Thomas Pfefferlé
Eclairage. Avec une centaine d’écoles privées en Suisse romande, le choix d’un établissement peut devenir un casse-tête pour les parents. Pédagogies spéciales, activités parascolaires, diplômes internationaux, structures d’accueil après les cours, internat ou encore externat: l’offre est pléthorique. Avant de prendre une décision, il est nécessaire de considérer plusieurs points essentiels. Les voici.
1. Le budget
Le prix des écolages varie fortement d’un établissement à l’autre. Le plus souvent, il sera disponible sur le site de l’école en question. A titre d’exemple, il faut débourser entre 15 000 et 18 000 francs par an à l’Ecole Benedict, située à Genève, de 16 300 à 23 800 francs à l’Ecole Moser, implantée à Genève et à Nyon, et au-delà de 100 000 francs l’année en internat au Rosey, à Rolle et à Gstaad, pour les enfants à partir de 12 ans.
«Lorsqu’on calcule son budget, il ne faut pas oublier de tabler sur le long terme, note Isabel Pérez, qui dirige l’école IP Coaching, à Lausanne, un établissement de soutien scolaire et de conseil aux parents. Généralement, je recommande de prévoir un budget pour une période de trois à cinq ans.
Inscrire son enfant dans un établissement pour une durée inférieure ne fait pas grand sens. L’enseignement se révèle plus bénéfique dans la continuité et, pour un jeune étudiant, il est important de pouvoir nouer des liens avec ses camarades de classe.»
2. Le statut de l’école
Avant d’opter pour un établissement, il convient de s’assurer qu’il soit bien homologué. Un conseil: choisir une école membre des associations faîtières comme l’Association vaudoise des écoles privées (AVDEP) ou l’Association genevoise des écoles privées (AGEP). «Pour devenir membre, les établissements doivent remplir un certain nombre de critères et d’exigences, comme engager des professeurs qualifiés, assurer le suivi de leurs compétences, valoriser le plurilinguisme chez les élèves ou encore assurer la préparation des objectifs exigés par les plans d’études, indique Pierre-Antoine Hildbrand, secrétaire général de l’AVDEP. Ainsi, nous mettons en avant la qualité de leur enseignement et le sérieux de leur offre.»
Une garantie qui permettra aux parents d’éviter de subir la mésaventure de ceux qui, il y a quelques années, avaient inscrit leur enfant au Lycée français de Genève. En janvier 2009, l’établissement, qui n’était pas membre de l’AGEP ni reconnu par l’Etat français, avait fermé ses portes du jour au lendemain pour des raisons financières. Une vingtaine d’enseignants et 40 étudiants le fréquentaient.
3. Les diplômes délivrés
Les écoles privées décernent plusieurs types de diplômes. L’Ecole Moser, par exemple, propose la maturité fédérale avec option bilingue français-allemand ou français-anglais. Son entité genevoise planche sur la possibilité d’ouvrir un programme de préparation à la maturité cantonale dès la rentrée de septembre.
Un diplôme qui implique les mêmes personnes comme professeurs et examinateurs, plus de poids accordé au travail de maturité et un programme d’examens propre à l’établissement. Les deux titres permettent d’intégrer toutes les universités et hautes écoles suisses, européennes et américaines. Ils exigent d’obtenir la moyenne dans les cinq matières principales.
Le Rosey, comme beaucoup d’autres établissements, délivre le baccalauréat français et international, également avec option bilingue. Ces diplômes donnent aussi la possibilité de rejoindre les universités suisses, européennes et américaines.
Les universités suisses demandent toutefois aux titulaires d’un baccalauréat français de passer des examens d’entrée, sauf si l’étudiant a obtenu la mention. Par ailleurs, pour l’obtention du baccalauréat international, il est possible de compenser les moyennes de certaines matières avec d’autres et les branches sont moins nombreuses que pour la maturité.
En fonction des disciplines choisies et des notes obtenues, il est parfois nécessaire de passer un examen d’entrée pour certaines universités.
D’autres établissements, comme l’Institut Monte Rosa, à Montreux, proposent des cursus anglo-américains qui permettent d’intégrer les universités britanniques et américaines. En revanche, pour ceux qui souhaitent se diriger vers une université suisse, il leur faudra suivre une passerelle dans un établissement comme l’Ecole de préparation et soutien universitaire (EPSU), à Genève.
4. Une école internationale ou suisse?
En Suisse romande, les écoles internationales sont nombreuses. Ces établissements présentent l’avantage d’offrir une richesse culturelle et des occasions d’échanges internationaux à leurs étudiants grâce aux différentes nationalités qui y sont représentées.
En revanche, les élèves qui les fréquentent ne restent souvent qu’un ou deux ans, dans le cas où leurs parents travaillent temporairement en Suisse. Il est donc plus difficile d’y nouer des liens de longue durée. Les écoles plus ancrées en Suisse accueillent souvent des élèves pour toute la durée de leur scolarité, ce qui peut par ailleurs permettre un meilleur suivi dans l’enseignement.
5. Une éducation stricte ou libertaire?
En termes de discipline, les écoles privées n’adhèrent – de loin – pas toutes à la même philosophie. D’un côté, on trouve des établissements au code de conduite strict, comme Le Rosey. «Chez nous, il y a trois règles à ne jamais transgresser, trois interdictions: la consommation de drogues, faire le mur et le vol, explique Nathalie Eynard, directrice des admissions.
Ces fautes sont sanctionnées par un renvoi immédiat. Nous menons des contrôles de la salive de manière aléatoire, pour s’assurer de l’absence de stupéfiants. Pour des retards en cours ou une chambre non rangée, l’élève restera travailler le samedi matin ou aidera les femmes de ménage le samedi après-midi.»
A l’inverse, certaines écoles, comme la Mutuelle d’études secondaires, à Genève, n’appliquent pas directement de sanctions, mais cherchent plutôt à responsabiliser l’élève. «Pour nous, il est important d’établir une relation de confiance avec les étudiants, dit Nathalie Le Testu, directrice administrative. Je ne sais pas si l’autorité et l’interventionnisme ont vraiment une grande utilité.
Bien sûr, il est important de leur inculquer certaines valeurs, dont le respect et la rigueur. Mais, pour moi, les jeunes ont surtout besoin de trouver un climat d’écoute et de confiance. Chacun a sa méthode.»
Par ailleurs, l’établissement s’adapte aux spécificités de chaque élève, en prenant en compte son emploi du temps. «Par exemple, une de nos étudiantes fait partie de l’équipe suisse de ping-pong. Le vendredi, nous lui permettons de s’absenter afin qu’elle puisse se rendre à son entraînement.»
Dans les écoles Rudolf Steiner de Lausanne et de Genève, les notes ne sanctionnent pas les élèves. «Jusqu’à la fin de la scolarité obligatoire, elles sont données à titre indicatif, explique Nicole Sauthier, responsable administrative. Dans un système où les résultats peuvent permettre de passer l’année ou au contraire faire redoubler, l’élève est mis sous tension.»
En outre, ces écoles accordent une grande importance aux travaux artistiques et manuels, au moyen de cours de musique et de théâtre, ainsi que d’ateliers de travail du bois et du cuivre.
6. Les langues
L’enseignement des langues constitue l’une des principales forces des établissements privés. Presque tous offrent des cursus bilingues ou, au minimum, des cours de langues. L’Ecole nouvelle de la Suisse romande, à Lausanne, donne par exemple des cours de russe. Le Collège du Léman enseigne le chinois.
Au Rosey, environ 20 langues sont proposées, dont l’arabe, le bulgare ou encore le japonais. L’Ecole Moser insiste pour sa part sur l’anglais et l’allemand, disposant d’ailleurs d’une école à Berlin, ce qui lui permet d’organiser des échanges linguistiques.
Dans les établissements Rudolf Steiner, l’apprentissage de l’allemand et de l’anglais est obligatoire dès l’âge de 6 ans. Ces écoles, présentes un peu partout dans le monde, permettent également à leurs élèves de voyager durant trois à cinq mois pour parfaire leurs compétences linguistiques.
7. quelle pédagogie pour les difficultés d’apprentissage?
Grâce à une approche pédagogique attentive et personnalisée, certaines écoles privées offrent des cursus adaptés aux élèves pour lesquels l’apprentissage représente une difficulté particulière. «A Lausanne, l’Ecole la Garanderie, l’Ecole du Valentin et l’Ecole Vinet offrent par exemple des approches spécifiques de l’enseignement qui facilitent les études», indique Isabel Pérez.
Ces établissements se fondent sur la méthode pédagogique introspective des gestes mentaux élaborée par Antoine de la Garanderie. «Elle consiste à faire prendre conscience à l’enfant de ce qui se passe en lui lorsqu’il est en situation de réussite scolaire, explique Laurent Kromer, directeur de l’Ecole la Garanderie.
Nous proposons aussi des programmes personnalisés et adaptés aux points forts et au rythme de chaque élève, en prenant ses différences comme une richesse.»
«A l’Ecole Vinet, nous pratiquons la gestion mentale, déclare la directrice, Bernadette Kaba. Nous partons de l’idée que, pour l’enfant, la compréhension dépend de son vécu. Il s’agit de s’assurer que les étudiants assimilent véritablement le savoir qui leur est transmis, en ayant une attention spéciale pour chacun d’entre eux. De cette façon, nous permettons à l’élève d’accroître la confiance qu’il a en lui.»
Ces méthodes se révèlent particulièrement adaptées pour des enfants dyslexiques ou à haut potentiel, dont le QI est élevé et qui sont très performants dans une matière, mais éprouvent des difficultés dans d’autres branches.
Dans le canton de Genève, à Vésenaz, l’Ecole La Passerelle accueille des élèves qui ont rencontré des difficultés scolaires dans le cursus public et qui n’ont pas encore choisi leur future orientation.
Sommaire :
Ecoles: le privé parfois moins cher que le public
Quelle école privée pour mon enfant?