Ioulia, elle, accepte. Et convainc ses camarades de parti. Ex-oligarque, elle scelle un pacte avec d’autres oligarques. A Dnipropetrovsk, ce sera Ihor Kolomoïski, un ami. Il vient de payer de sa poche 5 millions de dollars pour financer le carburant de l’aviation ukrainienne, à sec. Et offre 10 000 dollars pour chaque «espion russe» capturé. On dit que Rinat Akhmetov, l’homme le plus riche du pays, gouverneur de Donetsk, serait lui aussi prêt à mettre la main au portefeuille pour Ioulia Timochenko.

De leur côté, des proches du Kremlin préparent un film compromettant qui devrait s’appeler La vérité à propos de Ioulia. Il évoquerait le cas de Pavel Lazarenko, son concitoyen et mentor de Dnipropetrovsk, qui finit par prendre la fuite en Suisse et fut ensuite arrêté aux Etats-Unis pour blanchiment d’argent et condamné en 2006 à neuf ans de prison pour fraude, extorsion, corruption active et détournement de fonds.

Ioulia Timochenko reste l’icône de l’Ukraine, à la fois artisane et victime de sa politique corrompue. N’empêche: il y a peu de femmes en politique que tout un pays appelle par leur prénom. Il y eut Evita en Argentine, Maggie en Grande-Bretagne et maintenant, elle, Ioulia.

© Der Spiegel, traduction
et adaptation Gian Pozzy

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Emilio Morenatti / AP Photo
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Paulo Coelho nous balade dans la Genève de son nouvel «Adultère»

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Jeudi, 15 Mai, 2014 - 05:59

Reportage. Le Brésilien Paulo Coelho situe à Genève, où il habite depuis huit ans, l’action de son nouveau roman, «Adultère». Pour «L’Hebdo», l’auteur vivant le plus lu dans le monde s’est exceptionnellement prêté au jeu du reportage sur les lieux du roman.

Textes Isabelle Falconnier
Photos Reto Albertalli

La serveuse du restaurant de l’Hôtel des Armures le reconnaît tout de suite. «Vous avez posé avec moi, la photo est accrochée dans le carnotzet en bas!» Le patron, Michel Paternotte, lui sert la main. «Une photo? Bien sûr!» Paulo Coelho a situé dans ce restaurant de la Vieille-Ville de Genève une des scènes clés de son nouveau roman, Adultère. On y voit son héroïne Linda et son mari manger avec un politicien en vue, tout juste élu conseiller d’Etat, et son épouse, qui soupçonne, à juste titre, Linda de coucher avec lui. «La fondue est excellente, les employés s’efforcent de parler toutes les langues possibles. (…) Nous commandons comme toujours: fondue et raclette. Mon mari dit qu’il en a assez de manger du fromage et choisit un plat différent: un saucisson (…)», raconte Adultère. Tout est vrai: Coelho a fêté un des derniers anniversaires de sa femme, Christina, ici, et y emmène les visiteurs qui font le voyage. «J’aime ce lieu, c’est bon et sympathique.»

Genève a son citoyen modèle: il est étranger, riche, son domicile est tout sauf fictif, il réside rue Robert-de-Traz, auteur légendaire de L’esprit de Genève, et publie un roman, bientôt lu à des millions d’exemplaires dans le monde, qui non seulement se passe à Genève mais en dit du bien. Paulo Coelho s’est posé en 2006 dans le quartier de Florissant: d’abord un immeuble signé Le Corbusier qu’il a moyennement goûté, puis un appartement rue Le-Corbusier, puis rue Robert-de-Traz depuis l’an dernier. Venu en partie par crainte de voir les frontières de l’Europe se fermer depuis Paris où il résidait, il a aimé Genève, est resté. Depuis 2009, il ne la quitte quasi plus que pour le WEF, à Davos (il est membre de la Schwab Foundation for Social Entrepreneurship), et le Festival de Cannes pour sa dose d’agitation glamour, parfois la Foire du livre de Francfort.

30 millions de followers

Son éditeur français s’y est fait, et envoie les journalistes à Genève. RTL, Europe 1, Le Journal du Dimanche, tout le monde a défilé cette semaine. Nikos Aliagas est venu la veille et a posté des photos prises dans le salon de Coelho, très fier d’un des commentaires: «Il est aussi beau que ses mots!» «Tout le monde me demande: “Vous avez l’argent pour vivre n’importe où, pourquoi Genève?” Mais j’ai une relation d’amour avec Genève et la Suisse! Et pas à cause de l’argent. J’y habite vraiment. J’adore la ville, les gens, l’ambiance, la manière de vivre. Les gens ont un humour, une joie de vivre qu’on ne soupçonne pas. Je me sens à l’aise, je me sens chez moi. J’ai mon dentiste, mon médecin, mes amis.»

Il habite un beau duplex lumineux et épuré avec terrasse surplombant la ville. Canapés blancs, orchidées, des œuvres de sa femme, la peintre Christina Oiticica, sur les murs, un petit bureau tranquille avec une carte ancienne de la Suisse au-dessus de l’écran de l’ordinateur. Du personnel brésilien s’active en cuisine, sur le même palier habite son assistant, qui s’occupe aussi de sa maison des Pyrénées et de son appartement à Paris. «Je parle brésilien à la maison, du coup je ne fais pas de progrès en français…»

Ses journées commencent à 11 heures. Petit-déjeuner avec pain, café noir, huile d’olive, jus de citron, yogourt. Il se pose ensuite à l’ordinateur pour alimenter les réseaux sociaux, y passant entre une et quatre heures. «Je suis accro.» Il a 30 millions de followers sur Facebook et Twitter et fait tout pour rester à niveau. «C’est mon rendez-vous du matin, mon plaisir. J’ai été le plus heureux des hommes quand Twitter est né. Le fait que je le fasse moi-même en grande partie fait beaucoup pour mon succès.» Il ne fait plus de séances de dédicace, ne voyage plus pour la promotion de ses livres, mais a remplacé le tout par des interventions en direct sur Facebook ou Twitter. Selon Forbes, il est dans le trio de tête des personnes les plus influentes du web et il est classé 2e Brésilien le plus connu de l’histoire, derrière Pelé, du classement du MIT.

Vers 14 heures, il sort marcher ou prend sa voiture en direction de la campagne genevoise et fait plusieurs heures de balade, sans portable. «La marche est une partie importante de ma vie. Un jour sans marcher est un jour où je n’ai pas l’impression de vivre.» Avec sa femme, ils se sont donné comme objectif de découvrir plusieurs villages par semaine. Depuis le début de l’année, ils ont déjà visité plus de 100 villages, en Suisse ou à l’étranger. Le soir, il mange à la maison ou dans un japonais et libanais du côté du quai Gustave-Ador. Sa femme aime lui faire la surprise de ce qu’elle prépare. Il n’aime pas la cuisine française, adore le couscous. Après le repas, ils regardent un film puis il lit un moment sur Kindle ou iPad.

Coucher vers 3 heures du matin, après encore une heure de réseaux sociaux. «On croit que je suis très entouré ici, mais non.» A part une assistante à Genève qui lui prend ses rendez-vous personnels, il confie depuis 1994 la gestion de ses affaires éditoriales à son agent, Mônica Antunes, qui, à l’enseigne de Sant Jordi Asociados à Barcelone, gère les droits de traduction ou d’adaptation de Coelho dans les presque 200 pays concernés – en 2008, il est entré dans le Guinness des records dans la catégorie Auteur le plus traduit pour le même livre avec L’alchimiste.

Adultère, son nouveau roman, suit quelques mois de la vie d’une journaliste d’un quotidien genevois, ambitieuse, bien mariée, mère de deux enfants, qui s’enfonce peu à peu dans la dépression et croit trouver une solution en s’engageant dans une relation passionnelle avec un ancien camarade d’études devenu politicien en vue. La version portugaise du roman est sortie en avril, la traduction anglaise est prévue en août.

Blessure amoureuse

Réflexion «concernante» et réussie sur l’amour et le sens de la vie à deux, Adultère est parti d’une enquête personnelle de Coelho sur la dépression. «Je me suis rendu compte que 90% des gens qui se disent déprimés le sont à cause d’une blessure amoureuse.» Pour explorer le sujet, il s’inscrit sur des forums de discussion tantôt comme femme, tantôt comme homme, et découvre un monde souterrain «passionnant». En deux semaines, courant novembre, le livre est écrit. «Les femmes souffrent plus lors d’infidélités, car elles ont le cœur facilement blessé. Et si elles sont elles-mêmes infidèles, elles sont plus attaquées que les hommes. Mon livre ne juge pas. Ce que je raconte est fréquent. Nous avons toujours le choix, de se marier ou pas, d’être fidèle ou pas. Il est très difficile d’être marié si on ne comprend pas que son mariage évolue sans cesse.»

Il a situé l’action du livre à Genève parce qu’en y vivant il a eu envie d’écrire dessus. Le lecteur y découvre un lieu où «les vieilles maisons seigneuriales s’accrochent entre les immeubles construits par un maire fou qui découvrit la “nouvelle architecture” dans les années 1950», une «ville différente de toutes les autres qui se sont modernisées et ont perdu leur charme». Une ville «surnommée Audiland» où, raconte l’héroïne, «nous sommes heureux sans rien changer» bien que le mot «bonheur» y soit un tabou absolu. «Nous n’osons même pas demander aux autres la marque de leur voiture, alors comment pourrions-nous parler de quelque chose d’aussi intime que le bonheur?»

Adultère se balade dans les rues de Genève, mêlant incontournables touristiques et adresses insolites, n’hésitant pas à donner les rudiments du système politique cantonal autant que l’histoire du jet d’eau. On passe de Plainpalais – «Le seul point au centre de la ville où il n’y a pratiquement pas de végétation. En hiver, le froid transperce les os. En été, le soleil nous fait suer à grosses gouttes.» – au glacier italien du numéro 1 de la rue du 31-Décembre – «Je vais chez un glacier traditionnel au coin de la rue du 31-Décembre. J’aime bien le nom de cette rue, car il me rappelle toujours que, tôt ou tard, une autre année va se terminer, et que je ferai de nouvelles grandes promesses pour la suivante. Je demande une glace à la pistache et au chocolat.» – en passant par la cathédrale – «Nous passons devant la cathédrale. Une brume couvre de nouveau la ville et on se croirait dans un film d’horreur.» – ou le mur des Réformateurs – «Si cet homme au milieu était né de nos jours, tous l’appelleraient terroriste. Ses tactiques pour implanter ce qu’il imaginait être la vérité suprême me le font associer à l’esprit perverti d’Oussama Ben Laden. (…) Jean Calvin est son nom et Genève a été son champ d’opération.»

L’église que fréquente Coelho, redevenu catholique après son pèlerinage à Compostelle, c’est l’église Sainte-Thérèse, près du parc Bertrand, dont il aime la sobriété toute protestante. «Rien ne vient distraire du mouvement spirituel.» La question la plus stupide qu’on lui ait posée? «Comment un homme si riche peut-il s’intéresser autant à la spiritualité?» Il reconnaît que comparer Calvin à Ben Laden est «exagéré et provoquant». «Mais Calvin est pour le moins controversé et ambigu!»

On croise encore dans Adultère le restaurant La Perle du Lac – «Un restaurant (…) qui a été extraordinaire (…), qui est toujours cher bien que la nourriture soit très mauvaise.» – le passage souterrain du pont du Mont-Blanc et ses dealers, la télévision Léman Bleu ou la Tribune de Genève. Le seul Genevois réel cité est Darius Rochebin: on y voit l’héroïne se rendre à la réception des 10 ans de Pardonnez-moi, présenté par le «beau, intelligent et photogénique» Darius Rochebin, réception où Coelho était effectivement présent il y a deux ans. Amoureux de Genève donc, mais il garde son passeport brésilien. «Je suis Brésilien et fier de l’être. Je ne me sens à la maison qu’à Rio et à Genève. Je garderai toujours mon passeport brésilien.» Depuis le 30 avril est inscrite au registre du commerce genevois la Fondation Paulo Coelho. Il a décidé de rassembler à Genève toutes ses archives: souvenirs, photos, manuscrits, prix et objets personnels de ses années dans la musique, le théâtre ou le mouvement contestataire hippie. Un conteneur arrive cette semaine même du Brésil.

Majuscule et minuscule

Il y a, à la fin d’Adultère, une scène où la narratrice fait un saut en parapente au-dessus d’Interlaken et vit un moment d’épiphanie rare, renaissance après des mois de bouleversements intimes. Ces moments «qui peuvent changer une vie, de détachement et de compréhension absolue où l’on se sent à la fois majuscule et minuscule, l’univers et un grain de sable», Coelho en a vécu «une dizaine» dans le désert, sur les montagnes, sur le chemin de Saint-Jacques ou au camp de concentration de Dachau. Hiver 1982: il visite le camp lorsqu’il a une vision. Un homme lui apparaît, lui disant qu’ils vont se rencontrer. Trois mois après, il tombe sur cet homme dans un café à Amsterdam. C’est lui qui le poussera sur le chemin de Compostelle, à une période où personne ne le faisait, l’initie au langage symbolique.

Coelho aussi était à Interlaken avec sa femme l’été dernier. Ils regardaient les parapentes descendre du ciel. Le spectacle était si beau qu’il lance à Christina: «Allons-y!» Elle dit: «Je ne veux pas mourir célibataire!» Lui répond: «OK, marions-nous.» Finalement, ils ne sautent pas en parapente mais se marient en novembre, trente-trois ans après leur union religieuse (devant un pasteur méthodiste, c’était le quatrième mariage de Coelho), à l’état civil des Eaux-Vives. Pas d’invités, seulement les témoins. Il espère bien qu’un jour il finira par sauter en parapente.

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Les nouvelles ambitions des apprentis

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Jeudi, 15 Mai, 2014 - 06:00

Reportage. Ils ou elles sont cuisinier, horloger, étancheur, coiffeur, infirmière, employé de commerce en cours d’apprentissage ou de formation supérieure. «L’Hebdo» les a rencontrés. Comme ils croient en la vie, même si celle-ci n’est pas toujours rose, la vie croit en eux.

Textes Philippe le bé
Photos Lea Kloos

C’était en 1995. Alors conseillère d’Etat genevoise depuis deux ans, Martine Brunschwig Graf était l’invitée d’honneur de la Chambre de commerce d’Appenzell Rhodes-Extérieures, qui fêtait son cinquantenaire. S’adressant aux jeunes gens à qui il remettait les diplômes de fin d’apprentissage, le président de la chambre s’exclama: «Vous êtes l’élite du pays!»

Deux ans plus tard, s’inspirant de ce qu’elle avait entendu en Suisse alémanique, Martine Brunschwig Graf remettait solennellement aux apprentis genevois les certificats fédéraux de capacité (CFC) dans la grande salle de l’Arena. Une première. Auparavant, les CFC étaient tout simplement expédiés par la poste. De nos jours, si la Suisse romande n’exprime pas le même degré d’amour pour ses apprentis que la Suisse alémanique, elle les recherche et les respecte davantage que jadis. La possibilité qui leur est désormais offerte d’accéder à une formation supérieure ou à une maturité professionnelle a sans doute contribué à cette évolution lente mais positive.

Des apprentis bien dans leur peau, ce n’est pas un leurre. Ceux que L’Hebdo a rencontrés dans le bâtiment, la coiffure, l’horlogerie, le commerce, la restauration et la santé bénéficient d’une formation duale, dispensée simultanément en entreprise et à l’école. Bien que leur vie ne coule vraiment pas comme un fleuve tranquille, ils ne regrettent nullement le choix qu’ils ont fait souvent par hasard et après maints tâtonnements. Il y a vingt ans, un jeune planifiait sa vie professionnelle avant d’aborder l’apprentissage qui fixait son métier. Aujourd’hui, bien souvent, il choisit un métier pour s’orienter et voir ce qui lui convient. Il ne se réfugie plus dans son terrier. Il butine, au gré des vents.

Après avoir testé plusieurs stages dans le cadre du SEMO (Semestre de motivation), une formule destinée aux jeunes de 15 à 25 ans arrivés au terme de leur scolarité obligatoire, David Amy (20 ans) est tombé dans la marmite de la cuisine gastronomique. Une potion magique d’enthousiasme que lui ont transmis successivement les chefs cuisiniers Serge Labrosse, rencontré à Novae Restauration Rolex, puis Dominique Gauthier, auprès duquel il achève sa troisième année d’apprentissage au Beau Rivage, à Genève. David Amy admet qu’il n’est pas toujours facile d’essuyer des remarques de collègues à peine plus âgés que lui. «Chaque cuisinier pleure au moins une fois dans sa vie, lance-t-il avec une once de détachement. Motivation et volonté, voilà la clé de la réussite!» Arrivé deuxième dans la sélection nationale suisse pour la finale du concours Jeunes Talents Disciples d’Escoffier 2014, il affiche déjà un talent certain et reconnu.

Génération Y

C’est seulement au terme d’une année de stages (notamment organisés par le SEMO) et de petits boulots que Nadège Bercioux (22 ans) a fini par se laisser séduire par le salon Arte Beauty & Wellness, installé à Lutry (VD) et dans la station du métro EPFL, à Lausanne. Comme pour David Amy, le contact avec le responsable de la formation au sein de l’entreprise, en l’occurrence Sophie Brito, a été déterminant. La directrice a vite saisi que Nadège «était très classe avec ses tatouages». Laquelle a tout aussi rapidement réalisé qu’elle apprendrait une kyrielle de techniques dans la coiffure, le maquillage ou la manucure «contrairement à des amies qui, au cours de leur apprentissage, passent le balai toute la journée».

Dans ce salon où les apprentis sont appelés «gestionnaires de beauté», Clément Riesen (17 ans) est l’exception qui confirme la règle: la coiffure comme métier est pour lui «une évidence» depuis qu’il est enfant. En deuxième année d’apprentissage, avec un salaire de base de seulement 530 francs, il fait preuve d’une motivation déterminée: «Dans ce métier, debout toute la journée, avec des horaires flexibles, à l’écoute attentive des clients, celui qui n’est pas passionné ne peut pas réussir.» Qu’on se le dise. Quant à Sophie Brito, formatrice depuis quinze ans, elle a aussi appris à se familiariser avec la génération Y, son langage, son comportement: «Il n’est pas facile de trouver des jeunes qui ont une bonne culture générale. Avec eux, je dois être à la fois maman et amie, leur apprendre la politesse, à se tenir droit, s’intéresser aux journaux, ne pas se coucher trop tard…»

Assurément, les cours théoriques dispensés par l’école professionnelle EPSIC, à Lausanne, ne sont pas de trop. L’exemple d’Arte Beauty & Wellness n’est de loin pas la norme. Ailleurs, les apprentis ne sont toujours pas les bienvenus. Michèle Rebord, propriétaire du salon Eric Stipa, à Lausanne, ne regrette pas d’avoir cessé de les former en 2011, après une expérience d’un quart de siècle. «C’est presque une délivrance, soupire-t-elle. Contrairement à un passé récent, il n’y a quasiment plus de Suissesses qui veulent se lancer dans la coiffure. Le niveau scolaire des candidates d’origine étrangère, pour la plupart sans CFC, est hélas généralement très bas et la motivation de ces dernières n’est pas toujours évidente. Dès lors, des ruptures de contrat sont fréquentes pendant les périodes d’essai. De plus, les charges administratives sont trop pesantes.»

Si la profession de coiffeur est juridiquement non protégée en Suisse (n’importe qui peut ouvrir un salon), les métiers du bâtiment s’inscrivent quant à eux dans une longue tradition corporative. Certaines entreprises n’hésitent pas à payer correctement leurs apprentis difficiles à recruter et surtout à garder. Dylan Kistler (19 ans), en troisième année d’apprentissage dans la société chaux-de-fonnière du groupe G. Dentan, gagne 2300 francs par mois. Un record! La sérieuse surdité dont il est atteint ne l’empêche pas, dans son activité d’étancheur, de travailler au chalumeau sur des toits brûlants l’été et glacés l’hiver, de porter des rouleaux de 48 kilos tout en affichant une étonnante joie de vivre: «Ce métier est si difficile que j’ai envie de me donner pour lui!»

Moins éprouvant physiquement que l’étanchéité mais nécessitant des nerfs bien solides, la profession d’horloger a toujours le vent en poupe. En troisième année d’apprentissage chez Jaeger-LeCoultre, au Sentier, qui cet automne aura engagé 71 apprentis depuis 1992, Stephen Monnet (18 ans) ne tarit pas d’éloges sur la formation duale. Assurance et calme enrobent ses paroles: «L’école technique nous enseigne les bases artisanales et traditionnelles de l’horlogerie. L’entreprise nous apporte l’indispensable dimension industrielle avec une pluralité de points de vue.» C’est aussi la certitude de trouver rapidement un emploi, le CFC en poche. Depuis 1992, la moitié des apprentis formés par Jaeger-LeCoultre sont restés dans la société du groupe Richemont à l’issue de leur formation.

Voie royale

Dans le commerce et l’administration, première filière quant au nombre de candidats (36% du total en 2012), l’obtention du CFC, quelle que soit la branche, est souvent le seul objectif. Olivier Brändly (21 ans), qui n’a pas terminé ses années de gymnase, s’est fait engager comme apprenti chez Hug Musique, à Lausanne, en vue de décrocher un CFC lui permettant de devenir… gendarme, sa vraie vocation! Joueur de tuba, directeur de fanfares de village, il a cependant choisi le magasin de vente le moins éloigné de son hobby, qu’il exerce à un niveau quasi professionnel. Il a échappé à une restructuration de la succursale lausannoise, dont les effectifs ont fondu de moitié. Ce n’est pas le cas d’une autre apprentie de Hug Musique, Maureen Odo (17  ans), qui ne savait pas qu’elle pouvait refuser de signer un papier entérinant la fin de son contrat. La jeune fille cherche maintenant à réaliser son rêve jusqu’ici plus ou moins refoulé: faire un apprentissage dans la mécanique des deux-roues.

Preuve de la réussite de la voie choisie par ces apprentis, ils ont pour la plupart dessiné dans leur imaginaire «la voie royale» de leur avenir. Le cuisinier David Amy, devenu à l’aise en mathématiques – «Maintenant, je sais à quoi ça sert!» –, envisage de perfectionner son anglais à l’étranger avant de rejoindre l’école hôtelière de Genève «pour apprendre le management»; le coiffeur Clément Riesen souhaite aussi développer ses connaissances linguistiques en allemand et en anglais puis travailler dans un salon de coiffure haut de gamme; l’horloger Stephen Monnet va entreprendre une quatrième année de perfectionnement comme rhabilleur; l’étancheur Dylan Kistler veut entreprendre un second CFC de couvreur – «Les toits en pente après les toits plats!»

Le passage désormais possible du monde de l’apprentissage à celui de la formation professionnelle supérieure ou des hautes écoles spécialisées (HES), «c’est la grande révolution de ces vingt dernières années», souligne Martine Brunschwig Graf. Comme conseillère nationale élue en 2003, celle-ci s’est fortement impliquée dans tout ce qui touche à l’éducation.

Apprendre sur le terrain

En 2013, sur les 670 étudiants de la Haute école de la santé La Source, à Lausanne, 118 ont obtenu un CFC puis une maturité professionnelle. «Les étudiants ayant une expérience de vie sur le terrain s’en sortent bien mieux que les autres au cours de leur formation», constate Daniel Ducommun, responsable des affaires estudiantines à la HES La Source.

Pauline Wicky (25 ans), aujourd’hui en deuxième année de soins infirmiers, a obtenu un CFC d’assistante en soins et santé communautaire et une maturité professionnelle intégrée. Septante-deux semaines de stages divers entre 2005 et 2008 puis une expérience professionnelle à l’Institution de l’Espérance pour personnes handicapées, à Etoy, puis à l’hôpital de Rolle juste avant de reprendre les études, le virage n’est pas de tout repos. «Mes parents m’ont soutenue. Tout le monde peut y arriver!» s’enthousiasme-t-elle. Avec un CFC en pharmacie, Anouck Bajulaz (26 ans) a aussi rejoint l’école de La Source en passant par une maturité professionnelle suivie d’une année préparatoire. «Le CFC apporte de la maturité!» sourit-elle après cinq ans d’études qui s’achèvent en juillet prochain.

Certes, tous les apprentis en Suisse n’ont peut-être pas la chance de suivre le parcours difficile mais prometteur des jeunes rencontrés par L’Hebdo. Mais la chance, ces derniers ont su la saisir au bon moment et sans jamais vraiment se décourager.

philippe.le.be@hebdo.ch
Blog: «L’économie, autrement», sur www.hebdo.ch


Hautes écoles professionnelles Un «professional bachelor» et un «professional master» devraient valoriser la formation professionnelle en Suisse.

En quête d’une plus grande reconnaissance

Considéré à juste titre comme une contribution notable à une économie florissante et à un taux de chômage très bas, en comparaison européenne, le système dual de la formation professionnelle souffre encore d’un manque de reconnaissance. Contrairement aux hautes écoles (universités, EPF, HES), qui délivrent des titres généraux reconnus par l’UE, les quelque 200 hautes écoles professionnelles du pays (tertiaire B) octroient des diplômes sans visibilité au niveau national et international. Or, relève l’économiste et ancien conseiller national Rudolf Strahm, «la formation dispensée par ces écoles professionnelles est d’une importance capitale. Les entreprises ont un grand besoin de cadres moyens, notamment spécialisés dans les nouvelles énergies renouvelables, les systèmes d’automatisation et de contrôle, les nouvelles technologies de l’information et de la communication, etc.»

Dès lors, un professional bachelor et un professional master devraient être créés. L’Union suisse des arts et métiers (USAM), qui plaide pour une «équivalence enfin reconnue de la formation professionnelle et de la formation universitaire», défend cette initiative actuellement discutée dans le cadre de la nouvelle loi fédérale sur l’encouragement des hautes écoles. Universités et HES, plutôt réticentes, redoutent quant à elles cette nouvelle concurrence.

En fait, la formation professionnelle supérieure, dont le subventionnement par les pouvoirs publics ne représente que 0,7% des dépenses annuelles pour la formation, ne fait que suivre un mouvement global de relèvement des compétences et des savoir-faire. Entre l’apprentissage et la formation de niveau universitaire, le chaînon intermédiaire doit être revalorisé. Par ailleurs, estime Rudolf Strahm, l’enseignement de l’anglais technique, aujourd’hui trop négligé, devrait être développé à tous les niveaux de la formation professionnelle, sans pour autant qu’il devienne un barrage insurmontable pour les nombreux immigrés qui ont souvent bien de la peine à se familiariser avec l’allemand ou le français. Un juste milieu!


L’heure de la remise en question

 

Décodage. Après des années de pléthore, le nombre des apprentis va continuer à diminuer, sensiblement moins en Suisse romande qu’en Suisse alémanique. Les entreprises exigent une formation toujours plus poussée.

Au milieu des années 90, trouver une place d’apprentissage était la grande préoccupation des jeunes Suisses. Désormais, ce sont les entreprises qui font grise mine. «En Suisse alémanique, des milliers de places d’apprentissage seront à pourvoir dans les cinq prochaines années. Cela engendre un véritable mouvement de panique, principalement dans l’industrie des machines. Certaines sociétés vont jusqu’à offrir des scooters aux jeunes pour les attirer.» Grégoire Evéquoz, directeur de l’Office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue à Genève, constate néanmoins que la situation est nettement moins tendue en Suisse romande. En effet, selon les projections de l’Office fédéral de la statistique (OFS), le nombre d’apprentis ne devrait baisser que de 1,8% entre 2016 et 2019 dans les cantons romands. C’est presque deux fois moins que dans l’ensemble du pays.

Si la Suisse va pâtir dans les prochaines années d’un déficit de naissances entre 1992 et 2003, les cantons romands, qui bénéficient d’un tissu économique plus fortement tertiarisé et de mouvements migratoires plus intenses qu’en Suisse alémanique, devraient donc moins souffrir d’un manque d’apprentis. «A Genève, observe Emmanuel Vachoux, spécialiste de la formation professionnelle, nous ne constatons pas de pénurie d’apprentis dans le commerce, qui continue à attirer beaucoup de jeunes. Peut-être à cause de la dimension très scolaire de ce type de formation.»
Il n’empêche que des voyants rouges s’allument. Le nombre de places non attribuées par les entreprises augmente d’année en année, passant de 7000 à 8500 pour l’ensemble de la Suisse de 2012 à 2013, selon le Secrétariat d’Etat à la formation. En Suisse romande, la part des places laissées vacantes a grimpé de 6% en 2011 à 9% en 2013. Dans les deux tiers des cas, l’entreprise n’a pas reçu la postulation adéquate. Une enquête réalisée dans le cadre d’une étude pour les banques cantonales romandes en collaboration avec L’Hebdo révèle que le niveau et les connaissances de personnes en quête d’un apprentissage sont considérés comme étant «tendantiellement en deçà des besoins recherchés».

Le débat est largement ouvert. «Un CFC de commerce, le plus prisé, est de nos jours plus difficile à obtenir qu’il y a vingt ans. Il y a davantage de branches étudiées, plus d’évaluations, les langues ont été intégrées», relève Emmanuel Vachoux. Les langues? «Considérées à tort comme une difficulté supplémentaire pour les apprentis, elles ne sont pas assez approfondies», regrette toutefois l’ancienne conseillère d’Etat genevoise Martine Brunschwig Graf. Une certitude unanimement re-connue par tous les acteurs: les entreprises, dont 42% en mesure de le faire, accueillent des jeunes en formation (selon une étude de l’Université de Berne), mais sont toujours plus exigeantes quant au niveau scolaire de ces derniers. Elles sont aussi toujours plus sollicitées par une bureaucratie tatillonne qui n’encourage pas les entrepreneurs à s’ouvrir davantage à l’apprentissage.
Un dernier constat emporte
l’adhésion générale: la perméabilité d’un système qui permet, théoriquement et à certaines conditions, de passer d’une formation initiale de deux ans à un CFC, puis à une maturité professionnelle conduisant à une haute école spécialisée (HES). La circulation n’est pas à sens unique. Phénomène nouveau dans la banque, 10 à 15% des jeunes font un apprentissage après (et non pas avant) avoir obtenu un diplôme de culture générale, voire de maturité gymnasiale!

Au cours des années à venir, si l’on en croit les projections de l’OFS, le nombre de diplômés des HES, en croissance constante, devrait atteindre puis dépasser celui des détenteurs de CFC, en repli tout aussi régulier. Si cette tendance devait se confirmer, ce serait le signe d’une adaptation de la formation aux besoins toujours plus pointus des entreprises suisses. Il faudrait dès lors veiller à ne pas laisser se creuser un dangereux fossé entre des apprentis marginalisés et des jeunes experts accueillis à bras ouverts par les milieux économiques du pays.


2300
En francs, le salaire mensuel d’un apprenti étancheur en 3e année.
En premier emploi: 4500 francs.

1550
Le salaire mensuel d’un apprenti cuisinier en 3e année.
En premier emploi: 4100 francs.

1060
Le salaire mensuel d’un apprenti horloger en 3e année, qui peut s’élever à 1325 francs (x13).
En premier emploi, il varie de 3730 à 4530 francs (x13).

650
Le salaire mensuel d’un apprenti coiffeur en 3e année.
En premier emploi: 3600 francs.

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Elections européennes: le jour où tout a basculé

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Jeudi, 22 Mai, 2014 - 05:50

Analyse. Pour la première fois, par leur vote, les électeurs désigneront directement le futur président de la Commission européenne. Par là, c’est également l’avenir de l’Union en tant que projet démocratique qui se joue.

Jean Quatremer

Angela Merkel a longtemps rêvé de la directrice générale du FMI, la conservatrice Christine Lagarde, comme présidente de la Commission. Le cœur de François Hollande penchait plutôt pour la première ministre danoise, la sociale-démocrate Helle Thorning-Schmidt. Gordon Brown était prêt à soutenir Lagarde ou, mieux, à envoyer à Bruxelles Enda Kenny, le premier ministre irlandais, même si celui-ci n’est pas vraiment intéressé. Matteo Renzi, lui, ne s’intéressait guère à l’affaire, tout à son idée d’obtenir que les dépenses d’investissement soient sorties de la définition du déficit public, sa priorité pour sa présidence de l’Union européenne qui débute le 1er juillet.

Mais, jusqu’à présent, aucun des 28 dirigeants européens n’envisageait sérieusement de nommer l’une des cinq têtes de liste présentées par les partis politiques européens. Pour eux, il était clair qu’ils allaient décider entre eux, à huis clos, comme d’habitude, qui allait succéder à José Manuel Durão Barroso, qui termine son deuxième mandat de cinq ans le 1er novembre prochain.

Tout a basculé début mai. Dans une tribune publiée dans le journal Le Monde, François Hollande a estimé que le résultat des élections européennes du 25 mai «déterminera la direction que l’Europe prendra pour les cinq prochaines années, et les responsables qui l’incarneront. Pour la première fois, les électeurs, par leur vote, désigneront le futur président de la Commission européenne. Combien le savent aujourd’hui?» Le chef de l’Etat français a manifestement soigneusement pesé ses mots. Il ne s’agit plus pour le Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement de «tenir compte» du résultat des élections comme le prévoient les traités européens, ce qui les oblige simplement à nommer une personnalité issue de la famille politique qui a remporté les élections, mais de reconnaître que ce sont bien les électeurs qui «désigneront» directement le chef de l’exécutif communautaire. Autrement dit, pour l’Elysée, le choix est désormais limité au Luxembourgeois Jean-Claude Juncker pour les conservateurs (PPE), à l’Allemand Martin Schulz pour les socialistes, au Belge Guy Verhofstadt pour les libéraux, au Grec Alexis Tsipras pour la gauche radicale, au Français José Bové et à l’Allemande Ska Keller pour les Verts, les souverainistes n’étant pas parvenus à désigner une tête de liste.

Conflit de légitimité

Jusque-là, le président français était resté prudemment en retrait, préférant suivre le tempo imposé par la chancelière allemande qui renâcle à l’idée de se voir imposer un président choisi par le Parlement européen. Mais François Hollande a mesuré les dangers que comportait le fait de ne pas tenir compte du choix des électeurs, alors même que plusieurs partis nationaux, dont les Français, mettent en avant dans la campagne ces fameuses têtes de liste.

D’une part, c’est aller droit à un conflit de légitimité entre le Conseil et le Parlement européens nouvellement élu, puisque ce dernier a le pouvoir de refuser le choix des 28… D’ailleurs, lors de leur débat télévisé du 15 mai, les cinq têtes de liste, dans une sorte de «serment du Jeu de paume» (le 20 juin 1789, le tiers état des états généraux réunis par Louis XVI a juré de ne se séparer qu’après l’élaboration d’une Constitution), se sont engagées à ne pas céder devant les chefs d’Etat et de gouvernement. D’autre part, c’est prendre le risque d’accentuer davantage le divorce entre l’Union et les opinions publiques: comment expliquer aux électeurs qu’on les a trompés? Car, si les chefs d’Etat et de gouvernement étaient en désaccord avec la procédure choisie par les partis européens, rien ne les empêchait de le faire savoir expressément en amont afin que les citoyens se prononcent en connaissance de cause.

Dynamique démocratique

Le seul à être sorti du bois a été Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen, qui, pour court-circuiter le Parlement, n’a pas hésité à convoquer un dîner informel des chefs le mardi 27 mai, soit deux jours après le scrutin. Les députés européens sortants ont immédiatement riposté en décidant de réunir le matin même les présidents (sortants) des groupes politiques afin de réaffirmer leur détermination à imposer l’une des cinq têtes de liste. Van Rompuy est allé plus loin en déclarant, le mois dernier, à un quotidien allemand: «La différence entre le Parlement et ceux qui décident réellement (c’est-à-dire les gouvernements, ndlr) est très claire pour les citoyens.» Jean-Claude Juncker, ancien premier ministre lui-même, lui a rétorqué: «Le dentifrice démocratique est sorti du tube avec l’élection des têtes de liste pour les européennes. Les jours anciens où le président de la Commission était élu par des diplomates dans des arrière- salles sont terminés!»

Reste que François Hollande, même s’il représente l’un des pays qui pèsent le plus au sein de l’Union, ne peut emporter la mise à lui tout seul. Angela Merkel, «qui part de très loin», comme le souligne un diplomate français, bouge rapidement, se rendant compte, elle aussi, qu’elle a sous-estimé la dynamique démocratique en cours. Réunis en Allemagne les 9 et 10 mai, la chancelière et le président de la République ont eu une longue conversation sur le sujet. Cependant, elle ne s’est pas encore ralliée officiellement à la position française: Angela Merkel s’est contentée de déclarer publiquement, à l’issue de cette rencontre, que la nomination du futur président prendrait «plusieurs semaines», ce qui écarte déjà un coup de force le 27 mai au soir… «Les deux dirigeants ont longuement évoqué les différentes majorités possibles au sein du Parlement européen et les scénarios qu’elles autorisaient», explique-t-on à l’Elysée. «Merkel a pris conscience de l’isolement politique des chefs d’Etat et de gouvernement sur ce sujet», décrypte un diplomate français.

Jeu complexe

Le jeu politique, au lendemain du 25 mai, s’annonce complexe: d’abord, il faudra constituer les groupes politiques, ce qui ne sera fait qu’à la mi-juin, comme le rappelle Daniel Cohn-Bendit, le coprésident sortant des Verts (qui ne se représente pas). En effet, selon les sondages, en tenant compte de la composition actuelle des groupes, l’écart entre le PPE et les socialistes risque d’être minime. D’où l’importance des non-inscrits (plus d’une centaine): chaque famille politique va donc essayer d’attirer à elle un maximum d’eurodéputés…

Ensuite, il faudra que le groupe le plus nombreux dispose d’une majorité absolue, soit 376 sièges sur 751, en tenant compte des risques de déperdition lors du vote d’investiture. En outre, cette majorité ne devra pas seulement être de circonstance, c’est-à-dire uniquement destinée à se répartir les postes, comme c’était le cas jusqu’à présent. «Il faudra un accord programmatique entre les partis qui s’uniront», juge ainsi l’eurodéputé vert Yannick Jadot. Une vision qui correspond à celle de François Hollande: accord politique entre les partis, mais aussi accord politique entre les Etats pour déterminer la direction à prendre et, enfin, accord politique entre le Conseil européen et le Parlement européen. On comprend dès lors que cela risque de prendre du temps… «On pourrait avoir des surprises», pronostique l’amateur de football qu’est Cohn-Bendit.

Enfin, certains Etats chercheront sans doute à torpiller cette trop grande démocratisation de l’Union, qui ne peut qu’accroître sa légitimité. C’est notamment le cas de la Grande-Bretagne, qui a déjà fait savoir qu’elle ne voulait ni du socialiste allemand Martin Schulz ni du libéral belge Guy Verhofstadt, tous deux jugés trop fédéralistes. Mais voilà: la désignation du président de la Commission ne requiert plus l’unanimité depuis le traité de Nice de 2001, mais la majorité qualifiée. Les partenaires de Londres oseront-ils passer au vote, ce qu’ils n’ont jamais fait jusque-là? C’est toute la difficulté de l’exercice: «Le rapport de force est non seulement entre la droite et la gauche, mais entre les pro- et les anti-européens», résume-t-on à l’Elysée. Mais chacun est bien conscient que c’est l’avenir de l’Union en tant que projet démocratique qui se joue.


Jean Quatremer

Né en 1957 à Nancy, correspondant de Libération à Bruxelles. Son blog Coulisses de Bruxelles est riche en analyses aussi précises que mordantes sur les enjeux de l’Union européenne.

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Chris Hadfield: "Un comportement d’homme des cavernes ne sert à rien lorsque vous n’avez que quelques secondes pour sauver votre vie."

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Jeudi, 22 Mai, 2014 - 05:51

Interview. Vétéran de la Station spatiale internationale (ISS), l’astronaute canadien Chris Hadfield a joué de la guitare dans l’espace, à 400 kilomètres au-dessus de la Terre. Pour contrecarrer les effets de la pensée négative d’une mission dangereuse ou, comme il l’avoue, de son incoercible vertige? 

Propos recueillis par Laura Höflinger

Le colonel Chris Hadfield est déjà harnaché dans la navette spatiale quand un homme de la NASA lui tend un billet sur lequel son épouse Helene a écrit: «Je t’aime. S’il te plaît, ne meurs pas.» Puis, entre parenthèses: «Pas de souci, je suis assurée.» L’astronaute canadien confesse: «Ma femme a toujours considéré mon métier de manière pragmatique.»

A 54 ans, le moustachu est allé trois fois déjà dans l’espace, l’an passé comme commandant de la station spatiale ISS. Dans son pays, il est révéré comme un héros national, mais le reste du monde le connaît surtout comme «l’astronaute chantant», flottant en apesanteur dans son étroit logis spatial tout en entonnant Space Oddity de David Bowie en s’accompagnant de sa guitare (vue par 22 millions d’internautes, la vidéo a été supprimée la semaine dernière de YouTube, car l’astronaute n’avait pas les droits de la chanson, ndlr). Du coup, on se rappelle ce qu’on tend à oublier: il y a en permanence des hommes qui tournent dans l’espace. Chris Hadfield y a séjourné au total cinq mois et demi.

Chris Hadfield, quand vous prenez un avion normal, vous comportez-vous comme un passager normal?

Je vérifie bien sûr que je sois assis dans le bon fauteuil (je fais ça aussi en décollant pour l’espace). Puis je serre ma ceinture, je m’appuie contre le dossier et je pose mes pieds à plat.
Dans votre livre, «Guide d’un astronaute pour la vie sur Terre»*, vous dites que vous vous demandez sans cesse d’où viendra le prochain danger.

Dans la navette, avant la mise à feu des réacteurs, nous prononçons bel et bien chaque fois cette question à voix haute. Comme astronaute, vous devez apprendre à établir des priorités: quel est le danger immédiat? Qu’est-ce que je peux négliger? Un comportement d’homme des cavernes – fuir ou combattre? – ne sert à rien lorsque vous n’avez que quelques secondes pour sauver votre vie. C’est pourquoi je conseille d’envisager tout ce qui pourrait mal tourner avant d’embarquer. J’appelle ça le pouvoir de la pensée négative.

La pensée négative vous a-t-elle parfois permis de vous tirer d’une situation fâcheuse?

Lors de mon deuxième vol dans l’espace, j’ai quitté la navette pour monter une pièce sur le bras articulé. D’un coup, j’ai senti une douleur dans mon œil gauche qui s’est mis à pleurer. En l’absence de pesanteur, les larmes se sont formées en boule sous la lentille. Je ne voyais plus rien à gauche et, inopinément, l’œil droit brûlait à son tour. Soudain j’étais aveugle.

Vous ne trouviez plus le chemin de la station spatiale. Qu’avez-vous ressenti?

De la frustration. Nous avions préparé cette mission quatre ans et demi. Chaque seconde qui passait était une seconde d’inaction. En même temps, je me sentais étrangement bien. J’avais aussi chaud que si j’étais au lit, l’édredon tiré sur les yeux.

Plus tard, la NASA a découvert que le produit servant à protéger la visière de la buée avait irrité vos yeux. Comment la NASA vous entraîne-t-elle pour ne pas paniquer en de tels moments?

J’avais résolu le problème avant même d’arriver à la NASA. J’étais pilote d’essai et pilote de combat. J’ai appris le vol à voile à l’âge de 15 ans. Une fois ou l’autre vient un moment où il faut surmonter sa peur. Ça m’arrive encore: quand je regarde en bas, mes jambes deviennent molles.

Vous souffrez de vertige?

J’ai surtout peur de tomber. Ou, plus exactement, de me fracasser au sol. La hauteur en soi n’est pas le problème (il se lève et va à la fenêtre). Ici, la vitre de la fenêtre me protège, ce serait différent si j’étais au sommet d’une falaise. Si je me laissais dicter mon comportement par mon côté irrationnel, je ne serais jamais allé dans l’espace. J’aurais dissimulé ma vie sous l’édredon.

Les vols spatiaux sont loin d’être sans danger. En 2003, la navette «Columbia» s’est désintégrée à son retour dans l’atmosphère.

A l’époque, vous étiez en mission en Russie pour la NASA.

J’étais dans mon petit logis de Moscou et j’ai regardé en boucle l’enregistrement de l’accident. Un morceau de mousse isolante d’un réservoir externe s’était détaché et avait touché l’aile gauche de la navette. Etait-elle endommagée? L’équipage aurait-il dû l’inspecter avant le vol de retour? Les experts ont dit que l’aile était en ordre. Mais ils se sont fourré le doigt dans l’œil. J’ai perdu beaucoup de bons amis dans le ciel. Rick Husband, le commandant de la navette, était aussi mon ami. On n’accepte jamais une telle perte. C’est une cicatrice de plus. Des gens sont morts et on est soi-même coresponsable de leur mort. Il faut faire avec. Car ensuite vient la question: vais-je pleurer le restant de mes jours? Ou renoncer? Beaucoup de gens ont pensé que nous devions renoncer. Mais, si j’avais été là-haut à la place de Rick, j’aurais dit: nous avons fait une erreur, il faut en tirer la leçon et construire dorénavant de meilleurs vaisseaux spatiaux.

(En effet, en sa qualité de responsable de la robotique à la NASA, Chris Hadfield a veillé par la suite à construire de meilleurs engins. Puis, en décembre 2012, il est encore parti une dernière fois. C’était son rêve: être le commandant de l’ISS. A bord de la station spatiale, il twittait, répondait aux questions sur le site de partage Reddit. Jamais dans l’histoire un homme dans l’espace n’avait été aussi proche de la Terre, ndlr.)

A bord de l’ISS, 130 expériences étaient en cours. Mais c’est votre interprétation de David Bowie qui a électrisé le public. Au fond, est-ce que les gens se passionnent encore pour les missions spatiales?

Avant cette vidéo, 700 000 personnes me suivaient sur Twitter. On ne saurait donc dire que nul ne s’intéresse à nous.

Dans votre vidéo à bord, vous montrez qu’en apesanteur il faut avaler la pâte dentifrice et se couper les ongles devant le puits d’aérage. C’est plus que du divertissement.

Quand on suscite l’intérêt des gens, ils sont prêts à apprendre. Durant mes vingt ans comme astronaute, je suis allé dans des milliers d’écoles. Je sais ce qui fascine les gens. Je voulais répondre aux questions de manière que, lorsqu’ils voient Gravity au cinéma, ils constatent que les larmes de Sandra Bullock ne volent pas à travers la pièce comme on l’a vu.

Pourquoi les hommes devraient-ils encore aller dans l’espace?

Nous y expédions des sondes depuis cinquante-sept ans et découvrons ainsi l’univers. Nous envoyons des éclaireurs dans de nouveaux mondes pour voir s’ils sont habitables, comme il y a six cents ans, quand nous bourlinguions le long des côtes. Comment naviguer? Quel matériau faut-il pour le mât, lequel pour les voiles? Comment évite-t-on le scorbut? Ce n’est qu’après que nous avons décidé de traverser l’Atlantique. C’est là qu’on en est aussi avec la conquête spatiale.

Pourtant, vos fans semblent s’intéresser davantage à la façon de faire pipi dans l’espace qu’à la physique…

J’avais 9 ans quand j’ai vu le premier pas de Neil Armstrong sur la Lune, et j’ai alors décidé de devenir astronaute. Si nous ne proposons pas aux jeunes le presque impossible, ils iront quêter des défis ailleurs. La vidéo de Bowie était juste une chose que j’ai faite pour rigoler avec mon fils, Evans. Et cela a déclenché une réponse gigantesque. C’est cool!

Depuis un an, vous êtes de retour sur Terre. Là aussi vous vous sentez comme à la maison?

Il y a peu, je suis sorti la nuit et j’ai observé l’ISS, cette étoile incroyablement lumineuse, traversant le ciel. Il faut quelques minutes pour passer d’un horizon à l’autre. Je me souviens de presque chaque journée à bord. Mais j’ai de la peine à imaginer que j’ai passé des mois dans ce petit point blanc. Mes expériences là-haut ont été tellement différentes, tellement particulières qu’il m’est difficile de les faire coïncider avec ma vie ici sur Terre.

De quoi vous souvenez-vous quand vous voyez l’ISS dans le ciel?

C’est bizarre de quitter la Terre. Au début, on ne voit rien d’autre que l’obscurité. Puis une sorte d’étoile qui ne se meut pas comme les autres et qui ne cesse de grandir. Puis l’étoile arbore des contours. C’est tellement inattendu de trouver là-haut une structure faite par la main de l’homme. C’est comme de traverser le Sahara et de tomber soudain sur un village. Même si je savais tout de l’ISS, je me disais: comment peut-elle exister ici?

Vous avez vécu cent quarante-quatre jours à bord de la station. Qu’est-ce qui vous manqué?

L’ISS est un laboratoire stressant. Mais, chaque fois que j’avais quelques minutes devant moi, je volais vers la coupole, une sorte de tour d’observation, et je regardais l’univers. C’est comme si on entrait dans une cathédrale: la lumière pénètre par les vitraux et tout est paisible. Quand on plane dans la coupole, on murmure comme si, sinon, on blessait l’univers.

© Der Spiegel traduction et adaptation Gian Pozzy
*  Editions Libre Expression, avril 2014, 320 pages.

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Sac au dos et talons hauts

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Jeudi, 22 Mai, 2014 - 05:52

Zoom. Même Chanel y succombe. Déjà it-bag à la montagne et à l’école, il poursuit son ascension de la ville aux podiums. Le sac à dos revient de loin et s’accroche au plus près.

Jessica richard

Aventurier, le sac à dos envoûte et déroute,à l’instar du modèle graffiti à breloques Chanel, dévoilé lors de la Fashion Week printemps-été 2014, à Paris. Avec son style grunge proche des tourments de l’adolescence gribouillés au Tipp-Ex, il déchaîne la fureur des modeuses. Uniquement disponible en édition limitée, l’objet du désir est épuisé. Reste le désir. Et le pari réussi de Lagerfeld. «C’est le retour de l’esprit nomade baroudeur, indique Vincent Grégoire directeur art de vivre pour l’agence NellyRodi, à Paris. On met sa maison sur le dos et on part bouffer le monde.» Avec ses deux mains libérées, il est désormais possible de tenir deux coupes de champagne, de s’éclater à saute-mouton ou de tendre les bras.

Jouant des bretelles avec ses cousins à main et en bandoulière, le Chanel figure au classement des «30 sacs stars du printemps-été 2014» sur le site Vogue.fr. Cara Delevingne, la nouvelle Kate Moss, sortira en septembre une gamme de sacs en collaboration avec la marque anglaise Mulberry. Ils pourront se porter sur le dos. Pratique et élégant, comme l’homme idéal, le backpack s’impose et tous les créateurs s’y mettent: Alexander Wang, Stella McCartney, Phillip Lim, Pierre Hardy pour ne citer qu’eux. Des modèles souvent en «rupture de stock». Récupéré des années 90, véritable trou noir du chic, le sac à dos est passé de has been à must have.

En Suisse aussi

Dévoilé en avril, le nouveau venu de la gamme de luxe de Freitag est un Rucksack. Le R521 Coolidge, en hommage à l’alpiniste éponyme, premier à gravir la Jungfrau en hiver – vient compléter la collection Reference. Pour la marque zurichoise, la transition du héros de la montagne au héros du quotidien fait sens. Paré de son Coolidge, le jeune architecte sillonne la Bahnhofstrasse sans crainte, ses planches et son MacBook à l’abri dans un écrin de bâche, aussi hydrofuge que smart. Une tendance sur laquelle surfe également Qwstion, autre marque zurichoise, dont les sacs à dos minimalistes étaient sélectionnés pour le dernier Prix Design Suisse. Dans le même style, le canadien Herschel et le suédois Sandqvist redessinent les versos: des hispters de Brooklyn aux universitaires lausannois. Identifiable de loin avec ses quatre sangles en cuir, le Little America Backpack d’Herschel est partout. «C’est nettement mieux pour le dos, s’enthousiasme Ulla Glatz, physiothérapeute à Lausanne. Beaucoup de gens viennent me voir avec des problèmes de dos causés par des sacs à bandoulière trop lourds. Porter un sac à dos, c’est répartir le poids sur les deux épaules. Cela fait une grosse différence.»

Reconversion réussie

«A New York, beaucoup d’hommes d’affaires en portent. On repart en camping mais en costume, plaisante Vincent Grégoire. C’est le retour du pèlerin, du voyageur: les gens ont soif d’évasion au quotidien.» Fruit de la «newstalgie» – faire du neuf avec du vieux – le sac à dos s’érige en emblème d’une quête de liberté nouvelle. Chevaucher son vélo, attraper le métro, choper le bus, sauter dans le train, la transhumance quotidienne du citadin exige un sac à sa vitesse. Un sac pour l’Indiana Jones en chacun de nous. «Le néomigrant d’aujourd’hui a besoin d’avoir les mains libres», résume le spécialiste.

Une tendance confirmée par le World Handbag Report, un rapport de la société genevoise Digital Luxury Group, spécialisée dans l’intelligence économique pour les marques de luxe. «Au niveau mondial, l’intérêt pour le sac à dos a augmenté de 23% entre 2012 et 2013.» Qui sait? Les nouveaux Birkin ou Kelly, sacs à main iconiques d’Hermès, seront peut-être à bretelles.

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Marta dos Santos, la nouvelle châtelaine de Chillon

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Jeudi, 22 Mai, 2014 - 05:53

Portrait. Une Portugaise reprendra, en septembre, la direction de la Fondation du château de Chillon, icône suisse et monument le plus visité du pays.

«Je ne me suis jamais sentie étrangère», précise Marta dos Santos, 41 ans, bénéficiaire d’un permis C et future directrice de la Fondation du château de Chillon. Son actuel bureau de directrice adjointe donne sur l’une des cours intérieures du château. A l’automne, elle s’installera dans celui du directeur, avec vue sur le lac, à la place de Jean-Pierre Pastori. Depuis son arrivée en Suisse en 1987, à l’âge de 13 ans, Marta dos Santos a montré sa détermination à gravir les échelons. «Lorsque j’ai pu rejoindre mes parents en Suisse, où mon père travaillait comme électricien, je parlais déjà le français, mais je n’avais jamais étudié l’allemand. J’ai bossé comme jamais.»

L’une de ses trois sœurs, Cristina dos Santos, n’a pas réussi, elle, à s’acclimater: «Les professeurs nous ont mises au défi, Marta et moi, se souvient la jeune femme, aujourd’hui juriste en Belgique. Certains ont douté de nous. Cela m’a choquée. Marta, elle, a réussi à se faire accepter. Je suis explosive, alors qu’elle est réservée. C’est une blonde châtain aux yeux clairs, alors que je suis plus typée. L’intégration passe beaucoup par le physique, vous savez…»

Après sa scolarité obligatoire, Marta veut étudier. Pour convaincre son père, elle lui assure qu’il n’aura pas un sou à débourser. «J’ai commencé à travailler deux week-ends par mois, avec ma sœur Cristina, au restaurant Manor à Monthey. J’ai aussi reçu une bourse d’études et j’ai pu entrer au collège de Saint-Maurice. J’ai décroché une maturité en socio-économie. C’était l’équivalent d’un CFC de commerce, même plus, cela me donnait accès au monde du travail.» Pragmatique, elle renonce à devenir styliste, une carrière trop incertaine. Elle écarte aussi les études de droit, trop chères, trop longues. Pourtant, elle s’octroie une «folie», par passion: étudier l’histoire de l’art à l’Université de Lausanne, même si les débouchés sont rares. Car elle a toujours à cœur d’accéder à l’indépendance. «Ma mère travaillait à plein temps, même avec quatre enfants. Elle était secrétaire. Elle a dû arrêter ses études tôt, puisqu’elle m’a eue à l’âge de 17 ans. Je savais qu’il fallait réussir professionnellement pour avoir cette liberté que je n’avais pas vue chez elle.»

Mémoire et brevet

Pendant qu’elle écrit un mémoire sur la propagande royale dans l’art sous Louis XIV (il y était déjà question d’un château, Versailles), elle est engagée à 100% comme assistante de direction et comptable dans un cabinet de fiscalistes. Après sa licence en lettres, elle passe un brevet fédéral en finance et comptabilité en un an et demi. Et elle découvre, dans le quotidien 24 heures, une annonce pour un poste d’adjoint à la direction de Chillon. «Je me suis dit: c’est pour moi. Il fallait quelqu’un de passionné par l’histoire, capable de mettre en place l’administration, la comptabilité et les ressources humaines du château, devenu une fondation en 2002.» Robert Herren, ancien intendant, l’engage.

Avec Jean-Pierre Pastori, arrivé en 2008, elle relève le défi de réintéresser les Suisses au château. Elle s’occupe des expositions temporaires, lancées en 2008, crée la boutique intérieure et s’attache à accueillir les différents publics. Car on ne raconte pas le château de la même manière à un Chinois ou à un Américain. Les chiffres sont éloquents: entre 2003 et 2013, le nombre de visiteurs suisses a plus que doublé, pour atteindre les 84 000 entrées. Le nombre global des visiteurs est passé de 246 834 à 348 647. Les recettes, elles aussi, ont doublé. Cette manne est capitale, puisque Chillon s’autofinance en grande partie.

Ses trois sœurs ont toutes plusieurs enfants. Pas Marta. Elle a préféré rester libre de se consacrer à sa carrière. «Quand je rentre chez moi le soir, très fatiguée, je n’ai pas d’autres devoirs. Mais je m’occupe volontiers de mes neveux. Je leur fais tester les activités du château. Pareil pour les enfants de mon ami. Ils se sentent chez eux à Chillon.»

Pendant ses loisirs, elle peint ou lit des thrillers policiers en anglais, des histoires de vampires. Toujours active et bricoleuse, elle peut passer des soirées à coller de petits rectangles de papier pour décorer la vitrine d’une exposition temporaire. «Petite déjà, elle était très vive et dirigeait ses sœurs, se souvient sa mère, Julia Abreu. Cela n’a pas toujours été facile avec le papa de Marta. Il y a une histoire familiale compliquée. Je ne peux pas vous en parler. Mais si Marta a eu du chagrin, elle a toujours trouvé des solutions. Elle a une force intérieure. Je suis tellement fière d’elle et de ce qu’elle a accompli!»

Jean-Pierre Pastori n’est pas avare d’éloges non plus. «Elle est exceptionnelle. Sans elle, je ne serais pas parvenu à réaliser autant de choses à Chillon.» S’il ne comprend pas pourquoi elle n’a pas demandé la nationalité suisse, il se réjouit du symbole que représente sa nomination: «C’est un signe d’ouverture. Ce n’est pas au Louvre qu’on nommerait une directrice portugaise!»

Une sirène

Chillon n’est pas un monument banal, c’est un symbole. Très engagée dans la Fondation du château, Danielle Chaperon, professeur de français moderne à l’Université de Lausanne, est peut-être une des expertes qui en parle le mieux: «Chillon est changeant, comme le lac. A la fois villa et prison, ouvert et fermé… Ses tours sont phalliques alors que son plan s’apparente à l’ovale ou à la mandorle d’un sexe féminin, comme un écho à la forme même du lac… C’est un lieu fondamentalement ambigu, ce qui en fait tout l’intérêt.» Passionnée, elle se réjouit de la nomination de la nouvelle «châtelaine», qu’elle côtoie depuis ses débuts. «Marta dos Santos réunit, elle aussi, des qualités souvent contradictoires: le pragmatisme de la gestionnaire et la sensibilité de l’historienne de l’art. C’est miraculeux. Cette femme est une chimère. Une sirène.» Chillon a trouvé sa châtelaine.

julien.burri@hebdo.ch


Marta Dos Santos

Née à Covilhã, au Portugal, en 1973, elle est l’aînée de quatre filles. Elle rejoint ses parents en Valais en mars 1987. Licenciée en histoire de l’art, elle devient directrice adjointe de la Fondation du château de Chillon en 2002. Depuis, elle a su relever plusieurs défis, dont l’accueil massif des touristes chinois.

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Darrin Vanselow
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La révolution à reculons

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Jeudi, 22 Mai, 2014 - 05:54

Décodage. Virage maîtrisé ou dérapage incontrôlé? La sortie du nucléaire suscite un vif débat qui ne fait que commencer.

Depuis que le Conseil fédéral a décidé de s’affranchir du nucléaire après l’accident de Fukushima au Japon, un très long marathon a commencé: celui d’une toute nouvelle stratégie à l’horizon 2050. Un immense chantier que ce virage énergétique qui est en fait une véritable révolution impliquant la révision d’une dizaine de lois.

Le dossier enflamme les esprits, surtout dans le monde économique qui redoute que cette stratégie ne constitue un frein à la croissance. C’est précisément l’un des thèmes phares du prochain Forum européen de Lucerne*, dont L’Hebdo est partenaire, qui se tiendra le 26 mai.

Sur un point au moins, tout le monde est d’accord. Les énergies renouvelables créent des emplois: 6,5 millions dans le monde entier, selon l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (Irena). En Suisse, une étude mandatée par l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) datant de 2012 cite le chiffre de 22 800 emplois. Selon cette source, les sociétés travaillant dans les énergies renouvelables ont exporté pour 3,2 milliards de francs de biens et services en 2010. Un résultat encore modeste, mais qui pourrait doubler à l’horizon 2020.

Nouvelles technologies

«Le virage énergétique est une chance sur deux plans», relève le directeur de l’OFEN, Walter Steinmann, l’un des invités du débat à Lucerne. D’une part parce qu’il lance un vaste programme d’assainissement des immeubles, permettant ainsi de notoires économies d’énergie. Et d’autre part parce qu’il dope le développement de nouvelles technologies.

Malgré toutes les tergiversations du monde politique pour accoucher de cette réforme historique, les chercheurs travaillent d’arrache-pied en aval. C’est ainsi que l’EPFL vient d’annoncer une percée encourageante relative au stockage du solaire et de l’éolien en planchant sur un piston hydraulique. Le système est prêt à être industrialisé et sera testé à la centrale photovoltaïque de Mont-Soleil, dans le Jura bernois.

Sur le plan des coûts des mesures prévues, deux bureaux d’experts (Prognos et Consentec) les ont estimés à 39 milliards de francs, soit une baisse de 0,2% du PIB. «C’est supportable pour l’économie», tranche le département de la ministre de l’Energie, Doris Leuthard.

Ces chiffres sont pourtant controversés. Les électriciens les jugent sensiblement plus élevés, tout comme le délégué à la surveillance des prix, Stefan Meierhans. L’une des mesures concerne la rétribution au prix coûtant (RPC), une taxe verte qui renchérit le kWh de 0,6 centime actuellement, mais qui pourrait passer à 1,1 centime en 2015 si le Conseil fédéral en décide ainsi, voire à 1,5 centime plus tard. «Le virage énergétique risque de coûter plus cher que nécessaire, cela au détriment des consommateurs», s’est alarmé Monsieur Prix.

Autre orateur de Lucerne, l’ancien responsable de l’Energy Center de l’EPFL, Hans Björn Püttgen, s’avoue lui aussi très sceptique quant au chemin emprunté pour s’affranchir du nucléaire par le biais de la RPC notamment. «C’est une erreur de subventionner de nouvelles centrales éoliennes et solaires sans se soucier du problème du stockage. Il faudrait plutôt encourager les investissements dans la production et le stockage, notamment pour l’énergie hydraulique», déclare le professeur honoraire de l’EPFL.

Pour le reste, il suggère de mettre l’accent sur le solaire thermique pour l’eau chaude sanitaire et le chauffage des bâtiments, ce qui réduira la consommation d’énergies fossiles. Pour lui, la stratégie de Doris Leuthard se focalise beaucoup trop sur l’électricité, qui ne représente que 25% de la consommation finale d’énergie en Suisse.

Les affaires reprennent

Qu’en pense un homme du front invité à Lucerne, qui, lui, doit se battre au quotidien sur un marché de plus de plus globalisé et volatil dont les acteurs doivent sans cesse s’adapter aux nouvelles conditions-cadres? CEO de l’entreprise biennoise Sputnik Engineering, Christoph von Bergen se dit confiant, mais reste prudent. «Les affaires reprennent sur nos principaux marchés», note-t-il avec satisfaction. En raison de la chute des prix mondiaux et de chantiers interrompus, l’année 2013 déficitaire a été marquée par une impérieuse restructuration pour cette société qui reste l’un des leaders mondiaux dans les onduleurs photovoltaïques avec ses 300 collaborateurs.

Christoph von Bergen est persuadé que l’avenir appartient aux énergies renouvelables, et au solaire notamment, dont le prix ne cesse de baisser: «Il oscillera entre 10 et 15 centimes par kWh dans dix ans», pronostique-t-il. Soit plus très loin du nucléaire, dont le vrai prix reste l’objet d’interminables controverses.

michel.guillaume@hebdo.ch
* www.europa-forum-luzern.ch

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