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Une ancienne du Bondy Blog soulève le voile des musulmanes

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Jeudi, 21 Mai, 2015 - 05:50

 

Rencontre. La journaliste française Faïza Zerouala publie un livre consacré à «celles qu’on n’entend jamais»: les femmes voilées.

Elles ont entre 18 et 58 ans, habitent en France, sont blogueuse, étudiante, autoentrepreneuse, commerçante en ligne ou lycéenne, enseignante ou mère au foyer. Elles portent différentes sortes de voiles, du moins au plus couvrant, qui ont pour nom hijab, jilbeb, niqab et sitar. En tout dix femmes, dont une convertie. Une variété de profils et de situations que pas grand-chose, au fond, ne réunit, sinon la foi en Dieu et le port d’un vêtement se référant à l’islam – le voile unique, ça n’existe pas.

Ces musulmanes se sont confiées à la journaliste Faïza Zerouala, qui a rassemblé leurs témoignages dans un livre, Des voix derrière le voile. Toutes déclarent le porter par choix. Personne, dans leur entourage familial, ne les y a obligées. Au contraire, certaines se sont attiré les reproches ou les mises en garde de parents craignant pour la scolarité ou l’emploi de leur fille. L’ouvrage qui leur est consacré se propose de «donner la parole» à celles dont «on parle en permanence sans jamais les entendre», en tout cas, pas avec cette qualité d’écoute.

Si l’oreille de l’auteure est amicale, sa plume n’est ni hostile ni complaisante. Elle restitue un ensemble hétérogène de convictions, de lassitudes, de révoltes, celles de ses interlocutrices. «Etre musulman, aujourd’hui en France, c’est compliqué», constate Faïza Zerouala, qui se définit comme «femme, journaliste, Française, fille d’Algériens et musulmane». Compliqué, ça l’était déjà avant les attentats des 7, 8 et 9 janvier; depuis, manifestement, ça l’est davantage. Ce n’est pas une raison pour baisser les bras, et encore moins pour tomber le voile, sauf lorsque cela se révèle nécessaire, sur son lieu de travail par exemple. «On sous-estime beaucoup la capacité des musulmanes voilées à composer avec la réalité, relève l’auteure. Elles trouvent généralement des parades de manière à ne pas s’exclure de la société.»

Crise de l’islam

S’il y a communauté de foi entre les dix femmes présentes dans le livre, il n’y a pas entre elles de manière commune d’être et de croire. «C’est un islam un peu bricolé», explique Faïza Zerouala. Aussi le livre dit-il autant sinon plus de la crise de l’islam contemporain que de la difficulté d’être musulmane et voilée en France. On a l’impression de femmes sans véritable colonne vertébrale théologique. Cela ne les empêche pas d’être sereines ou d’avoir la pêche mais, le plus souvent, c’est l’inquiétude ou l’inconnu qui pointe chez elles. Bien peu de ressemblance, finalement, entre le hijab d’Aïssa, la lycéenne de 18 ans en mode born again, et celui de Nawel, femme de ménage de 58 ans, qui a décidé de se couvrir les cheveux, comme le veut la «tradition» quand on a passé le cap d’un certain âge. Porter le voile? «Je n’y ai jamais songé, affirme Faïza Zerouala. Je n’ai pas de problème avec mon identité, je pense en avoir fait le tour.»

Diplômée d’une école de journalisme, Faïza a d’abord été blogueuse au Bondy Blog, le média en ligne créé par L’Hebdo pendant les émeutes des banlieues de 2005 (lire encadré). «Mes tweets (drôles et féroces, ndlr) sont comme le marché du travail, ils n’engagent personne», a-t-elle mis en exergue sur son compte Twitter, en route vers les 10 000 followers. Comme quantité de journalistes, elle se débrouille, travaille au Monde l’été – juillet et août derniers, avec les répercussions à Paris de la guerre à Gaza, furent chargés. Le 7 janvier, elle était en train d’écrire un article pour le Bondy Blog sur le livre de Michel Houellebecq, Soumission, lorsque I-Télé, qu’elle entendait d’une oreille, a annoncé qu’une fusillade avait éclaté à la rédaction de Charlie Hebdo. Le soir, elle se rendait avec des milliers d’autres personnes place de la République, à Paris, pour un premier hommage aux victimes. «Je n’ai finalement pas écrit l’article sur le livre de Houellebecq, que je n’ai pas aimé, ça manque d’une subtilité folle.»

Insupportable «mépris de classe»

Un père ouvrier chez Renault aujourd’hui à la retraite, une mère qui a travaillé comme cuisinière, deux sœurs, un frère, Faïza Zerouala ne supporte pas «le mépris de classe et la condescendance. Elle voue son admiration à Camus, notamment pour ses pages sur Tipaza, dans Noces, et pour son livre majeur, Le premier homme. «Camus colonisateur, comme le lui reprochent certains? Non, tranche-t-elle. Il vient tellement de tout bas, il n’a rien à voir avec le colon. Jusqu’à 8 ans, au début de la guerre civile en 1992, j’allais tous les ans en vacances en famille en Algérie, l’été, près de Blida. J’y suis retournée pour la première fois l’année dernière. Petite, là-bas, je mangeais les figues à même l’arbre. J’ai toujours gardé en moi le goût des figues d’Algérie, les meilleures qui soient.» Persévérante, Faïza a déniché un parfum qui rend celui de la feuille de la figue au moment où on la cueille. Avec cela, l’identité ne peut pas être tout à fait malheureuse.

«Des voix derrière le voile». De Faïza Zerouala, Ed. Premier Parallèle, 255 p. www.premierparallele.fr


Epilogue du drame à l’origine du Bondy Blog

«Injustice d’Etat, de race et de classe»: sous le hashtag #ZyedEtBouna, la twittosphère s’est emballée, lundi 18 mai dans l’après-midi, sitôt connue la relaxe prononcée par le Tribunal correctionnel de Rennes en faveur des policiers jugés pour non-assistance à personnes en danger.

Zyed Benna et Bouna Traoré sont les deux adolescents morts par électrocution dans l’enceinte d’un transformateur EDF le 27 octobre 2005 à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis. Ils s’étaient cachés là, ayant à leurs trousses la brigade anticriminalité qui les soupçonnait – à tort – d’avoir participé à un cambriolage. Une course poursuite de plus en banlieue, qui se termina par un drame. Cet événement tragique fut le déclencheur d’émeutes urbaines qui enflammèrent la France trois semaines durant. Le Bondy Blog, média en ligne créé par L’Hebdo, naquit de ces troubles.

La décision du tribunal rennais met fin à l’action pénale. Les parents, les proches et les nombreux soutiens des deux jeunes victimes espéraient un jugement, même modéré, qui reconnût que la police avait manqué à ses devoirs en ne se portant pas à leur secours. Le FN et la frange «décomplexée» de l’UMP se sont réjouis à l’inverse de ce dénouement judiciaire, les socialistes étant dans l’embarras.

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Claire Moliterni
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