Alexandre Babin
Zoom. Boire un verre en caressant un félin? Importé d’Asie, le concept se développe en Europe. Et a séduit une Genevoise. Un phénomène qui vise avant tout à assouvir un besoin humain.
Lyon, Montpellier, Bruxelles ont déjà un bar à chats. Genève suivra-t‑elle le mouvement? Très populaires au Japon, ces établissements, qui permettent à leurs clients d’interagir avec une demi-douzaine de matous indolents tout en dégustant un café, rencontrent un succès inattendu en Europe: peu après l’inauguration du Café des Chats à Paris en 2013, il fallait réserver plus de deux semaines à l’avance pour pouvoir y prendre un verre! Ce qui a donné l’envie à une Genevoise d’importer la formule en Suisse.
«L’objectif est d’offrir une retraite tranquille à de vieux chats», argumente Daniela Agres, l’initiatrice du premier bar à chats de Suisse. L’ouverture de ce lieu, qui fera à la fois office de café et de librairie, est prévue pour la fin de l’été. Un projet qui a d’ailleurs rencontré un écho favorable.
Mais les quelques milliers de francs réunis jusqu’à présent à travers une campagne de financement participatif restent insuffisants. Daniela Agres estime qu’elle doit réunir 450 000 francs pour ouvrir son établissement. «Je suis de nature optimiste, donc j’estime qu’il y a 90% de chances que le projet se concrétise.»
Si le premier bar à chats a été créé en 1998 à Taïwan, c’est cependant au Japon que le phénomène s’est amplifié, avec pas moins de 150 établissements inaugurés depuis 2004. «Ce concept est très populaire dans ce pays, car les animaux domestiques sont souvent interdits dans les appartements, explique la Japonaise Takako Ishimitsu, gérante du bar à chats Cafe Neko, à Vienne.
Parmi les clients, il y en a dont le colocataire est allergique aux matous, des personnes âgées qui ne veulent pas acheter de félins de peur de décéder avant.» Et les expatriés constituent aussi une clientèle fidèle: Takako Ishimitsu se souvient d’un Chinois qui est revenu au bar tous les jours pendant six mois.
«Le succès des bars à chats est symptomatique de l’évolution du rapport de l’humain aux animaux, analyse le sociologue français Jérôme Michalon*. L’apparition des animaux domestiques est assez récente.
Elle s’est accompagnée de l’émergence d’une économie concentrée sur certaines espèces, tels que les chiens ou les chats.» Une tendance perceptible à travers la multiplication des assurances santé ou des salons de massage destinés aux animaux de compagnie. Autre exemple: l’ouverture récente d’une pension haut de gamme pour chats en France voisine, avec bar à croquettes, webcam et fontaine à eau.
Ronronthérapie
Les bars à chats, avant d’être des lieux de culte voués aux félins, assouviraient surtout un besoin humain, précise encore Claudine Burton-Jeangros, sociologue à l’Université de Genève. «La popularité de ce concept dénote un individualisme exacerbé: le rapport à l’animal est adapté aux attentes du consommateur.»
C’est-à-dire les gens qui apprécient les félins mais veulent éviter les contraintes liées à la possession. Un palliatif qui n’est pas gratuit. Au Japon, il faut par exemple compter entre 10 et 15 francs par heure passée en compagnie des chats.
Selon Jérôme Michalon, la fréquentation d’un bar à chats peut être une étape préalable à l’adoption. Mais gare aux désillusions! Les félins présents, souvent récupérés dans des refuges, sont sélectionnés sur des critères très précis.
Ils sont plutôt âgés, et donc plus calmes, et ne rechignent pas à se faire caresser par des humains. Un casting nécessaire, car les bars à chats mettent en avant les effets bienfaisants du ronronnement des félins, aussi nommés «ronronthérapie».
«Beaucoup de recherches, sur les chiens comme sur les chats, montrent que caresser un animal peut avoir des effets bénéfiques, notamment sur le système cardio-vasculaire», corrobore Jérôme Michalon.
Dans le sillage des bars à chats, plusieurs concepts insolites sont expérimentés, notamment à Londres. Dans la capitale anglaise, il est aujourd’hui possible de siroter un cocktail en compagnie de chouettes ou de renards.