Zoom. Ceux qui pensent que, pour le candidat républicain à la présidentielle Jeb Bush, son frère George W. constitue un boulet ne connaissent pas le problème du clan Clinton.
Ansgar Graw
Hillary Clinton a deux frères. Son mari Bill un demi. Si l’ancienne First Lady devait faire son entrée dans le bureau ovale en 2016 et si l’ancien président l’accompagnait à Washington, il se peut que leurs frères occasionnent des migraines au futur chef du protocole de la Maison Blanche. Le nom de code «Headache» (mal de tête) était d’ailleurs utilisé par les agents du Secret Service quand Roger, le demi-frère de Bill, annonçait sa venue au 1600, Pennsylvania Avenue NW.
Musicien ambitieux mais condamné à l’insuccès, comédien plein de bonne volonté mais cantonné aux séries B, homme d’affaires bourré d’idées mais malchanceux, Roger Clinton est un invétéré touche-à-tout. Même à la drogue. Quand il était encore gouverneur de l’Arkansas, en 1985, Bill Clinton a déjà eu l’infortune de voir son demi-frère, de douze ans plus jeune, tomber aux mains de la police pour trafic de cocaïne et passer une année à l’ombre. Et à la fin de son second mandat, le président – que Roger surnommait «Big Brother» en un mélange manifeste d’admiration et de jalousie – a fait usage de ses pouvoirs spéciaux pour effacer la condamnation du casier judiciaire.
Plus tard, Roger a profité de la présidence de son grand frère pour monnayer des conférences. Il devait ainsi toucher 10 000 dollars pour chacune des cinquante interventions programmées. Mais l’aventure oratoire se termina à la dixième tentative: il était censé parler 30 minutes et en était déjà à 50 quand, dans l’assistance, une dame l’interrompit pour lui faire remarquer qu’il n’était ni coiffé ni lavé, habillé de manière négligée. Elle lui demanda de cesser de faire honte à son frère.
Il a encore encaissé de l’argent ainsi qu’une Rolex auprès de délinquants contre la promesse de demander leur grâce au président. Et reçu 100 000 dollars d’une entreprise de construction de Houston après lui avoir fait miroiter un contrat avec la Fondation Clinton pour la livraison de maisons préfabriquées au lendemain du séisme qui toucha la Californie en 2010. L’affaire ne s’est jamais conclue.
Reste que Bill Clinton a toujours défendu son «First Brother» et l’a généreusement subventionné par le biais de la Fondation Clinton. Il se sent manifestement responsable de son cadet. Le père de Bill étant mort dans un accident de voiture, sa mère s’est alors remariée. Mais le second époux était un alcoolique qui battait sans cesse son épouse et leur fils Roger. Bill menaçait souvent son beau-père pour protéger le petit.
A chacun son fardeau
Hillary Rodham Clinton a deux frères cadets, l’avocat Hugh et le détective privé occasionnel Tony Rodham. L’un et l’autre sont parvenus à déclencher tout un imbroglio diplomatique en utilisant, dans les années 90, le nom de leur illustre beau-frère pour goupiller un commerce de noisettes avec l’ex-République soviétique de Géorgie. Leur partenaire d’affaires était un farouche opposant d’Edouard Chevardnadze, président géorgien et ex-ministre soviétique des Affaires étrangères, un allié crucial des Etats-Unis. Le Département d’Etat a dû intervenir deux fois avant que les deux frères ne renoncent à leur business.
Hugh Rodham a, en plus, empoché 400 000 dollars d’un client pour obtenir la grâce présidentielle. «J’aime mon frère, s’excusa la First Lady, mais je suis très déçue de ce grave impair.»
L’écrivaine Sally Bedell Smith a décrit de façon éloquente le style de Hugh Rodham, qui utilisait la Maison Blanche comme dortoir. «Il cultivait une tenue vestimentaire très négligée, portait des shorts imprimés de balles de golf et un T-shirt. Les gens apparaissaient en grande tenue aux dîners et Hugh, lui, se pavanait en short avant de s’endormir.»
Tony Rodham avait lui aussi ses aises à la Maison Blanche. Avec sa femme, il a même emménagé quelque temps à la résidence. Les observateurs se souviennent que, à la fin du mandat présidentiel, il avait fait enlever autant de cartons de déménagement que le couple Clinton.
© Welt am Sonntag
Traduction et adaptation Gian Pozzy