Décodage. Le Louvre, l’Ermitage ou le Guggenheim se délocalisent à grand train. Pour des raisons économiques et de rayonnement culturel.
Le 28 mars dernier, le Centre Pompidou a ouvert sa première antenne internationale à Malaga en Espagne. Un élégant rectangle enterré surmonté d’un cube multicolore conçu par Daniel Buren. Déjà décentralisé à Metz depuis 2010, le Centre Pompidou prend le pas sur d’autres grandes institutions.
Comme le Guggenheim, l’Ermitage ou le Louvre, qui doit ouvrir un musée à Abou Dabi à la fin de l’année.
Franchises
Ces délocalisations obéissent peu ou prou au même modèle: le musée vend son nom, comme une marque, et prête ses œuvres à une nouvelle institution financée par des autorités locales. C’est le cas à Malaga.
Contre un million d’euros par an, la ville andalouse bénéficiera d’un choix d’une centaine d’œuvres renouvelables pendant cinq ans. A Abou Dabi, la franchise du Louvre court sur trente ans, moyennant 400 millions d’euros et des prêts de peintures ou sculptures pendant dix ans.
Ensuite, le «Louvre des sables » exposera ses propres pièces acquises avec l’aide des experts du musée parisien.
Ces grandes institutions trouvent dans l’ouverture de succursales un moyen de compenser la baisse des aides publiques. Ou, lorsqu’ils sont privés comme la Fondation Guggenheim, de renflouer leurs propres caisses. L’exercice est aussi diplomatique, lié au rayonnement culturel d’un pays à l’étranger.
Pompidou à Malaga, le Louvre et le Guggenheim dans les Emirats, c’est l’incarnation d’un soft power qui tire parti de l’emprise croissante de la culture sur le tourisme mondialisé. Pour la Russie, implanter l’Ermitage à Amsterdam, bientôt à Barcelone ou dans les ex-républiques de l’URSS, c’est corriger l’image négative du pays.
Et la Suisse? La Fondation Beyeler, par exemple, songerait-elle à lancer un satellite à l’étranger? «Non, répond Sam Keller, directeur de l’institution bâloise. La Fondation Beyeler suit une autre voie: nous n’exportons pas de hardware, mais du software, c’est-à-dire notre compétence.»